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Les enjeux du télétravail international


par Méric SANCHEZ
IETL LYON 2 - M2 Mobilité internationale du travailleur  2020
  

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Introduction

Contraint ou choisi, le télétravail, dans le contexte de la crise de la COVID-19, est devenu un nouvel enjeu dans l'entreprise. En effet, de nombreux services RH font face, depuis quelques années, à de nombreuses demande de télétravail, parfois depuis l'international, de la part des salariés. Le télétravail est ainsi devenu un véritable enjeu RH d'attractivité et de rétention des talents.

Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle, un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication.1

Jusqu'à présent peu développé, le télétravail s'est aujourd'hui imposé comme une véritable alternative au travail en présentiel.

En effet, une enquête de la DARES2 a montré en 2016-2017 que seuls 3% des salariés pratiquaient occasionnellement le télétravail. En pleine pandémie de la COVID-19, et le confinement qui en a découlé, c'est quasiment un quart des français (24%)3 en avril, et près de la moitié en mai qui avaient recours à cette pratique, choisie ou imposée.

En effet, l'article L1222-11 du code du travail dispose qu'« en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en oeuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés ».

1 Article L 1222-9 du code du travail

2 Enquête de la DARES publiée le 04/11/19 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/quels-sont-les-salaries-concernes-par-le-teletravail

3 Etude ODOXA publiée le 09/04/2020 http://www.odoxa.fr/sondage/covid-19-bouleverse-deja-modifiera-durablement-rapport-francais-travail/

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En septembre, ce chiffre est retombé à 10% selon le ministère du travail. Cependant, les salariés concernés par le télétravail, ont pour la plupart plébiscité ce dispositif4. Le Ministre du Travail, Élisabeth Borne, estimait mi-août qu'il fallait mettre en place le télétravail « à chaque fois que c'est possible dans les zones de circulation active du virus5».

Aujourd'hui, à l'heure du second confinement, le même ministre a précisé6 que « 45% des salariés du privé ont ainsi fait du télétravail » entre les 4 et 8 novembre selon une enquête réalisée par le ministère du Travail. Élisabeth Borne a ainsi persisté dans l'idée selon laquelle le télétravail devait être mis en place dès que c'était possible (« le télétravail n'est pas facultatif » a-t-elle déclaré lors de la même conférence de presse).

Quoi qu'il en soit, ce recours nouveau et massif au télétravail semblent avoir amené les employeurs et les salariés à repenser l'organisation du travail, jusqu'à présent dominée par le travail en présentiel.

En effet, de nombreux arguments jouent en faveur du télétravail : il permet au salarié de choisir son lieu de travail, éventuellement à l'étranger, de gagner du temps (le temps passé à se rendre à son lieu de travail), lui octroie une autonomie accrue tout en l'incitant à la responsabilisation...

De plus, il convient de noter que le développement et la diffusion des nouveaux outils de travail, de l'information et de la communication (NTIC) permettent aujourd'hui un recours plus aisé au télétravail : une majorité des français possède aujourd'hui un ordinateur à son domicile avec une connexion internet, lui permettant de télétravailler.7

Les employeurs également ont bien compris quels avantages ils pouvaient tirer du télétravail, qui leur permet de fidéliser les salariés, qui peuvent même établir leur lieu de travail à l'étranger ; c'est donc (semble-t-il) un formidable outil de flexibilité pour l'employeur : plus de formalités d'immigration, fiscale ou sociale...

4 « 73 % de ceux qui oeuvrent désormais depuis leur domicile souhaitent continuer après la crise, de manière régulière ou ponctuelle. », étude publiée sur le site du Figaro le 10 mai 2020 https://www.lefigaro.fr/actualite-france/comment-les-francais-se-sont-adaptes-au-teletravail-20200510

5 Interview donnée dans le JDD en date du 16 aout 2020 ( https://www.lejdd.fr/Politique/elisabeth-borne-ministre-du-travail-au-jdd-on-doit-eviter-a-tout-prix-un-nouveau-confinement-3985889)

6 Conférence de presse du jeudi 12 novembre 2020

7 D'après une étude publiée par Statista Research Department le 9 mars 2020, le taux d'équipement en ordinateur chez les Français était de 76 % en 2019. https://fr.statista.com/statistiques/531157/equipement-ordinateur-a-domicile-france/

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En France, certains parlementaires proposent même d'instaurer l'obligation pour l'employeur de proposer, lorsque les circonstances le permettent, au salarié de télétravailler à raison d'une journée par semaine au minimum8.

L'État a en effet tout intérêt à proposer le télétravail : le télétravail permet à certains salariés de quitter les grands espaces urbains au profit de territoires ruraux et ainsi de participer à leur vitalité. De plus, une personne en télétravail n'a plus systématiquement besoin d'utiliser des moyens de transport, tant individuel que collectif, ce qui contribue notamment à la réduction de la pollution.

Les États ont donc bien compris cette tendance, et certains tentent même de l'amplifier et l'élargir au cadre international : l'Estonie, la Barbade, ou encore le Mexique et l'Australie ont ainsi crée un visa spécial (« Visa de Digital Nomade »), permettant aux étrangers de s'établir sur leur sol pour télétravailler à distance pour une société établie hors de leurs frontières.

Le télétravail est qualifié de « national » quand le salarié télétravaille dans le même pays que celui dans lequel se trouve l'entreprise pour laquelle il télétravaille, et duquel il est souvent ressortissant. Cette situation, comme nous allons le voir, est régie par le code du travail français et ne comporte pas de difficultés en termes fiscaux, migratoires ou sociaux, nous ne nous appesantirons donc pas dessus lors de ce mémoire.

Le télétravail peut au contraire qualifié d'« international » dès lors qu'est caractérisé un élément d'extranéité : le salarié télétravaille depuis un autre pays que celui où est situé l'entreprise au profit de laquelle il télétravaille. Lors de ce mémoire, quand le terme télétravail international sera utilisé, il servira à décrire deux situations.

La première sera le cas d'un salarié français, travaillant habituellement en France, et qui souhaite s'installer dans un pays étranger afin d'y télétravailler pour le compte de son employeur français. En effet, cette pratique est de plus en plus demandée par certains salariés.

8 Proposition de loi, déposée par des parlementaires LR, n°3328 visant à favoriser le télétravail lorsque l'emploi le permet. http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3328 proposition-loi# ftn1

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La seconde situation sera celle du télétravail international « imposé » en raison de la crise sanitaire, en d'autres termes la situation d'un salarié bloqué dans un pays et qui y télétravaille pour son employeur. Ce pays sera soit le pays de résidence du salarié dans lequel il n'exerçait habituellement pas son activité professionnelle (c'est le cas du travailleur frontalier, qui par exemple réside en France mais travaille en Suisse, et qui serait bloqué en France), ou sera un pays qui n'est pas le pays de résidence du salarié (par exemple, un salarié britannique, travaillant pour une entreprise britannique, qui serait bloqué en France en raison des mesures sanitaires et qui télétravaillerait en France).

Il convient également d'opérer une distinction entre le télétravail international et le « business trip ». Cette pratique n'est pas définie légalement. En pratique elle peut se définir comme « une visite occasionnelle, au nom ou à la demande de la société, sur un autre territoire que le pays de travail habituel »9.

Ainsi, le business trip est la conséquence d'une demande de la société auprès du salarié et est lié à l'exercice même de ses fonctions. Il s'agit donc la plupart du temps de rendez-vous avec des équipes, des clients, des prestataires, ou de conférences / formations dispensées à l'étranger. A la différence du télétravail international, le salarié ne pourrait pas accomplir cette tâche dans le lieu habituel de travail.

Nous le verrons, cette distinction a son importance, car les conséquences seront différentes pour le salarié.

Pouvoir télétravailler depuis l'étranger, et si possible depuis un lieu agréable et exotique, pour une entreprise située ailleurs dans le monde, sans s'embarrasser des formalités migratoires, sociales ou fiscales : cela semble être trop beau pour être vrai, et pour cause, le télétravail depuis l'étranger ne va pas sans conséquences, tant pour le salarié qui en bénéficie que pour l'employeur qui l'autorise.

A plus forte raison, la crise sanitaire et les mesures sanitaires qui en ont découlé ont fait émerger de nouvelles problématiques quant à ces télétravailleurs internationaux. Comme d'accoutumé, le droit doit donc intervenir afin d'encadrer cette pratique du télétravail international, et protéger l'employeur comme le salarié qui en profite.

9 MSE Avocats, « Business Trip VS Télétravail International », 23 novembre 2020

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Il convient donc de répondre à cette problématique : quels sont les enjeux du télétravail international, et comment s'assurer de sa conformité avec les règles applicables en matière de mobilité internationale (droit du travail, protection sociale, immigration, droit fiscal...) ?

Comme nous allons le voir, malgré la nouveauté et la spécificité que semble présenter le télétravail international, celui-ci comporte des enjeux classiques de mobilité internationale, ce que semblent oublier les employeurs comme les salariés, qui pensent pouvoir s'affranchir de ces enjeux avec cette pratique, s'exposant ainsi à des risques.

De même, les enjeux liés au télétravail international ne datent pas de la crise sanitaire actuelle. En effet, cette nouvelle pratique fait l'objet de nombreuses demandes, notamment de la part des salariés, depuis plusieurs années.

De ce fait, les problématiques liés à cette pratique ne sont pas toutes, loin s'en faut, liées à la COVID-19, même si cette dernière a bien entendu fait émerger des questionnements, en lien cependant avec des enjeux de mobilité classiques. Il ne semble donc pas opportun d'étudier l'impact de la crise de la COVID-19 sur le télétravail international dans une partie dédiée.

Enfin, l'objet de ce mémoire n'est pas d'étudier en profondeur tous les enjeux de la mobilité internationale, mais d'étudier ces enjeux appliqués au cas spécifique du télétravail international et les risques inhérents à cette pratique.

Ainsi, afin d'étudier cette pratique du télétravail international et les risques inhérents à celle-ci, nous verrons dans un premier temps les enjeux de droit social du télétravail international. Dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux enjeux fiscaux et migratoires, ainsi qu'au portage salarial international, qui apparaît comme une solution aux enjeux du télétravail international.

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PREMIERE PARTIE : LE TELETRAVAIL
INTERNATIONAL ET LES ENJEUX DE DROIT

SOCIAL

Dans cette première partie nous nous intéresserons aux enjeux de droit social du télétravail international, à plus forte raison dans ce contexte particulier de crise sanitaire.

Par droit social, il faut entendre les enjeux en droit du travail, qui seront abordés dans un premier chapitre, et les enjeux en droit de la protection sociale, abordés quant à eux dans un second chapitre.

Le droit social, comme nous allons le voir, est un enjeu classique de mobilité internationale, qui doit être pris en compte par l'employeur et le salarié qui souhaitent avoir recours à cette pratique du télétravail international.

Naturellement, le télétravail international emporte lui aussi ces enjeux de droit social. Pourtant, le télétravail international, de par sa nouveauté et sa simplicité apparente de mise en oeuvre, semble souvent faire oublier à ceux qui ont y recours que les mêmes enjeux de mobilité internationale sont présents.

Bien souvent, le télétravail international résulte donc d'une situation de fait, et rien n'est prévu par le contrat de travail initial. On peut dès lors parler de télétravail international « sauvage » : un salarié s'est « tout simplement » installé dans un pays étranger afin d'y télétravailler pour son employeur français. De ce fait, l'employeur ou le salarié qui a recours au télétravail international, sans aborder ces enjeux de droit social, s'expose à des risques, que nous allons détailler dans cette partie.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry