WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

SECTION 2 : LES DROITS REELS DE JOUISSANCE DES TERRES DOMANIALES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE

En Afrique, au moment de la pénétration occidentale, les vastes terres étaient considérées comme vacantes et sans maîtres90(*). La conclusion était que les droits de propriété n'étaient pas constitués sur elles. Au Cameroun, depuis un peu plus d'une douzaine d'années après l'indépendance, pour constituer les droits de propriété sur des terres du domaine national où les titres n'ont jamais été délivrés, il faut passer par la voie de l'immatriculation directe pour les terres occupées et exploitées avant le 04 août 1974 sinon la voie de l'immatriculation indirecte comme bénéfice d'une concession définitive s'impose. Cette concession est précédée d'une concession provisoire, droit de jouissance temporaire. Au terme de la concession provisoire survientla concession définitive et souvent le bail emphytéotique. Ces droits réels sur le domaine national sont susceptibles de garantie (Paragraphe 2).

Les droits réels de jouissance peuvent être consacrés au profit des particuliers sur les autres domaines que sont le domaine privé de l'Etat et de ses démembrements et sur le domaine public artificielaprès déclassement et incorporation dans le domaine privé de l'Etat. Pour le domaine public artificiel, les autorisations ou concessions d'occupation temporaire remplissent quelques caractères des droits réels qui sont seuls susceptibles de garantie. Pour les terres du domaine privé de l'Etat proprement dit, comme droits de jouissance, des baux ordinaires et emphytéotiques peuvent être accordés aux particuliers91(*). Ainsi comme objet de garantie, il y a aussi des droits de jouissance dans le domaine public et dans le domaine privé de l'Etat (Paragraphe 1).

Paragraphe 1 : Les droits réelsde jouissance dans les domaines public et privé de l'Etat susceptibles de garantie

Le domaine public est une partie du patrimoine des personnes publiques soumise à un régime juridique de droit administratif très protecteur ; les biens classés dans cette catégorie sont, tant qu'ils y demeurent, imprescriptibles et inaliénables et donc insaisissables. La sortie d'un bien du domaine public résulte d'une procédure dite de déclassement92(*). Le déclassement est la procédure administrative qui consiste à retrancher un bien de la catégorie de biens du domaine public artificiel afin de le classer dans le domaine privé de l'Etat. Le déclassement mène, au profit des particuliers, à l'autorisation d'occupation ou d'exploitation temporaire du domaine public qui peut être traité comme conférant un droit réel de jouissance susceptible de garantie (A). Cette qualification donnée à ce droit réel de jouissance portant sur des terres autrefois dans le domaine public conduit à dire que, même étant admis dans le domaine privé de l'Etat, un bien du domaine public a un statut particulier. Ceci est d'autant plus vrai que ledit bien n'épouse pas l'une quelconque des modalités de gestion du domaine privé de l'Etat, des baux (B) en l'occurrence qui sont des droits réels aussi susceptibles de constituer l'assiette d'une garantie.

A. L'autorisation d'occupation temporaire du domaine public artificiel : droit réel de jouissance susceptible de garantie

Le domaine public est vaste et supporte de nombreuses activités publiques ou privées propices à la vie locale. Ce patrimoine peut être valorisé économiquement et donc représenter une source de revenu. Pour concilier les différents usages et intérêts, leur mise à disposition et exploitation requièrent une parfaite organisation. C'est pourquoi, même si le domaine public est réputé « inaliénable et insaisissable », il est possible d'accorder un droit d'usage temporaire à une personne privée et de définir les modalités d'utilisation et de gestion de ces lieux au travers d'une convention ou d'un acte administratifs d'autorisation d'occupation ou d'exploitation temporaire93(*).

L'autorisation d'occupation ou d'exploitation temporaire du domaine public permet au titulaire d'occuper le domaine public ou de l'utiliser de manière privative, c'est-à-dire dans des conditions dépassant le droit d'usage qui appartient à tous94(*). Il y a des occupations mineures du domaine public, c'est le cas de l'occupation des voies publiques par les véhicules pour des parkings publics ou privés lorsqu'ils sont autorisés par des permis de stationnement95(*). Ces occupations ne peuvent pas en elles-mêmes constituer des droits réels susceptibles de garantie. Les droits réels de jouissance des terres du domaine public artificiel pouvant faire l'objet de garantie sont des terres visées par des projets d'investissements et qui nécessitent le déclassement en vue de l'incorporation au domaine privé de l'Etat. Le déclassement et l'incorporation sont le résultat d'un décret présidentiel96(*), ce qui démontre l'importance de l'acte mais également la valeur économique de l'autorisation pour son titulaire qui bénéficie en ce sens d'un droit réel utilisable comme assiette de garantie97(*). Les droits réels portent sur les constructions, les ouvrages et les installations érigés sur lesdites terres du domaine public ainsi déclassées98(*).

Il reste en ce sens acquis que même sur le domaine public artificiel, des droits réels peuvent être constitués au profit des particuliers. Ceux-ci peuvent à leur tour les utiliser pour bénéficier des facilités de crédit. La contrepartie à payer pour bénéficier de ces autorisations est de peu de valeur puisque ce qui est payée c'est une redevance et jamais la valeur de la jouissance. Le canon emphytéotique payé par l'emphytéote pour bénéficier du bail de longue durée s'apparente à cette redevance. Tel bail est envisageable dans le domaine privé de l'Etat et dans le domaine national.

B. Les baux sur les terres domaniales susceptibles de garantie

L'une des modalités phares de gestion du domaine privé de l'Etat ainsi que du domaine privé des autres personnes morales publiques (collectivités territoriales décentralisées, établissements publics, entreprises publiques,...) est le bail emphytéotique99(*) calqué sur le modèle envisagé en droit privé et donc contenu dans la loi de 1902 évoqué plus haut. Le bail emphytéotique constitue également une modalité de gestion du domaine national100(*). En effet, la conclusion du bail emphytéotique est de droit lorsque le bénéficiaire d'une concession provisoire arrivée à terme est un étranger. Il n'est pas exclu que même pour un national l'option de transformer la concession provisoire en concession définitive soit rejetée pour être substituée par celle de la transformation en bail emphytéotique.

La concession définitive mène à la délivrance d'un titre foncier qui consacre le droit de propriété définitif de son bénéficiaire. Par contre, le bail emphytéotique représente un simple droit réel de jouissance sur des terres déterminées avec parfois de larges prérogatives101(*). Il s'agit d'un droit aliénable et saisissable comme déjà démontré, ceci permet à l'emphytéote de mettre le en garantie102(*). La durée du bail emphytéotique sur les domaines est comprise entre 18 et 99 ans. Il s'agit d'une durée relativement longue qui peut donc inspirer la confiance du prêteur et servir de garantie au remboursement de son crédit.

Le décret n°3450/PM du 11 août 2015 introduit une disposition contradictoire avec une disposition du décret fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat. La disposition est la suivante : « le bail sur un terrain domanial confère au preneur un droit réel notamment susceptible d'hypothèque. » Le décret fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat exclut la possibilité d'utiliser le bail ordinaire sur le domaine privé de l'Etat comme objet de garantie103(*). La première disposition évoquée étant récente et spécialement consacrée à l'organisation des garanties sur les droits de jouissance des terres domaniales, il pourrait être admis que le bail ordinaire est un droit susceptible d'être cédé et donc de faire l'objet d'une garantie. La question est donc entière de savoir si une jouissance conférée par un bail ordinaire même sur des terres domaniales peut être valablement utilisée comme objet de garantie. Il serait difficile pour la raison qu'il est trop précaire et trop temporaire. L'argument favorable à telle possibilité est le fait que les loyers des terres domaniales sont très souvent des sommes modiques et le preneur a la possibilité de sous-louer et donc de spéculer. C'est sur la plus-value ainsi réalisable que peut se justifier le recours à la garantie au moyen de la jouissance conférée par le bail ordinaire sur des terres domaniales.

En bref, il faut conclure que l'autorisation d'occupation ou d'exploitation temporaire du domaine public déclassé et les baux domaniaux sont des droits réels de jouissance des terres susceptibles de garantie parce qu'ils sont, d'une part, des droits réels, et d'autre part, parce qu'il s'agit des droits procurant une utilité économique considérable à leur titulaire, ce qui permet notamment à leurs créanciers d'y fonder confiance et de faire constituer leur droit de préférence sur leur valeur pour se faire payer, en cas de défaillance du débiteur au moment de l'exigibilité de la créance.

L'admission de la possibilité de constituer ce droit de préférence sur les prérogatives de jouissance des terres des domaines témoigne d'une certaine volonté d'élargir la catégorie des biens constituant l'assiette des garanties. En conséquence, c'est aussi la volonté de favoriser le recours au crédit et de faire de chaque valeur économique admise dans le patrimoine du débiteur, un bien qui pourra servir son intérêt puisque le crédit qu'il est amené à bénéficier est de son intérêt puis de celui de la société toute entière. Il a de ce fait été constaté aussi que la jouissance accordée à certaines personnes sur le domaine national constitue également une valeur économique incontestablement considérable dans le patrimoine de son bénéficiaire, c'est la raison pour laquelle des droits réels sont conférés sur cette jouissance en vue de constituer assiette aux garanties.

* 90G. KOUASSIGAN, L'homme et la terre. Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique Occidentale, Paris, Ed. BERGER LEVRAULT, 1966, 289p.

* 91 Article 20 alinéa 1 (4°) du décret n°76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat.

* 92 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire Juridique, op. cit. p.306

* 93 CEREMA, Fiches outils. Valoriser le domaine public, 2020. Vu sur www.cerema.fr le 08 juin 2021.

* 94Idem.

* 95 L'article 9 de l'ordonnance fixant le régime domanial évoque telle prérogative qui peut être accordée sur le domaine public.

TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit. n°954

* 96 Articles 10 et suivants du décret du 11 aout 2015 sus évoqué.

* 97 Article 13 et 14 du décret ci-avant. L'article 14 énonce notamment ce qui suit : « Les droits, ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne peuvent être cédés ou transmis dans le cadre des mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou de scission de société, pour la durée de validité du titre restant à courir, y compris dans le cas de réalisation de la sûreté portant sur lesdits droits et biens dans les cas prévus aux troisième et quatrième alinéas du présent article, qu'a une personne agréée par l'autorité compétente, en vue d'une utilisation compatible avec l'affectation du domaine public occupe. »

* 98TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,op. cit. n°954

* 99 M. H. PERO, AUGUEREAU HUE et B. DELORME, « Le bail emphytéotique des personnes publiques : clauses et conséquences », JCP N 2013, p. 1119.

* 100 Article 17 de l'ordonnance fixant le régime foncier.

* 101«  La doctrine administrative en France reconnaît aux titulaires du droit réel en vertu du bail emphytéotique la qualité de propriétaires des constructions ou installations par eux réalisés, de sorte que ce droit réel doit être assimilé au droit de superficie. » F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens,op. cit. p.846

* 102 Article 23 du décret fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat.

* 103 Article 20 du décret du 27 avril 1976.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo