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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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2.1. LE KATANGA LEOPOLDIEN 1885-1908

Le régime Léopoldien revét un caractère exceptionnel en ce qui concerne les rapports entre le capitalisme et le travail autochtone au Congo. L'accumulation primitive qui caractérise son règne a porté un traumatisme à la société katangaise et a modelé par la contrainte, sa vie matérielle et son économie de marché. Par des décisions politiques du pouvoir d'Etat, le régime Léopoldien a concentré la propriété des moyens de production aux mains des capitalistes étrangers qui ont, de ce fait, contrôler l'accumulation du capital. La force de travail autochtone se voit ainsi dépossédée de ses moyens de production traditionnels et la société pré-coloniale qu'elle avait connue, se déstructure.

2.1.1. Organisation économique, sociale et politique du Katanga

La période de l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C.) est caractérisée par un appareillage étatique autonome et fortement contraignant pour subordonner l'organisation économique, sociale et politique du Katanga. C'est dans cette logique qu'il faut lire les mesures prises par le système Léopoldien dès 1885 pour s'approprier les terres vacantes et dès 1892, pour mobiliser par voie de contrainte la force de travail pour la production59. Ces mesures modifièrent le style de vie des populations autochtones. Elles étaient contraintes de faire, en conséquence de cette législation, l'apprentissage de nouveaux modes d'occupation de l'espace et de mobilisation

59 Par l'ordonnance du 1erT uillet 1885 de l' Administration Générale de l' E.I.C., l'Etat établissait son droit de disposer de toutes les terres qui n'étaient pas effectivement occupées par les collectivités africaines et se réservait le droit d'exploiter directement ou de concéder l'exploitation de toutes les terres autres que celles des villages et des cultures, c'est-à-dire la plus grande partie du territoire congolais. Par le décret du 5 décembre 1892 du B.O.E.I., l'administration de l'Etat indépendant instaurait l'obligation pour la population adulte autochtone de récolter les produits commercialisables de la cueillette et de la chasse et de les livrer aux agents de l'Etat. Cette mesure complétait l'établissement d'un monopole de l'Etat sur les produits récoltables sur les terres vacantes dont la plupart se trouvaient désormais regroupées dans le Domaine de l'Etat. Cf. Jean-Philippe PEEMANS, Le role de l'Etat dans la formation du capital au Congo pendant la période coloniale (1885-1950), 1ère partie, ETUDES ET DOCUMENTS, n° 7301, UCL, Louvain-la-Neuve, 1973, pp. 8-12.

61 La contrainte publique qui fut un instrument décisif pour dévaloriser le travail congolais en lui imposant des conditions de rémunération plus faibles, supprimait la motivation du profit comme moteur de la croissance de la production et par là même empêchait les rapports de production de type capitaliste de se développer de manière autonome dans la société colonisée. Cf. Jean-Philippe PEEMANS, Le role de l'Etat dans la formation du capital au Congo pendant la période coloniale, op. cit., pp. 16-17.

62 Robert CORNEVIN, Histoire du Congo (Léopoldville), op. cit. ; Michel MERLIER, Le Congo de la colonisation belge a l 'indépendance, Cahiers libres n° 32-33, Ed. Maspero, Paris, 1962; André DESAUW, DE L'ETAT ~NDEPENDANT DU CONGO AU ZAIRE en passant par le Congo-belge et la République démocratique du Congo (1876-1982), Cercle Royal des Anciens Officiers des Campagnes d'Afrique, Bruxelles, 1984; Auguste VERBEKEN, M'siri, Roi du Garengaze. L 'homme rouge du Katanga, Bruxelles, 1956.

des ressources. Ces mesures constituaient une confiscation pure et simple de la quasi-totalité des terres et la réduction de la population autochtone dans le role simple de force de travail.

Pourtant, tous ceux qui ont étudié les sociétés africaines savent qu'il n'existe pas de terres sans maître en Afrique. Au Congo, note Cornevin, les autochtones étaient naturellement possesseurs légitimes du sol. Les limites des terres tribales, terres de chasse et terres de culture, étaient parfaitement connues60. En réduisant la population autochtone en simple force de travail soumise a des contraintes administratives et assujettie a l'impôt en nature, on supprimait par le fait même, comme le fait remarquer J.-Ph. Peemans, la base matérielle de toute rationalité économique dans le cadre du capitalisme61.

A la lumière de l'histoire factuelle de l'E.I.C.62, il convient d'admettre que la contrainte publique a déstructuré puis restructuré les modes pré-coloniaux d'organisation économique, sociale et politique de la société katangaise. Elle a joué un role déterminant dans l'établissement des rapports économiques et sociaux entre une minorité représentant le capital étranger et une masse de la force de travail africaine. Cela est perceptible a travers les conflits d'acteurs qui s'y sont manifestés. L'administration de l'Etat indépendant institua, dans la logique d'expansion économique pour couvrir les coüts de l'occupation, un monopole d'Etat qui supprima toute possibilité de contact entre le commerce et la population autochtone. La réduction de la base d'un développement ultérieur d'un capitalisme autochtone s'observe déjà a cette période. De même, aliénées et réduites au seul role de force de travail sans stimulant matériel a la production, les populations autochtones n'étaient plus mues par l'intérêt de la réalisation du projet de l'administration de l'Etat indépendant. Pour suppléer a cette indifférence des populations autochtones a l'égard de l'augmentation de la production, en plus de la contrainte publique, l'administration de l'Etat indépendant utilisa les autorités coutumières pour que soit assurée une offre de travail répondant aux besoins de l'expansion de l'économie de l'Etat.

Il s'en dégage des jeux d'acteurs susceptibles d'aider a la compréhension de la structuration de l'ensemble sociétal. Les acteurs dominants (administration de l'Etat indépendant

60 Robert CORNEVIN, Histoire du Congo (Léopoldville), Coll. Mondes d'Outre-mer, Série Histoire, Ed. BERGER-LRVRAULT, Paris, 1963, pp. 62-64.

et le capital étranger) subordonnent les acteurs a la base (la masse populaire) a la réalisation de leurs projets avec l'appui des acteurs intermédiaires (l'autorité coutumière). La saisie de l'interaction de ces déterminismes structurels tant sur le plan des décisions politiques du pouvoir d'Etat que sur celui des rapports économiques et sociaux qui s'en découlent, permet de cerner les processus de développement de la société katangaise.

Dans la problématique des tracés de frontières du Congo depuis la conférence de Berlin, le roi Léopold II düt lutter contre les visées anglaises du Katanga. C'est a ce moment que le roi Léopold II chargea la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie, C.C.C.I. en sigle, d'organiser une expédition en vue d'explorer le Katanga. De l'avis de Van der Straeten, "il apparut que le meilleur moyen d'intéresser les capitaux a une telle entreprise consistait a créer une sorte de compagnie a charte qui, animée par des hommes d'affaires décidés et jouissant des droits et des pouvoirs exceptionnels assurerait l'occupation effective et l'exploration scientifique de la région minière et sauvegarderait ainsi les intérêts de l'Etat"63. C'est dans cette perspective que fut créée la "Compagnie du Katanga" en 1891 pour explorer la région et organiser directement ou par des filiales créées a cet effet, la colonisation et l'exploitation du sol et du sous-sol du Katanga.

Les logiques qui guidèrent la politique de la contrainte publique et de la consécration de monopole d'Etat sous le Katanga Léopoldien ont consisté a concentrer le surplus économique potentiel pour financer le coüt de l'occupation du territoire et pour assurer a l'Etat une participation active a la constitution du capital des entreprises de base. C'est dans ce contexte qu'il faut placer les accords de coopération étroite entre l'Etat et les groupes financiers belges et internationaux entre 1897 et 1905.

L'accumulation primitive du système Léopoldien constitue le point de départ de la production capitaliste au Katanga. La politique de monopole d'Etat avait pour but de mettre en place une infrastructure susceptible d'attirer au Congo en général et au Katanga en particulier, le capital financier et industriel étranger. Pour ce faire, la stratégie consista a, d'une part, étouffer le capital commercial étranger pour l'empêcher de mobiliser a son profit le surplus économique potentiel et, d'autre part, polariser les rapports sociaux entre la bourgeoisie étrangère et la masse populaire indigène.

A la déstructuration des modes d'organisation de la vie matérielle katangaise correspond, a travers la contrainte publique, l'établissement des rapports entre le capital étranger et le travail autochtone.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry