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Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale

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par Désiré Yirsob Dabire
Université de Genève - DEA de droit international public 2006
  

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Section 2 : Une participation multiforme pour les Etats dans le fonctionnement de la Cour

L'intervention des Etats dans l'activité de la Cour revêt des formes différentes. Le Statut prévoit à cet effet dans son chapitre IX qui traite de la « coopération internationale et assistance judiciaire », différentes formes de concours des Etats. Certaines sont spécifiques aux Etats parties (paragraphe 1), tandis que d'autres peuvent, selon les circonstances, incomber aussi aux Etats non parties au Statut qui seraient liés à l'affaire en cours (paragraphe 2).

L'on s'interroge alors sur l'étendue des obligations des Etats ou encore sur le degré de contrainte112(*) qui peut être à la charge des Etats. Est-il possible pour ceux-ci d'influencer ou d'orienter, voire même d'arrêter le cours de la procédure lorsqu'ils sont à l'origine de son déclenchement ?

Paragraphe 1 : Les obligations particulières aux Etats parties

Pour l'essentiel on retrouve parmi ces obligations, celles de participer aux dépenses de la Cour (A) et d'adapter la législation nationale aux dispositions du Statut (B).

A- La participation financière des Etats parties

Selon l'article 114 du Statut de Rome, les dépenses de la Cour sont assurées par les prélèvements sur les ressources financières propres. Ces ressources financières sont fournies par « les contributions des Etats parties » et les apports de l'ONU.113(*) Les Etats parties sont donc tenus de contribuer financièrement aux dépenses de la Cour. Cette exigence du Statut est tout à fait logique, dans la mesure où la Cour est une création des Etats. Et à l'instar de toutes les organisations internationales intergouvernementales, le budget de la Cour doit être alimenté par les cotisations de ses membres, que sont les Etats parties à son Statut. Ainsi, selon l'article 117, la contribution des Etats parties est calculée selon un système de quotes-parts convenu et adopté sur le modèle utilisé au sein des Nations Unies pour le budget ordinaire. Certes, les Etats parties ne sont pas les seuls pourvoyeurs de fonds de la Cour, l'article 116 prévoit d'autres modes de financement comme les contributions volontaires provenant d'autres entités. Mais leur participation reste capitale, car la Cour doit être dotée du minimum de moyen pour son fonctionnement. Il va sans dire que la question financière est primordiale pour qu'elle puisse accomplir efficacement et impartialement sa tâche. Et l'on sait que les dépenses de la Cour sont et seront encore plus importantes à l'instar des deux tribunaux ad hoc qui fonctionnent actuellement114(*). Le programme de protection et d'aide aux témoins, la traduction de documents et l'interprétation des débats, l'organisation de missions d'enquête visant à recueillir des éléments de preuve et des déclarations de témoins, la sauvegarde des éléments de preuve, ainsi que la sécurité des bâtiments, des lieux de détention et du personnel...etc, sont autant de domaines qui nécessitent des moyens considérables.

L'importance de cette charge financière peut aussi se déduire des sanctions prévues à l'encontre des Etats qui viendraient à manquer à cette obligation. Ainsi en cas de non paiement de sa contribution ou même de retard de paiement, un Etat peut se voir priver de son droit de vote au sein de l'Assemblée des Etats parties et même du bureau de ladite assemblée. Cette sanction s'applique, à moins que l'Etat en cause ne justifie de raisons indépendantes de sa volonté.115(*)

A coté de cette participation financière, les Etats ont aussi le devoir d'intégrer les dispositions du Statut dans leurs droits nationaux respectifs.

B - L'adaptation par les Etats de leurs législations nationales

« Le droit international pénal présuppose à maints égards, l'existence de droits pénaux nationaux »116(*). A l'instar de tout le droit international, le droit international pénal a besoin d'être traduit, intégré en droit interne pour son application effective et pour la bonne coordination de la lutte internationale. Cette adaptation législative est obligatoire pour les Etats parties au Statut. Cependant, compte tenu du fait que les Etats non parties ne sont pas totalement exclus du champ de la Cour, ces derniers pourraient avoir un intérêt à accomplir aussi cette formalité117(*).

L'obligation d'adapter la législation nationale est primordiale pour les Etats parties. En vertu de l'article 88, ils ont la charge de mettre leurs lois nationales en conformité avec les dispositions du Statut, « en vue de permettre la réalisation de toutes les formes de coopération »118(*). Cette opération a pour but de permettre d'abord à leurs organes judiciaires de pouvoir connaître des crimes prévus par le Statut, et ensuite de faciliter à la Cour une intervention lorsqu'une situation ou une affaire l'exigera.

Cette obligation concerne essentiellement les lois pénales relatives aux définitions des crimes et les modalités pratiques de la coopération avec la Cour. Ces dernières impliquent notamment les règles de procédure, la détermination de l'organe national compétent pour recevoir les demandes de la Cour119(*), ou encore les conditions du transfert du suspect à la Cour120(*).

Le Statut reconnaît aux Etats la primauté de juridiction dans la répression des crimes qu'il prévoit. Les Etats ont ainsi le devoir de réprimer les infractions commises sur leur territoire, ou qui impliquent leurs nationaux. Un Etat partie qui envisage de telles poursuites, devrait avoir dans son droit pénal, des incriminations identiques sinon en conformité avec celles prévues par le Statut121(*). Cette idée trouve sa justification dans le fait que, en vertu du principe de complémentarité, la Cour pourrait déclarer recevable une affaire dans laquelle les éléments des crimes sont par exemple plus étroits dans le droit national que dans le Statut. Dans un tel cas en effet, la loi nationale ne permet pas à l'Etat de connaître du crime parce qu'elle est trop restrictive et donc ne couvre pas le crime en question  qui entre dans la sphère de définition, plus extensive, du Statut. Respecter cette obligation est donc, pour les Etats, un moyen de pouvoir user pleinement de la primauté de juridiction qui leur est reconnue.

Ainsi, de nombreux Etats ont déjà procédé à cette formalité. En effet, en plus des Etats parties, il y a également les Etats qui envisagent d'adhérer au Statut122(*). Ce dernier n'exige aucune forme particulière de mise en oeuvre et les Etats « décident de la procédure à suivre pour rendre leurs dispositions juridiques internes compatibles (...) la forme de la législation retenue dépendra de la constitution, des exigences du traité et de toutes les législations pertinentes déjà en vigueur »123(*) pour l'Etat concerné. Le but ultime étant « de permettre la réalisation de toutes les formes de coopération » prévues par le Statut.

Comme le montre une enquête publiée dans la Revue de droit militaire et de droit de la guerre124(*), les procédures de mise en oeuvre et les formes utilisées par les Etats désireux de le faire sont multiples. Pour les Etats ayants un système dualiste, celles-ci vont de modifications de la constitution, à l'adoption de lois uniques ou séparées qui intègrent les aspects pratiques de la coopération. Pour les pays monistes125(*) l'intégration des normes du Statut est nettement moins difficile, dans la mesure où le Statut est directement intégré au droit interne dès sa ratification. Certaines dispositions, telles que celles sur les modalités de la coopération, auront cependant besoin d'être accompagnées par des textes d'application.

Dans ce même ordre d'idée, les Etats ont aussi la possibilité d'apporter des modifications au Statut lui-même. En effet, le Statut prévoit une conférence de révision de ses dispositions, qui doit se tenir dans un premier temps, sept années après son entrée en vigueur (donc en 2009), et ensuite à tout moment où une révision s'avèrerait nécessaire, sur convocation du Secrétaire Général des Nations Unies126(*). Ainsi, sur proposition d'un Etat membre, un amendement peut être apporté au Statut par le biais de l'Assemblée des Etats Parties qui regroupe les Etats ayant ratifié le Statut. Un des sujets qui devra être abordé lors de cette révision est celui de la définition du crime d'agression comme le souligne l'article 5 du Statut.

Tous ces textes devront être appliqués. Cette application peut se faire lors de l'intervention pratique des Etats dans les procédures engagées par les organes de la Cour.

* 112 Ici la distinction entre les expressions « compliance with the court request (...) opposed to cooperation » revêt tout son sens. En effet ces deux termes reflètent divers niveaux de contrainte pour les Etats. Aussi, le fait que le texte final ait retenu le terme de « coopération » moins exigeant, laisse planer quelques inquiétudes quant à la portée des obligations des acteurs étatiques. V. à ce propos MOCHOCHOKO P. « International cooperation and judicial assistance », in LEE S. R., The ICC, the making of the Rome statute. Issues, negociations, results, précité note 92, p. 306.

* 113 Article 115 du Statut.

* 114 Le budget prévisionnel de la Cour pour 2005 s'élève à 70 millions d'euros, contre 56 millions d'euros de budget en 2004. www.icc-cpi.int .

* 115 Cf. l'article 112 du Statut.

* 116 Cf. SASSÒLI M., « Droit pénal international et droit pénal interne : le cas des territoires se trouvant sous administration internationale », in ROTH R. et HENZELIN M., Le droit pénal à l'épreuve de l'internationalisation, Paris LGDJ, Genève GEORG, Bruxelles Bruylant, 2002, p. 121.

* 117 Aucune obligation de cette nature ne peut être cependant mise à la charge des Etats non parties qui ne sont pas liés par les dispositions du Statut.

* 118 Cette obligation devrait être appliquée en tenant compte non seulement des « formes de coopération visées dans le présent chapitre IX», mais de toutes les autres formes qui pourraient se présenter au regard de tout le Statut.

* 119 En Suisse par exemple, un service spécial appelé Service Central, a été crée pour assurer cette fonction (Cf. article 3 de la loi suisse citée à la note 124), ce qui constitue une avancée par rapport à la coopération avec les tribunaux ad hoc, qui conférait cette fonction à l'office fédéral de la justice (Cf. Arrêté fédéral relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire du 21 décembre 1995 ( RS 351.20), V. le site http://www.admin.ch/ch/f/rs/3/351.20.fr.pdf (visité le 30 décembre 2005).

* 120 Ces conditions devraient en principe être plus souples que celles de l'extradition, ce sont en effet deux procédures différentes même si elles peuvent avoir la même finalité : le jugement effectif de l'accusé. Cf. infra paragraphe 3.

* 121 Cf. HENZELIN M., «La compétence pénale universelle : une question non résolue par l'arrêt Yerodia », in Revue générale de droit international public, précité note 76, 2002, p. 833.

Il est convenable d'insister ici sur la distinction qui existe entre l'obligation d'adapter la législation nationale et la souhaitable identité dans la définition des crimes dans la législation nationale avec celle du Statut. La première est une exigence du Statut tandis que la seconde n'est une manière de mettre en oeuvre cette exigence qui est laissée au libre arbitre des Etats parties.

* 122C'est l'exemple de la Suisse qui a ratifié le Statut de la Cour le 12 Juillet 2001, ratification rendue possible par l'adoption d'une loi du 22 juin 2001 dite Loi fédérale sur la coopération avec la CPI, (LCPI) RS 351.6. Cf. http://www.admin.ch/ch/f/rs/rs.html (visité le 30 décembre 2005).

C'est aussi le cas de l'Allemagne avec sa loi du 21 juin 2002, ou encore de la Belgique avec les lois du 05 août 2003 et du 25 mars 2004 (DAVID E., TULKENS F., VANDERMEERSCH D., Code de droit international humanitaire précité note 76), qui a fait figure de leader dans la répression des crimes internationaux (Cf. note 76).

De nombreux pays traînent encore le pas pour se conformer, c'est le cas de pays africains, par exemple du Burkina Faso ou encore du Cameroun. V. à ce sujet la comparaison de différents ordres nationaux sur la mise en oeuvre interne de la Convention de Rome, KEUBOU Ph., « Adaptation des législations internes aux exigences de la convention de Rome », in Revue de Science Criminelle et de Droit pénal Comparé, janvier/mars 2004, n° 1, pp. 843-864 ; V. encore, « Carnet de route législatif pour l'adoption d'une loi d'adaptation sénégalaise du Statut de Rome de la Cour pénale internationale », sur le site http://www.humanrightsfirst.org/international_justice/icc/implementation/Senegal/CARNET_ROUTE_LEGISLA_SENEGAL.pdf . (Visité le 30 décembre 2005).

* 123BROOMHALL B., « La CPI, présentation générale et coopération des Etats », in : Nouvelles Etudes Pénales, CPI ratification et législation nationale d'application, précité note 33, p. 126.

* 124 Revue de droit militaire et de droit de la guerre, N° 42, Vol. 1 et 2, 2003, Bruxelles, p. 45 et ss.

* 125 Ce sont les pays au sein desquels le droit interne et le droit international forment une source unique et sont applicables conjointement par les organes nationaux. Les règles internationales intègrent directement l'ordre juridique interne, sans une loi nationale d'insertion, dès qu'elles sont valablement acceptées. Cette thèse s'oppose à celle du dualisme. Le besoin de hiérarchiser se présente en cas de conflit entre ces deux droits. Dans ce cas la primauté peut être accordée au droit interne ou au droit international selon les systèmes. V. à ce sujet N'GUYEN Q. D., DAILLIER P. et PELLET A., Droit international public, précité note 66, p. 93 ; COMBACAU J. et SUR S., Droit international public, 6è éd., Paris, Montchrestien, p. 178.

* 126 Cf. les articles 121 à 123 du Statut.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand