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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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2.1.2. Emergence du capitalisme industriel au Katanga

Comme nous venons de le voir a la sous-section précédente, l'Etat indépendant du Congo a établit par la politique de contrainte une division de travail a l'intérieur du Congo entre le capital étranger et la force de travail autochtone. Tous les efforts consentis par l'administration de l'Etat indépendant dans l'objectif d'accélérer la croissance de la production destinée a l'exportation et de l'accumulation du capital ont eu pour effet l'enracinement de la position dominante du capital étranger. La coopération entre l'Etat indépendant et le capital étranger, financier et industriel, ainsi que la politique menée par l'administration publique qui consista a favoriser ce dernier au détriment d'autres formes du capitalisme, aboutirent a la concentration de la propriété des moyens de production entre eux et a l'émergence du capitalisme industriel, par la suite. C'est l'association étroite entre l'Etat et le principal holding belge, la Société Générale de Belgique, qui constitua les principales sociétés minières qui demeurèrent la base de toute l'expansion économique de la colonie jusque 196064.

La structuration de la vie économique a l'époque de l'Etat indépendant par rapport aux modes de mobilisation des ressources explique pour une large part, l'absence des possibilités de croissance d'un petit et moyen capital autochtone. La motivation de profit annihilée par l'usage de la contrainte publique et la dévalorisation du travail de l'indigène consécutive a des conditions de rémunérations très faibles, sont autant d'entraves a l'émergence du capitalisme autochtone dans la société katangaise sous l'Etat indépendant du Congo. Pour J. -Ph. Peemans, "la contrainte politique rejetait littéralement la société colonisée a la "périphérie" du capitalisme, en la réduisant au seul role de force de travail sans stimulant matériel a la production et en l'aliénant par-là totalement"65.

L'obstacle a l'épanouissement du capitalisme autochtone est aussi tributaire de la culture de la société indigène. Dans les construits historiques de la société katangaise, l'exploitation du type capitaliste, entendue comme appropriation privée du profit fondé sur l'efficacité du travail et la motivation du profit dans le sens de l'homo->conomicus, est étrangère a la vie matérielle et a l'économie de marché de cette société. Comme le dirait Polanyi, dans l'économie du marché de la société pré-capitaliste le gain, le profit existaient toujours mais n'ont jamais été si déterminants. Les différents acteurs interviennent au marché de manière complémentaire, sans détruire le système de base66. Dans le contexte de la déstructuration de leur

vie matérielle, quelques profits que puisse leur procurer la vente des produits au monopole d'Etat et aux capitalistes étrangers, les rapports sociaux dans la société lignagère - qui n'étaient guère démantelés - ne prédisposaient pas les indigènes a une accumulation type capitaliste.

Dès lors, la politique menée par le système Léopoldien sous l'Etat indépendant avec des avantages préférentiels accordés aux financiers engendra la création de certaines entreprises qui constituent les prémisses a l'implantation d'un capitalisme industriel au Katanga.

Par la convention du 12 mars 1891, l'Etat avait accordé a la "Compagnie du Katanga", en échange de sa collaboration, de vastes concessions. En 1900, la création du "Comité Spécial du Katanga" (C.S.K.) auquel la "Compagnie du Katanga" (1/3 des parts) et l'Etat Indépendant (2/3 des parts) apportèrent leur patrimoine, consistait a mettre en valeur la province et d'en repartir les fruits entre eux, au prorata des apports. Le 8 décembre 1900, le "Comité Spécial du Katanga" accorda a la "Tanganyika Concessions Limited" des droits de prospection dans les régions minières du Sud Katanga. Ce fut le début de la collaboration des hommes d'affaires, des industriels et ingénieurs belges et anglais a la construction du Katanga. Cette collaboration aboutit a la création, en octobre 1906, de l'Union Minière du Haut-Katanga, société congolaise a responsabilité limitée, au capital de 10 millions de francs. Après 1900, "le Katanga orienta la colonisation vers l'exploitation minière"67.

De plus en plus, le capitalisme industriel pose les jalons de son édification au Katanga au début du XXème siècle. Il est soutenu dans son projet par l'Etat indépendant, puis par l'Etat colonial après 1908. Toutefois, l'Etat colonial amorca le processus de son désengagement en ce qui concernait la gestion directe de la production. Il atténua la contrainte publique comparativement a la période de l'E.I.C. et il la mit après 1908, au service direct ou indirect des entreprises privées étrangères. Par contre, il continua d'octroyer a ce capital étranger de très importants avantages économiques et son soutien actif pour le maintien de la rentabilité des investissements par rapport aux fluctuations économiques. Rationnellement, il devait miser sur les externalités bénéfiques de ces investissements.

L'analyse qui précède vient de montrer le fonctionnalisme du système Léopoldien durant la période 1885-1908. Ce régime a déstructuré par son mode d'exercice de pouvoir (la contrainte publique), les modes pré-capitalistes de la société katangaise d'occupation de l'espace (appropriation des "terres vacantes") et de mobilisation des ressources (mobilisation de la force de travail, impôt en nature, institution des monopoles). Par ailleurs, ce système conserva la structure du pouvoir politique de la société lignagère, qu'il subordonna pour mobiliser administrativement la masse des travailleurs indigènes a son service. A travers la stratégie de la contrainte publique, la politique de l'Etat indépendant a consisté a mobiliser le surplus économique potentiel et a intégrer

la masse populaire autochtone dans le circuit productif. Les objectifs de long terme dans la structuration du capital et dans l'orientation des investissements sont déjà perceptibles sous l'E.I.C. Ce qui incommode les vertus visionnaires du régime Léopoldien, c'est l'aliénation de la société colonisée et sa réduction au seul rôle de force de travail ainsi que la modicité des prix pratiqués a l'achat de leurs marchandises. Comme le note R. Luxemburg, "chaque expansion coloniale nouvelle va naturellement de pair avec la lutte acharnée du capital contre la situation sociale et économique des indigènes qu'il dépouille par la force de leurs moyens de production et de leur force de travail [...] Le capital ne connaIt aucune autre solution a ce problème que la violence qui est une méthode permanente de l'accumulation comme processus historique depuis son origine jusqu'à aujourd'hui."68

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault