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La collecte des données marines et le droit de la mer


par Wafa ZLITNI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - Master de recherche en Droit international 2021
  

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Section II. La tentative d'équilibre entre les droits de l'Etat côtier et les libertés des chercheurs

Bien qu'au-delà des zones sous souveraineté, la CMB tente d'établir un équilibre entre les droits de l'Etat côtier d'une part et les libertés des chercheurs d'autre part, le régime qu'elle instaure pour la recherche scientifique marine penche largement en faveur de la protection des intérêts économiques du premier377. Le compromis obtenu se rapproche finalement du déséquilibre en faveur de l'Etat côtier dans ses zones de juridiction (paragraphe I), zones au-delà desquelles la liberté de recherche est aussi restreinte (paragraphe II).

Paragraphe I. Les garanties des chercheurs en matière de recherche scientifique marine dans les zones sous juridiction

Les dispositions concernant la recherche scientifique marine dans les zones sous la juridiction de l'Etat côtier apparaissent sous le titre de «Conduite de la recherche scientifique marine et action visant à la favoriser»378, ce qui semble annoncer un accès facilité à ces zones379 pour ce type de collecte de données marines. La CMB promet alors de faciliter la recherche scientifique marine dans les zones sous la juridiction de l'Etat côtier par un recours juridictionnel en cas de refus abusif du consentement (A) et des atténuations du principe du consentement (B).

A. Le recours juridictionnel en cas de refus abusif du consentement

Le principe du consentement persiste au-delà des zones sous la souveraineté de l'Etat côtier. Mais celui-ci «baigne [à présent] dans un contexte de Droit international»380. L'Etat côtier a alors l'obligation d'y faciliter la coopération

377 JARMACHE (E.), op. cit., p. 306.

378 Les articles 245 à 257 de la CMB précitée constituent la section 3 de la partie XIII «Recherche scientifique marine», qui s'intitule «Conduite de la recherche scientifique marine et action visant à la favoriser».

379 GUILLOUX (B.), op. cit., p.12.

380 Ibidem.

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internationale en adoptant «des règles, règlements et procédures raisonnables [et en facilitant] aux navires de recherche scientifique marine [...] l'accès à leurs ports»381. La version de cet article présente dans le Texte de négociation composite officieux ajoutait «dans un esprit de coopération internationale»382.

De plus, l'Etat côtier a l'obligation d'adopter «des règles et des procédures garantissant que [son consentement sera accordé dans des délais raisonnables et ne sera pas refusé abusivement»383 aux projets ne répondant à aucune des caractéristiques précitées en vertu de l'article 246.5 de la CMB. Il a enfin l'obligation de consentir «à la réalisation des projets de recherche scientifique marine que d'autres Etats ou les organisations internationales compétentes se proposent d'entreprendre dans [sa] ZEE ou sur [son] plateau continental [...] à des fins exclusivement pacifiques et en vue d'accroître les connaissances scientifiques sur le milieu marin dans l'intérêt de l'Humanité tout entière»384, et ce, «dans des circonstances normales»385.

«Les circonstances peuvent être considérées comme normales même en l'absence de relations diplomatiques entre l'Etat côtier et l'Etat qui se propose

381 L'article 255 de la CMB précitée prévoit: «Les Etats s'efforcent d'adopter des règles, règlements et procédures raisonnables en vue d'encourager et de faciliter la recherche scientifique marine menée conformément à la Convention au-delà de leur mer territoriale et, si besoin est, de faciliter aux navires de recherche scientifique marine qui se conforment aux dispositions pertinentes de la présente partie l'accès à leurs ports, sous réserve de leurs lois et règlements, et de promouvoir l'assistance à ces navires».

382 ONU, Document A/CONF.62/WP.10, Documents officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer, volume VIII, pp.1-64.

383 L'article 246.3 de la CMB précitée prévoit: «Dans des circonstances normales, les Etats côtiers consentent à la réalisation des projets de recherche scientifique marine que d'autres Etats ou les organisations internationales compétentes se proposent d'entreprendre dans leur zone économique exclusive ou sur leur plateau continental conformément à la Convention, à des fins exclusivement pacifiques et en vue d'accroître les connaissances scientifiques sur le milieu marin dans l'intérêt de l'humanité tout entière. A cette fin, les Etats côtiers adoptent des règles et des procédures garantissant que leur consentement sera accordé dans des délais raisonnables et ne sera pas refusé abusivement».

384 Ibidem.

385 Ibidem.

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d'effectuer des recherches»386 et s'il n'y a pas de risque imminent de conflit armé ni de différend juridictionnel concernant l'espace marin visé par les recherches387.

Ainsi, un recours juridictionnel est possible388 afin d'éviter que l'Etat côtier manque de se conformer à son obligation de faciliter la recherche scientifique marine dans les eaux sous sa juridiction et qu'il exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 246 de la CMB de manière incompatible avec la Convention, en d'autres termes, qu'il refuse abusivement son consentement en vertu dudit article.

Ainsi, en vertu dudit article 264389, tout différend relatif à la question de savoir si l'Etat côtier a refusé son consentement de manière abusive est soumis, à la demande de l'organisation internationale ou de l'Etat chercheur d'une part, ou de l'Etat côtier lui-même d'autre part, à la CIJ, au tribunal international de Droit de la mer, à un tribunal arbitral390, ou à un tribunal arbitral spécial391 compétents en vertu de la CMB392. La décision rendue est alors dotée de l'autorité de la chose jugée.

386 L'article 246.4 de la CMB précitée prévoit: «Aux fins de l'application du paragraphe 3, les circonstances peuvent être considérées comme normales même en l'absence de relations diplomatiques entre l'Etat côtier et l'Etat qui se propose d'effectuer des recherches».

387 DOALOS, Guide révisé pour l'application des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, op. cit., pp. 41-48.

388 DOALOS, Guide révisé pour l'application des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, op. cit., pp. 25-27.

389 L'article 264 de la CMB précitée prévoit: «Les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application des dispositions de la Convention visant la recherche scientifique marine sont réglés conformément aux sections 2 et 3 de la partie XV».

390 Ce tribunal arbitral est constitué conformément à l'annexe VII de la CMB précitée intitulée «arbitrage».

391 Ce tribunal arbitral spécial est constitué conformément à l'annexe VIII de la CMB précitée intitulée «arbitrage spécial».

392 Les articles 286 à 296 de la section 2 «Procédures obligatoires aboutissant à des décisions obligatoires» de la partie XV «Règlement des différends» de la CMB précitée.

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Les différends pouvant faire l'objet d'une décision obligatoire concernent deux devoirs de l'Etat côtier : celui de garantir son consentement aux projets de recherche scientifique marine dans sa ZEE et sur son plateau continental dans les circonstances normales d'une part, et celui d'adopter des règles et des procédures garantissant que son consentement ne sera ni refusé ni retardé d'une manière qui ne soit pas raisonnable d'autre part393.

Toutefois, les différends «découlant de l'exercice par [l'Etat côtier] d'un droit ou d'un pouvoir discrétionnaire conformément à l'article 246 ou de la décision de cet Etat d'ordonner la suspension ou la cessation d'un projet de recherche conformément à l'article 253»394 ne peuvent pas faire l'objet d'un tel recours. L'Etat côtier n'est donc pas tenu d'accepter le régime des procédures obligatoires pour ces deux différends qui sont alors soumis à une commission de conciliation395 non habilitée à remettre en cause l'exercice par l'Etat côtier de son pouvoir discrétionnaire.

Cette garantie que constitue la possibilité de recours à une procédure obligatoire de règlement des différends se trouve alors amoindrie non seulement par ces exceptions, mais aussi par les mesures conservatoires prévues à l'article 265 en vertu desquelles «l'Etat ou l'organisation internationale compétente autorisé à exécuter le projet de recherche scientifique marine ne [peut pas entreprendre ou poursuivre] les recherches sans le consentement exprès de l'Etat côtier

393 DOALOS, Guide révisé pour l'application des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, op. cit., p. 15.

394 L'article 297.2.a de la CMB précitée prévoit: «Les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application des dispositions de la Convention concernant la recherche scientifique marine sont réglés conformément à la section 2, sauf que l'Etat côtier n'est pas tenu d'accepter que soit soumis à un tel règlement d'un différend découlant

i) de l'exercice par cet Etat d'un droit ou d'un pouvoir discrétionnaire conformément à l'article 246, ou

ii) de la décision de cet Etat d'ordonner la suspension ou la cessation d'un projet de recherche conformément à l'article 253».

395 La soumission obligatoire à la procédure de conciliation est régie par les articles 11 à 14 de la section 2 «Soumission obligatoire à la procédure de conciliation conformément à la section 3 de la partie XV» de l'annexe V intitulée «Conciliation» de la CMB.

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concerné»396 tant que le différend n'est pas réglé397

.

Aux côtés de ce recours juridictionnel, la CMB octroie aux chercheurs deux atténuations au principe du consentement explicite de l'Etat côtier en tant que seconde garantie.

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