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Les enjeux du télétravail international


par Méric SANCHEZ
IETL LYON 2 - M2 Mobilité internationale du travailleur  2020
  

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Section I : Le télétravail international et l'enjeu migratoire

Quand un salarié évoque la possibilité de télétravailler à partir d'un pays étranger, la première question à se poser est de déterminer si le salarié peut s'installer dans ce pays dont il n'est pas ressortissant.

Pour répondre à cette question, il convient d'opérer une distinction entre le court séjour et long séjour.

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a) Court séjour et télétravail international

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En règle générale, la plupart des législations nationales en termes d'immigration retiennent qu'au-delà de 3 mois, le séjour est considéré comme étant long.

Par exemple, un citoyen ressortissant d'un état membre de l'Union Européenne, a le droit de séjourner dans un autre pays de l'UE jusqu'à trois mois sans devoir s'enregistrer (il faudra tout au plus signaler sa présence). Il faut uniquement être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité.

Pour un ressortissant d'un état non-membre de l'UE, qui souhaite séjourner dans un état de cette zone, ce dernier doit normalement posséder un visa dit de court séjour (type C) qui permet de séjourner dans ce pays jusqu'à 3 mois. Ce visa uniforme est commun au États Schengen. Il permet de séjourner en France et dans les autres pays Schengen, sauf exception. Il faut aussi détenir d'autres documents qui varient selon l'objet du séjour.

Le salarié français, qui souhaite télétravailler à partir d'un autre pays membre de l'UE peut ainsi être tenté de multiplier ces courts séjours (de moins de 3 mois) afin de ne pas tomber sous le régime du long séjour.

Cependant, les courts séjours ne permettent pas de télétravailler : il ne s'agira que d'activités touristiques ou d'affaires (business trip) mais en aucun cas pour une activité productive.

De plus, même pour des cours séjours, se pose la question des droits d'entrée, le pays d'accueil pourra se montrer suspicieux en cas d'allers retours répétés sur son sol. Il faudra donc se méfier du statut migratoire du salarié en cas de contrôle.

b) Long séjour et télétravail international

En ce qui concerne le long séjour, le principe est que si une personne réside dans un pays dont elle n'est pas ressortissante, elle doit détenir un permis de résidence délivré par le pays d'accueil (il existe des exceptions, notamment au sein de l'UE).

Si cette personne souhaite y exercer une activité professionnelle, notamment sous forme de télétravail, elle devra également détenir un permis de travail.

Ces permis de travail et de résidence sont délivrés sur « une base d'éligibilité », et pour un motif précis : travail, études, famille accompagnante, etc.

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Le salarié pourrait donc télétravailler, mais ce n'est pas acquis de droit même s'il peut s'installer dans le pays. Certains longs séjours visiteur ne permettent pas l'exercice d'une activité professionnelle dans le pays d'accueil.

En France, il n'y a pas besoin de permis spécifique de travail pour télétravailler à l'heure actuelle.

Il faudra étudier dans l'avenir la potentielle réaction de l'état français face à cette nouvelle pratique.

Ainsi, le régime migratoire dépendra exclusivement du pays d'accueil et au cas par cas. Il conviendra donc, au cas par cas, de vérifier si l'installation est libre dans le pays d'accueil, et étudier les règles d'immigration.

Si l'installation n'est pas libre, il faut également au cas d'espèce apprécier les bases d'installation du salarié afin d'obtenir un permis de résidence, autre que l'emploi (la famille installée dans le pays d'accueil par exemple).

Si le salarié peut prétendre à s'installer librement ou, dans le cas contraire (l'installation n'est pas libre), s'il répond aux critères pour obtenir un permis de résidence, il faudra déterminer s'il peut exercer une activité professionnelle, et notamment de télétravail international. Si le télétravail est libre en France sans permis, certains pays exigent un permis spécial, même avec un permis de résidence, comme les USA, le Brésil, ou le Japon.

Le principal risque, en plus du danger de l'obligation de quitter le territoire délivré par un pays qui n'autoriserait pas cette pratique, est d'être poursuivi pour travail illégal. En effet, le pays d'accueil, s'il ne permet pas par exemple le télétravail à l'occasion d'un court séjour, qui découvre que le salarié est pourtant présent sur son territoire, en court séjour, et télétravaille pour une entreprise étrangère, pourra considérer que le salarié travaille sans titre de séjour et/ou sans permis de travail et qu'il s'agit d'un travail illégal.

Face à cette nouvelle pratique du télétravail international, certains pays, pour attirer les salariés souhaitant y recourir, ont créé des visas spécifiques au télétravail international depuis la crise de la COVID-19. Ces pays sont la Barbade, les Bermudes, l'Estonie, la Géorgie et la Croatie.

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Certains de ces pays soumettent cependant ce visa à des conditions. Ainsi, la Géorgie propose un visa d'un an de résidence pour un Remote Worker (télétravailleur), à condition que le salarié justifie de ressources minimums et d'une assurance santé internationale.

A Barbade, le Barbados Welcome Stamp, est un mécanisme qui offre un visa d'un an aux étrangers pour venir s'installer et télétravailler sur l'île, et assurer la reprise de l'économie locale. Le visa « Welcome Stamp » délivré par la Barbade permet à un étranger ainsi qu'à sa famille de s'installer dans le pays et d'y télétravailler pendant une durée pouvant aller jusqu'à12 mois. Le salarié qui souhaite bénéficier de ce visa doit toutefois justifier d'une assurance maladie et déclarer prévoir gagner un revenu d'au moins 50 000 $ US pendant l'année d'exercice de son activité professionnelle dans le pays ou avoir les moyens de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille pendant cette durée. Le visa prévoit même que les enfants puissent fréquenter l'école publique locale.

Nous l'avons vu, le télétravail à l'international comporte de nombreux risques pour l'employeur et le salarié, tant sur le plan fiscal que social et migratoire. Face à ces risques, et aux coûts qu'ils peuvent provoquer pour l'employeur et le salarié, une pratique semble répondre à ces risques : le portage salarial à l'international.

Section II : Le portage salarial à l'international, une solution aux risques
du télétravail international ?

I) Le régime du portage salarial

Le portage salarial est défini par l'article L1254-1 et 2 du code du travail. Il est caractérisé par une relation tripartite : l'entrepreneur porté, la société de portage et les clients.

Selon l'ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial, « Le portage salarial désigne l'ensemble organisé constitué par : « 1° D'une part, la relation entre une entreprise dénommée « entreprise de portage salarial » effectuant une prestation au profit d'une entreprise cliente, qui donne lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial ; « 2° D'autre part, le contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le « salarié porté », lequel est rémunéré par cette entreprise. »

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3 acteurs constituent donc cette relation tripartie :

- Le client, qui peut être une entreprise, une administration, une collectivité locale ou une association.

- L'entrepreneur « porté »

- La société de portage salarial qui joue le rôle d'intermédiaire entre ces deux acteurs, et qui est la seule contractuellement lié avec le client.

L'entrepreneur porté est lié à la société de portage par un contrat de travail de droit commun (CDD ou CDI) dans les mêmes conditions que celles d'un salarié d'une entreprise traditionnelle.

Ainsi, il bénéficie de tous les avantages sociaux d'un salarié ordinaire.

La rémunération brute de l'entrepreneur est calculée sur la base de son chiffre d'affaires hors taxes. Cette somme est disponible sur un compte personnalisé qui permet à l'entrepreneur de décider chaque mois du montant de ce qu'il souhaite se voir reverser sous forme de salaire brut par sa société de portage.

Du fait de son statut d'entrepreneur, sa rémunération brute peut être optimisée en défiscalisant les frais liés au développement de son activité (frais de bouche, déplacements, papeterie, bureautique, cadeaux clients...), ce qui aura pour effet d'optimiser son salaire net d'environ 50% du montant des frais défiscalisés.

Concernant sa protection sociale, le travailleur en portage salarial profite d'une couverture sociale complète, identique au régime social du salarié.

Les profils les plus répandus parmi les entrepreneurs portés sont notamment les consultants à l'international, qui ont recours au portage salarial international.

II) Le portage salarial international

Le portage salarial international est un dispositif qui concerne aussi bien des missions courtes et temporaires, effectuées en détachement, et des missions longues et durables qui s'apparentent à de l'expatriation.

Le salarié porté peut être détaché ou expatrié par la société de portage.

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Ce dispositif s'adresse donc aux professionnels qui souhaitent travailler ponctuellement ou durablement à l'étranger, tout en conservant les avantages sociaux dont il bénéficiait en France (assurance maladie, prévoyance, assurance responsabilité civile professionnelle, retraite, chômage, mutuelle complémentaire...) et en bénéficiant d'une assistance de la part de la société de portage.

En effet, la société de portage peut assister l'entrepreneur porté de multiples manières : Gestion et remboursement des frais liés à la mission, au réel ou bien selon le barème forfaitaire établi par le ministère des Affaires étrangères, déclarations auprès des différentes caisses, versement des salaires, possibilité d'affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, respect des législations sociales et fiscales locales, assurance rapatriement, contact avec les ambassades sur place, package relocation...

III) Une solution aux risques du télétravail international ?

Prenons un exemple : un salarié souhaite effectuer ses missions en télétravail depuis un autre pays dans lequel son entreprise n'est pas enregistrée. Il télétravaillera donc depuis ce pays. L'entreprise va alors suspendre son contrat de travail (via par exemple un congé sans solde, subordonné à l'acceptation de l'employeur, ou via un congé « sabbatique » pouvant aller jusqu'à 11 mois. Dans les deux cas, le contrat étant suspendu, le salarié aura le droit de travailler pour un autre employeur), ou mettre fin à celui-ci (avec une rupture conventionnelle par exemple), afin de lui permettre de signer un contrat avec une société de portage depuis laquelle il sera envoyé (en détachement ou en expatriation) dans le pays concerné. Ensuite il réalisera des missions et des prestations pour son entreprise d'origine qui devient alors une entreprise cliente dans la relation tripartie du portage salarial.

Les avantages sont nombreux. Tout d'abord, la gestion est simplifiée pour l'entreprise cliente et le salarié porté.

Sur le plan administratif, la fiscalité, l'immigration, la protection sociale, les affiliations diverses, l'autorisation de travail, facturation des prestations, la paie et versement des salaires, seront pris en charges par la société de portage.

L'entreprise d'origine du salarié, devenue l'entreprise cliente, n'aura donc pas à supporter toutes ces charges liées à l'expatriation ou le détachement du salarié, qu'elle aurait

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eu à supporter si elle avait elle-même envoyé le salarié en mobilité. Elle bénéficiera tout de même de la prestation de travail du salarié porté.

De plus, pour l'entreprise d'origine, il n'y a à priori plus de risque de requalification de la présence du salarié porté comme constituant un établissement stable de son entreprise d'origine, car il est lié contractuellement avec la société de portage.

En effet, il ne s'agit plus d'un salarié effectuant une mission à l'étranger pour le compte de son entreprise, mais d'une prestation de services réalisée par un salarié porté pour une société de portage.

Toutefois, le contrat d'origine, s'il a été suspendu, constitue toujours un risque en matière de requalification, car le salarié porté reste contractuellement lié à l'entreprise d'origine.

En dépit de ses avantages indéniables, le portage salarial international n'est pas sans présenter des défauts.

Tout d'abord, cette pratique comporte un coût élevé, puisque les règles internationales applicables en matière de fiscalité et protection sociale sont les mêmes pour un salarié classique et pour un salarié porté (assistance fiscale, couverture santé volontaire etc.). Même si ces coûts sont supportés par la société de portage et pas par l'entreprise d'origine, ils n'en demeurent pas moins les mêmes que pour une mobilité classique.

Le second risque est la réintégration à la demande du salarié dans son entreprise d'origine, si le contrat d'origine était suspendu. En effet, dans le cas d'une suspension du contrat de travail, à l'issue de cette suspension, le salarié aura le droit de réoccuper l'emploi qu'il a quitté temporairement, ou à défaut un emploi similaire lors de la reprise normale du contrat de travail. L'emploi devra correspondre à ses compétences et être rémunéré par un salaire au montant égal ou supérieur à celui correspondant à son emploi précédent.

Ainsi, si le salarié met fin à sa relation contractuelle avec la société de portage, et demande à être réintégré au sein de son entreprise d'origine, alors qu'il est à l'étranger, cela entraînera de nombreux coûts pour l'entreprise.

Pour pallier ce problème, l'entreprise d'origine a intérêt à mettre fin au contrat de travail de son salarié avant que ce dernier ne signe un nouveau contrat avec la société de portage. Cependant, il faudrait passer par une rupture conventionnelle (il n'est pas possible

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d'envisager un licenciement qui serait sans motif, ou de forcer le salarié à démissionner), ce qui semble difficile puisque le salarié n'aurait alors aucune garantie d'être embauché de nouveau à son retour en France.

Ainsi, le portage salarial international semble être une solution intéressante pour l'employeur qui souhaite envoyer un salarié à l'étranger afin qu'il télétravaille pour son compte depuis ce pays, notamment sur le plan financier. Cependant, nous l'avons vu, il demeure certains risques pour l'employeur. Il sera intéressant d'observer si les employeurs ont recours à cette pratique en cette période incertaine, qui a rendu le télétravail international, qui déjà en temps normal présente des enjeux classiques de mobilité internationale, d'avantage risqué pour l'employeur comme pour le salarié.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius