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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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5. L'ouverture démocratique :

La libération de Mamadou Dia le 27 mars 1974 marque le début d'un changement d'époque au Sénégal. L'opposition, qui réclame depuis 1966 le droit à la libre expression, voit un premier parti homologué par le ministre de l'Intérieur le 31 juillet 1974. Il s'agit du Parti Démocratique Sénégalais (PD S) d'Abdoulaye Wade.

Ce dernier est né le 21 mai 1926 à Kébémer, dans la région de Louga. Il effectue ses études en France, où il obtient une Licence et un Doctorat en droit et en sciences économiques. Très marqué à gauche durant sa jeunesse, il est responsable des étudiants d'Afrique à Besançon et

12 G. Martens, "Révolution ou participation : Syndicats et partis politiques au Sénégal", Le mois en Afrique, octobrenovembre 1983.

participe au Vème congrès de l'Union Internationale des étudiants à Varsovie en septembre 1953. Après avoir plaidé quelques années au barreau de Besançon, il rentre au Sénégal et ouvre un cabinet d'avocat à Dakar. Il poursuit en parallèle son cursus universitaire et reçoit, en décembre 1970, l'Agrégation de sciences économiques. Il devient maître de conférence. De plus, il est élu Doyen de la faculté de droit et de sciences économiques de Dakar. Il quitte néanmoins bien vite ces fonctions, préférant se consacrer à sa carrière politique. Un temps proche de l'UPS, il fonde le PDS pour en faire, selon ses propres dires, "un parti de contribution" 13.

Senghor ne l'entend cependant pas de cette oreille, et "oblige" le PDS à se placer dans l'opposition. Le succès du nouveau parti est indéniable : il compte environ 90 000 adhérents en moins de deux ans. D'autres formations se forment au cours de la période. On note la création du Rassemblement National Démocratique (RND) de Cheikh Anta Diop en février 1976 ou encore la renaissance du PAI de Majhmout Diop. L'émergence de nouveaux partis sert le pouvoir en place, car les opposants, autrefois clandestins, agissent dorénavant à découvert pour défendre leurs idées. Ils perdent leur force subversive et assurent paradoxalement la survie de l'Etat senghorien. Le Président de la République refuse toutefois que cette ouverture démocratique se transforme en véritable anarchie. Il limite à trois le nombre des partis officiels, "chacun devant représenter respectivement les trois courants de pensée suivants : libéral et démocratique, socialiste et démocratique, marxiste-léniniste ou communiste".

Si le PDS accepte de prendre le courant libéral - malgré une doctrine socialiste clairement exprimée - et le PAI le courant marxiste-léniniste, le RND refuse de se soumettre à la volonté senghorienne. N'ayant pas obtenu le récépissé du ministère de l'Intérieur, le parti d'Anta Diop reste officiellement dans la clandestinité. La doctrine socialiste est quant à elle adoptée par l'UPS, puisqu'elle est admise en novembre 1976 à l'Internationale socialiste, grâce à une recommandation appuyée du premier secrétaire général du PS français de l'époque, François Mitterrand.

L'UPS, fraîchement renommée Parti Socialiste Sénégalais, s'organise pour appréhender les élections plurielles de 1978. Autour de Léopold Sédar Senghor, un conseil de dix membres est instauré. On y recense Abdou Diouf, Amadou Cissé Dia, Magatte Lô, André Guillarbert, Alioune Badara Mbengue, Assane Seck, Jean Collin, Babacar Bâ, Moustapha Niasse et Djibo Kâ. Le Président de la République forme ainsi un groupe chargé de préparer à terme sa succession, constitué des "historiques" de l'indépendance et d'hommes appartenant à "la génération Abdou Diouf", tels que Niasse ou Kâ.

Les élections pluripartites du 26 février 1978 concernent la présidence de la République, les 100 députés de l'Assemblée nationale, 26 des 35 conseillers municipaux et 107 conseils ruraux. Contrairement aux autres opposants, Abdoulaye Wade ne boycotte pas les élections. Il se présente à la présidentielle et place des candidats dans toutes les communes sénégalaises.

La campagne présidentielle est marquée par la polémique née de l'adoption par le Parlement de la loi 76-27 du 6 avril 1976, qui modifie l'article 35 de la Constitution sénégalaise. Il y est stipulé

13 Il semble que Wade est pris à son propre piège en menaçant Senghor de créer son parti s'il n'obtient pas un poste ministériel. "En 1974, quand il est allé dire à Senghor qu 'il avait l'intention de créer un parti politique, le Président de la République l'avait pris au mot, mais il était convaincu, et je crois qu 'il avait raison, que l'intention de Wade était de se faire offrir un portefeuille de ministre". Foccard parle, tome II, p 346-347, Paris, Fayard, 1997.

"qu'en cas de décès ou de démission du Président de la République, ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif par la Cour suprême, le Premier ministre exerce les fonctions de Président de la République, jusqu'à l'expiration normale du mandat en cours. Il nomme un Premier ministre et un nouveau gouvernement dans les conditions fixées à l'article 43". Ne faisant aucun doute que Léopold Sédar Senghor laissera le pouvoir en cours de mandat à son Premier ministre, Abdoulaye Wade déploie toute son énergie pour dénoncer ce prévisible "coup d'état constitutionnel". Pour contrecarrer cette agitation, le PS remet en route "sa machine électorale", au point mort depuis 1966. Les dirigeants socialistes activent leurs réseaux clientélistes et favorisent le soutien implicite des marabouts grâce à de généreuses donations, souvent octroyées par l'intermédiaire des coopératives agricoles arachidières détenues par l'Etat. Ils quadrillent de ce fait l'électorat rural, très respectueux à l'époque des consignes de vote données.

Les résultats n'offrent par conséquent aucune grande surprise : Senghor gagne avec 82,5% des suffrages contre 17,4% pour Wade. Le PS remporte 82 sièges et le PDS en obtient 18. L'opposition n'acquiert qu'une seule commune (Oussoye, en Casamance maritime) et deux communautés rurales (Taïf et Taïba Ndiaye). Même si l'hégémonie socialiste est restée presque intacte, pour la première fois depuis 1960, un parti d'opposition siège au sein de l'hémicycle sénégalais. Senghor peut dorénavant, après vingt années de pouvoir, préparer sa succession.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote