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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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3.2. L'exil volontaire d'Abdoulaye Wade :

En dépit de la réussite de la "campagne de Paris", le PDS est un parti malade, qui à l'instar de son rival socialiste, est laminé par les querelles internes. On assiste après 1996 à une guerre de positionnement entre Ousmane Ngom et Idrissa Seck. L'âge d'Abdoulaye Wade (72 ans) n'est pas innocent à ces rivalités, chacun pensant qu'un échec au scrutin de 2000 sonnerait le glas de sa carrière politique. Les deux hommes se placent ainsi dans l'optique soit de succéder à

40 A ce sujet, Niasse profite du16 juin 1999 pour critiquer le bilan dioufiste : "le mandat présidentiel doit être constitutionnellement limité à deux termes et non pour des périodes de sept ans mais bien de cinq ans au maximum. Il est évident et aujourd'hui amplement prouvé que ce qu 'un chef d'Etat n 'a pu réaliser en dix ans, il ne pourra jamais le réaliser en vingt ou trente ans".

41 Cette image d'incorruptible est liée à ses moyens financiers conséquents. Niasse rappelle souvent après juin 1999 qu'entre 1993 et 1998, il n'a jamais été rémunéré à sa demande : "lorsque le président Diouf m 'a proposé, en 1993, le portefeuille des Affaires Etrangères, j 'ai demandé que mon salaire de ministre soit versé à une oeuvre caritative et j 'ai continué à utiliser mes propres véhicules et à résider dans ma propre maison. Mes affaires marchent bien et ce n 'est sûrement pas la politique qui me fait vivre". "Que peut apporter Niasse à Wade ? ", Jeune Afrique, 7 février 2000.

42 Francis Kpatindé, "Diouf, Wade et les trublions", Jeune Afrique, 29 juin 1999.

Wade dans les prochains mois, soit en cas de victoire libéral d'avoir une chance d'accéder à la Primature.

Après le départ de Jean-Paul Dias du PDS en 1993, Ousmane Ngom apparaît comme le mieux placé pour prendre à terme la direction du parti libéral. Il est en deuxième position sur la liste nationale PDS aux législatives de 1993, il prend part seul à la direction de certains meetings et "accompagne" Wade lors de son séjour à la prison de Rebeuss en 1994. Son destin et celui du fondateur du PDS semblent lier.

Toutefois, on constate peu à peu l'émergence d'Idrissa Seck, surtout après son entrée au ministère du Commerce, de l'Artisanat et de l'Industrialisation en 1995. Cette nomination n'est pas un hasard car Seck a été formé par le chef de l'opposition, qui lui a très rapidement donné sa chance en lui confiant la direction de sa campagne électorale de 1988. Le jeune Idrissa Seck - il est né le 9 août 1959 - s'affirme progressivement comme le principal concurrent de Ngom.

Cette rivalité est décuplée après les élections municipales de 1996. Ngom et Seck se présentent respectivement à Saint-Louis et Thiès. S'ils connaissent tous deux la défaite, Seck obtient un très bon résultat (40,52 %) alors que Ousmane Ngom est laminé par la machine électorale PS (28,41 %). Les cartes sont redistribuées, Seck ayant fait de la deuxième ville du pays une place forte du parti libéral.

Le bureau politique PDS se scinde alors entre les pro-Ngom et les pro-Seck. Mesurant les dangers d'une telle division, Wade renvoie dos-à-dos ses lieutenants lors des législatives de 1998. Au lieu de les inscrire sur la liste nationale, il les place sur des listes départementales, dans le but de ne susciter aucune jalousie et de réaffirmer sa prédominance 43. Cette décision est un échec, les tensions demeurant suite aux scores médiocres enregistrés par les libéraux. Le chef de l'opposition choisit alors de sanctionner plus durement l'agitation. De nombreux pro-Ngom sont évincés du PDS tandis que l'ancien numéro deux du parti est rétrogradé au rang de simple secrétaire permanent. Idrissa Seck est lui-aussi durement sanctionné, puisqu'il n'est plus que secrétaire national. Pour remplacer ses deux anciens bras-droits, Wade nomme un vice-président PDS factice, Laye Diop Diatta, personnalité politique de second ordre44.

L'objectif de Wade est très certainement de départager au plus vite les deux rivaux. Si Idrissa Seck accepte la sanction, Ousmane Ngom réagit beaucoup plus vivement et réclame à peine 48 heures après les sanctions une convocation du bureau politique. Wade la refuse mais propose à son ancien dauphin le poste de secrétaire général national adjoint. En dépit du fait qu'il se voit déchargé avec cette proposition de son encombrant rival, Ousmane Ngom la refuse et démissionne le 11 juin 1998 du PDS en compagnie d'une quinzaine de responsables libéraux dont Marcel Bassène, ancien vice-président à l'Assemblée nationale.

Pour satisfaire son ambition personnelle, il crée dans les semaines qui suivent sa propre formation : le Parti Libéral Sénégalais (PLS). Lors de la présentation de son parti, l'ancien ministre dénonce "la dérive monarchiste" de Wade et affirme vouloir établir "une société libre, démocratique, permettant à chaque citoyen d'assurer le plein épanouissement de sa personnalité et la libre expression de ses capacités physiques et intellectuelles" 45.

Boycotté par le front de l'opposition, largement favorable à Abdoulaye Wade, le PLS est dans l'obligation dès les premiers jours de son existence de se rapprocher du parti gouvernemental. Cette alliance favorise le PS, puisqu'elle permet à la propagande étatique de discréditer

43 Il déclare à cette occasion : "je détiens les responsabilités moi-même ". "Abdoulaye Wade renvoie ses lieutenants à la base", Le Soleil, 19 avril 1998.

44 "Remaniement au PDS : Wade désarme ses lieutenants", Le Soleil, 7 juin 1998.

45 "Eclatement du parti de Wade", Afrique Expresse, 30 juillet 1998.

Abdoulaye Wade. De nombreux articles publiés dans Le Soleil font état de ralliements massifs au PLS entre juillet-août 1998. Ces informations se révèlent dans l'ensemble erronées, la plupart des militants libéraux mises en cause clamant touj ours appartenir à la formation wadiste dans leur droit de réponse 46 . Néanmoins, la propagande socialiste à l'intention du PLS prend bien vite fin, les médiocres résultats obtenus par le parti de Ngom lors des élections sénatoriales - à peine 3% des voix - discréditant à eux-seuls le soi-disant succès de la nouvelle formation libérale.

La rébellion de l'ancien fidèle de Wade est donc un échec. Il n'est pas le premier à s'être aventuré à défier le Pape du sopi. Avant lui, Serigne Diop et Jean-Paul Dias ont tenté de s'approprier la "machine PDS", sans succès. Comme eux, Ngom croit pouvoir au moment de son départ, en contestant et discréditant les pratiques de Wade, récupérer son aura et surtout ses voix. L'ancien ministre pense que la popularité du PDS n'est pas due au charisme personnel d'Abdoulaye Wade mais à l'idéologie libérale développée. Or, les insuccès du PDSR, du BCG et du PLS montrent très clairement que c'est Wade qui fait le prestige du PDS et non l'inverse. Sans lui, la pensée libérale n'a plus de sens et plus d'impact électoral. Ceci confirme qu'au Sénégal, l'électeur vote plus pour une personne - un chef - que pour une idéologie ou un programme.

Devant l'effondrement politique de son ancien second, Abdoulaye Wade peut facilement réintroduire à ses cotés Idrissa Seck et lui confier le "dauphinat libéral". L'édifice PDS a donc tremblé, et se retrouve un peu plus affaibli durant l'exil de son fondateur, d'octobre 1998 à octobre 1999. Comme par le passé, Wade pense qu'un retrait de la vie politique peut lui être profitable, car il prive Abdou Diouf de son principal interlocuteur. Le chef de l'Etat est effectivement seul pour affronter les problèmes du pays - insécurité dans le nord du Sénégal, agitation des populations urbaines, enlisement de l'armée en Casamance et en Guinée-Bissau etc. - et le mécontentement populaire qui en découle.

Durant son exil, Wade s'appuie sur ses amis français, tels que Alain Madelin et Alain Napoléoni, pour trouver des soutiens politiques et financiers. Il justifie cette démarche en déclarant que "tout homme politique sérieux a besoin d'argent pour aller dans de bonnes conditions aux élections, surtout que l'adversaire, en face, utilise impunément les moyens de l'État" 47. Abdoulaye Wade prévoit en effet de dépenser 200 000 à 300 000 FCFA par jour au cours de sa campagne électorale 48, tout ceci pour payer les déplacements (parfois en hélicoptère), la nourriture, l'organisation etc.

S'il se fait rare d'un point de vue médiatique - si rare que des rumeurs à Dakar le disent gravement malade - Wade garde des contacts très étroits avec l'opposition et surveille avec intérêt le repositionnement de Moustapha Niasse. Après le chamboulement politique du 16 juin 1999, il tente à la fois de convaincre Savané, Dansokho et Bathily de lui maintenir leur confiance et d'approcher Niasse pour s'assurer de sa loyauté en cas de second tour. Après avoir conclu un "pacte de non-agression" avec l'ancien ministre d'Etat, Wade peut naturellement regagner le sol sénégalais.

Toutefois, ce retour doit constituer un événement politique majeur, ayant pour but de lancer la campagne présidentielle wadiste. Ainsi, journalistes et photographes se joignent à lui pour

46 "PLS : nouvelles adhésions", Le soleil, 10 août 1998 et "Adhésions au PLS : précisions", Le Soleil, 17 août 1998.

47 "Wade cherche de l'argent en France", Jeune Afrique, 30 mars 1999.

48 Francis Kpatindé, "Paris-Dakar dans l'avion de Wade", Jeune Afrique, 2 novembre 1999.

embarquer dans l'avion le ramenant à Dakar à la fin octobre 1999 49. Au cours du trajet, il organise une conférence de presse informelle, où il s'évertue à expliquer sa vision du Sénégal, ses ambitions, ses souvenirs etc. En limitant les barrières protocolaires avec les journalistes, Wade tranche avec l'allergie dioufiste aux médias. Le chef de l'opposition essaie donc de s'attirer les ferveurs des médias internationaux, qui pourraient jouer un rôle capital dans l'élection présidentielle en cas de second tour.

Quoi qu'il en soit, il arrive d'ores et déjà à leur démontrer sa popularité auprès du peuple sénégalais. A son arrivée à l'aéroport de Dakar, des dizaines de milliers de personnes l'attendent. Le cortège met trois heures à effectuer les dix kilomètres qui séparent l'aéroport de la permanence libérale. Au cours du trajet, Wade s'adresse à la foule en liesse, qui n'hésite pas à chanter "papa gneuwna, papa dikkna" (papa est de retour). Il promet plus par provocation que par réelle croyance une victoire au premier tour. Les propos ci-dessous retranscrivent l'état de grâce que connaît Wade le jour de son retour au Sénégal :

"je retrouve le Sénégal et les Sénégalais debout, mobilisés, prêts à se battre pour l'alternance. Votre mobilisation d'aujourd'hui exprime qu'ils veulent le changement (...) J'ai parlé au Français que la stabilité, c'est moi ! Si je n 'étais pas un homme de paix, j'irais passer la nuit au palais de la République ce soir" 50.

C'est un véritable triomphe pour Wade qui démontre au PS qu'il n'a rien perdu de sa popularité dans la capitale. Il met aussi en évidence la force de sa "Coalition Alternance 2000", tous les grands leaders de ce front wadiste étant présents à sa descente d'avion. Contrairement à 1993, Wade rallie à lui des leaders tels que Landing Savané (And Jëf), Abdoulaye Bathily (LD/MPT), Mamadou Dia (MSU) et Amath Dansokho (PIT). L'alliance formée en 1996 pour la création de la CENI ne s'est donc pas écroulée. En ayant ménagé ses partenaires de l'opposition, en ayant pris en compte certaines de leurs revendications, Abdoulaye Wade s'est assuré leur soutien indéfectible.

La nouvelle du retour de Wade fait le tour du Sénégal mais aussi le tour du Monde. Gêné par cet engouement, le pouvoir censure les images de ce triomphe à la télévision. Cependant, Le Soleil fait un rapport relativement complet de cette journée que l'on peut aisément qualifier d'historique 51 . Historique dans le sens que le peuple dakarois adoube le candidat Wade. Grâce à ce soutien, et celui de ses alliés politiques, le candidat de la "Coalition Alternance 2000" traite en position de force face à Niasse et Kâ. Malgré leur ambition personnelle, ils établissent une stratégie unitaire pour faire tomber le régime socialiste. C'est dans cette optique qu'ils érigent le Front pour le Respect et la Transparence des Elections (FRTE).

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille