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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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2.2. La visite officielle d'Abdou Diouf à Paris (octobre 1998) :

La visite d'Abdou Diouf à Paris doit célébrer l'amitié franco-sénégalaise, mais aussi permettre au Président d'obtenir un soutien implicite de l'ancienne métropole pour sa candidature de 2000. Durant son séjour, le Président de la République est invité à se rendre à l'Assemblée nationale française pour y prononcer un discours. Cet honneur est assez rare, puisque seuls Juan Carlos Ier, Bill Clinton, Hassan II, Romano Prodi et Tony Blair ont eu droit avant lui à cet honneur. Le président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, décrit Diouf comme étant un "chef d'Etat ami, militant de la Francophonie, citoyen du premier des continents, l'Afrique" 27 . Le but de Diouf durant cette tournée parisienne est de ras surer ses amis français et de confirmer ses engagements en matière de démocratie. C'est ce qu'il fait à l'occasion de son discours : "démocratie, respects de droits de l'homme, des libertés individuelles et collectives, stabilité politique, prévention des conflits et maintien de la paix, le Sénégal construit sans relâche l'Etat de droit à l'intérieur de ses frontières, aide à son rétablissement là où il est détruit et à sa consolidation là où il est fragilisé ". Cette entreprise de séduction est néanmoins totalement annihilée par la présence des opposants sénégalais au même moment à Paris : ils monopolisent l'attention des médias français.

Abdoulaye Wade, Djibo Kâ, Landing Savané et Abdoulaye Bathily se présentent unis face aux journalistes français et abordent les tares de la République sénégalaise. Ils rappellent l'ascension au pouvoir non-démocratique de Diouf, les récurrentes fraudes électorales, la volonté dioufiste de conserver le pouvoir via les récentes réformes constitutionnelles, l'opacité du régime pour ce qui est de la guerre en Guinée-Bissau et en Casamance, l'arrestation "arbitraire" de Mademba Sock etc.

L'opposition scande aussi devant les grilles du Palais Bourbon "Abdou Diouf, dictateur" 28 et envoie à tous les députés français, ainsi qu'à Jacques Chirac et aux bailleurs de fonds, une lettre récapitulant tous les méfaits du Président Diouf . Elle souligne dans celle-ci implicitement le risque d'assister à une grave explosion de violence en cas de réélection du candidat PS, confirmant ainsi les propos d'Amath Dansokho tenus quelques jours avant son envol pour Paris : "je dis que le temps de Diouf est terminé. Si le pouvoir PS continue à refuser l'alternance par la voie du suffrage, il n'est pas exclu que des Sénégalais explorent d'autres voies" 29.

Cette campagne d'information, dite "campagne de Paris", est un réel succès pour les opposants, puisque les médias français s'intéressent plus à leurs revendications qu'à la visite "historique" d'Abdou Diouf, reléguée au second plan de l'actualité, comme le montre l'article du Monde du 21 octobre 1998 qui titre : "La visite d'Abdou Diouf à Paris est perturbée par les problèmes intérieurs du Sénégal". L'engouement que suscite auprès des médias français les revendications de l'opposition traduit paradoxalement le fort déclin de l'intérêt français quant à la politique africaine. Peu de journalistes sont au fait de la politique générale menée par Abdou Diouf . De surcroît, le nom de ce dernier, contrairement à celui de son prédécesseur, n'évoque pas grand chose pour une grande majorité des habitants de l'ancienne métropole. Cette méconnaissance reflète la séparation progressive de la France d'avec son pré-carré africain. Elle profite ainsi à l'opposition sénégalaise, qui peut peindre durant "la campagne de Paris" un portrait sombre et inquiétant du Président en l'assimilant à une caricature de

27 "Le Président sénégalais Abdou Diouf reçu à l'Assemblée nationale", Le Monde, 23 octobre 1998.

28 "L 'AFCA et le BRC à Paris : nous suivrons Diouf partout", Le Soleil 22 octobre 1998.

29 "L 'AFCA et le BRC à Thiès : les ténors de l'opposition font bloc", Le Soleil, 12 octobre 1998.

dirigeant africain : corrompu, autocrate, violent etc. 30

Abdou Diouf n'a pas su anticiper les conséquences d'une telle opération "de sabotage". Bien que prévenu avant son départ des intentions wadistes, Diouf a privilégié la voie de la modération en dénonçant simplement "les motivations partisanes, électoralistes et éloignées des intérêts du pays" de ce projet 31 . Il n'a pas empêché cette campagne de dénigrement à son sujet, confirmant par ce fait qu'il est bien éloigné du dictateur dépeint par ses détracteurs. Il assiste donc impuissant à ces manifestations, même si le PS essaie dans le même temps d'organiser des contre-manifestations sur l'esplanade des Invalides, avec déploiements de banderoles, slogans de soutien à l'attention du chef de l'Etat etc. Ces initiatives sont des échecs. Elles sont à peine évoquées par les médias français.

"La campagne de Paris" jette le doute dans l'opinion française et craquèle un peu plus la vitrine démocratique de Diouf. Désireux de profiter de cet affaiblissement présidentiel, Wade propose alors à ses partenaires de l'AFCA et du BRC de former un gouvernement d'union national de transition avec le PS pour résoudre le conflit en Guinée-Bissau et en Casamance ainsi que les problèmes d'insécurité qui prolifèrent dans le pays : "le gouvernement aura pour tâche d'éteindre les foyers d'incendies entretenus un peu partout par les politiques néfastes d'Abdou Diouf"' 32 . Cette proposition de consensus, cette fois-ci non pas au profit de Diouf mais de Wade, est un échec. Le PS la juge inopportune et sans morale ; les formations d'opposition, telles que le RND, la CDP ou And Jëf refusent une nouvelle fois l'entrisme. Le Pape du sopi est de ce fait dans l'obligation de changer de stratégie. Il décide pendant plus d'un an de s'effacer de la vie politique sénégalaise, de manière à préparer activement les prochaines présidentielles. C'est durant cette période que s'érige un nouveau pôle de contestation politique. Le 16 juin 1999, le populaire Moustapha Niasse rompt officiellement avec le PS et noue dans la foulée une alliance tacite avec Abdoulaye Wade.

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