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La théorie des droits permanents dans la jurisprudence du Tribunal administratif tunisien

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par Faycel Bouguerra
Université Sciences Sociales Toulouse I - Master 2 Recherche Droit Public Comparé des Pays Francophones 2006
  

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Paragraphe II : Les décisions qui n'épuisent pas le plein effet du droit

Le critère que nous avons choisis n'inclut pas les décisions délibératoires ou préparatoires car elles ne sont pas une décision stricto sensu. Ces décisions ne touchent pas au fond du droit et ne confirment rien en elles-mêmes ce qui les distinguent des décisions à effet instantané et des décisions à effet déclaratif.

D'un autre côté, elles n'ont pas été prises de façon irrégulière que les rendent inexistantes envers les demandeurs (A), et a fortiori elles ne sont pas à effet permanent, car elles n'ont jamais été prises (B).

A- La décision à effet inexistant (ou la décision inexistante)

On peut l'appeler aussi "la décision à effet néant ou à effet de néant". Cela revient à ce que ces décisions n'ont, en réalité, aucun effet sur le droit, et du coup elles ne l'épuisent pas.

En effet, ce qui marque ces décisions est qu'elles sont entachées d'une illégalité grave et grossière la sortant de l'ordonnancement des règles juridiques.

Cette illégalité n'est pas seulement d'effet permanent, plus encore, elle est d'une gravité qu'elle anéantisse la décision.

Il s'ensuit qu'il n'y aura plus de droits acquis pour quiconque car on ne peut jamais fonder un droit sur le néant47(*).

Ainsi, l'administré est en droit, d'une façon permanente, à réclamer son droit qui n'est pas toujours épuisé car la décision n'acquiert aucune immunité contre le recours en justice.

Ainsi, la jurisprudence du Tribunal administratif tunisien a voulu étendre le régime juridique des délais de recours de l'acte inexistant à la décision à effet permanent, et ce en traçant un parallèle qui leur sert de trame de fond. Ce parallèle est celui du non épuisement du droit.

B- La décision à effet permanent

La plupart de ces décisions portent sur des droits et libertés fondamentales qui ont les liens les plus étroits avec la personne humaine ainsi qu'ils participent de la façon la plus poussée de la formation et de la promotion de sa personnalité juridique. Il s'ensuit que l'administration ne dispose en leur octroi ou son refus que d'une compétence liée.

Toutefois, le régime juridique de la procédure de réclamation varie selon le droit ou la liberté en présence.

Il en est ainsi pour ce qui est des droits fondamentaux qui, dans leur réclamation, ouvrent la porte devant moult régimes juridiques qui varient selon l'importance du droit et selon qu'il prenne la forme d'un droit, d'un privilège ou d'une autorisation.

1- La décision à effet permanent qui porte sur un droit

Le droit, dans cette catégorie de décisions, est imposé de plein droit. Du coup, l'administration perd tout pouvoir discrétionnaire dans l'octroi ou le refus, et elle ne dispose que d'une compétence liée.

Une fois octroyé, le droit laisse se former des droits acquis à son titulaire à l'égard et de l'administration et des tiers.

La plupart de ces droits ont pour objet la personne humaine. Or, ce qui nous importe en droit administratif sont les droits initiaux et fondamentaux qui ne dérivent pas d'un autre droit plus global qu'eux et qu'ils en présentent une étape ou une application, comme le droit à l'éducation ou le droit de propriété, ...

Ces droits ont pour point commun qu'ils ne peuvent pas être octroyés de façon dérogatoire ou parallèle car l'accès au droit est unique devant tout le monde, et celui qui n'a pas réussi à avoir le droit une fois ne le perd pas d'une façon permanente et perpétuelle.

Il s'ensuit que l'administration est liée dans son refus de déclarer le droit ainsi que dans son octroi.

Il en découle que celui qui a eu une décision défavorable qui l'a privé du droit, peut toujours tenter une autre demande. Cela s'explique juridiquement par le fait que la légalité de la décision peut faire obstacle de façon permanente devant toute tentative de réitérer la demande. Or, s'il s'avère que la décision est illégale, et notamment pour le cas des décisions implicites de rejet où la motivation fait défaut, il y aura une présomption d'illégalité qui ne peut pas acquérir une immunité contre les critiques par le simple écoulement du temps. De plus, cette illégalité qui entache la décision ne peut pas entrainer des droits acquis au profit de l'administration dont l'objet est de ne pas revenir sur sa décision sous prétexte qu'elle est d'ores et déjà intouchable par le fait de la prescription des délais de son retrait.

Cette décision ne procure aucun droit acquis à personne car il n y a pas lieu de compétition entre les droits, et même s'il y a parfois une certaine concurrence comme dans le cas du droit à l'éducation (droit à l'inscription dans les établissements d'enseignement supérieur), le refus illégal, même s'il procure des droits acquis et à l'administration et aux tiers, est dans ce cas d'une illégalité permanente. Cet effet permanent de l'illégalité le distingue de l'effet instantané qui, quant à lui, prend fin dès que la porte des réclamations se trouve ré-ouverte. Il s'ensuit que les illégalités à effet permanent ne peuvent en aucun cas acquérir une immunité contre les recours par le simple écoulement du temps. Ainsi, l'administration ne peut pas arguer en disant que les demandes postérieures sont identiques à la première et que sa dernière décision de refus n'est qu'une décision confirmative de la décision initiale.

On en comprend que l'administration ne peut pas alléguer des quatre composantes qui donnent à la décision l'autorité de la chose décidée, car la décision n'acquiert une telle autorité que si elle est devenue définitive par la prescription du délai de recours ou par l'épuisement des procédés de recours.

De plus, l'administration ne peut pas arguer en soutenant que la demande s'appuie sur les mêmes réclamations que la première vu qu'il est de la nature même de ces droits qu'on les demande toujours de la même façon et qu'on a toujours pour son sujet les mêmes réclamations.

Il est à noter que chaque fois que l'administration se trouve devant un certain degré de concurrence indirecte entre des droits fondamentaux qu'on ne peut pas acquérir de façon dérogatoire, elle ne peut pas soutenir que les délais se sont expirés et que sa décision a acquis la force de la chose décidée.

Pour ce qui est des autres droits où il n'existe pas de concurrence, il est toujours possible de redemander l'administration de revenir sur sa décision illégale notamment si la décision est de la catégorie des décisions sur demande où l'administration a toujours besoin de nouvelles informations qui lui sont fournies par l'administré. Ainsi, avec chaque demande, l'administré peut changer du contenu de sa demande en fournissant ainsi à l'administration des informations qu'elle n'avait pas.

Or, si l'administration dispose de toutes les informations et les documents qui servent de preuve au droit, il est inutile pour l'administré de revenir la redemander. Ainsi, l'administré doit saisir directement le Tribunal administratif car l'effet de l'illégalité de la décision est permanent, voire perpétuel48(*).

En l'occurrence, le Tribunal administratif recourt à une imagination juridique dont l'objet est que la demande, même réitérée, fait toujours l'objet d'une nouvelle décision. Ainsi, le Tribunal rejette l'argument que la décision est confirmative. Il s'ensuit que la nouvelle décision a pour effet de permettre de rouvrir de nouveau les délais de recours.

2- La décision à effet permanent qui porte sur un privilège

Les privilèges, dans la catégorie des droits permanents, sont à demander par l'administré qui doit prouver qu'il mérite ce privilège qui incarne une discrimination positive en vue de la réalisation de l'égalité entre les citoyen par un partage égalitaire des ressources et des richesses.

Ces privilèges portent, dans la plupart du temps sur la qualité de vie de la personne humaine et sur sa dignité morale et matérielle.

Les décisions qui portent sur ces privilèges sont des décisions à effet permanent car la porte des privilèges est unique, et du coup, celui qui se voit refuser sa demande n'aura pas de voies dérogatoires. Il se trouve obligé de réitérer la même demande concernant le même privilège auprès de la même administration.

On peut remarquer, quant à ces pseudo-droits, qu'il y a parfois une concurrence entre les demandeurs.

Or, cette concurrence n'est pas génératrice de droits acquis aux tiers ou à l'administration à l'égard du demandeur. Cela peut s'expliquer par le fait que, en l'occurrence, la concurrence ne porte pas sur des choses de genre49(*), mais plutôt sur des choses fongibles50(*).

L'administration est fondée à retirer ce privilège chaque fois qu'elle constate la perte, par l'administré, des conditions essentielles et fondamentales de jouissance. En revanche, cette décision est à effet permanent car elle va retirer ce privilège à jamais vu que l'administration ne peut pas décider autrement sous peine d'être taxé de préférencialisme, de favorisme et d'impartialité et de rompre, du coup, avec le principe d'égalité qui règne sur ce genre de privilèges. Cela vaut aussi pour ce qui est de la décision de rejet.

A fortiori, si la décision défavorable (de retrait ou de rejet) est illégale, elle sera d'une illégalité à effet permanent car, notamment si implicite et du coup non motivée, elle est censée être d'une illégalité permanente ce qui rend possible la réitération des demandes ou la saisine du Tribunal administratif.

La demande auprès de l'administration de revenir sur sa décision ou sur son acte contraire est permanente si l'administré peut fournir de nouvelles informations et preuves pour fonder son droit à avoir ce privilège, à défaut, il peut toujours saisir le Tribunal.

3- La décision à effet permanent qui porte sur une autorisation

Il arrive que l'administré ne puisse jouir d'un droit fondamental qu'après l'obtention d'une autorisation, auprès de l'administration, qui se présente en tant qu'une obligation mise sur sa tête. Toutefois, la compétence de l'administration dans la prise de la décision est totalement liée que ce soit dans le refus ou dans l'acceptation de la demande de l'administré, et ce vu le rattachement de cette autorisation à un droit initial et fondamental51(*).

Il est à noter aussi qu'il y a des autorisations qui touchent au service public ou au domaine public, sauf qu'elles ne relèvent pas d'une participation ou d'une exécution du service public ni d'une occupation du domaine public. En effet, ces autorisations ne sont qu'une utilisation normale et ordinaire du service ou du domaine public52(*).

Dans le cas où il y a de nouvelles informations à fournir à l'administration, il est toujours possible de revenir à l'administration. Il en découle que, a contrario, l'administré est en droit à saisir directement le Tribunal administratif de sa demande.

Cela s'explique par la même logique qui recoupe le privilège et le droit dans la catégorie des droits permanents.

Ces décisions défavorables sont à effet permanent et n'épuisent pas le plein effet du droit, car ce dernier ne se trouve épuisé que par son octroi. Cette catégorie de droit est vouée et destinée à jouir à leurs demandeurs tôt ou tard.

Même son octroi ne l'épuise pas de façon instantanée. En effet, son épuisement, voire amortissement se fait de façon permanente jusqu'à l'anéantissement total du droit, de son sujet ou des conditions fondamentales de jouissance.

Il est à noter que, dans sa jurisprudence postérieure, le Tribunal administratif a repoussé et recalé ce critère. Elle a même utilisé la notion de grief à effet permanent, ce qui souligne la confusion53(*). En effet, il a utilisé la permanence de l'effet de la décision comme plutôt une preuve de la notification de la décision, c'est-à-dire de la connaissance acquise de la décision administrative54(*).

Ainsi, ce n'est plus alors les décisions qui sont d'effet permanent, c'est plutôt les droits.

* 47 À propos des actes inexistants dans la fonction publique, comme les décisions de nomination frappées d'inexistence, voir : Vincent (Jean-Yves), « Application dans le temps de l'acte administratif », J.C.A., 2-2001, Fasc. 108-30 ; Thomas-Tual (Béatrice), « Recrutement », J.C.A., Fasc. 170, 171, 172 et 182.

* 48 Le Tribunal administratif, depuis la Déc. n° 892 du 12 juillet 1986, Ettaher Ben Mohammed El-gmati c/ PDG du CNRPS, (Inédite), admet que le recours administratif préalable n'est obligatoire au sens de l'article 40 (ancien) de la loi de 1972 que concernant l'annulation des décisions expresses et non pas les décisions soulevées.

* 49 C'est-à-dire sur telle poste de travail ou telle fonction, ...

* 50 Notamment des prestations ou aides financières, ...

* 51 Les autorisations relatives à l'exercice d'un droit ou d'une liberté comme le droit du travail ou la liberté du commerce et d'industrie : les autorisations relatives à l'exercice des professions libérales ; le droit au mariage ou le droit à la vie privée : les autorisations qu'il faut acquérir pour pouvoir faire une cérémonie de célébration du mariage auprès du commissariat de la police en Tunisie, ...

* 52 Les autorisations relatives à l'occupation ou l'utilisation privative normale ou ordinaire du domaine public : le passage des canaux ou tuyaux d'eau, des câbles d'électricité, des lignes téléphoniques, les autorisations du creusement des tombeaux, ... ; Voir la distinction et son impact sur le pouvoir de l'administration : De Laubadère (André), Venezia (Jean-Claude), Gaudemet (Yves), De Laubadère (André), Venezia (Jean-Claude), Gaudemet (Yves), Droit administratif, L.G.D.J., 16e éd., 1999, p.p. 251-256 ; Mabrouk (Mohieddine), op.cit., p.p. 361-372.

- « L'utilisation étant normale, l'administration n'a pas un pouvoir discrétionnaire pour refuser ou retirer l'autorisation (...). En définitive, on ne retrouve plus ici ce caractère discrétionnaire et précaire que la permission de voirie tient de sa nature d'utilisation anormale », Ibid, p. 396.

* 53 T.A., Déc. n° 16587 du 29 novembre 2002, Néjib Ben Mahmoud El-mabrouk c/ Le Président de la municipalité de La Marsa, Inédite.

* 54 Supra., p. 78 et ss.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo