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La coopération policière dans la zone CEMAC.

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par Platon Papin DONGMO TIODON
Université de Dschang- CAMEROUN - Master 2 en Droit 2013
  

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ABSTRACT

Since several decades the great phenomenon of criminality with its international ramifications constitutes a serious world curse that increases insecurity and compromises peace unlike stability worldwide. Unable to cure and push out such a phenomenon alone, the countries on all continent are been regrouped with the main goal of unifying their strength in order to suppress this curse, by international repressive mutual aid. It is in this context that arises the international police cooperation with as pioneer structure the International organization of Criminal Police (OIPC-INTERPOL) serving as root of dialogue. For the same reasons and the same objective, the states members of the Economic and Monetary Community of Central Africa (CEMAC) in particular and of Central Africa in general, followed the similar model in setting up a police cooperation with as object fighting against criminality that rages across the borders in that zone. Despite the well-stocked efforts, this started yard does not really progress because of many obstacles among which the sovereignty of the States, the unjustified national selfishness, corruption and many other factors. Besides that, if it is normal and reasonable to justify the fact that at the beginning of the elaboration of this police cooperation the States of the CEMAC zone relied entirely on the cooperation's instruments of the OIPC-Interpol, and it is also abnormal that until now, they seem to have never thought about on which type of cooperation would have been well structured for their interests, and would also complement the system of the OIPC for an efficient repression of the big criminality in the CEMAC region. The police cooperation in the CEMAC zone is therefore call on to be more operational and efficient, in order to guarantee to the communal territory peace, security and stability, proficient area for development and integration.

INTRODUCTION GENERALE

D'après les économistes, il y a intégration à partir du moment où il y a suppression des obstacles à la libre circulation des facteurs de production. Les juristes lui donnent une définition juridique minimale, car pour eux l'intégration renvoie à la fusion de certaines compétences étatiques dans un organe supra étatique ou supra national, en l'occurrence une organisation internationale. Il s'agit d'un processus à plusieurs degrés toujours plus approfondis où à chaque nouvelle étape les Etats abandonnent davantage de compétences nationales au profit de l'entité d'intégration. Il s'agit d'une notion qui a fait l'objet de plusieurs théories1(*) qui ont toutes en commun pour objectif principal la réalisation de la paix afin de conjurer le fléau de la guerre, car  elles s'attachent toutes à identifier le meilleurs moyen de construire la paix universelle. Qu'il s'agisse du domaine militaire, politique et surtout économique cette voie de regroupement qu'est l'intégration est le chemin suivi par la quasi totalité des pays du monde depuis la deuxième moitié du XXe siècle pour asseoir et construire leur développement. Sur chaque continent, l'on retrouve une organisation continentale et des organisations sous régionales d'intégration2(*). Le continent Africain n'a pas fait exception car depuis la naissance de l'organisation continentale dénommée OUA3(*) (Organisation de l'Unité Africaine) en 1973, avec l'aide de la commission économique des Nations Unies pour l'Afrique4(*), cette organisation s'est résolument investie dans la recherche du développement économique et social du continent par le biais de l'intégration sous régionale. La décision a donc été prise de diviser le continent Africain en cinq régions géographiques5(*). Chacune de ces régions devait se doter d'une institution d'intégration économique, lesquelles devraient à terme6(*) fusionner pour donner naissance à la Communauté Economique Africaine, conformément au traité d'Abuja de 1994.

Mais avant ceci, certains pays d'Afrique Centrale7(*) d'expression française du fait de la colonisation8(*), avaient déjà amorcé une tentative de réflexion sur l'ensemble des défis qui les attendraient au lendemain des indépendances9(*), car n'oublions pas que la mondialisation10(*)a entrainé un recul de l'individualisation Etatique et de certaines formes de libéralisme au profit du régionalisme, donc de l'intégration. Ainsi le 8 Décembre 1964 à Brazzaville au Congo, nait l'Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale (UDEAC)11(*), qui ne commencera véritablement à fonctionner qu'au 1er Juin 1966. Intégrée entre temps par la Guinée Equatoriale dès 1979, l'UDEAC, connaitra un fonctionnement difficile émaillé par de graves crises12(*), avant de finalement s'éteindre pour faire place à la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) le 16 Mars 1994 à N'djamena au Tchad. De façon brève, nous pouvons présenter la CEMAC comme une organisation d'intégration sous régionale d'Afrique centrale regroupant en son sein six pays de la même aire géographique que sont : la République du Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Congo, la République Gabonaise, la République de Guinée Equatoriale, la République du Tchad13(*), et dont la mission essentielle est de « promouvoir la paix et le développement harmonieux des Etats membres, dans le cadre de l'institution de deux unions : une union économique14(*) et une union monétaire15(*)». Il est prévu que dans chacun de ces deux domaines, les Etats membres de la CEMAC entendent passer d'une situation de coopération qui existe déjà entre eux à une situation d'union susceptible de parachever le processus d'intégration économique et monétaire. Elle est constituée de cinq institutions que sont : l'Union Economique de l'Afrique Centrale ; l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale ; le Parlement communautaire ; la cour de justice et la cour des comptes16(*). Elle est en outre dotée des organes suivants : la conférence des chefs d'Etat ; le conseil des Ministres ; le comité ministériel ; la commission de la CEMAC ; la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) ; la Banque de Développement des Etats de l'Afrique centrale (BDEAC) ; la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC). Présentée de la sorte, nous comprenons bien évidemment que la CEMAC est une organisation d'intégration économique par essence.

Le triste constat qui se dégage toutefois à l'heure actuelle, est que la mondialisation et les divers progrès techniques et technologiques qui l'accompagnent n'ont pas seulement eu pour effet bénéfique de faciliter la communication et les échanges de divers ordres entre les hommes, faciliter la circulation des personnes et des biens. A contrario, elle a aussi eu pour effet pervers de faciliter la commission des infractions, et de rendre difficile la répression de par le franchissement des frontières, entrainant de ce fait l'impunité. Certes de tous temps, le crime a toujours fait corps avec la société humaine17(*), il n'en demeure pas moins que les développements de divers natures (scientifiques, technologiques, techniques, urbains...) opérés le siècle dernier ont à leur manière contribué à un accroissement quantitatif et qualitatif (modes opératoires) de la criminalité18(*) sur la scène mondiale. La criminalité internationale19(*) et la criminalité transnationale20(*), qu'elles soient organisées21(*) ou pas, parce qu'elles se jouent des frontières et par conséquent de la souveraineté des Etats constituent aujourd'hui, un véritable fléau pour la paix, la stabilité et le développement de l'ensemble des Etats de la planète. Cet état des lieux fait en sorte qu'aucun Etat ne peut déclarer se sentir totalement en sécurité. De ce fait, l'insécurité constitue « une grande menace à la stabilité politique, à la cohésion sociale et à la santé environnementale du continent africain entier »22(*) et du monde en général. La nécessité de réagir a obligé les Nations Unies à adopter aux moins sept instruments contraignants ayant trait à la corruption, au terrorisme, et au crime organisé23(*) dans la seule décennie 1995-2005. Lorsque la criminalité traverse les frontières, la répression doit les traverser aussi, dès lors « si les ennemis du progrès et des droits de l'Homme cherchent à exploiter à leurs fins les possibilités que leur offre la mondialisation, alors nous devons exploiter ces mêmes possibilités pour défendre les droits de l'Homme et vaincre les forces du crime ... »24(*). L'Etat de droit étant ainsi piétiné et bafoué dans une multitude de pays, ceux qui le défendent ne doivent par conséquent pas se cantonner et se limiter à des moyens purement nationaux, car il faudrait éviter que le franchissement d'une frontière par un délinquant ne puisse devenir un « passeport pour l'impunité »25(*). La criminalité organisée ne peut se combattre uniquement à l'intérieur d'une frontière car par essence elle est transnationale. Voilà pourquoi l'invitation est faite aux organisations régionales et sous régionales de lutter contre la criminalité transnationale organisée, en ce sens que « leur capacité opérationnelle du fait de leur proximité par rapport aux Etats est plus grande que celle de l'organisation mondiale (ONU) »26(*).

Dans une Afrique où un certain nombre de facteurs militent en faveur de l'insécurité, telle que la fragilité des Etats27(*), la pauvreté des populations, la porosité des frontières, entrainant elle aussi une criminalité multidisciplinaire (trafics divers : êtres et organes humains, véhicules, phénomène de coupeurs de route...), les Etats membres de la CEMAC se devaient de réagir sous peine de voir le territoire communautaire devenir un lieu de non droit, une « niche juridique » pour les malfaiteurs. Il est bien connu que le franchissement des frontières par les délinquants internationaux vise à atteindre deux sortes d'objectifs: accomplir le crime ou alors se mettre à l'abri après avoir commis l'infraction, ailleurs sur un territoire étranger28(*). Les délinquants internationaux sont d'autant plus dangereux qu'ils utilisent parfaitement les faiblesses de nos sociétés; parmi les éléments qu'ils prennent en considération, figurent en bonne place le cadre juridique et la législation des pays, en particulier les dispositions pénales et financières qui leur permettront de développer leurs activités29(*) ou de se protéger afin de demeurer impunis. C'est à cet effet que dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous sommes intéressés à la coopération policière dans la zone CEMAC.

Il serait judicieux de rappeler à ce niveau que la coopération policière internationale est l'une des formes de ce que l'on nomme l'entraide répressive internationale, qui peut être définie comme étant « l'ensemble des moyens par lequel un Etat prête le concours de sa force publique ou de ses institutions judiciaires à l'instruction, au jugement ou à la répression d'une infraction par un autre Etat »30(*); elle-même faisant partie du vaste ensemble qu'est le droit pénal international que nous définirons simplement au sens large comme étant la « branche du droit criminel qui règle l'ensemble des problèmes pénaux qui se posent sur le plan international »31(*). Le droit pénal international englobe non seulement le droit pénal substantiel, mais aussi la procédure pénale. Pour revenir brièvement à l'entraide répressive internationale, retenons qu'en plus de la forme principale qu'est l'extradition32(*), il en existe d'autres tels que la reconnaissance et l'exécution des sentences pénales étrangères, la collaboration judiciaire, la collaboration policière internationale.

Coopérer signifie d'après le dictionnaire de langue française Le Petit Robert, collaborer, concourir, contribuer, participer. Quel que soit le domaine dans lequel on se trouve, cet ensemble de mots renvoie à une mise en commun des efforts en vue de l'atteinte d'un objectif.

Etymologiquement, le mot police viendrait du bas latin « politia », du Grec « polis » et « politeia » qui signifient respectivement « la cité » et « l'art de gouverner la cité ». D'ordinaire, les dictionnaires et encyclopédies définissent la police comme étant « l'ensemble d'organes et institutions assurant le maintien de l'ordre public et la répression des infractions »33(*). La présence d'un tel organe au milieu des hommes s'impose en ce sens que toute vie en société nécessite une organisation, et la création d'une institution qui permette de garantir le respect de la loi, d'assurer la cohésion sociale34(*). Au XVIIe siècle la conception moderne de la police est dégagée par le commissaire NICOLAS DELAMARE dans son Traité de la police35(*). Il lui donnera une définition plus complète à notre sens puisqu'il définit la police comme une institution, un service public chargé de la protection des personnes et des biens, du maintien des institutions et de la surveillance de l'opinion36(*). Cette définition a le mérite de dégager les trois fonctions de la police que sont la prévention, la répression et l'information. La fonction de prévention est assurée par la police d'ordre, qui de par sa mission préventive est chargée de garantir, maintenir, et rétablir, l'ordre public, la sécurité et la tranquillité publique des individus. La police judiciaire qui nous intéresse dans le cadre de ce travail a quant à-elle une mission répressive ; à cet effet elle est chargée de constater les infractions, d'en rechercher les auteurs, rassembler les preuves permettant leur inculpation et leur jugement. La fonction d'information revient à la police de renseignement. Cette mission informative peut revêtir deux formes: La police de renseignement37(*) est chargée de la recherche et de la centralisation du renseignement d'ordre politique, économique, social nécessaire à l'information du gouvernement ; la police de défense38(*) a pour rôle de détecter et connaître les éventuelles menées à l'intérieur du pays, l'ensemble des situations à l'intérieur et à l'extérieur du pays qui pourraient représenter une menace pour l'Etat et ses citoyens.

Une brève incursion dans l'histoire nous donne de comprendre que dès le cinquième millénaire avant notre ère, les pouvoirs politique, militaire et judiciaire étaient réunis entre les mains d'un seul monarque39(*). Toutefois, c'est dans la très grande civilisation Egyptienne, 3000 ans avant notre ère que nous retrouverons le premier détenteur officiel du pouvoir de police. Ce délégué du pharaon dont le titre était « SAB-HERI-SEKER », ce qui signifie textuellement « chef des frappeurs » cumulait des fonctions administratives et judiciaires, avait des attributions de policier et de bourreau40(*). Tout ceci nous donne comprendre que la police fait corps avec la société et s'intéresse de près ou de loin à tout ce qui est activité humaine, d'où sa place au coeur du pouvoir régalien41(*), où avec la justice, la diplomatie, la défense, elles constituent les prérogatives dont Etats sont les plus jaloux.

A partir des prérogatives régaliennes de l'Etat, rappelons que la coopération policière internationale se heurte à un obstacle majeur : la souveraineté des Etats42(*). La souveraineté donne à chaque Etat de pouvoir édicter ses lois, par conséquent être le seul à déterminer les actes qui sont susceptibles de porter atteinte à son ordre public43(*) et les moyens de les réprimer. Le droit pénal est étroitement lié à la culture nationale des Etats, à leurs valeurs, à leur histoire et à leur souveraineté nationale44(*). Lorsqu'une infraction est commise sur le territoire d'un Etat, seul le ministère public45(*) de cet Etat (dont la police judiciaire est l'auxiliaire) est apte à engager les poursuites et diligenter les procédures. La police judiciaire dans un tel contexte doit être entendue au sens très large, qui signifie en plus des forces traditionnelles de police, les services de la gendarmerie. La gendarmerie est une force militaire instituée pour veiller à la sureté publique, au maintien de l'ordre assurer l'exécution des règlements, participer à la défense de la nation et la protection des institutions46(*). Même si la présente définition renvoie quelque peu à celle de la police classique et semble créer une certaine confusion, on peut retenir tout simplement qu'il s'agit de deux forces bien distinctes, mais tout de même complémentaires : Les forces de police exercent leurs fonctions dans les zones urbaines, tandis que les gendarmes exercent les leurs dans les zones rurales et périurbaines en veillant aussi à la sécurité des voies de communication47(*). Au-delà de la gendarmerie, l'on pourrait aussi mentionner le cas de certaines administrations telles que les douanes, les eaux et forêts, auxquelles les lois donnent la qualité d'officier de police judiciaire à certains de leurs agents48(*). C'est cet obstacle majeur à la coopération que constitue, la souveraineté qui avait poussé Claude LOMBOIS à déclarer que le gendarme « ... n'est gendarme que chez lui et [par conséquent] ne peut saisir plus loin que son bras... »49(*) .

Seulement, les notions de souveraineté Etatique et d'ordre public interne sont dans notre contexte d'ère moderne complètement méprisées et piétinées par la criminalité internationale qui les ignore ostensiblement, le salut des Etats réside donc dans le rapprochement, la collaboration en vue de la répression. L'activité de la police gravitant essentiellement autour de la notion d'ordre public, l'on comprendra aisément que nous puissions définir la coopération policière internationale comme étant « l'entraide apportée entre Etats pour que ceux-ci fassent régner sur leur territoire l'ordre public qu'ils ont édicté »50(*) . Comme on le sait déjà, la police constitue au sein de chaque Etat, l'un des attributs majeurs de la souveraineté, qui est au centre des discussions concernant la coopération policière sur le plan international. Il en est ainsi parce que, d'une part en tant qu'attribut majeur de la souveraineté des Etats, la police est l'expression de la « violence légitime » que ceux-ci exercent sur leur territoire pour faire régner l'ordre ; d'autre part parce que, pour chaque Etat collaborer ou coopérer internationalement dans le domaine policier revient à concéder une partie de sa souveraineté nationale quel qu'en soit le degré51(*). C'est pourtant à cette logique de concession que sont invités les Etats membres de la CEMAC, comme l'ont fait avant eux les Etats membres de l'Union Européenne52(*). C'est l'occasion de dire ici que loin d'être parfaite, l'Union Européenne est un modèle « non pas à adopter, mais à adapter au contexte Africain »53(*).

Les Etats membres de la CEMAC ont franchi une étape importante dans le sens de la coopération policière communautaire en adoptant le 21 Juin 2004, l'Accord de coopération en matière de police criminelle entre les Etats de l'Afrique Centrale, par le biais du règlement n°04/CEMAC/069/CM/0454(*). Les Etats de la CEMAC sont depuis leurs indépendances membres de la plus importante organisation de coopération policière internationale qu'est l'Organisation Internationale de Police Criminelle, OIPC-INTERPOL55(*); et depuis 2001, la CEMAC a conclu un accord de coopération avec la même institution56(*), mais cet accord de coopération en matière de police criminelle précité est le signe d'une réelle volonté de rapprochement des Etats membres de la CEMAC concernant ce domaine aussi particulier, puisque avant cela il n'existait aucun cadre juridique et institutionnel en ce sens57(*). Rappelons ici qu'ayant entre autres pour but de sécuriser l'espace communautaire par la neutralisation des délinquants internationaux, la coopération policière internationale doit obligatoirement être accompagnée de la coopération judiciaire internationale, en ce sens que le ministère public ayant déclenché les poursuites consécutivement à la commission d'une infraction, la police judiciaire en tant qu'auxiliaire doit rechercher les preuves, rechercher le ou les auteurs, les appréhender, et les traduire devant les tribunaux qui seront chargés de les juger pour prononcer leur culpabilité ou non. Parce que la lutte contre la criminalité internationale doit se faire avec les moyens de l'Etat de droit58(*), la coopération policière internationale ne doit par conséquent être qu'une phase de l'ensemble de la procédure pénale internationale, une phase capitale qui plus est. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité internationale, la coopération judiciaire entre Etats ne serait rien si elle n'était précédée, préparée et complétée d'une coopération policière efficace59(*).

Dès lors, il convient de dire à présent que dans le cadre de ces recherches, nous appesantir sur le thème de la coopération policière dans la zone CEMAC nous a conduit à soulever le problème central qui est celui de savoir : Quel est le processus de construction et de développement de la coopération policière dans la CEMAC ? Il s'agira pour nous de décortiquer l'ensemble des politiques et stratégies d'enracinement et de déploiement d'une coopération policière dans la zone CEMAC. La situation dans la CEMAC est celle d'une coopération policière en chantier, qui s'est presqu'entièrement adossée sur les instruments d'INTERPOL, sans se soucier de pouvoir se doter des instruments et moyens de coopération adaptés aux spécificités de l'espace communautaire. Plus d'une dizaine d'années après ses débuts, de profondes mutations s'imposent, surtout dans le sens du dépassement des souverainetés nationales, de l'opérationnalisation de la coopération policière CEMAC afin qu'elle puisse être plus efficace dans le contexte sous régional. La technique d'approche que nous offre ce problème central nous permet d'être davantage analytiques et critiques sur l'ensemble de la question.

Nous donnerons des éclaircissements à cette préoccupation en notant déjà que la coopération policière au sein de la CEMAC est une coopération qui s'est imposée, vu le contexte de criminalité internationale galopante et son impact sur la sécurité et la stabilité des Etats. De plus cette imposition loin d'être aisée semble très difficile, en ce sens que si l'on s'en tient aux principaux instruments législatifs de la CEMAC (traité, convention UEAC, convention UMAC), la coopération policière, la coopération judiciaire, et par ricochet les questions sécuritaires n'ont jamais fait partie, et ne font toujours pas partie des questions prioritaires de la CEMAC, contrairement à l'Union Européenne60(*) ou encore à la CEDEAO61(*), ce qui est dommage. Par ailleurs, notons également qu'il s'agit d'une recherche sur la police, un milieu qui par essence est très hermétique. Que ce soit sur le terrain, au contact avec les policiers, ou encore dans les bibliothèques, obtenir des informations sur la police, fût ce dans un but scientifique, s'avère très difficile. Tout sérieux chercheur cherchant à acquérir des connaissances sur la police se heurte à la rareté voir la pauvreté des ouvrages disponibles. Contrairement à ce que l'on croit, « si en la matière le roman (et nous ajouterons le cinéma) prolifère, les documents font cruellement défaut »62(*).

En dépit de tout, ce thème est d'une importance, ou encore d'un intérêt capital et fondamental dont la portée est plus qu'évidente. Sur les plans politique et économique, l'on sait au préalable que la paix, la sécurité et stabilité sont les conditions sine qua non du développement63(*) recherché par le biais de l'intégration économique. Ensuite, sur le plan social, les problèmes de sécurité sont des problèmes qui ont un impact direct sur le quotidien des populations et leur épanouissement64(*). Enfin sur les plans purement juridique et fonctionnel, la coopération policière peut constituer un indice intéressant permettant de juger le degré d'engagement des Etats membres de la CEMAC dans le processus d'intégration au vu de la sensibilité de ce domaine.

Dans le cadre de ces recherches, nous avons opté pour les méthodes analytiques et comparatives. Il fallait au delà de la simple explication et la simple description faire une étude critique de l'ensemble de la question, avec pour référence d'autres réalités communautaires. C'est ce qui nous a finalement conduit à étudier d'une part, le cadre théoriquement consacré de la coopération policière dans la zone CEMAC (1ère partie) ; et d'autre part la matérialisation à parfaire de la coopération policière dans la CEMAC (2nde partie).

* 1 Théorie fédéraliste (Alexandre MARK) ; théorie fonctionnaliste (David MITRANY) ; théorie néo fonctionnaliste (ERNEST HAAS).

* 2 En Amérique latine par exemple, on a l'ALALI, Association Latino Américaine d'Intégration (organisation continentale) ; et les organisations sous régionales telles que la communauté des caraïbes (CARICOM), le marché commun du cône du Sud (MERCOSUR).

* 3 L'OUA est devenue depuis 2001 l'UA (Union Africaine).

* 4 Créée en 1958 par le conseil économique et social de l'ONU pour aider les jeunes Etats Africains à assurer leur développement par l'intégration régionale et la coopération internationale.

* 5 Le Nord, le Sud, l'Est, l'Ouest et le Centre.

* 6 A l'horizon 2027.

* 7 D'après le professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE, le terme « Afrique Centrale » ne renvoie à rien de précis comme objet géographique. Pour lui il s'agit d'un concept à « géométrie variable », et il distingue de ce fait au moins quatre tendances. Voir Revue Africaine de Défense, n°2. P. 4, pour nous, il s'agit dans ce contexte de l'Afrique Centrale CEMAC.

* 8 En l'occurrence le Congo, le Gabon, le Tchad et l'Oubangui (qui deviendra plus tard République Centrafricaine) qui dès 1910 et à l'initiative du colon Français se sont regroupés au sein de l'Afrique Equatoriale Française (AEF), et créent dès 1941 l'Union Douanière Economique (UDE), laquelle cèdera la place en 1961 à l'Union Douanière Equatoriale, avec l'adhésion du Cameroun.

* 9 L'appel officiel à s'unir pour la formation d'un «Etat Unitaire sur les vieilles entités mises en place par le régime colonial »a été lancé pour la 1ère fois le 17 Octobre 1958 par BARTHELEMY BOGANBA, homme politique originaire de l'Oubangui, du haut de la tribune du grand conseil de l'AEF dont il était devenu le président depuis le 18 Juin 1957.

* 10 Concept qui signifie le fait de devenir mondial, de se répandre dans le monde entier. Il désigne le mouvement économique et culturel des sociétés à travers le monde. Même si ce terme désigne principalement les échanges économiques, il intègre également toutes les facettes économiques, politiques et culturelles.

* 11 L'AEF avait cessé d'exister depuis 1959.

* 12 Le défaut de suivi du programme, additionné à d'autres raisons politiques a abouti en 1968 à la sortie puis au retour dans l'Union de la RCA et du Tchad; lesquels avaient crées entretemps avec le Zaïre une organisation très éphémère dénommée UEAC (Union des Etats de l'Afrique Centrale).

* 13 Préambule du traité constitutif de la CEMAC du 16 Mars 1994.

* 14 Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC).

* 15 Union Monétaire de l'Afrique Centrale (UMAC), article 1 du traité constitutif CEMAC de Mars 1994, article 2 du traité révisé CEMAC du 30 Janvier 2009.

* 16 Article 10 alinéa 1du traité révisé CEMAC du 30 Janvier 2009.

* 17 La Bible nous parle du 1er meurtre, celui d'ABEL par son frère CAÎN, tous les deux fils d'ADAM et EVE, premiers êtres humains. Genèse 4 ; 2, in La Bible de Jérusalem, p. 38.

* 18 Ensemble des infractions à la loi pénale commises pendant une période de référence (le mois, l'année ...) dans un endroit déterminé (quartier, ville, pays...).

* 19 Voir BROSSARD (A.), La criminalité internationale, collection que sais-je ? Paris, PUF, 1988.

* 20 Nous prenons ce terme ici comme synonyme de la criminalité transfrontalière. La précision terminologique que nous voulons faire ici est que la notion d'infraction internationale est beaucoup plus élargie car elle ne rattache pas le phénomène criminel à la seule traversée d'une frontière. La criminalité transfrontalière est celle qui insiste beaucoup plus sur des crimes se commettant de part et d'autre d'une frontière, même si au final toute infraction transfrontalière est automatiquement internationale et que l'inverse n'est pas forcément possible. Voir ALIME MAHIANE (C.), La criminalité transfrontalière en Afrique centrale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II SOA.

* 21 L'article 2 de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée définit le « groupe criminel organisé » comme « un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la présente convention, pour en tirer directement un avantage financier ou un autre avantage matériel » . Voir aussi KAUFER (X.), QUERE (S.), Le crime organisé, collection que sais-je ? Paris, PUF, 2000.

* 22 COSME (N.), Architecture de la paix et de la sécurité en Afrique centrale, in BEN HAMOUDA (H.), BEKOLO EBE (B.), L'intégration régionale en Afrique centrale: Bilan et perspectives, Paris, KARTHALA, 2003, p.303.

* 23 -1997 : Adoption de la convention internationale pour la répression des atteintes à l'explosif

-1999 : Adoption de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme

-2000 : Adoption de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, augmentée de trois protocoles ayant trait respectivement à la lutte contre la traite des personnes, le trafic des migrants, la fabrication et le trafic illicite d'armes à feu

-2003 : Adoption de la convention des Nations Unies contre la corruption

Voir LABORDE (J.P.), Etat de droit et crime organisé, Paris, Dalloz, 2005, p. XV.

* 24 Avant Propos du Secrétaire Général des Nation Unies, Koffi ANNAN, dans la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 Novembre 2000.

* 25 ASCENCIO (H.), DECAUX (E.), Droit international pénal, Paris, édition A PEDONE, 2000, p. 921.

* 26 LABORDE (J.P.), op. cit., p. XVIII.

* 27 Etat dans lequel le gouvernement et les instances Etatiques n'ont pas les moyens et ou la volonté politique d'assurer la sécurité des citoyens, de gérer efficacement les affaires publiques et de lutter contre la pauvreté au sein des populations. Définition de l'OCDE (Organisation Commune pour le Développement Economique), citée par MBEYAP KUTNJEM (A.) dans son article, La coopération judicaire et policière en zone CEMAC : Genèse et Dynamiques, in Enjeux n°38, Janvier- Mars 2008, p. 3.

* 28 BROSSARD (A.), La criminalité internationale, collection que sais-je ? Paris, PUF, 1988, p. 105.

* 29 LABORDE (J.P.), op cit., p. XIV.

* 30 LOMBOIS (C.), Droit pénal international, 2ème édition, Paris, DALLOZ, 1979, p. 537, n°415.

* 31 HUET (A.), KOERING JOULIN (R.), Droit pénal international, 3ème édition, Paris, PUF 2005, p.1, n°1.

* 32 «Mécanisme juridique par lequel un Etat (l'Etat requis), sur le territoire duquel se trouve un individu, remet ce dernier à un autre Etat (l'Etat requérant) afin qu'il le juge (extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine (extradition à fin d'exécution)». Voir HUET (A.), op.cit., p. 397, n°255.

* 33 Le Robert Dixel 2010 ; Grand usuel Larousse 1996.

* 34 SABATIER (M.), La coopération policière européenne, Paris, L'harmattan, 2001, p. 7.

* 35 LE CLERE (M.), La Police, collection Que sais-je ? 3ème édition, Paris, PUF, 1986, p. 3, cité par SABATIER (M.), La coopération policière européenne, idem.

* 36 Idem.

* 37 Par exemple les Renseignements Généraux en France, la Direction des Renseignements Généraux au Cameroun.

* 38 Services secrets, d'espionnage et de contre espionnage.

* 39 PONDI (P.), La police au Cameroun : (Naissance et évolution), Yaoundé, Editions CLE, 1988, p. 21.

* 40 Idem.

* 41 AUBOUIN (M.), TEYSSIER (A.), Dictionnaire de la police, Paris, Robert Laffont, 2005, p. XV.

* 42 Cette notion inventée par Jean BODIN depuis le XVIe siècle peut être simplement présentée ici comme étant le pouvoir qu'à un Etat sur toute l'étendue de son territoire de pouvoir donner des ordres, sans en recevoir venant de quiconque. C'est le caractère suprême du pouvoir Etatique. Voir infra, Première partie, Chapitre I, section 2.

* 43 Notion au contenu assez vaste et assez divers que nous comprenons ici comme étant l'ensemble de règles juridiques qui s'imposent de façon radicale pour des raisons de moralité ou de sécurité impératives dans les rapports sociaux.

* 44 SABATIER (M.), op.cit., p. 397.

* 45 « Corps de magistrats placés auprès des juridictions pour soutenir l'action publique, et parfois l'action civile, et veiller à l'application des lois et règlements ». Voir KEUBOU (P.), Précis de procédure pénale camerounaise, Yaoundé, PUA, 2010, p. 45.

* 46 ILOUGA (C.), Le commandement opérationnel de la légion du centre et la lutte contre l'insécurité, Mémoire en vue de l'obtention d'un Master professionnel en stratégie, défense et sécurité ; CREPS-Université de Yaoundé II SOA, 2010, p. 11.

* 47-ILOUGA (C.), idem.

- LAM BIDJECK (L.), La police judiciaire générale au Cameroun, Thèse de troisième cycle de doctorat, Université de Yaoundé, 1983, p. 74.

* 48 KEUBOU (P.), op cit., p. 129.

* 49 LOMBOIS (C.), op cit., p. 536, n°414.

* 50 SABATIER (M.), op.cit., p. 9.

* 51 Ibid., p. 13.

* 52 Prenant racine dans la CECA (Communauté Economique du charbon et de l'Acier) en 1950 qui regroupait six pays (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France, Allemagne, Italie), l'Union Européenne est une organisation internationale d'intégration regroupant à ce jour vingt-sept (27) pays d'Europe (pour la plus part d'Europe occidentale ; la Croatie sera très prochainement le 28ème membre) et qui peut être présentée aujourd'hui comme étant le modèle le plus abouti en matière d'intégration économique régionale.

* 53 GABA (L.), L'Etat de droit, la démocratie et le développement en Afrique subsaharienne, Paris, l'Harmattan, 2000, p. 11.

* 54 Accord conclu à Yaoundé au Cameroun le 29 Avril 1999 entre l'ensemble de six Etats membres de la CEMAC et deux Etats non membres que sont: La République Démocratique du Congo et Sao Tome et principe.

* 55 Créée en 1923 à Vienne en Autriche, l'OIPC-INTERPOL est la plus connue et la plus importante des organisations de coopération policière internationale, elle compte aujourd'hui 190 membres répartis sur les cinq continents. Pour plus de détails, voir infra, 1ere partie, chapitre 2.

* 56 Accord de coopération entre la CEMAC et l'OIPC-INTERPOL du 26 Mars 2001.

* 57 Préambule de l'accord de coopération en matière de police criminelle entre les Etats de l'Afrique Centrale.

* 58 L'Etat de droit ou Rechtstaat est un concept né en Allemagne au XIXe siècle et signifie, celui dans lequel existe une structure juridique hiérarchisée de lois générales, impersonnelles et égales pour tous. Par opposition à l'Etat de police (Polizeistaat) qui est celui d'un gouvernement d'Hommes, régi par les ordres personnels et arbitraires et non par des lois. Voir Joseph KANKEU, Droit constitutionnel, théorie générale, Tome1, 1ere édition, Bafoussam, Edition huit et presses Universitaires de Dschang, 2003, p. 23. Il s'agit à travers la notion d'Etat de droit de ne pas verser dans la barbarie et l'arbitraire, et ressembler de ce fait aux délinquants qu'on est sensé punir.

* 59 LABORDE (J.P.), op.cit., p. 53.

* 60 L'Union Européenne a trois piliers que sont :

1- la communauté européenne ;

2- la politique étrangère et de sécurité commune ;

3- la coopération policière et judiciaire européenne, laquelle est entièrement intégrée dans le traité européen qui constitue le texte fondamental, la racine à partir de laquelle toutes les questions à développer naissent. Le Troisième pilier apparait pour la première fois dans le traité sur l'Union Européenne de MAASTRICH en 1992 au titre IV qui s'intitule « Coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures » et sera confirmé avec le traité d'AMSTERDAM de 1997. Plus spécifiquement, la coopération policière devient une question prioritaire de l'Europe par son insertion dans le traité, elle devient une coopération à part entière entre les Etats européens et se désolidarise de ce qui jusque là était sa raison d'être, à savoir la libre circulation des personnes, dont elle constituait le complément.

* 61 Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Organisation d'intégration régionale regroupant quinze Etats d'Afrique de l'Ouest. Le chapitre X du traité CEDEAO révisé à Cotonou au Bénin le 24 Juillet 1993 s'intitule : « coopération dans les domaines des affaires politiques, judiciaires, juridiques, de la sécurité régionale et de l'immigration », articles 56 à 59.

* 62 Paul PONDI, op.cit., p. 8.

* 63 COSME N., BEN HAMOUDA (H.)., BEKOLO EBE (B.)., op. cit., p.303 .

* 64 La sécurité des personnes et des biens encourage le travail, la constitution des capitaux pour l'investissement .En plus, l'on ne fait pas assez souvent le rapprochement entre le trafic, le vol de bétail et l'augmentation du prix de la viande par exemple.

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