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Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

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Paragraphe 2 : Les caractéristiques communes à l'hypothèque de l'immeuble et à l'hypothèque des droits de jouissance des terres

L'hypothèque est accessoire126(*) à la créance qu'elle garantit127(*), c'est une caractéristique commune à toutes les garanties, à l'exception de celles personnelles comme la garantie autonome et la contre garantie. Il ne sera pas revenu sur cette caractéristique. D'autres caractéristiques des garanties sont : l'indivisibilité et la spécialité128(*) (B). Cette dernière est très souvent avancée pour être un élément distinctif de l'hypothèque129(*) puisqu'elle l'a originellement inspiré. En distinguant l'hypothèque de l'autre garantie qu'est le gage immobilier retenu en France, il se manifeste que la non dépossession (A) du constituant constitue également sa caractéristique. La non dépossession130(*) est souvent envisagée par certains auteurs comme effet de l'hypothèque131(*) et cela n'est pas faux. En effet, elle n'est pas exclue comme caractéristique de l'hypothèque, elle participe donc de sa nature juridique.

A- L'hypothèque, une garantie sans dépossession du constituant

Une garantie sans dépossession est une garantie constituée sans que le débiteur ne soit privé de la détention matérielle et de l'usage du bien qui en est l'objet132(*). Cette définition n'envisage la dépossession que pour le cas d'une garantie constituée par le débiteur lui-même. Le « débiteur » doit dans ce cas être entendu comme le constituant, ce dernier est très souvent le véritable débiteur de l'obligation principale. Mais le « débiteur » peut aussi être un tiers, une caution réelle par exemple, cette dernière est la débitrice de l'obligation du premier en cas de sa défaillance, c'est donc le « débiteur par accessoire. »

La dépossession était la caractéristique principale du gage dans le code civil. Dans l'espace OHADA, l'avènement de l'AUS en 1997 a fait maintenir cette caractéristique du gage mais la réforme de décembre 2010 l'abandonne. En France, cet abandon est intervenu dans le cadre de la réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 23 mars 2006. Le gage immobilier reste à nos jours l'exemple topique de la sûreté avec dépossession133(*). Son avantage est d'opérer, directement au profit du créancier, possession d'un immeuble déterminé sur lequel, en percevant les loyers ou en jouissant d'une manière quelconque, il assure directement le remboursement du crédit qu'il a consenti134(*).

En droit OHADA, cette option n'a pas été retenue, il en est que seule l'hypothèque est admise sur les immeubles et les autres droits réels immobiliers. Dans le cadre de l'hypothèque, la dépossession est remplacée par la publicité dont l'importance n'est plus à démontrer. Pour AYNES et CROCQ, l'hypothèque et la publicité forment un « couple nécessaire »135(*). La non dépossession du débiteur de ses terres et des droits réels immobiliers lui permet d'épuiser son crédit sur l'immeuble, il n'est pas faux que même étant mis en gage (cas du gage immobilier notamment), le débiteur peut également hypothéquer son immeuble. La différence entre les deux garanties est que la dépossession dans le cadre du gage136(*) permet directement le remboursement de la créance alors que l'hypothèque ne peut être réalisée qu'en cas de défaillance du débiteur et certainement à un moment lointain de la constitution.

Ce que laisse observer le mécanisme de gage immobilier137(*) est le fait que c'est la jouissance des terres qui est affectée à la garantie de la créance138(*) et ce dès sa constitution. Cette garantie n'épuise pas l'immeuble puisque le créancier est tenu de le restituer en cas de complet paiement de sa créance. L'hypothèque de la jouissance des terres adopte les techniques de l'une et de l'autre garantie immobilière prévues par le code civil français, mais elle n'a pas été conçue dans le sens de constituer une troisième. C'est pourquoi les autres caractéristiques de l'hypothèque de droit commun lui demeurent acquises.

B- L'indivisibilité et la spécialité de l'hypothèque

L'indivisibilité et la spécialité de l'hypothèque sont admises pour protéger le créancier et le débiteur, l'un contre l'autre, et les tiers à cette relation.L'indivisibilité désigne l'état de ce qui ne peut être divisé et doit être envisagé dans son ensemble139(*). L'hypothèque est indivisible par nature et subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu'à complet paiement et malgré la survenance d'une succession140(*). Sont concernés par l'indivisibilité, l'assiette de la garantie c'est-à-dire l'immeuble ou les droits réels immobiliers et aussi la créance garantie.

L'assiette est indivisible dans la mesure où tous les immeubles ou les droits réels immobiliers affectés à la garantie de la créance répondent de la totalité de cette créance. Dans ce cas, l'un quelconque des immeubles ou des droits immobiliers contenus dans l'assiette peut être réalisé sans opposition141(*) du constituant ou même de ses ayants droit.

La créance garantie est indivisible à double sens142(*), passivement et activement. De manière passive, les héritiers du constituant sont tenus au désintéressement du créancier. Et notamment, lorsque l'un quelconque d'entre eux a bénéficié de l'immeuble hypothéqué dans sa part successorale, l'hypothèque sera réalisée sur cet immeuble. Ledit héritier pourra se retourner contre ses cohéritiers pour le surplus payé sur la dette, qu'il a lui-même héritée. De manière active, les héritiers du créancier et l'un quelconque d'entre eux a le droit de poursuivre la réalisation de l'hypothèque constituée au profit du de cujus dont il est l'ayant droit.

Comme l'indivisibilité, de même, la spécialité de l'hypothèque tient doublement143(*) c'est-à-dire quant à l'assiette de la garantie et quant à la créance garantie. L'assiette de la garantie est l'immeuble ou un droit réel immobilier. Cette assiette doit être déterminée dans l'acte de constitution de l'hypothèque ou tout au moins, cette assiette doit être déterminable. La spécialité de la créance garantie144(*) est perçue dans le sens où elle doit également être déterminée ou tout au moins déterminable145(*).

Il y a une forte tendance à la relativisation de la spécialité de l'assiette de l'hypothèque146(*) et certains annonçaient en France son déclin147(*) avant de la voir être maintenue par la réforme. Cette relativisation est aujourd'hui ce qui fait admettre l'hypothèque des biens immeubles à venir148(*) prévue en trois cas à l'article 203 de l'AUS149(*). D'ailleurs pour un auteur, la survivance du principe de spécialité n'a pas été perçue comme d'un avantage certain au système civiliste150(*). Pour l'auteur c'est la conséquence du fait que le principe de spécialité a été mal exploité depuis son adoption dans le code civil en 1804151(*). D'après DAUCHEZ, la mauvaise exploitation dont s'agit tient au fait que la doctrine et la jurisprudence associaient l'hypothèque au droit des biens et au droit des obligations desquels il faut plutôt l'envisager comme séparée et la rattacher au droit de gage général qu'elle surabonde152(*).

L'objet sur lequel porte l'ensemble des garanties immobilières est le même, c'est la terre, un bien immeuble. Mais chaque garantie a une assiette qui lui est propre, c'est la valeur directement affectée au bénéfice d'un créancier pour être remboursé en cas de défaillance du débiteur. Pour l'hypothèque connuegénéralement,son assiette est constituée par l'immeuble ou les terres avec toutes ses valeurs. C'est très peu connu que cette hypothèque peut aussi avoir pour assiette des droits réels dits de jouissance des terres. Il a été vu que c'est dans le sillage de la spécialité que les droits réels immobiliers dont font partie également les droits de jouissance des terres ont été prévus. C'est dire en effet que ces droits et la garantie portant sur eux revêtent une spécialité. Cette spécialité de la garantie ne peut être révélée qu'à travers ses caractéristiques.

* 126Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°400

* 127 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », in Encyclopédie du droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011, n°2

* 128Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op. cit. n°7

* 129 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretésréelles, op. cit. n°6

* 130 La remise du titre foncier n'est en rien signe d'une dépossession.

* 131Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°414

* 132G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.344

* 133 Article 2387 du code civil français.

* 134 Article 2389 du code civil français.

* 135Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°631

* 136 G. PIETTE, « La possession en droit des sûretés », Dr. et patr. nov. 2013, p. 58 s.

* 137 M. MIGNOT, « La nature juridique du gage immobilier », LPA, 4 déc. 2014, n° 242, p. 7.

* 138Ph. MALAURIE et L. AYNES,Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°499

* 139S. GUINCHARD et Th. DEBARD (Sous la direction de), Lexique des Termes Juridiques, op. cit. p. 1117

* 140 Article 193 de l'AUS

* 141Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op. cit. n°8

* 142Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op. cit. n°8

* 143Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op. cit. n°10

* 144C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretés réelles, op. cit. n°43

* 145 Il s'agit d'une énonciation de l'article 204 de l'AUS. Un auteur admet que cette énonciation qui se rapproche de l'hypothèque rechargeable serait à même de rendre attractif l'hypothèque en droit OHADA. BRIZOU BI M, « L'attractivité du nouveau droit OHADA des hypothèques », Droit et patrimoine, n°197, novembre 2010, p.86

* 146 L'avènement de l'hypothèque rechargeable en France participe de cette relativisation puisque l'hypothèque rechargeable est constituée sans que la créance ne soit véritablement déterminée.

* 147 P. CROCQ, « Le principe de spécialité des sûretés réelles : chronique d'un déclin annoncé », Droit et patrimoine, avril 2001, p. 63

* 148 S. TANAGHO, « L'hypothèque des biens à venir », RTD Civ. 1970, p. 441, n°1.

* 149 Cet article énonce ce qui suit : « ...L'hypothèque peut être consentie sur des immeubles à venir dans les cas et conditions ci-après :

1°) Celui qui ne possède pas d'immeubles présents et libres ou qui n'en possède pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance peut consentir que chacun de ceux qu'il acquerra par la suite sera affecté au paiement de celle-ci au fur et à mesure de leur acquisition ;

2°) Celui dont l'immeuble présent assujetti à l'hypothèque a péri ou subi des dégradations telles qu'il est devenu insuffisant pour la sûreté de la créance le peut pareillement, sans préjudice du droit pour le créancier de poursuivre dès à présent son remboursement ;

3°) Celui qui possède un droit réel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, sur le domaine public ou sur le domaine national peut hypothéquer les bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci, l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement. »

* 150 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretés réelles, op. cit. n°6

* 151 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretés réelles, op. cit. Résumé.

* 152 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretés réelles, op. cit. n°13 et 14. Quelques lignes après l'auteur écrit ceci : « Bien qu'elle (l'hypothèque) ne participe pas à atteindre le même but que l'obligation et qu'elle ne soit que l'accessoire du droit de gage général, elle ne peut s'en détacher » n°34

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote