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L'activité culinaire des étudiants étrangers

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par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

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II. L'alimentation, phénomène pluriel

Les cuisines se déclinent au pluriel parce qu'elles se modifient, se transforment grâce aux influences et aux échanges entre populations, aux nouveaux produits apportés, aux circulations des marchandises. L'aubergine est introduite au Maghreb par les marchands arabes en provenance d'Asie, puis réappropriée par la cuisine juive. Le gombo se cultive au Maghreb et en Afrique et se retrouve dans la cuisine créole de la Louisiane. Circulation, adaptation et invention caractérisent la cuisine.

L'activité culinaire se heurte à l'impossibilité de reproduire à l'identique les pratiques alimentaires. Le couscous est le symbole de l'identité alimentaire des populations du Maghreb, le plat dans lequel on se reconnaît et grâce auquel on se ressource, et ce d'autant plus que l'on a émigré. Il est impossible de définir le plat tant il existe de variantes et de différences régionales, sans compter les recettes et tours de main personnels des cuisinières. Il en existe des salés et des sucrés, aux légumes ou à la viande, au poulet ou au poisson; avec ou sans raisins secs, les préparations peuvent être liquides, proches du pot-au-feu, ou plutôt sèches, proches du ragoût. Les légumes s'y complètent ou s'y remplacent, au gré des régions, des saisons, des humeurs. On pourrait continuer à l'envi une telle description. Pour Annie Hubert28 « Le couscous est un plat polymorphe, éminemment adaptable. » ou encore que « Il n'y a pas de « vrai » couscous : le plat n'est jamais « authentique », d'une seule manière ».

A travers l'exemple du couscous, nous pouvons émettre l'hypothèse que tout plat, toute préparation culinaire porte en germe une diversité exponentielle. L 'Autobiographie d 'un chou farci29 témoigne aussi à sa manière de la pluralité constitutive d'une recette.

Ceci nous interpelle particulièrement dans le cadre de notre sujet. A travers cette diversité d'un même plat, c'est la vision de l'acte alimentaire, culinaire qui est modifiée. Nous soumettons ici à démonstration notre hypothèse de travail, selon laquelle l'acte alimentaire est multiple d'une société à l'autre, d'un groupe à l'autre, variable à l'infini, malléable. Nous essaierons de montrer la variation des cultures alimentaires, des préceptes culinaires, des recettes d'un pays, d'une région jusqu'aux recettes d'une famille et d'un individu. Il s'agit ici pour nous de pointer du doigt une malléabilité de la cuisine, une diversité sui generis du plus général au plus particulier.

28 Annie Hubert, « Destins transculturels », Milles et une bouches. Cuisines et identités culturelles, Autrement, Paris, 1995

29 Allen-S Weiss, Autobiographie dans un chou farci, Mercure de France, novembre 2006

1) La pureté originelle des cultures et son mythe30

Une précaution s'impose dans notre analyse. Il faut se garder d'évaluer les modifications des pratiques alimentaires à l'aune d'une culture alimentaire pure originelle. En effet, parler des modifications des comportements alimentaires des migrants, introduire la notion de substitution de produits et peut-être la notion de perte d'importance du régime alimentaire d'origine laisserait penser qu'initialement, les pratiques alimentaires des migrants sont vierges de toute modification interne aux pays. Il faut veiller à ne pas supposer une pureté originelle des pratiques alimentaires. C'est à cette mise en garde que l'ensemble de cette partie s'emploie. Si on parle en France de pratiques de substitutions d'aliments lorsqu'ils ne sont pas disponibles à l'achat, ...on peut de même supposer que de pareils bricolages prennent place dans le pays d'origine. Les recettes, les traditions ne sont jamais appliquées telles quelles, mais sont touj ours réinterprétées par un mangeur en particulier.

Le métissage est une idée du XIX siècle. Cette notion est aujourd'hui très employée dans le monde de la mode, de la littérature, de la musique, de l'art. Elle désigne quelque chose comme le libre mélange des genres. Cette vision du monde est liée à celle de la globalisation, en effet ce sont les mêmes théoriciens qui annoncent la mondialisation de la culture qui s'intéressent à la notion de métissage. Ils défendent l'idée que les sociétés autrefois fermées sont destinées à s'ouvrir : autrefois les sociétés se développaient sans contact les unes avec les autres, et maintenant tout communique.

Le piège de la notion de métissage est de nous amener à penser qu'il existe des cultures pures, comme on pensait qu'il avait déjà existé des races pures. Tout métissage renvoie à l'idée préalable que la culture originelle est vierge de toute influence extérieure.

Dans un même espace culturel, les prises alimentaires changent dans le temps. Ces transformations sont le résultat d'évolutions climatiques, agronomiques et technologiques qui jouent sur les disponibilités alimentaires, mais aussi des modifications des systèmes de valeurs et des jeux de concurrence et de différenciation entre groupes sociaux. À l'intérieur de la culture française, les formes de repas, leur composition, mais aussi leur nombre varient dans le temps et en fonction des différents groupes qui composent la société. Les travaux historiques et socio-historiques montrent en effet que, pour la période qui s'étend du Moyen Âge jusqu'à la fin du XIXe siècle, il n'y a pas de modèle alimentaire uniformément partagé et mis en oeuvre par l'ensemble des groupes sociaux31. De très grandes différences existent entre l'alimentation des élites aristocrates, celle de la bourgeoisie et celle des milieux populaires32. Ces différences s'ancrent à la fois dans les contenus et les formes des repas, l'organisation des journées alimentaires, normes... Il s'agit de pointer quelques différences majeures au sein d'un même espace géographique et social, puis de saisir les traits structurels distinguant des aires culturelles entre elles. On procède ici à la mise en évidence des distinctions entre situations alimentaires des plus petites aux plus importantes.

30 Amselle, Jean-Louis, « Le métissage : une notion piège » in La culture, De l 'universel au particulier, N. Journet (éd.), Éd. Sciences Humaines, Auxerre, 2002, p 329-333

31 Flandrin, Jean-Louis et Cobbi, Jane, Tables d'hier, tables d'ailleurs, Paris: Odile Jacob, Science Humaines 1999.

32 Bourdieu, Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris: Editions de Minuit, 1979. , Grignon, Claude et Grignon, Christine, "Styles d'alimentation et goût populaires",Revue française de sociologie, 21, N°4, 1980, 531-569.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius