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Entre conversion et ruptures : étude des population végétariennes.

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par Kévin Aubert
Université de Picardie Jules Verne - Master de sociologie 2015
  

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Chapitre 2 - Entrée dans une carrière et justifications

Ce deuxième chapitre a pour but de comprendre pourquoi et comment l'individu est amené à s'inscrire dans une nouvelle carrière. Il s'agit donc d'appréhender le comment devient-on végétarien, végétalien ou végan ? et comment le reste-t-on ? A travers son approche interactionniste de la déviance, Howard Becker identifie dans Outsiders trois phases constituant la carrière déviante :

1. La transgression d'une norme dominante

2. Cette transgression devient déviante quand il y a une désignation publique

3. L'adhésion dans un groupe déviant organisé, justifiant l'engagement de l'individu dans la carrière. Ici l'adhésion dans un groupe déviant peut être reliée aux sociabilités virtuelles. Nous verrons qu'elles ont une place importante dans le maintien des individus dans des pratiques déviantes.

Dans ce courant interactionniste, la pratique des végétarismes peut être considérée comme une déviance puisqu'elle est marginalisée dans la société française. En effet, ces types de populations se voient étiquetés comme déviants par la société en raison de ses pratiques extérieures à la norme dominante qui est celle de la consommation de produits d'origine animale. En ce sens, ce ne sont pas les pratiquants qui sont déviants mais c'est par le prisme de la société qu'ils le deviennent. Cette stigmatisation peut induire chez les pratiquants d'une alimentation non-carnée une redéfinition de leur statut social et des effets sur leur identité, c'est-à-dire la façon dont ils se perçoivent socialement et personnellement, sur leur intégration dans la société, sur leurs relations... Par conséquent, les pratiquants sont amenés à s'inscrire dans une nouvelle carrière. En continuant dans le sens de Becker, il est nécessaire pour les individus de passer par différentes phases pour s'engager pleinement dans une carrière des végétarismes : ils doivent dans un premier temps apprendre la technique qui permettra de produire différents effets qui vont eux-mêmes produire un changement dans la perception de la pratique ; à la suite de cela, ils doivent passer par l'apprentissage de la perception que les effets peuvent avoir sur eux (bienfaits de l'alimentation végétale...) ; ils doivent finalement passer par un apprentissage du goût pour les effets, c'est-à-dire que si certains aliments étaient auparavant considérés comme mauvais, les individus doivent donc passer par une redéfinition de leurs sensations pour que la représentation de ces goûts changent pour y intégrer ces aliments.

Le deuxième chapitre s'articule donc autour de deux tendances : la justification de la conversion et une sociabilité virtuelle comme condition d'entrée dans une carrière.

Quant aux justifications, nous parlerons en termes de dispositions. Il ne s'agit pas de justifications dans le sens « je suis devenu végétarien parce que... ». Les multiples expériences au cours de la vie des individus participent à la formation de ces dispositions et aux conséquences des ruptures alimentaires par rapport à l'enfance. Cependant, elles ne sont pas forcément visibles pour les individus. En effet, les « raisons » avancées par les personnes

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interrogées proviennent souvent d'un choc moral45 (qui sera traité au cours de ce chapitre) qui « débloque » la manifestation des dispositions, c'est pourquoi leurs trajectoires sont primordiaux dans l'analyse des justifications de la conversion. En effet, dans L'homme pluriel, Bernard Lahire souligne comment le chercheur peut être amené à analyser les dispositions. Pour l'auteur, le chercheur reconstruit les dispositions sociales à travers la description des pratiques, des situations dans lesquelles les pratiques sont déployées, mais aussi les éléments dont il juge important sur la base de la biographie et de la trajectoire des individus étudiés (Lahire, 1998, p. 63).

Le sens « je suis devenu végétarien parce que... » fait donc référence à la raison, c'est-à-dire les arguments que les informateurs donnent spontanément lors des entretiens quand il était demandé par exemple « pourquoi êtes-vous végétarien ? » ou plus indirectement « comment êtes-vous devenu végétarien ? ». Deux termes s'opposent donc, la justification pour l'aspect objectivé et la raison en tant qu'aspect subjectif.

2.1. Analyse des justifications

Il est à noter avant de débuter que les entretiens réalisés sont anonymes. Par conséquent tous les prénoms utilisés au cours de cette étude sont fictifs.

Si nous parlons en termes de justifications et non de raisons, c'est parce subjectivement les raisons sont des éléments spontanés et ne rendent pas compte des trajectoires de vie. Trajectoires qui sont décisives dans la compréhension de l'inscription de l'individu dans une carrière des végétarismes. Nous commencerons l'analyse dans un premier temps par les raisons données spontanément ainsi que les éléments de vie des personnes interrogées.

Selon Marc, sa conversion (à l'âge de 33 ans) serait due au visionnage d'une vidéo montrant les conditions de vie des vaches et l'abattage industriel de ces dernières. Cette vidéo aurait été initialement « partagée » sur le réseau social Facebook juste avant Pâques. Cependant, sa conversion peut être amplement justifiée à travers des dispositions acquises dans sa trajectoire de vie. Ainsi : Marc a 37 ans, marié depuis dix ans et père de deux enfants. Il a grandi au Portugal jusqu'à l'âge de 12 ans. Il consommait beaucoup de viande avec sa famille. Il se dit être nostalgique des paysages de son village, de voir les animaux en liberté et de cueillir directement sur les arbres des fruits de bonnes qualités. Il essaie de revenir dans son pays natal lors de chaque été. C'est quand il a amené son premier enfant à l'âge de 5 ans en 2010 dans son ancien village qu'il s'est rendu compte de ce que pouvait « donner » la terre. En rentrant en France, il décide d'occuper une partie du jardin de sa belle-mère (il vit en HLM) pour y faire un potager bio, représentant également selon lui un substitut à son salaire. Le potager a permis à lui et sa femme d'acheter de la viande blanche de meilleure qualité, sauf la viande rouge qu'il considère comme mauvaise pour la santé en plus du fait qu'il en consommait beaucoup dans son enfance : « je me suis cantonné à quelques steaks de temps en temps ». Par la suite, il acquiert des poules et lui fournissent tout au long de l'année des oeufs. En mars 2011, alors âgée de 6 ans, sa fille décide de ne plus manger « les oeufs du poulailler » et la viande qui « ressemble

45 Certaines questions lors des entretiens demandaient d'effectuer une rétrospection dans leur enfance (notamment par rapport à l'alimentation, milieu d'origine, etc.). Cependant, les réponses apportées tenaient pour justification un choc moral qui entraînait par la suite la conversion (de manière rapide ou étalée sur une période plus ou moins longue).

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aux poules ». Elle consomme toutefois du poisson en faible quantité et des produits laitiers. Marc est le seul à accepter le choix de sa fille, sa femme est réticente à l'idée de ne plus consommer de viande. Sa fille continue toujours cette nouvelle alimentation et c'est en avril 2012 que Marc visionne un reportage sur les conditions de vie des vaches élevées industriellement, et qu'il décide de proscrire la viande et le poisson de son alimentation.

Pour le cas de Sophie, elle se dit être devenue végétarienne pendant six ans et maintenant végane depuis cinq ans grâce à une amie qui elle-même était végétarienne. Ainsi, elle aurait montré à Sophie des images d'animaux ensanglantés. En ayant eu de l'empathie, elle dit être devenue végétarienne pour ne plus participer à l'abattage d'animaux. Cependant, Sophie (28 ans) est vétérinaire dans la région parisienne, elle habite à Paris depuis sa naissance. Elle allait à de très nombreuses fois chez ses grands-parents pendant les weekends et les vacances (à la campagne) car selon elle ses parents étaient pris par leurs métiers (tous les deux sont médecins). Que cela soit chez ses grands-parents ou chez ses parents, elle raconte avoir toute sa vie mangée des produits de qualités, dont la viande. A l'âge de 8 ans, elle commence à pratiquer l'équitation et finit par arrêter à 22 ans à cause d'un problème de dos. Même si la consommation de viande chevaline était rare chez ses parents, elle raconte avoir très vite eu un sentiment profond de dégoût pour cette viande. Elle devient donc végétarienne à 17 ans et ce, jusqu'à ses 23 ans. Après son baccalauréat scientifique et une classe préparatoire en BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre), elle intègre l'ENVA (École nationale vétérinaire d'Alfort) jusqu'à ses 25 ans où elle est diplômée. C'est au moment de sa formation et du contact avec les animaux qu'elle décide, après s'être informée, de devenir végane à 23 ans. Elle raconte que manger de la viande et soigner les animaux étaient incompatibles.

Une seule personne interviewée est dans la capacité d'expliquer sa conversion à travers son histoire sociale. Eléonore a 25 ans, elle a été végétarienne de 22 à 23 ans. Pour elle, ne plus consommer de viande est avant tout un gain d'argent qui lui permet de varier son alimentation. Elle a grandi chez son père à Amiens, il est mécanicien et sa mère travaille en tant que secrétaire dans un cabinet dentaire. Elle raconte avoir vécu durant son enfance plusieurs années difficiles financièrement parlant à la suite du divorce de ses parents. A cela, les hospitalisations régulières de son père ont également été des moments difficiles à vivre. Cet ensemble, ainsi que l'alcoolisme et les absences répétées au travail de son père auraient selon elle eu des répercussions financières et donc, sur l'achat de viande : « On avait pas le choix, du moins je subissais tout ça. Du coup, soit avec le peu d'argent que mon père avait on mangeait de la viande dégueulasse, soit on en mangeait pas parce que y'avait pas d'argent ». Eléonore a quitté le domicile de son père lorsqu'elle avait 23 ans, cela fait donc deux ans qu'elle habite seule dans son logement après avoir obtenu un CDI en tant que secrétaire médicale. Elle aurait selon ses mots « gardé ce truc qui fait que je regarde toujours les étiquettes des produits pour le prix au kilo ». Ce souci de rentabilité est surtout valable pour l'achat de viandes. Néanmoins, elle a pu expliquer avoir arrêté définitivement les produits carnés par manque d'argent à cause de son emménagement. Cela ne la dérangé pas dans le sens où elle consommait déjà peu de viande lorsqu'elle habitait chez son père. C'est pourquoi sa conversion au véganisme intervient seulement quelques mois après son emménagement ; les restrictions alimentaires et autres (cuir, loisirs, restaurations...) propres aux pratiques des végétarismes représentant un atout financier. La conversion au véganisme s'accompagne néanmoins d'une incorporation d'un ethos végan lui permettant de s'engager dans cette carrière, en tant que légitimation, ce point est traité dans

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la partie suivante sur les chocs moraux. Le contexte familial et économique a permis d'acquérir pour Eléonore, dans sa trajectoire de vie, des dispositions qui lui ont permis d'entamer une conversion au végétarisme (souci de rentabilité, de faire des économies, dégoût pour la viande, faible attache aux produits carnés en raison d'une faible consommation durant l'enfance).

Quant à Laura, le végétarisme est une suite logique à ses convictions. A l'âge de 14 ans elle part voyager avec ses parents en Indonésie qui décident de le faire seuls, c'est-à-dire en utilisant les transports en commun, le vélo et la marche, et non dans le cadre d'un circuit collectif avec la présence d'un guide touristique. Dans la province de Riau - dit-elle - une épaisse fumée couvrait le ciel, elle ne comprenait pas mais les habitants avaient l'air d'être en colère. Ses parents et elle sont hébergés par un ami français installé dans la province depuis quelques années. Elle y apprend que la fumée était une culture sur brûlis pour la plantation de palmiers. L'ami de ses parents lui apprend également quels sont les impacts sur l'environnement, sur les espèces menacées et sur les populations locales. A la suite de cela, elle se documente et décide de ne plus consommer d'aliments comportant cette huile végétale46. En parallèle, Laura mange des produits issus de l'agriculture biologique depuis sa naissance (fruits, légumes, produits carnés et sous-produits), ses parents possèdent un potager de 300m2. L'Indonésie était son premier voyage hors Europe, c'est à partir de ses 18 ans qu'elle décide de voyager seule lors des vacances d'été (Amérique Latine et Asie). Elle dit être une « backpackeuse »47, elle y découvre les cultures locales mais également les conflits généralement entre les populations et les compagnies industrielles (déforestation, pétrolières, hydrauliques...), ainsi que des conséquences sur l'environnement et les animaux. Elle consomme toujours à ce moment-là de la viande et du poisson, mais c'est à 20 ans, lors de son arrivée à Amiens dans le cadre de ses études qu'elle décide de devenir végétarienne : « j'étais préoccupée par l'extinction de certains animaux. Les vaches, les cochons et tout eux ne l'étaient pas donc j'ai jamais pensé à arrêter la viande. En Asie j'ai rencontré des végétariens, c'était des bonnes discussions mais c'est pas pour autant que j'ai arrêté... j'étais dans la logique du bio, mes parents et moi on pensait que c'était la meilleure consommation possible [...] J'ai adhéré à l'AMAP et là j'ai rencontré une végétalienne qui est devenue mon amie. J'me suis donc intéressée au végétarisme tout ça et j'ai regardé un reportage qu'elle m'avait conseillée, c'était un discours de Gary Yourofsky48. Deux mois après j'mangeais du tofu (rires) ».

La trajectoire menant au végétarisme est différente chez Laura, la pratique du bio et son refus de l'huile de palme, et donc des représentations et des convictions qui s'accompagnent, ont été le fils conducteur. Nous verrons dans le dernier chapitre que c'est le contraire pour les autres interviewés : la pratique du bio découle des végétarismes. Se déployant dans des situations vécues au cours de son adolescence, l'arrêt de produits carnés est une suite logique aux valeurs de Laura. Son départ du domicile parental a également été un moyen pour elle pour se convertir au végétarisme, ses parents consomment des produits carnés et des sous-produits biologiques. Au moment de l'entretien, elle se disait être en transition au végétalisme.

46 A la suite de cette interaction avec l'ami de ses parents, Laura voulait voir de ses propres yeux la déforestation et les conséquences qu'elle a sur les animaux. Néanmoins ses parents n'ont pas accepté car selon elle ils devaient prendre deux jours plus tard l'avion pour retourner en France.

47 Une routarde. Elle voyage généralement seule avec comme unique objet son sac de voyage.

48 Il s'agit d'un discours donné en 2010 à la Georgia Institute of Technology. Gary Yourofsky est végan et est un activiste américain pour les droits des animaux.

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Le fait de prendre en compte dans les analyses les trajectoires personnelles des individus montre un certain déterminisme du passé des acteurs qui est décisif dans la conversion. L'individu ne peut être disposé à devenir végétarien, végétalien ou végan sans ce passé. Les processus dans lesquels les individus se convertissent au végétarisme et à ses déclinaisons sont précisément liés à l'idiosyncrasie des biographies personnelles. Cependant, à l'instar d'une justification objectivement traitée sous la forme de dispositions, les justifications spontanées des individus au moment des entretiens sont toutes aussi importantes. Puisque les dispositions n'ont pas forcément l'occasion de se manifester selon une situation particulière dans laquelle l'individu est confronté, la conversion au végétarisme et ses déclinaisons est un révélateur de ces multiples dispositions. Par conséquent, d'un point de vue subjectif, les individus interrogés relient leur conversion à un moment bien précis. Leur présence lors d'un abattage, la mort donnée à un animal de compagnie, la visionnage d'une vidéo, etc. sont alors considérés comme des éléments clés dans leur choix de conversion, tels des déclics. L'exemple de Julien peut l'illustrer. Selon lui, le fait d'être devenu végétarien est « normal ». De manière rationnelle, il explique son choix de conversion comme cela :

« J'ai été végétarien seulement pendant un an, je suis tombé sur un témoignage d'un végétarien dans un article de l'Obs ou de Rue89 je crois. Je sais pas pourquoi mais j'étais d'accord avec lui, je trouvais ça con de manger de la viande. Donc j'ai arrêté la viande d'un coup et naturellement, ça m'a pas dérangé ni manqué. Je n'avais pas d'attache à la consommation de viande, c'est juste que j'ai grandi avec comme beaucoup de monde. Là je suis végétalien mais en transition au véganisme ». (Julien).

Si pour Julien, sa conversion semble être « logique », elle dépend cependant de contextes personnels, proches d'Eléonore. Julien a 27 ans, en couple depuis 4 ans à une omnivore et sans emploi. Il a grandi à Amiens dans une famille à faibles revenus, ses parents sont à la retraite (son père était ouvrier et sa mère alternait entre employée d'usine et mère au foyer). Il a pu indiquer que ses parents achetaient de la viande congelée à bas prix dans les grandes enseignes. En grandissant, Julien a commencé à éprouver du dégoût quand il voyait le gras, les nerfs, les os et le sang de ces produits carnés, la qualité gustative fait également partie de la construction du dégoût. Nous supposons donc qu'il était prédisposé d'une certaine manière aux pratiques végétariennes. Ainsi, le témoignage qu'il a pu lire constitue subjectivement l'élément déclencheur (sa raison) de sa conversion mais objectivement, ses origines sociales représentent la justification de son inscription.

L'analyse des trajectoires de vie souligne la pluralité des dispositions que les individus acquièrent au cours de leurs expériences, du plus jeune âge à un âge avancé. Ainsi, l'individu est à la fois un « homme pluriel » et singulier. En effet, les différents entretiens réalisés illustrent une multitude de raisons, de conditions d'entrée dans la carrière et de sensibilités qui sont propres aux enquêtés

Les dispositions s'inscrivent profondément et inconsciemment et participent aux représentations sociales, aux façons d'agir, de penser, etc. des individus. Ces manières incorporées permettent de « réagir » par conséquent selon la situation dans laquelle l'individu se trouve, elles sont activées lors d'un événement social inhabituel. Pour reprendre le cas de Sophie, ce n'est pas les images d'animaux ensanglantés qui l'ont amenée à se convertir au végétarisme dans un premier temps, mais bien les dispositions acquises au cours de sa

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trajectoire. Le dégoût prononcé pour la viande chevaline à la suite de la pratique de l'équitation, son rapport à la nature et aux animaux de par sa présence à la campagne, la bonne qualité des aliments consommés depuis son enfance, ses études vétérinaires... l'ont disposée à « devenir » végétarienne lorsqu'elle a été confrontée à cette situation « inconfortable ». Sans ce type de trajectoire de vie et de l'incorporation de sensibilités, Sophie n'aurait pu être disposée à le devenir. Idem pour Julien et Eléonore qui ont eu une socialisation des pratiques alimentaires quelque peu identique en raison de la mauvaise qualité nutritionnelle et gustative des produits carnés induite par un contexte économique. Ils ont incorporé une construction de dégoût vis-à-vis de la viande au cours de leur trajectoire, ce qui a provoqué un lien « faible » à sa consommation (viande mauvaise et fréquence de consommation faible). Nous pouvons également apporter un élément supplémentaire en avançant l'idée que la rupture avec le régime alimentaire familial peut être une rupture plus globale. En effet, certaines trajectoires rendent compte d'un certain déplacement dans l'espace social : le cas d'Eléonore obtenant un CDI et déménageant de chez son père, les voyages et l'installation à Amiens de Laura dans le cadre de ses études universitaires.

La subjectivité des justifications spontanément données lors des entretiens permet de faire ressortir le concept de « choc moral ».

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon