WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La libéralisation des marchés et le developpement durable en Afrique: le cas du secteur agricole au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Jean de Dieu AWOUMOU
ENA - Master en Administration Publique 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

c. Les externalités dans le domaine de la commercialisation des produits.

La libéralisation a introduit une logique de fixation des prix par le marché. Le paysan est libre de vendre à qui il veut sans aucune contrainte étatique. Depuis la libéralisation en 1992, la vente des

1 Folefack Pompidou et Jim Gockowski ; libéralisation et système de commercialisation du cacao en zone forestière du Sud Cameroun ; 12 janvier 2004

2 A noter cependant que le Gouvernement du Cameroun vient de promettre une enveloppe de 900 millions à disposition du financement des activités agricoles pour 2006 ; il s'agit d'un projet financé sur ressources de l'IPPTE et devant concerné les producteurs de café, cacao, maïs etc....

produits agricole est libre. La vente des produits cacaoyer et caféier se fait soit en groupe soit individuellement par les agriculteurs. Cependant force est de constater que la fixation des prix par le marché est marquée par une asymétrie de l'information. Les négociants dispose touj ours d'une meilleure information par rapport aux planteurs. Le prix étant fixé sur le marché mondial, les revenus versés aux cultivateurs sont déduits de ce prix mondial.

A l'opposé les cultivateurs n'ont pas les moyens d'information pour être à jour en ce qui concerne les évolutions des cours mondiaux des produits de base. Cette asymétrie place les cultivateurs dans une position de faiblesse dans le processus de négociation. Dans une étude de Folefack Pompidou sur les moyens d'information des agriculteurs, il ressort que la radio occupe la première place avec 63%, le bouche à oreille est situé à la seconde place avec 11% et enfin viennent les organisations paysannes sensées fédérés les intérêts des paysans. La source radiophonique est toutefois peu à même de jouer le rôle d'information. Le territoire national n'est pas entièrement couvert par le réseau électrique, pour alimenter les postes radio. Les cultivateurs sont donc tenus de prévoir un budget pour un approvisionnement en piles. Toutes ces données renforcent l'asymétrie de l'information entre producteurs ruraux et commerçants urbains. De plus P. Janin fait le constat que l'entrée en masse des commerçants privés a réintroduit des pratiques que l'on pensait révolues : pesées frauduleuses, achats nocturnes à vil prix, ententes déloyales entre acheteurs pour baisser les prix d'achat. La cellule Nouvelle Politique Agricole (NPA) du ministère de l'agriculture établit qu'un exportateur sur deux participe à cette combine1 . Enfin au niveau de la garantie de qualité, la libéralisation a introduit une multitude d'acteurs chargés de garantir au nom de l'Etat la fiabilité du label Cameroun.

Par ailleurs La libéralisation a conduit à un processus de démantèlement des entreprises d'Etat pour mettre fin aux situations de monopole de l'Etat. On a assiste à une réduction du spectre d'activité de la société de développement du cacao (SODECAO). Cette entreprise publique est créée en 1974 pour fournir une assistance technique aux producteurs de cacao et garantir la qualité du produit camerounais. Dans le quotidien les missions de la SODECAO s'étendait bien au-delà de l'assistance technique pour couvrir les besoins de pilotage des projets de développement. Elle visait aussi à répondre au besoin de désenclavement des zones rurales par l'entretien des pistes cacaoyères. Le démantèlement des activités de la SODECAO en 1990 se fera au niveau budgétaire et juridique. Elle subira ainsi une réduction des subventions qui lui étaient allouées et une compression de ses missions en faveur développement. Celles ci seront transférées au secteur privé entre 1992 et 1993. La société aura désormais pour but de favoriser la création des groupements de producteurs pouvant prendre le relais de ses activités.

1A. Zolty et J.Bahus «Dossier Cameroun, les filières Cacao/Café » Afrique Agriculture, N°225, 1995 ; PP 18-34

L'Office National de Commercialisation des Produits de Base (ONCPB) liquidé en juin 1991 verra certaines de ses missions reprises par l'Office National du Cacao et du Café (ONCC)1 et enfin plus radicalement le Centre National des Entreprises Coopératives (CENADEC) sera dissout . D'après Pierre Janin, l'Etat du Cameroun opère une libéralisation sélective dans le sens où il « liquide ce qui ne peut être sauvé et restructure ce qui peut encore servir »2.

La dévaluation du FCFA prolonge le mouvement de libéralisation du secteur agricole. Elle intervient pour renforcer la compétitivité internationale des produits d'exportation. Cette mesure aura incidemment pour conséquence le renchérissement des intrants agricoles. La suppression des taxes à l'exportation intervenue préalablement sera réintroduite en 1995 par l'Etat. Il s'agit d'une taxe d'inspection et de contrôle à l'exportation des produits de base. Cette nouvelle taxe s'élève 0,95% de la valeur FOB et s'applique au café, Cacao, bois, huile de palme et banane3 . Le constat établit démontre donc l'existence de dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la libéralisation agricole au Cameroun. L'objectif d'augmentation de la production a été amorcé sans vraiment réaliser une amélioration significative en comparaison des années de prospérité de l'économie administrée. La production agricole a accru modestement mais à un rythme inférieur à celui de la population. Les prix quant à eux ont évolué positivement mais restent marqués par une instabilité le tableau suivant nous démontre une hausse modérée des prix d'après les analystes, les prix versés au producteur ont moyennement progressés entre 1995 (date de la libéralisation) et 2001 :

1 Ouverture de la campagne, Taxation, stabilisation, contrôle qualité, représentation au niveau international.

2 Pierre Janin ; un planteur sans Etat peut il encore être un planteur ?'' ; Observatoire du changement et de l'innovation sociale au Cameroun (OCISCA/ORSTOM)

3 OMC, examen des politiques commerciales, rapport du Secrétariat, Cameroun 1995

Prix en FCFA

Evolution du prix du Kg de café versé au paysan de 1999-
2001

1600

1400

1200

1000

400

200

800

600

0

91/92 92/93 93/94 94/95 95/96 96/97 97/98 98/99 99/00 00/01

Années

Cet historiographe des prix du café montre trois (3) phases dans l'évolution du prix versé aux paysans : la première avant la libéralisation de 1995 démontre une linéarité des prix d'achat soit environ 400 FCFA ; puis on constate une hausse des prix dès 1996 jusqu'au pic de la campagne 99/00 qui verra un versement de 1500 FCFA (soit 2,29 euros) par Kg vendu. Cette situation pu être un facteur de dynamisation des cultures pérennes auprès des planteurs si les autres déterminants de la production avaient pu être maîtrisés. A l'opposé, les prix des intrants ont drastiquement augmenté comme nous l'avons souligné plus haut. La qualité du label Cameroun en sera affecté. André Kamga observe que depuis 1997, le taux de défectuosité observé est de l'ordre de 70% des lots proposés à la vente. La disparition des structures de vérification de la qualité et les impératifs de survie obligent les paysans à consacrer moins de soins à la préparation du café marchand. La production en valeur numérique des cultures de rentes a de ce fait évolué en dents de scie comme le traduit le tableau suivant :

1 BEAC : Etudes et statistiques n° 257 - septembre -octobre 2000. Editions BEAC, p. 100, 101 El 102.

2 World investment report, CNUCED, 2000

Tableau 1 : Production agricole de rente1 (en tonnes)

Période

Cacao

Café

Coton

1995

136 181

63 417

195 214

1996

74 841

104 121

223 000

1997

243 641

60 649

188 500

1998

148 751

-

194 670

Il est donc évident que la libéralisation s'est accompagnée d'une certaine stagnation de la production des cultures de rentes.

Enfin pour ce qui est des effets de la libéralisation sur la commercialisation, il faut noter la déception des principaux acteurs. Pour Pierre TSIMI ENOUGA le secrétaire exécutif de CICC, la restructuration des filières de commercialisation n'a pas atteint ses objectifs. La mise en oeuvre d'une libéralisation qu'il juge imposée par les bailleurs de fonds a conduits à des dysfonctionnements regrettables. Il observe que « pour ce qui concerne le Cameroun et comme d'ailleurs pour la plupart des pays africains, la restructuration de la filière interne n'a pas toujours suivi celle de la restructuration de l'économie mondiale imposée par la globalisation, et on assiste à un phénomène vraiment extraordinaire : celui de l'éclatement de l'offre de produit au niveau interne et de la concentration des débouchés ; on arrive à une situation où un petit tout petit nombre d'opérateurs imposent la loi à une offre éclatée de produits ». D'après la CNUCED2, près de la moitié de la production mondiale passe entre les mains des

multinationales. Pour gagner des parts de marché, elles ont développé de vastes réseaux pour acheter, transformer et revendre. Cette stratégie leur permet de dicter les prix en contrôlant la moitié du PIB mondial. Cette situation diffère du scénario qui prévalait avant la libéralisation. La caisse de stabilisation permettait de réaliser une concentration de l'offre camerounaise afin de négocier le prix le plus avantageux pour le pays et pour les agriculteurs. Le constat de ces dysfonctionnements oblige après une décennie de mise en oeuvre à faire un examen critique des causes et des conséquences des externalités observées dans la conduite de la libéralisation agricole au Cameroun.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry