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Touristicité et urbanité. Pour une évaluation de la qualité des lieux.

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par Mathieu SOMBRET
Université Paris VII - Denis Diderot - Master Géographie " Tourisme, Espace, Société" 2007
  

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III. Le tourisme et la ville, l'intérêt d'une mise en relation

A. Le tourisme comme angle d'approche pour la ville

Il existe de nombreux écrits sur la mort de la ville et le règne de l'urbain, dont Françoise Choay est la première représentante en France. Choay, qui a lu Melvin Webber, nous explique qu'il faut dépasser la distinction entre ville et campagne, étant donné que la ville occidentale n'existe plus car nous sommes rentrés dans une civilisation de l'urbain. Quelles sont les raisons ? Le développement des nouvelles technologies de communication et de transport a créé un « système opératoire, valable et développable en tous lieux, constitué de réseaux matériels et immatériels »24(*).

Ceci amène Thierry Paquot à écrire que « nos sociétés urbaines vivent une déspatialisation de la ville et une déterritorialisation du local » où « l'espace est nié par l'instantanéité du fax ou d'Internet »25(*). L'espace a perdu son importance face l'interaction immatérielle, la distance n'est plus pertinente face à l'hyper communication.

Pourtant quelques exemples peuvent relativiser cette idée, surtout en utilisant le tourisme comme angle d'approche. Le tourisme est une pratique qui « oblige » le déplacement physique des personnes. Les moyens de communication permettent la diffusion des informations tout en véhiculant des images. Les moyens de transport permettent quant à eux de faire circuler les touristes. Le tourisme ne « déspatialise » pas les lieux, bien au contraire, il redonne toute l'importance à l'interaction physique et matérielle d'être dans le lieu. Il n'y a pas de « tourisme virtuel », les images et Internet ne nous permettent pas d'assouvir nos envies de voyages. A l'inverse, les images et Internet sont peut-être un vecteur de l'envie de voyager. Cette idée de l'importance du contact physique est reprise par Jacques Lévy : « Dans le même esprit, Gunnar Törnqvist remarque que «le besoin de contacts personnels [a] augmenté en même temps que se produisait le développement du secteur des télécommunications«. Il constate que plus la communication est complexe, plus elle est porteuse de changement - plus elle engage donc l'identité des acteurs -, moins elle peut se passer du contact physique direct. » (1994, p. 318).

Le tourisme redonne de l'importance à la rue, à la marche à pied, à l'animation des centres des villes (activités culturelles, festivals, spectacles de rue, ouverture plus tardive des magasins, etc.). De plus, l'espace touristique est souvent concentré au centre des villes. Ainsi, même si cela ne reste qu'une hypothèse, le tourisme remet à sa place le centre pour son influence et son importance, c'est-à-dire sa centralité. Les touristes vont-ils dans les banlieues pavillonnaires ? Sûrement pas. Ils choisissent certains lieux, ayant une certaine qualité qui nous reste à définir. Par conséquent le tourisme permet de relativiser la mort de la ville puisqu'il ne ferait qu'alimenter son existence.

B. La ville comme terrain d'étude pour le tourisme

Allons plus loin. Les villes, nous pouvons même parler des métropoles26(*), semblent remettre en cause les fondements du tourisme. Si la raison du tourisme est la recherche d'une certaine altérité, d'un ailleurs, pour avoir des activités « dé-routinisantes » selon Norbert Elias, ou quitter l'ordinaire pour l'extraordinaire selon John Urry27(*), comment expliquer que les métropoles soient des destinations touristiques alors même que la majorité des touristes sont des citadins ? Où se situe la frontière du quotidien et du hors-quotidien lorsqu'un Londonien va à Barcelone, New York ou Berlin, alors que lui-même vit dans une métropole ? Où se trouve cette altérité ? Aura-t-il les mêmes pratiques ? Dans un Monde où il fait bon d'écrire qu'il se banalise, quelle altérité les touristes ont à voyager de métropole en métropole ?

Par conséquent, il semblerait que la ville soit au contraire un creuset d'altérité pour les touristes. Si l'on prend la définition de la ville selon Jacques Lévy, « géotype de substance sociétale caractérisé par la concentration spatiale maximale (densité) du maximum d'objets sociaux (diversité) » (1994, p. 285), la ville devient une source quasi inépuisable d'altérité puisqu'elle concentre sur un minimum d'espace, le maximum de diversité, favorisant la rencontre et la contemplation. « L'espace touristique a, d'emblée, été conçu pour ménager la rencontre » écrit l'Equipe MIT (2002, p.175). On pense bien sûr aux promenades littorales28(*) des stations touristiques ou à la pratique récurrente des grandes avenues par les touristes (Las Ramblas à Barcelone, les Champs-Elysées à Paris). De ce fait, la rencontre « est toujours un moteur puissant du choix du lieu touristique et du fonctionnement de celui-ci. Ainsi, pourquoi autant de touristes s'acharnent-ils à fréquenter Benidorm, sur la Costa Blanca espagnole, alors même que la vision de la photographie du lieu suffit à faire pousser les hauts cris à tous ceux qui n'y vont pas ou n'osent pas dire qu'ils y vont ? [...] Tout simplement notre désir de rencontrer les autres, de se confronter aux autres, voire de rencontrer cet autre qui peut être aussi notre semblable » (Equipe MIT, 2002, p.176). Le désir de voir et d'être vu devient alors une pratique touristique universelle, alimentée par la densité et la diversité de la ville. Les touristes venant pour voir les Autres, deviennent à leur tour les Autres.

Prenons pour conclure cette dernière partie l'exemple d'Amsterdam et ses Coffee Shops. Dans les années 1980 la municipalité a voulu faire baisser le nombre de Coffee Shop pour essayer de limiter la venue des jeunes « enfumés », consommateurs de drogue, mais pas de produit « culturel » haut de gamme. Ces Coffee Shops étaient aussi considérés comme la cause d'insécurité et de trafic de drogue. Après réflexion, les pouvoirs locaux ont estimé que cela ferait sûrement disparaître l'ambiance si particulière du centre ville d'Amsterdam, si les Coffee Shop devaient fermer. Car d'autres touristes viennent aussi pour cette ambiance très tolérante de la capitale des Pays-Bas. On constate les liens très étroits qui peut exister entre le tourisme et la ville : la ville nourrissant le tourisme et le tourisme nourrissant la ville, créant un véritable cercle vertueux.

* 24 Tiré de la définition de l'urbain par Françoise Chaoy in Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, ss dir. Merlin P. et Choay Fr., 2005, p.909. Du même auteur, « La mort de la ville et le règne de l'urbain », La ville : art et architecture en Europe, 1873-1993, Paris, Centre Georges Pompidou, pp. 26-39, 1994

* 25 Tiré de la définition de l'urbain par Thierry Paquot in Dictionnaire de la ville et de l'urbain, ss dir. Pumain D., Paquot T. et Kleinschmager R., 2006, p. 289

* 26 Métropole : « espace urbain qui, tout en permettant la participation des acteurs aux processus d'échelle mondiale, reste une société locale. » Dagorn R. « Métropole », in Lévy J. et Lussault M., 2003, p. 609

* 27 « Tourism results from a basic binary division between the ordinary/everyday and the extraordinary », in Urry J., 1990, Tourist Gaze, p. 11

* 28 Debié F., « Une forme urbaine du premier âge touristique : les promenades littorales », in Mappemonde, 1993, Vol.1, pp.32-37

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