WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Shin-hanga : synthèse d'une sensibilité esthétique propre à  l'époque moderne du Japon


par Paul Minvielle
Université Paris 1-Sorbonne - Master Philosophie et Histoire de l'Art 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion :

Il a été question pour nous à travers cette recherche d'observer comment le mouvement Shin-Hanga cristallise les réflexions autour de l'esthétique japonaise moderne. Il était alors question pour nous d'analyser en premier lieu les différentes recherches élaborées sur l'esthétique japonaise de la fin de l'ère Meiji à des époques plus modernes (les années 1950 environ). Un des premiers enjeux fut de comprendre la manière dont se construisit une première pensée japonaise. Cette première élaboration d'une pensée purement indigène se fît au regard et en réemployant les méthodes occidentales. Okakura Kakuzo offrait le meilleur exemple pour montrer l'ambivalence de ce processus. En effet, celui-ci proposa une nouvelle esthétique proprement japonaise en définissant selon des règles précises ce qui pouvait prétendre à de l'art ou non, ainsi que la nature même de l'art. Le deuxième temps de ce premier point de notre analyse consista à observer, à l'aide des écrits de certains penseurs japonais, comment l'esthétique japonaise s'élabore, dans le sillage tracé par les premiers penseurs de l'ère Meiji (principalement Okakura Kakuzo), comme une pensée japonaise unique. Cette étape de l'histoire de l'esthétique japonaise prenait racine à la fin de l'ère Meiji, lors des ères Taisho puis Showa, caractérisées par une montée du nationalisme. Il s'agissait alors pour les

78

penseurs de cette génération de retracer une histoire de l'esthétique, observer dans les époques antérieures une sensibilité proprement japonaise pour une définition d'une esthétique nationale. Les travaux de Kuki Shuzo ou encore Tetsuro Watsuji constituaient alors de bons exemples. Cette recherche presque archéologique se concrétisait par l'étude, toujours selon des méthodes occidentales, de concepts esthétiques appartenant à des époques révolues de l'histoire du Japon.

Une fois l'analyse de la pensée esthétique japonaise de la première moitié du XXème siècle effectuée, il s'agissait pour nous de présenter et analyser le courant Shin-Hanga sous la tutelle de trois peintres choisis au préalable. Notre choix ayant porté sur les estampes de Kawase Hasui, Ito Shinsui et de Hiroshi Yoshida, ce second temps de l'analyse fut aussi l'occasion de nous montrer ce qui définissait la particularité du courant pictural Shin-hanga. En effet, comme nous avons essayé de le montrer, Shin-hanga syncrétise deux cultures différentes et compose un assemblage de différentes conceptions esthétiques. On retrouve à toutes les échelles, sur le plan technique ou sur les motifs, une adaptation d'une culture traditionnelle japonaise à des méthodes occidentales. Shin-hanga constituait d'autant plus une correspondance artistique idéale que la volonté de l'éditeur, à l'origine du mouvement, était de reconstruire une esthétique traditionnelle japonaise désormais menacée par l'influence de l'art occidental. Shin-hanga portait ainsi un regard tourné vers le passé du Japon tout en prenant en considération l'influence que pouvait exercer la société occidentale sur l'art japonais, à l'image de sa clientèle américaine.

A partir de là, il s'agissait alors de voir si l'on pouvait trouver une correspondance entre les écrits des penseurs modernes de l'esthétique japonaise et cette production artistique spécifique. Ce fut alors l'occasion d'observer comment, chacun à leurs

79

manières, les peintres du courant Shin-hanga ainsi que les penseurs modernes se livrèrent à une recherche archéologique, chacun dans leurs médiums. La méthode comparative nous permit ainsi de faire correspondre les textes philosophiques modernes sur les différents concepts esthétiques antérieurs, tels que Yugen ou encore Mono no Aware aux oeuvres d'art. Notre méthode, que nous avons emprunté à Erwin Panofsky, a consisté alors à observer l'adéquation entre les descriptions du concept proposées par des penseurs comme Kuki Shuzo ou Onishi Yoshinori et les oeuvres d'art. C'est dans cette dernière partie que nous avons utilisé la méthode iconographique pour établir une correspondance substantielle entre les écrits théoriques et intellectuels du début du XXème siècle et la production picturale de Shin-hanga. Il s'agissait alors de comprendre les ««principes sous-jacents qui révèlent la mentalitéì de base d'une nation, d'une période, d'une classe, d'une religion ou d'une perception philosophique, inconsciente représentéìe par un personnage et condensé en un travail »136. Et ainsi, conformément au troisième niveau de signification dégagé par Panosfsky : «

«Ainsi dans la conception de pures formes, motifs, images, histoires et allégories comme manifestations de ces principes sous-jacents, nous interprétons tous ses éléments comme ce que Ernst Cassirer a appeléì valeurs « symboliques ».[...] Mais quand nous essayons de le (le tableau La Cène) comprendre comme un document témoignant de la personnalitéì de Léonard, ou de la civilisation de la Haute Renaissance italienne, où selon une mentalitéì religieuse particulière, nous utilisons l'oeuvre d'art comme un symptôme de quelque chose d'autre qui s'exprime lui-même dans une multitude de variétésì d'autres symptômes, et nous interprétons ses caractéristiques iconographiques et structurels plus

136 Erwin Panofsky, Essais sur l'iconologie, Routledge, 2018, p. 6.

80

comme une évidence particulière de ce « quelque chose autre ».137 Nous avons vu comment finalement, aussi bien la pensée philosophique japonaise que la production picturale du mouvement Shin-hanga cachent un désir latent de la société japonaise au cours du XXème siècle : réaliser et obtenir une « esthétique » conforme à la pensée occidentale pour s'illustrer sur le plan international. Peut-être derrière ce processus se cache aussi finalement la prise de conscience d'une histoire unique et d'une identité propre. Peut-être finalement, au contact d'une culture occidentale massivement importée, parfois de force, la société japonaise observe pleinement l'histoire qui lui est sienne, composée d'une tradition unique et d'une sensibilité propre. Les estampes Shin-Hanga deviennent alors non pas qu'une simple réponse à une clientèle américaine mais bien plutôt l'acceptation d'un héritage. Il est difficile d'imaginer que cette adaptation d'anciens concepts traditionnels puissent se faire sans en prendre en considération d'une manière ou d'une autre, le discours national qui s'installe progressivement à partir de l'ère Taisho. Les estampes cristallisent une nouvelle fois la volonté de s'affirmer pour la nation japonaise. On se trouve ainsi dans une démarche double. D'une part, la représentation de sites célèbres issues de la tradition des Ukiyo-e est l'occasion pour renouer avec un passé traditionnel. On observe alors la ré-adaptation de célèbres séries à l'aune d'une adaptation technique purement occidentale. D'une autre part, on observe l'affirmation d'une géographie nationale, aussi bien auprès des Japonais qu'auprès de la clientèle américaine propre aux estampes. L'enjeu est alors double : affirmer un sentiment national auprès de la population japonaise par la diffusion, notamment auprès des Hanpukai, valoriser l'image du Japon par la diffusion internationale de ces mêmes estampes. Le dernier temps de notre dernière partie

137 Ibid,. p. 8.

81

consistait à analyser la représentation de la Nature dans ses estampes. Comprendre la distinction métaphysique existante dans l'appréhension d'une réalité commune à travers la représentation des estampes. Il s'agissait alors de montrer combien la perspective, pensée comme un moyen symbolique de représentation de la réalité, pouvait influencer la perception et la retranscription du réel au sein des estampes. Même si pour se faire, nous nous sommes focalisés sur les paysages de Kawase Hasui, nous aurions tout aussi bien pu analyser les bijinga d'Ito Shinsui pour l'usage de perspective et d'une stylisation anatomique employés pour la représentation du corps féminin. Les estampes Shin-Hanga était en ce sens plus du tout adéquate à une représentation picturale fidèle de la notion d « Onozukara » mais s'apparentait bien plus à une forme de représentation bipolaire, liant à la fois des concepts occidentaux et une appréhension de la Nature proprement japonaise. Ainsi, cette appréhension de la réalité purement japonaise ne s'effaça pas au contact de la civilisation occidentale. Evoquant l'appréhension de la Nature au travers de l'époque Edo, cristallisée par le terme Ukiyo-e, Sylvain Auroux ne parle pas d'autre choses lorsqu'il avance que «Une fois venue l'ère Meiji, la réforme de la société s'est opérée avant tout sur le plan des institutions politiques sans transformer la structure fondamentale de la conception du réel de l'époque précédente138

Se pose finalement à nous une question ; faisons-nous face à une réadaptation de concepts esthétiques ou à une véritable réappropriation à travers la démarche de ces peintres et penseurs ? Il est fort probable que non. Ces concepts appartiennent à une époque révolue et l'appréhension de cette sensibilité sera toujours inexact. Ces recherches ne visent toujours qu'à actualiser une sensibilité esthétique disparue. Ainsi, comme a pu le dire Sylvain Auroux : « L'analyse de Kuki est une tentative

138 Sylvain Auroux, La pensée japonaise, quadrige, 2019, p. 100.

82

d'évocation comme dit Platon dans le « Phèdre », de ce que « notre âme a vu jadis » sous sa forme vécue, telle quelle, une tentative pour saisir les choses qui iraient sans cela se perdre dans l'oubli. Entreprise philosophique fine, mais présomptueuse et téméraire. Car ce projet est non seulement, oserait-on dire, quelque chose d'impossible mais qui défie l'impossible. Pour réussir, les deux conditions suivantes seraient nécessaires : d'une part, l'expérience vécue de « iki » par une sensibilité aiguë, d'autre part son analyse philosophique abstraite. Or il y a une distance infranchissable par nature, entre ces deux aspects.139 Cette barrière infranchissable qu'évoque Sylvain Auroux est probablement celle dont ont fait l'expérience ces peintres qui essayent de faire ressurgir une esthétique appartenant à des époques antérieures.

Comme nous avons pu le dire, l'époque Meiji est le moment précis où la civilisation japonaise fait l'expérience d'une prise de conscience de sa propre tradition et de son histoire. La démarche d'Hisamatsu Sen'ichi constitant à diviser les différentes étapes de l'histoire du Japon selon quatre grandes catégories issues directement des catégories historiques occidentales le montre bien. En effet, ce dernier s'attache à répertorier les grandes étapes historiques de l'histoire japonaise sous ces termes : Kodai (250ap J.C-1185ap J.C) : l'Antiquité / Chusei (1185-1603) : le Moyen-Âge / Kinsei (1603-1868) : L'époque moderne / Kindai(ou Gendai) (1868-à nos jours) : époque contemporaine. Cette adaptation historique d'une histoire d'un peuple s'avère néanmoins plus théorique qu'autre chose. En effet, elle apparait davantage comme une méthode de division historique facilitant la compréhension que des époques aux particularités bien distinctes. Néanmoins, elles permirent à de nombreux philosophes de se repérer dans le temps et notamment de délimiter une

139 Ibid, .p. 25.

83

ère psycho-temporelle propre à l'affirmation d'une sensibilité esthétique. C'est en ce sens que la démarche d'Onishi Yoshinori peut se comprendre. En effet, Onishi Yoshinori établit une correspondance entre concepts esthétiques et époques historiques. Dans le sillage d'Onishi Yoshinori, un penseur dont nous n'avons pas encore évoqué le nom, Hisamatsu Sen'ichi (1894-1976), eut un impact considérable dans l'agencement des concepts esthétiques à travers l'histoire du Japon. En effet, ses deux ouvrages, « Nihon Bungakushi (histoire de la littérature japonaise) publié de 1955 à 1960 et « The vocabulary of Japanese Literary Aesthetics » publié en 1963 offrent un système d'agencement précis des différents concepts esthétiques. Sa méthode scientifique présente ainsi, dans son second ouvrage, une sorte de catalogue, sous forme de tableau, où sont agencés les différents concepts esthétiques appartenant à chaque époque.140 On y voit alors quatre catégories différentes, « Période », « Humour », « Sublime », « Elégance ».141 Catégorisation qui correspond finalement à une perception unique de la part des philosophes japonais et dont les moyens étaient alors les mêmes que ceux en Occident : « A good knowledge of western epistemology could inspire Japanese scholars to reconstruct an entire epoch of their land's history in the spirit of a meticulous geometry - although at times questionnable on philological grounds. This was the case, for example, of Kuki Shuzo(1888-1941), whose original and thought-provoking reading of the Edo period was informed by the aesthetic category of «Iki»(chic) in his «Structure de l'iki(Iki no Kozo, 1926, but not published until 1930). «Une bonne connaissance de l'épistémologie occidentale a pu inspirer les écoles japonaises à reconstruire une complète épopée/histoire/légende de histoire

140 Hisamatsu Sen'ichi, The Vocabulary of Japanese Literary Aesthetics(Tokyo : Centre for East Asian Culture Studies, 1963), p. 9.

141 Ibid,. p. 9.

84

territoriale dans l'esprit d'une méticuleuse géométrie - bien que ...Ce fut le cas, par exemple, de Kuki Shyzo(1888-1914) dont l'originalité et la provocante analyse de la période Edo fut complété par la catégorie esthétique de l'' « Iki »(chic) dans son livre « Structure de l'iki' »(Iki no Kozo, 1926), qui ne fut pas publié jusqu'en 1930)142. L'observation ci-dessus nous montre par l'exemple de Hisamatsu Sen'ichi la position de toute la pensée philosophique japonaise. Si la démarche unique d'Hisamatsu est d'un certain point unique par la création de ce qu'il nomme « pattern »(schéma ») : « The author then identifies aesthetics discours or « patterns » that apply to each of theses three major rubrics. » (L'auteur ensuite identifie le discours esthétique ou « schéma » qui s'applique à chacune de ces trois majeurs rubriques)143 on observe que celle-ci s'intègre dans une recherche globale de la pensée japonaise où il s'agit de construire une histoire de la sensibilité dès l'époque Meiji : « After examiniting the geneology of major terms taken from the vocabulary of premodern poetics, Japanese aestheticians aimed at constructin them as aesthetic categories and providing new readings in the light of contemporary philosophie. »144 (Après avoir examiné la généalogie de termes majeurs tirés du vocabulaire de la poétique pré-moderne, les philosophes de l'esthétique eurent pour ambition de les construire comme des catégories esthétiques et de proposer de nouvelles lectures dans la lumière de la philosophie contemporaine.) On voit bien que la division en catégories esthétiques constitua un enjeu majeur dans la délimitation et construction d'une sensibilité historique. Ce qui pouvait sembler être un ensemble d'émotions confus se constitua logiquement en différents concepts. Concepts esthétiques que l'on observe par la suite au sein de l'estampe. Cette

142 «The creation of Aesthetic Catégories », dans Modern Japanese Aesthetics : A reader par Michelle Marra, University of Hawai'i press, 1999, p. 20.

143 Ibid, p. 141.

144 Ibid, p. 143.

85

dernière devient aussi une limite conceptuelle par les thèmes qu'elle aborde. Chaque cadre finalement agence un concept et le définit ainsi. C'est finalement l'article de Toshukini Maeno145 qui nous renseigne probablement le mieux sur la nature de l'estampe comme medium idéal pour consacrer une tradition japonaise. En effet, Toshukini Maeno analyse la position actuelle de l'estampe comme le médium idéal pour analyser la sensibilité japonaise contemporaine : « Il n'est pas aisé de parler de la sensibilité japonaise contemporaine, car elle relève d'un double héritage : celui du passé traditionnel et celui de la culture occidentale, depuis la seconde moitié du XIXème siècle. »146 Toshukini Maeno nous rappelle aussi l'aspect duel que déjà mentionne Akira Tamba, la conjonction entre deux sensibilités esthétiques, occidentale et extrême-oriental : « «[...]car le système référentiel, et c'est une des particularités de tout le domaine artistique au Japon, voit fonctionner parallèlement les valeurs traditionnelles et les valeurs occidentales sans que les tentatives de fusion aient jamais été couronnées de succès. »147 Mais c'est probablement le « regard artistique » dont il montre quelques grandes caractéristiques qui nous intéresse le plus. En effet, Toshukini Maeno nous rappelle combien les japonais recherchent à travers chaque oeuvre, un univers idéal qui provoque une rupture avec la vie quotidienne. Ainsi, les estampes peuvent correspondre aux critères recherchée par les japonais d'« [...] une qualité lyrique et poétique d'une oeuvre ». 148 L'auteur nous apprend aussi que la réception de cette oeuvre de l'estampe, pensée alors comme l'art qui «[...] a joué un rôle important dans la formation de la sensibilité japonaise » auprès du grand public, se divise en

145 « Esthétique de l'art contemporain au Japon » par Tomomobu Imamuchi dans L'esthétique contemporain du Japon : Théorie et pratique à partir des années 1930, dir. Akira Tamba, CNRS Editions, Paris, 1997, p. 133-137.

146 Ibid, p. 134

147 Ibid, p. 135.

148 Ibid,, p. 135

86

deux parties : « Il suffit simplement de savoir que pour les Japonais, la peinture représentait la nature idéalisée, idyllique. Les sujets choisis avaient souvent un rapport avec les quatre éléments ou les quatre saisons. Il s'agissait de variations sur des thèmes connus. Quant aux valeurs esthétiques japonaises, des expressions comme « wabi », « sabi » et « « yugen », ou encore « iki », chères à l'art traditionnel, n'étaient accessibles qu'à un public restreint d'initiés dont la vie quotidienne était celle des grands esthètes : ceci n'était nullement le cas de la plupart des japonais pour lesquels ces valeurs représentaient que des notions abstraites. »149 L'article de Toshukini Maeno nous montre finalement combien l'estampe japonaise de l'époque moderne a structuré une sensibilité japonaise, axé autour de l'idéalisation de la nature. La connaissance de concepts esthétiques, dont la majorité des japonais en faisaient finalement l'inconsciente expérience, était néanmoins connue des peintres et des initiés et, comme nous avons essayé de le démontrer, constituait une base de représentation. L'idéalisation de la nature à travers ces estampes, enjeu esthétique dominant, nous permet de comprendre la renommée que put connaitre l'art de l'estampe autour des années 1970 où des peintres telles que Kaji Higayshiyama ou Sachiko Imai cherchèrent à retrouver une atmosphère lyrique dans un style traditionnel. Cette réadaptation d'anciens motifs et ré-utilisation de thèmes fréquents de l'estampe nous informent aussi sur un phénomène déterminant de l'art japonais moderne, dont peut-être Shin-hanga en constitue le premier exemple : le caractère figé de la sensibilité moderne japonaise. En effet, comme l'avance l'auteur Toshukini Maeno : « C'est ainsi que les Japonais ont négligé pendant longtemps toute forme de spéculation artistique ou intellectuelle, tombant dans une perfection maniériste, privilégiant la technique, au

149 Ibid, p. 134.

service d'un certain lyrisme ; cent ans après l'introduction de l'art occidental au Japon, et par la suite, de toute les tendances de l'art moderne et contemporain, le goût des amateurs d'art et du grand public ne semble guère avoir changé comme si les critères d'appréciation étaient depuis lors figés, immuables, accrochés, à une tradition trop forte pour s'éprendre de modernité. »150 Ainsi, à travers l'histoire de l'art du XXème siècle, on peut voir que l'estampe n'a jamais véritablement disparu du champ artistique. Si on peut voir que l'intention des amateurs ainsi que du gouvernement japonais est valoriser un art moderne et de privilégier les courants artistiques d'art moderne, l'estampe ne cesse de se perpétuer, d'abord avec les productions du mouvement Shin-hanga, puis ensuite avec les productions d'artistes Japonais comme Français. : Brasilier, Cassigneul, Catelin, dans les années 1970 puis dans les années 1980 avec des artistes que nous avons déjà mentionnés : Hiroshi Omae, Yoshiteru Nomura. Finalement, la sensibilité artistique japonaise se frayant un chemin entre une tendance purement traditionnelle et une autre tendance occidentale, s'affirma à l'aune du mouvement Shin-hanga dont l'enjeu n'était pas tant d'accepter la modernité occidentale que de, non sans une certaine nostalgie, revivre les derniers instants d'une sensibilité indigène avant sa défloraison.

87

150 Ibid, p. 137

88

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein