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La contribution de la coopération décentralisée au processus du développement local au Tchad: le cas du jumelage entre les villes de Moundou (Tchad) et de Poitiers (France)


par Christian ALLANDIGUIM REOUMBAYE
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2013
  

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B. Manque de vision stratégique

Les enjeux du partenariat issu du jumelage sont mal compris par les intervenants, car l'AAMP qui est l'organe chargé de l'animation et gestion de la coopération décentralisée ne communique pas assez et appréhendent de moins en moins les véritables opportunités qu'offre une pratique comme la coopération décentralisée.

? Absence de communication et d'une véritable stratégie de pérennisation

Les enquêtes menées entre la fourchette de temps allant de 1993 à 2013 ont montré les limites du jumelage entre les communes Moundou et de Poitiers, ces limites se situent au niveau structurel et du personnel. D'emblée, il ressort que les activités du jumelage sont menées sans un mode de communication bien structuré pour permettre une grande visibilité des retombées de ce dernier. En effet, le jumelage entre les communes de Moundou et de Poitiers est carrément méconnu de la population moundoulaise et ceci est du à une absence criarde de communication interne et externe. La communication est un instrument très important pour impliquer la population dans la coopération décentralisée et de s'approprier de ses acquis, elle

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a le mérite de privilégier la proximité, le développement à la base qui sont aussi les principes du développement local.

Par ailleurs, dans le cadre du jumelage Moundou-Poitiers, il faut souligner qu'il n'existe pas une cellule de communication avec des experts de coopération décentralisée, néanmoins la mairie de Moundou dispose d'une direction de relations internationales et de communication mais puisque le jumelage est géré en plein temps par l'AAMP. La promotion de cette coopération décentralisée et de sa portée doit passer par la communication externe mais il est aussi important de garder un climat de sérénité, d'associer les acteurs à toutes les actions du jumelage et de faire en sorte qu'ils sentent leur opinion pris en compte et reconnus c'est le rôle de la communication interne. Si l'on admet que les acteurs du jumelage constituent le premier vecteur d'image vers l'extérieur c'est la théorie de l'agent ambassadeur d'image, il devient une logique de communiquer vers lui afin que la portée du jumelage trouve écho chez la population.

En effet, il nous a été donné d'être confronté à un réel problème lors de la collecte d'information, car tous les acteurs en charge du jumelage vers qui nous sommes allés sont incapables de nous informer sur le jumelage et nous orientés directement vers le président de l'AAMP. Par ailleurs, le bureau de l'AAMP, comme nous l'avons souligné ci-dessus, est géré par des personnes exerçant à la fonction publique, n'est pas ouvert de façon permanente pour permettre à la population d'y venir pour s'informer.

Au niveau de la communication externe, le même constat se dégage, les agents de la mairie et de l'AAMP ne communiquent quasiment pas sur les activités du jumelage. En effet, quelque rares fois ou on parle de la coopération décentralisée coïncide soit avec l'arrivée des partenaires de Poitiers à Moundou ou à la veille du voyage de la délégation de Moundou à Poitiers. Comme conséquence, la population n'est pas vraiment associée aux activités qui sont menées à travers cette coopération avec la ville de Poitiers. Pour s'enquérir des activités menées dans le cadre de ce jumelage, nous étions obligés de consulter plutôt le site web de l'AAMP qui est animé par les partenaires de la ville de Poitiers.

Concernant la politique de pérennisation des retombées du jumelage, il faut souligner que la stratégie adoptée jusqu'à présent comporte encore quelques failles. En effet, en ce qui concerne l'entretien et la maintenance, à titre d'exemple, de bornes fontaines sous la supervision des chefs d'arrondissements et de certaines écoles, il faut souligner que ces derniers sont occupés avec d'autres taches et du coup laissent les bornes fontaines au bon-

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vouloir des usagers, ainsi les bornes fontaines se retrouvent dans un état délabré parce que le suivi n'est constant. De ce fait, il arrive de voir des robinets défectueux sinon des bornes fontaines abandonnées ou purement transformées en lieu de repos par les badauds du quartier.

Photo 6: Borne fontaine défectueuse

Source : ALLANDIGUIM REOUMBAYE Christian

Ces photos ci-dessus, montrent des bornes fontaines mal entretenues et abandonnées, elles sont confiées au 4e arrondissement.

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? Méconnaissance des enjeux de la coopération décentralisée et la persistance de l'esprit d'assistanat

La prise de conscience de la situation de pauvreté dans laquelle se trouve beaucoup d'Etats sur la planète pousse les dirigeants des pays avancés, les acteurs étatiques de la société civile, les acteurs des Organisations Intergouvernementales, les Organisations non-gouvernementales ainsi que les individus à penser à un moyen par lequel l'on pourrait aider les pays pauvres à atteindre le stade de développement. Ainsi le 05 juin 1947, Georges Marshall64 lance le plan Marshall65à travers un discours qui marque le début de l'histoire de la coopération au développement même si la période de la guerre froide a laissé entrevoir une autre visée. Cette aide n'était pas seulement philanthropique puisqu'elle devait également stimuler l'économie Américaine.

Après la seconde guerre mondiale, plusieurs instruments sont mis au service du développement au départ des pays de l'Europe de l'est ravagés par la guerre et en suite les étendre à tous les autres pays qualifiés de pauvre. Dès lors, le développement devient une entreprise commune.

Plusieurs décennies ont été consacrées par l'Organisation des Nations unies au développement et ceci en faisant de la coopération internationale le cheval de bataille. En 2000, l'Assemblée générale de l'ONU adopte la Déclaration du Millénaire66. Le développement par la coopération est réaffirmé par l'OMD 867 de ce texte d'où la coopération internationale en générale et la coopération décentralisée en particulier doit être considérée comme un levier de développement par les pays du sud.

Par contre, l'enjeu de la coopération décentralisée pour la ville de Moundou ne doit plus se limiter au niveau des échanges culturels et des voyages ponctuels d'ici et là, les enjeux de la coopération décentralisée sont plus importants que la réalisation de quelques bornes fontaines et autres. En ce qui concerne les enjeux de cette pratique pour la ville de Moundou, il faut souligner qu'à travers la coopération décentralisée l'on pourrait faire beaucoup de chose tendant améliorer le niveau de vie de la population moundoulaise.

64 George Marshall fut secrétaire d'Etat des Etats-Unis d'Amérique.

65 Plan à travers lequel une importante aide financière et économique a été octroyée à toute l'Europe après la seconde guerre mondiale (1947) par les Etats-Unis d'Amérique.

66 Résolution adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU en septembre 2000 qui proclame l'atteinte des 10 OMD d'ici à l'horizon 2015.

67Objectif 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

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La coopération décentralisée est une opportunité certaine pour la collectivité territoriale de Moundou pour la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales. Si les programmes de partenariat arrêtés par la collectivité de Moundou avec son homologue français sont bien conçus , ils pourront permettre à contribuer significativement à la réduction de la pauvreté à travers l'amélioration des conditions de vie des populations mais aussi à renforcer la démocratie et accompagner la collectivité de Moundou dans le processus d'apprentissage de la gouvernance locale. Elle peut soutenir alors la dynamique de démocratisation engagée depuis les élections communales historiques de 2012.

La commune de Moundou gagnerait avec le soutien de son homologue de Poitiers à se former au montage des projets internationaux ce qui renforcera sa capacité à aller capter des financements internationaux sans passer par des intermédiaires. Il faut souligner que dans la plupart des cas les collectivités locales du Nord captent ses financements internationaux à travers les projets pour leur homologue du Sud et n'investissent qu'une partie du budget au Sud.

Un autre problème majeur au niveau de la collectivité locale de Moundou est la persistance de l'esprit d'assistanat. Comme José Hipolito dos Santos déclare« un des traits culturels les plus persistants au changement que représente une action de développement est sans doute l'attente des bienfaits venus d'en haut. »68En effet, la commune de Moundou est de plus en plus assistée dans cette pratique du jumelage, le développement en principe dans cette vision doit être une entreprise commune, et dans la logique de projets de développement, il y a le principe de cofinancement qui est pratiqué. Dans les projets la contrepartie du bénéficiaire dans le financement d'un projet de développement peuvent osciller entre 15% à 20% mais dans les copies des projets présentées par la commune de Moundou aux partenaires de Poitiers que nous avons eu ne laisse aucune trace de la part du budget amorti par la partie moundoulais. Ceci peut s'expliquer par l'absence d'une enveloppe budgétaire allouée à la pratique de la coopération décentralisée au niveau de la mairie de Moundou sinon au niveau de l'Etat tchadien, d'emblée le jumelage Moundou-Poitiers est à sens unique et confondu à l'assistanat.

68 José Hipolito dos santos, les femmes au Coeur du développement, Paris, l'Harmattan, pp. 7-8, 2013.

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? Un jumelage confronté aux difficultés opérationnelles de la décentralisation

Malgré l'existence des textes et des structures, la décentralisation peine à se mettre

véritablement en place, les hésitations et les mauvais choix politique liés à la
décentralisation ne favorisent pas vraiment une large autonomie des régions, ce qui entraine un manque de ressources au niveau local dont absence de réciprocité dans les partenariats.

- Des hésitations dues à l'ineffectivité de la décentralisation au Tchad

L'histoire de la coopération décentralisée est intimement liée au processus de décentralisation au Tchad. La pratique de la coopération décentralisée est rythmée par la mise en place de la décentralisation. En rappel, il faut dire que le processus de décentralisation est enclenché au Tchad sur la base des résolutions de la conférence Nationale Souveraine du 15 janvier 1993. Ces résolutions ont été confirmées par la constitution du 31 mars 1996 révisée par la loi constitutionnelle du 15 juillet 2005. La loi fondamentale en son article 2 a institué la décentralisation comme mode de gestion du pouvoir : « la République du Tchad est organisée en collectivités territoriales décentralisées dont l'autonomie est garantie par la présente constitution ». Ainsi, les résolutions issues de toute la disposition constitutionnelle ont mis beaucoup de temps pour être traduites dans les faits. Avec les premières élections locales qui se sont déroulées en janvier 2012 et n'ont concerné que 42 communes (23 communes chefs lieu de région, 9 communes chefs lieu de département et 10 Arrondissements de N'Djaména). Toutes ces hésitations ont un peu freiné l'évolution de la coopération décentralisée au Tchad, car les partenaires hésitaient de travailler avec les autorités locales qui ne sont pas l'émanation de la volonté populaire, plusieurs maires de la ville de Moundou ont été nommés par les autorités de N'Djamena sans consulter la population à la base juste avec le premier maire élu en 2012. En effet, une décennie est marquée par la léthargie du Jumelage Moundou-Poitiers, car cette période est caractérisée par une instabilité à la tête de la mairie de Moundou, ceci a semblé perturber la vie de cette coopération décentralisée.

- Absence de réciprocité

Beaucoup de concept sont nés autour de la coopération décentralisée. L'émergence de la coopération décentralisée pour un développement durable69 vient une fois de plus mettre en lumière les sacrés principes qui caractérisent cette pratique.

69Le Point sur, n° 146, Octobre 2012.

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La coopération décentralisée est une forme de partenariat entre deux collectivités de pays différents, unies dans un intérêt commun. Dans cette option de durabilité, une démarche de coopération décentralisée doit dans une démarche de demande de projet territorial de développement durable tel qu'un Agenda 2170 pour favoriser la rencontre des dimensions locale et globale. Ces démarches répondent toutes deux aux enjeux locaux, et la synergie entre elles renforcent l'action en faveur de l'émergence de territoires plus durables, ici et là. Cette coopération décentralisée est basée sur les quatre principes d'égalité, de solidarité, de réciprocité fixée par la Charte de la coopération décentralisée en 2004. Elle est matérialisée par une convention et peut prendre plusieurs formes : jumelage, aide au développement, relation technique d'appui à la décentralisation. Reliant des territoires à l'échelle infra nationale, la coopération décentralisée permet l'adaptation et la réactivité ainsi qu'une grande proximité avec les citoyens et une démultiplication des actions.

De tout ce qui précède, depuis la signature de convention de cette coopération décentralisée en janvier 1989, il faut signaler qu'il y a une seule rencontre culturelle entre les jeunes de Poitiers et Moundou, ce concours théâtral inter établissement date de 1992.

Bref, la coopération décentralisée entre les villes de Moundou et Poitiers marche à sens unique.

À la suite des limites identifiées, nous tacherons à émettre quelques propositions pour permettre à la redynamisation de la coopération décentralisée. Ces propositions seront adressées à l' endroit de l'Etat tchadien et aux autorités locales de la commune de Moundou.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote