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Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

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Paragraphe 2 : Les autres démembrements du droit de propriété susceptibles de garantie

Le développement et la surpopulation des villes conduisent à l'édification des habitations très denses obligeant le recours à des techniques juridiques spécifiques conférant des droits de jouissance particuliers73(*). C'est le cas du droit de superficie (A). Il n'est pas qu'utilisé dans les milieux urbains pour les constructions et ouvrages mais également dans les milieux ruraux pour les plantations et cultures pouvant être faites sur des terres appartenant à des tiers.

Avec la liberté contractuelle, il reste consacré que des droits réels de jouissance spéciale sur les immeubles (B) sont davantage imaginés. Ces droits s'apparentent à des droits d'usage et parfois se rapprochent bien plus du droit d'usufruit ou même encore du droit de superficie et des servitudes. Leur particularité est que suivant les stipulations contractuelles qui les fondent, ils sont aliénables et peuvent de ce fait faire l'objet de garantie.

A. Le droit de superficie comme objet de garantie

Le droit de superficie74(*) est un droit réel qu'un propriétaire appelé superficiaire exerce sur la surface d'un fonds, dont le dessous ou tréfonds appartient à un autre propriétaire appelé tréfoncier75(*). Au regard de son étendue76(*), il peut être constaté que la qualification de propriétaire pour désigner le superficiaire est quelque peu trompeuse, bien que la doctrine et la jurisprudence tendent à facilement l'admettre77(*). La propriété dont il s'agit est celle des constructions, des plantations, des ouvrages et de quelques oeuvres établis sur la surface considérée. La conséquence du fait de désigner comme propriétaire est d'admettre que les prérogatives du superficiaire sont des prérogatives de jouissance. Mais par-dessus tout, il reste acquis qu'il a un droit aliénable, c'est un droit de disposer, non pas de la propriété de tout l'immeuble ou des terres mais seulement des ouvrages, constructions, plantations et toutes oeuvres qu'il aura érigés. En France, le droit de superficie peut s'acquérir par prescription comme la propriété des terres78(*) elle-même.

Dans le cadre des rapports sur la superficie, il n'y a donc pas deux propriétaires des terres, il n'y en a qu'un seul, c'est le tréfoncier. Sur ses terres, notamment sur le sol ou à une certaine hauteur du sol, une personne appelée superficiaire qualifiable de « jouisseur » exerce certaines prérogatives semblables à celles d'un propriétaire. Le droit de superficie est perpétuel et donc très rarement encadré dans le temps. Le droit de superficie peut être accordé à plusieurs personnes sous formes de volumes, chacune ayant son droit superficiaire pour un volume déterminé, il s'agit de ce qui est appelé volumes de propriété79(*). Les volumes de propriété se distinguent de la copropriété en ce que le sous-sol et le sol et certains volumes particuliers déterminent les droits des superficiaires alors que la copropriété vise des lots constitués souvent d'appartements et ne concernent jamais la division des prérogatives sur le sol ou le sous-sol80(*). La qualification de volumes de propriété pour qualifier une catégorie particulière des droits de superficie recèle toujours une part de tromperie pour la raison qu'elle vise à dire du titulaire du droit de superficie qu'il est un propriétaire. Son droit peut être perpétuel et ses prérogatives semblables à celles d'un propriétaire mais il n'est pas un copropriétaire81(*), raison pour laquelle il ne peut être désigné propriétaire82(*).

Le titulaire du droit de superficie bénéficie de larges droits qu'il devient donc assimilable à un propriétaire, ceci fait que son droit soit saisissable et d'une valeur économique considérable. Mais à bien surestimer les prérogatives du titulaire du droit de superficie d'autres aspects de ce droit peuvent s'en trouver occulter pour au moins deux raisons :

- L'acte de constitution du droit de superficie peut contenir une clause d'inaliénabilité, ce peut être la volonté des parties. Mais bien plus, il peut s'agir d'un droit révocable, ce qui le rend précaire, ce serait en vertu d'une clause contractuelle.

- Le droit de superficie peut être limité dans l'espace. C'est dire que bien que le propriétaire tréfoncier dispose de larges terres, le droit du superficiaire ne peut porter que sur une partie de ces terres.

Toutefois, le droit de superficie représente, en bien de proportions,une utilité83(*) sur laquelle un créancier peut constituer un droit de préférence pour se faire payer en priorité en cas de réalisation mais simplement à condition que le droit de superficie ne soit pas excessivement limité dans le temps et dans l'espace et qu'il ne soit pas facilement révocable et frappé d'inaliénabilité. Il en découle que les droits réels de jouissance constitués sur les terres sont fonction des stipulations contractuelles qui les constituent. C'est la résultante du développement récent du droit de jouissance spéciale que reconnait la Cour de Cassation française qui fonde sa décision sur des dispositions relatives à la liberté contractuelle, en vigueur au Cameroun.

B. Les droits réels de jouissance innomés objet de garantie

Il s'agit des droits réels non pas nommés84(*) c'est-à-dire contenus dans un texte législatif ou règlementaire mais plutôt innomés85(*) et donc créés par des conventions conclues par le propriétaire avec un tiers pour concéder à ce dernier un droit de jouissance que la jurisprudence et la doctrine s'accordent à appeler « droit de jouissance spéciale86(*) ». Il peut s'agir d'un simple droit d'usage qui confère à son titulaire une certaine utilité économique.Cependant, ce droit d'usage est dépouillé des limites imposées par le code civil contenues aux articles 625 à 636. Quelques fois, le droit de jouissance spéciale prend le visage d'un droit d'usufruit, pourtant, c'est un droit d'usufruit sans ses caractéristiques principales disposées également dans le code civil aux articles 578 à 624.

A travers le visa de l'article 1134 du code civil par la Cour de Cassation, il se conclut que les droits réels de jouissance spéciale sont des véritables créations des parties, pourvu que les règles d'ordre public soient respectées. A titre illustratif, pour la constitution de ces droits, et notamment pour ceux portant sur les terres, la condition de validité des conventions sur les immeubles étant le recours à un Notaire, il ne sera pas admis qu'ils soient constitués par des actes sous-seing privé.

Les parties au contrat fondant le droit réel de jouissance spéciale peuvent librement convenir de ce que ce droit confère les mêmes prérogatives qu'un droit d'usufruit ou même comme un droit d'usage et d'habitation mais tout en rendant ces droits aliénables et donc susceptibles d'être objet de garantie. C'est dire que les contrats peuvent être conclus intuitu personae, ce qui ne peut donner lieu à constitution de garantie. A contrario, les droits réels de jouissance peuvent être concédés avec possibilité d'aliénation87(*) par le titulaire.

En bref, lorsqu'un droit réel de jouissance spéciale extrait du droit de jouissance générale du propriétaire est concédé sans réserve, il est susceptible de faire l'objet de garantie. De même s'en trouve les autres droits réels de jouissance que sont le droit de superficie, le bail emphytéotique et le bail à construction. Tous ces droits réels sont des démembrements du droit de propriété. Toutefois, sans droit de propriété encore moins sans bénéfice d'un de ses démembrements, l'exploitation et la jouissance de certaines terres ne sont-ellespas possibles ? Cela est envisagé au Cameroun dans les ordonnances fixant le régime foncier88(*) et domanial89(*). En effet, des droits réels peuvent être constitués sur les terres domaniales appropriées ou gérées par l'Etat. Les droits réels de jouissances des terres susceptibles de garantie procèdent souventdes conventions et actes ou situations de fait, portant sur les domaines, et reconnus par l'Etat comme tels.

* 73TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit. n°948

* 74 F. DUMONT, La nature juridique du droit de superficie, Thèse, Lyon III, 2001.

* 75TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit. n°946

* 76TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit, n°936. « Il peut porter sur toute la surface du sol et sur tous les objets établis sur le sol, seul le sous-sol échappant à son emprise ; il peut aussi ne porter que sur les objets se trouvant à la surface du sol, voire seulement sur quelques-uns d'entre eux, tels que les constructions, les plantations ou même certains arbres isolés. Il peut encore être détaché du sol, en profondeur ou en altitude et prend alors la forme d'un volume de propriété. »

* 77 J-P. BERTREL, « L'accession artificielle immobilière. Contribution à la définition de la notion juridique de droit de superficie », RTD Civ 1994, p. 737

La Cour Suprême du Cameroun reconnait telle possibilité de constitution de droit conférant lesdites prérogatives. Elle considère que le propriétaire du sol n'est pas nécessairement le propriétaire des plantations se trouvant au-dessus du sol. Arrêt n°16/L du 26 nov. 1984 serie 2, n°29, pp.403-406

* 78TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit. n°951

* 79TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit. n°948. J. LAFOND, « Volumes et propriétés », JCP N, 2007, p. 1246.

* 80 V. D. SIZAIRE, « Division en volumes et copropriété des immeubles bâtis », JCP, 1988, I, p. 3367

* 81 Il s'agit d'une simple superposition de droits réels. TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, op. cit. n°948

* 82 A ce sujet, le conseil constitutionnel français décide que le droit de superficie est une menace à la protection constitutionnelle due à la propriété car cette dernière est seule susceptible d'être perpétuelle et donc de durée indéfinie. Cons. Const. n°94-346, DC 21 juil. 1994, RTD Civ 1995, p. 656, obs. ZENATI, JO 23 juil. 1994, 10635.

* 83 Qui doit être conséquente et déterminer le créancier à s'en prévaloir le moment venu.

* 84 Les droits réels sur les terres nommés sont notamment le droit de propriété, le droit d'usufruit, le droit d'usage et d'habitation, le bail emphytéotique, le bail à construction, les servitudes et tous les droits réels clairement désignés comme tels par une loi ou un règlement,...

* 85 DRUFFIN-BRICCA S., L'essentiel de l'introduction générale au droit, 15e éd, Clamecy, Gualino, 2019-2020, p.107

* 86 Cour de cassation, chambre des requêtes, 13 février 1834, dans l'arrêt CAQUELARD, ladite Cour énonçait déjà ce qui suit : « (...) les articles 544, 546 et 552 du Code civil sont déclaratifs du droit commun, relativement à la nature et aux effets de la propriété, mais ne sont pas prohibitifs ; que ni ces articles, ni aucune autre loi n'excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire de propriété est susceptible... ».

Ce droit de jouissance a véritablement pris ses marques à la suite de la décision de la 3e Chambre de la Cour de cassation du 31 octobre 2012 (Maison de Poésie, n° 11-16304, Bull. civ. III n°159). Cet arrêt adopte les motifs ci-après, après avoir visé les articles 544 et 1134 du code civil : « Attendu qu'il résulte de ces textes que le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien »

Les auteurs suivants et bien d'autres ont abondamment écrits sur le sujet : L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La liberté de création des droits réels aujourd'hui. » Recueil Dalloz 2013 p.53 ; J. L.BERGEL, « Droits réels de jouissance et valorisation des biens... », inMél. J.-L. MOURALIS, PUAM, 2011, p. 19 ; M. JULIENNE et J. DUBARRY « Précisions sur le droit de jouissance spéciale », note sous arrêt Cour de cassation, 3ème civ., 28 janvier 2015, Sté ERDF, n°14-10013, Bull. civ. III n°13.

* 87 L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La liberté de création des droits réels aujourd'hui. » op. cit. n°16

* 88 Ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier modifié par l'ordonnance n°77-1 du 10 janvier 1977 et les lois n°s 80-21 du 14 juillet 1980 et 83-19 du 26 novembre 1983.

* 89 Ordonnance n°74-2 du 6 juillet 1974 modifiée par l'ordonnance n°77/2 du 10 janvier 1977 fixant le régime domanial.

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