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Crise de la société et mouvements sociaux: étude des mouvements estudiantins à l'Université de Lomé

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par Komi Mawunam VIAGBO
Université de Lomé - Maîtrise en sociologie politique 2007
  

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I.4.2 Les recherches théoriques sur les mouvements sociaux

La sociologie des conflits est redevable à Karl MARX et ENGELS. Une synthèse de leur oeuvre faite par Guy ROCHER (1968 : 105) révèle que les luttes de classes et les révolutions résultent de l'opposition nécessaire entre propriétaire des moyens de production et les masses laborieuses.

Cependant, depuis MARX et ENGELS, la définition des classes sociales, le rôle des conflits, des luttes de classes et des révolutions ont fait l'objet de beaucoup d'analyses et de discussions. De plus, il serait difficile de situer la société africaine, objet de la présente étude, dans la société industrielle étudiée par MARX.

MARX a eu le mérite de mettre en lumière la permanence des conflits dans toute société. Et à DAHRENDORF (1959) de remarquer que « le conflit accompagne toujours la vie ; tout ce qui vit connaît sans arrêt des états de conflit. La société, réalité animée par des êtres vivants n'échappe pas à cette règle : le conflit est inhérent à sa nature et à son fonctionnement. Marx demeure le principal sociologue à avoir pris toute la mesure de cette réalité » (Guy ROCHER, 1968 :106).

MARX a aussi compris que les conflits sociaux étant nécessairement des conflits d'intérêt opposent nécessairement deux groupes et deux seulement. Cette remarque est valable pour les mouvements étudiants de l'UL. Les deux groupes en conflit sont les étudiants et les autorités de l'enseignement supérieur.

Loin de s'arrêter sur ces deux aspects, MARX a parfaitement compris que le conflit est le principal moteur de l'histoire d'autant qu'il amène forcément des changements, à plus ou moins brève échéance. C'est dans et par l'opposition entre des groupes d'intérêts divergents que les structures sociales se transforment.

L'oeuvre de MARX est incontestablement un repère dans l'étude des conflits sociaux, mais MARX s'est autorisé quelques abus que DAHRENDORF (1959) a eu le mérite de corriger.

En premier lieu, MARX a ramené tous les conflits sociaux, du moins les conflits sociaux historiquement importants, à des conflits de classes. Or, la lutte de classes n'est qu'un des conflits d'intérêt qui divisent la société. Tous les autres conflits qui agitent la société ne se ramènent pas nécessairement à la lutte des classes comme l'a supposé MARX. L'état de la société capitaliste du XIXe siècle pouvait paraître lui donner raison. Il n'est plus possible aujourd'hui de perpétrer la même erreur.

La sociologie des conflits ayant fait des progrès depuis MARX, considérons d'autres auteurs dont les apports constituent des avancées importantes dans l'étude des mouvements sociaux.

Contrairement à MARX, DARENDORF (1959) a démontré que la lutte des classes peut connaître d'autres issues que la révolution. Ce qu'on observe bien plus couramment, c'est une classe dominante qui emprunte les idées nouvelles et opère des transformations, assez pour désamorcer les facteurs potentiels de révolution.

Sous un autre registre, l'auteur montre que si, dans la société capitaliste du XIXe siècle la propriété et le contrôle des moyens de production paraissent indissolublement liés, l'évolution ultérieure du capitalisme a cependant montré qu'ils pouvaient se dissocier. Plutôt que la propriété des moyens de production, c'est le contrôle de ces moyens qui est le facteur essentiel et dominant du conflit de classes.

Cette constatation impose de trouver aux conflits sociaux une autre origine que la seule propriété des moyens de production. L'auteur la situe dans la structure de l'organisation sociale, dans son mode de fonctionnement. Et, à ce propos, la principale source structurale des conflits sociaux n'est pas l'inégale distribution de la propriété des moyens de production ; c'est plutôt l'inégale distribution de l'autorité entre les personnes et les groupes. Ceux qui détiennent des postes d'autorité ont en commun certains intérêts que ne peuvent partager ceux qui sont soumis à l'autorité ; inversement, ceux qui sont dans une position de sujétion partagent certains intérêts du fait même de leur situation commune. Les intérêts divergents de ceux qui commandent et de ceux qui obéissent sont des intérêts contraires : le conflit est donc toujours une opposition d'intérêts.

Il faut cependant distinguer entre deux types d'ensemble de personnes en opposition. Par exemple, les personnes occupant différents postes d'autorité dans une même association ne forment pas nécessairement un groupe, au sens sociologique du terme. Elles peuvent avoir en commun certains intérêts liés à leur situation commune, sans qu'il en résulte la formation d'un groupe. DAHRENDORF désigne cet ensemble par « quasi-groupe ». Les quasi-groupes sont en réalité des catégories sociales plutôt que des groupes : par exemple, les consommateurs, les commerçants, les étudiants...

Par contre le groupe d'intérêt est un ensemble de personnes qui possède une certaine organisation, un programme explicite d'action, des buts assez précis : c'est le cas par exemple d'un syndicat, d'un parti politique, d'un mouvement social. C'est le groupe d'intérêt et non le quasi-groupe qui est le véritable agent actif dans les conflits d'intérêts. Le groupe d'intérêt sert en effet à cristalliser les raisons des conflits, à les expliciter et à polariser l'action des personnes et des sous-groupes.

Cette classification permet dans le cadre de ce mémoire d'identifier, au-delà du quasi-groupe des étudiants, le groupe d'intérêt regroupant ceux qui se retrouvent effectivement dans les actions menées par les groupes du genre CEUB, MEET... et sous un autre registre, HACAME, FESTO ...

DAHRENDORF a montré aussi que, pour qu'il y ait conflit, il faut que les intérêts latents (intérêts qui guident la conduite des acteurs sans être cependant pas reconnus par ceux-ci d'une manière consciente) deviennent des intérêts manifestes (puissants facteurs de conflits autour desquels se constituent les groupes d'intérêts actifs : partis politiques, syndicats, mouvements sociaux, capables de préciser des objectifs, d'élaborer une politique d'action, de pratiquer une stratégie).

DAHRENDORF a plus que quiconque contribué à construire une sociologie des conflits sur des fondations théoriques sérieuses. Il a su s'inspirer de l'oeuvre de MARX et s'en détacher sur des points importants. Cependant, sa contribution appelle certaines réserves. On peut reprocher ainsi à l'auteur d'avoir réduit tous les conflits sociaux à des conflits d'autorité.

De MARX à DAHRENDORF, retenons que les conflits et contradictions sont un facteur de changement social. Les conflits naissent directement de l'action sociale ; ils font partie de l'action sociale. Ils sont engendrés par le fonctionnement normal de tout système social. Le conflit est une des voies nécessaires par laquelle passe la société pour s'adapter sans cesse à des situations nouvelles et pour survivre dans le cours de sa propre évolution.

Ces tentatives d'explication des conflits ont tracé des voies pour l'étude des mouvements sociaux. Dans ce sens, les théoriciens de l'Ecole de Francfort comme ADORNO, MARCUSE, HABERMAS...sont incontournables. Cependant, pour des raisons pratiques, l'oeuvre d'Alain TOURAINE sera analysée par la suite.

Alain TOURAINE (1965 et 1966) a le mérite d'avoir étudié en profondeur les mouvements sociaux et de proposer un schéma théorique destiné à l'analyse de leur action en même temps que de leur structure. Selon TOURAINE, pour exister en tant qu'organisation revendicatrice, tout mouvement social doit réunir certains principes d'existence qui se résument en trois :

Ø Le principe d'identité

Un mouvement social doit d'abord se donner une identité en disant qui il représente, au nom de qui il parle, quels intérêts il protège ou défend. Il s'agit ici de la définition du groupe revendicateur, d'une manière qui soit socialement identifiable et significative. Par exemple, un mouvement social peut s'identifier en se disant le porte parole d'un groupe particulier : la classe ouvrière, les femmes, les paysans, les étudiants...

Il peut aussi se dire porte parole des intérêts d'une société globale (exemple de mouvement nationaliste) ou encore il peut s'identifier à un groupe quasi global (exemple d'un mouvement de consommateurs).

Il revient selon TOURAINE, pour comprendre la nature et l'action d'un mouvement social de se demander : qui le mouvement dit-il ou veut-il représenter ? Au nom de quels groupes parle-t-il ou prétend-il parler ? De quels intérêts est-il le défenseur ou le promoteur ?

Ces questions de TOURAINE sont utiles dans l'étude des mouvements étudiants de l'UL car ils peuvent permettre de cerner tous les contours du sujet.

Ø Le principe d'opposition

Un mouvement social existe parce que certaines idées ne sont pas reconnues ou parce que des intérêts particuliers sont brimés. Il lutte donc toujours contre une résistance, un blocage ou une force d'inertie. Il cherche à briser une apathie, une opposition ou une indifférence. Il a nécessairement des adversaires. Le principe d'opposition est le deuxième principe d'existence des mouvements sociaux d'après l'auteur de « Sociologie de l'action ». Sans opposition, un mouvement social n'existe plus en tant que mouvement social.

Ø Le principe de totalité

Même quand il représente ou défend les intérêts d'un groupe particulier, un mouvement social dit le faire au nom de valeurs et réalités universelles qui sont reconnues ou devraient l'être par tous les hommes et par la collectivité toute entière. Ainsi les raisons qu'invoquent un mouvement social pour motiver son action peuvent être : l'intérêt national, le bien commun, la liberté humaine, le bien-être collectif, les droits de l'homme, la santé de tous... C'est ce que TOURAINE appelle le principe de totalité. Un mouvement social ne peut revendiquer sans que ce soit au nom de quelque vérité de base, reconnue par tous les membres de la collectivité. Ce principe est important pour expliquer la nature et l'orientation d'un mouvement social.

TOURAINE a en outre élaboré une méthode d'analyse de l'action historique qu'il appelle l'analyse actionnaliste. Celle-ci a pour but d'expliquer comment se créent les valeurs, par quelle logique et par quel cheminement elles apparaissent, s'expriment et entraînent l'action des collectivités. Ce qui est intéressant car cela rejoint la préoccupation de réfléchir sur les logiques d'apparition des mouvements étudiants de l'Université de Lomé.

TOURAINE trouve dans la multiplication des mouvements sociaux une caractéristique des sociétés modernes. La multiplication des mouvements sociaux est corrélative aussi à la multiplication des élites selon l'auteur. Les mouvements servent à expliquer certaines réalités sociales, que ce soit pour les défendre, les critiquer ou pour proposer de les changer. Ils constituent un puissant médium de participation. Ils servent à développer et à entretenir une conscience collective éclairée et combative dans une société ou dans un secteur particulier de la société.

Pour tout dire, TOURAINE a beaucoup exploré le champ d'étude des mouvements sociaux qui se sont imposés comme une forme de participation à la vie publique.

Ce qu'on peut cependant reprocher à TOURAINE, c'est de trouver dans ce qu'il appelle « nouveaux mouvements sociaux » (antinucléaires, écologistes, féministes, etc....), les mouvements dont la conflictualité ne porterait plus sur l'exploitation, mais concernerait les orientations culturelles de la société.

C'est en cela que Pierre COURS-SALIES (2003), propose une approche historico analytique des mobilisations collectives qui combine une réévaluation critique de la sociologie tourainienne et une relecture du mouvement ouvrier dans ses premiers pas, largement mythifiés. Les prises de position de TOURAINE lors des grèves de l'automne 1995, n'y voyant qu'une coalition d'intérêts corporatistes faisant l'impasse sur la « nécessaire modernisation » de la société française, sont intelligibles dans la continuité de sa théorisation sociologique des mouvements sociaux.

La définition restrictive du mouvement ouvrier par TOURAINE fait problème. COURS-SALIES, dans son analyse du syndicalisme « cégéliste » d'avant 1914 rappelle que le fondement du mouvement ouvrier n'est pas étroitement socio-économique mais indissociable d'un projet d'émancipation susceptible d'unifier tous les « prolétaires », qu'ils soient travailleurs manuels, intellectuels, industriels ou agricoles.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon