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Le role de l'union européenne en tant qu'acteur international dans la promotion et la défense des droits de l'homme en Europe

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par Clémentine Bacri
Université de Reims Champagne Ardenne - M2 spécialiste des relations extérieures de l'UE 2006
  

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Le rôle de l'Union Européenne dans la collaboration des États tiers avec le TPIY : l'exemple serbe.

Judiciairement indépendant, le Tribunal n'en doit pas moins pouvoir compter sur la coopération internationale pour exercer la plénitude de son mandat. La coopération des États ou des organisations internationales est indispensable à la collecte des éléments de preuve ainsi qu'à l'exécution des mandats d'arrêt, à la relocalisation de témoins sensibles, ou l'exécution des peines.

En pratique, le TPIY a besoin que les États :

- adoptent des lois nationales leur permettant de coopérer de manière efficace (par le biais du pouvoir législatif)

- mettent en place des accords concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal (par le biais du pouvoir exécutif)

Cette coopération est donc rendue obligatoire pour les États-membres qui doivent coopérer sans condition avec le Tribunal, et se conformer aux requêtes d'assistance et aux ordonnances émises par celui-ci.

Ce principe de la coopération entre les États et le TPIY est ancré dans l'article 29 du Statut.

Selon M. Joël Hubercht94(*), « Le Tribunal de La Haye est donc désormais l'étalon auquel est mesurée la volonté des candidats de participer effectivement au concert européen. » Or, comme nous allons le voir pour le cas des pays ex-yougoslaves - meilleur exemple de la coopération avec la justice pénale internationale sur le continent européen - « Cette conditionnalité est cependant loin d'être acceptée et comprise par les premiers intéressés », en nous appuyant sur l'exemple de la Serbie.

L'Union Européenne a joué un rôle très important dans la démocratisation des pays de l'Ex-Yougoslavie, et plus particulièrement dans leur coopération avec le TPIY, en ce que cette coopération est vectrice de démocratie.

Prenons l'exemple de la Serbie, pour montrer le rôle de l'UE. Or, pour bien cerner l'influence de l'UE, il est nécessaire de revenir un peu en avant historiquement, pour déceler l'influence globale et cohérente (ou du moins l'essai de cohérence) de l'UE pendant et après les conflits.

L'UE a d'abord tenté d'intervenir dans le conflit yougoslave, en vain selon certains auteurs95(*), ou du moins avec un résultat timide et mitigé.

Devant la crise, les Douze (à l'époque, l'Union Européenne ne comptait que 12 membres) font connaître leur préférence pour le maintien de la Fédération yougoslave, liée à la Communauté économique européenne (CEE) par un accord de coopération depuis 1980. Ils craignent que la remise en cause des frontières, constitue un dangereux précédent en Europe centrale et orientale. Ils décident de ne pas reconnaître l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie96(*).

Puis, avec le début des combats, ils se saisissent de l'affaire, puisque l'ONU considère que la crise yougoslave est une affaire interne et que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), où l'Union soviétique soutenait la Serbie, paralysée par la règle de l'unanimité, s'était bornée à donner mandat à la Communauté européenne.

Les Douze, après avoir tenté d'obtenir un cessez-le-feu et la suspension des déclarations d'indépendance, précisent le 29 juillet 1991 l'inviolabilité des frontières internes de la Fédération, ce que rejettent Slobodan Miloeviæ et les Serbes de Croatie, qui refusent de faire partie d'une Croatie indépendante.

Les combats redoublent en Croatie où les Serbes se livrent au bombardement sauvage de Vukovar97(*).

Les Douze organisent alors une conférence de paix à La Haye à partir du 7 septembre sous la présidence de Lord Carrington, ancien ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni et ancien secrétaire général de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

Mais les Douze, en raison de leurs divisions, ne parviennent pas à imposer l'arrêt des combats, ni à se mettre d'accord sur une solution politique.

Pour tenter d'arrêter les combats, la présidence néerlandaise de la Communauté, soutenue par la France et par l'Allemagne, propose en septembre l'envoi d'une force d'interposition de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), mais la Grande-Bretagne, appuyée par le Danemark et par le Portugal, s'oppose à tout engagement de troupes.

La France demande alors l'envoi d'une force d'urgence des Nations unies, mais le Conseil de sécurité se borne à décider l'embargo sur les livraisons d'armes à la Yougoslavie, ce qui va pénaliser les Croates et les Bosniaques dans leur résistance aux Serbes, déjà largement pourvus.

C'est le 21 février 1992 seulement que sera créée la Force de protection des Nations unies (FORPRONU) pour la seule Croatie, Miloeviæ s'étant opposé à ce qu'elle le soit également en Bosnie où les milices serbes, aidées par l'armée fédérale, commencent le siège des villes musulmanes, en particulier de Sarajevo, avant de procéder à la purification ethnique.

Quant à la solution du conflit, le plan Carrington, tenant compte désormais de la volonté d'indépendance déjà exprimée par la Slovénie, la Croatie, la Macédoine (le 15 septembre 1991) et la Bosnie-Herzégovine (le 15 octobre), renonce au maintien de la Fédération Yougoslave. Mais elle subordonne la reconnaissance des Républiques à un accord général sur les droits des minorités, assurés par une Cour de justice, à un statut spécial de certaines régions et à une union douanière.

La Serbie, par la voix de Vladislav Jovanovic, ministre des Affaires étrangères de Serbie, critique98(*) l'attitude des Douze vis-à-vis du conflit en Yougoslavie. Selon lui, « après l'ouverture de la Conférence de paix sur la Yougoslavie, la Communauté s'est écartée du mandat que les Républiques yougoslaves, la CSCE et, plus tard, le Conseil de sécurité lui avaient confié. Au lieu de se comporter d'une façon neutre et impartiale, elle a pris parti pour les Républiques sécessionnistes

« Le plan de lord Carrington a entériné l'indépendantisme et le sécessionnisme unilatéraux. L'Europe s'est opposée à l'option fédérale et au droit des peuples des Républiques de rester en Yougoslavie au profit du sécessionnisme. (...) Le principe de la légalité a donc été violé et la Conférence sur la Yougoslavie est devenue de plus en plus dépendante de la volonté politique de la CEE. »

Miloeviæ refuse le plan puisqu'il contrôle déjà un tiers du territoire croate.

Et en plus, les Douze se divisent sur le problème de la reconnaissance. Le chancelier allemand Helmut Kohl, sous la pression de son opinion, veut aller vite en ce qui concerne la Slovénie et la Croatie, en raison des affinités de ces pays avec le monde germanique, alors que la France, craignant l'extension de l'influence allemande et mieux disposée à l'égard des Serbes, aurait préféré le maintien d'une certaine unité yougoslave ainsi que l'Espagne à cause des poussées séparatistes basques et catalanes et de la Grande-Bretagne, préoccupée par le problème de l'Ulster.

Soucieux de manifester leur solidarité alors qu'ils vont signer le traité d'Union européenne à Maastricht, les Douze décident, le 16 décembre 1991, de reconnaître toutes les Républiques qui le désireraient à condition qu'elles respectent les droits de l'homme, les droits des minorités et le recours à l'arbitrage. Mais cette façon de procéder a l'inconvénient de faire disparaître le préalable de l'accord global entre les parties, qui était l'objet de la conférence de la paix.

L'Allemagne reconnaît unilatéralement la Slovénie et la Croatie dès le 23 décembre, suivie par ses partenaires le 15 janvier 1992 après que la commission d'arbitrage de la conférence ait constaté que ces deux Républiques satisfont aux conditions requises. Pour la Bosnie, la commission suggère un référendum qui a lieu les 29 février - 1er mars : la majorité musulmane et croate vote pour l'indépendance, les Serbes s'abstiennent, mais proclament une « République serbe de Bosnie » et intensifient la guerre. La Bosnie est reconnue le 6 avril, mais en raison de l'opposition grecque, la Macédoine ne le sera qu'en décembre 1993 sous le nom d'ex-République yougoslave de Macédoine.

Ainsi la Communauté européenne n'a pas réussi à mener une politique cohérente dans la crise yougoslave, d'ailleurs très complexe, en raison essentiellement des divergences de vues entre les États membres. Cela augure mal de la Politique étrangère et de sécurité commune prévue par le traité sur l'Union européenne.

La Communauté a dû faire appel à l'ONU qui va désormais jouer le rôle principal dans la crise yougoslave, non sans insuffisances. La conférence de paix devient une entreprise conjointe CEE-ONU et siège à Genève à partir de septembre 1992 en tant qu'enceinte de négociation permanente, mais sans résultats. La FORPRONU99(*) est déployée sur le terrain.

Ensuite, l'Union européenne retrouvera une certaine cohésion avec l'adoption, en novembre 1993, à l'initiative franco-allemande d'un plan d'action pour l'ex-Yougoslavie qui inspirera l'action diplomatique européenne jusqu'aux accords de paix de 1995 : intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, concessions territoriales entre les communautés.

L'Union européenne apportera la majeure partie de l'aide humanitaire.

Mais elle ne dispose pas d'une capacité militaire autonome. Ce sont les États européens, individuellement, qui fournissent les contingents nécessaires aux forces de maintien de la paix de l'ONU et qui participent aux actions militaires de l'OTAN qui obligeront les Serbes à céder.

Toutefois, c'est l'intervention américaine qui sera décisive : son aide à l'armée croate aura permis de réaliser un équilibre des forces en Bosnie et son action diplomatique conduira à la conférence de Dayton (Ohio). Réunie du 1er au 21 novembre 1995, elle impose un accord de paix maintenant l'entité de l'État bosniaque dans ses frontières internationalement reconnues avec pour capitale Sarajevo réunifiée et comportant deux entités, l'une croate-musulmane, l'autre Serbe. Pour le respect de cet accord, le président Clinton obtiendra du Sénat l'envoi de 20.000 militaires américains en Bosnie.

Dès les accords de Dayton, l'Union Européenne prend en charge la reconstruction des Balkans.

Dès 1997, l'Union Européenne (cf. en annexe) adopte une politique communautaire unie et raisonnée pour la Serbie-Monténégro. Une conditionnalité politique et économique est à cette fin instituée, qui vise à faire dépendre le développement de relations bilatérales au développement du respect de certaines conditions de fond (liées aux droits de l'homme, à l'économie de marché, etc. toutefois, ces conditions restent en général très vagues).

Mais l'Union Européenne n'envisageait aucune relation bilatérale plus poussée tant que le régime de Milosevic était en place, et par conséquent la démocratie absente. Elle a pris part à la chute de Milosevic, en soutenant avant l'automne 2000 les forces réformatrices serbes, l'opposition démocratique au pouvoir et des représentants de la société civile (livraison de médicaments et d'équipement médical, de mazout, d'asphalte ; travaux de réparation pour l'approvisionnement en eau et dans les écoles; coopération des médias, etc.)

Ce soutien s'est poursuivi après la destitution de Milosevic et la révolution pacifique qui l'a accompagné. Les projets ont aujourd'hui principalement pour objet le soutien des efforts de réforme entrepris par les forces démocratiques qui gouvernent le pays depuis l'an 2000, et ciblent les domaines du droit et de l'administration, de la démocratisation, de la police et de l'armée ainsi que des médias. Une autre priorité de la coopération sous forme de projets est le domaine des minorités et des droits de l'homme.

Même après le changement de gouvernement en Serbie en mars 2004, le soutien de la démocratie et de la mise en place des institutions, la réforme du droit et de la justice ainsi que la promotion de la société civile et des minorités restent au premier plan de la coopération européenne avec la Serbie et le Monténégro.

Pour effectuer une comparaison et réaliser à quel point les aides financières sont dépendantes de la situation politique du pays : l'Union Européenne a commencé à fournir des fonds en 1991 à la Serbie et au Monténégro (y compris le Kosovo), et cette aide (de 1 milliard d'euros jusqu'en octobre 2000), a doublé avec la fin du régime de Milosevic (depuis 2000, l'Union Européenne fournit deux milliards).

En 1999, un processus de stabilisation et d'association (PSA) était institué pour cinq pays d'Europe du Sud-Est.

Ce processus avait déjà été proposé en 1997 aux États balkaniques, lors du Conseil européen « affaires générales » des 29 et 30 avril 1997. Lors de ce Conseil, des critères spécifiques avaient été posés, qui permettaient à long terme d'intégrer l'Union Européenne. Ces critères spécifiques (précisés ensuite lors des conclusions du Conseil des 21 et 22 juin 1999, de la déclaration finale du sommet de Zagreb du 24 novembre 2000 et de l'agenda de Thessalonique) complètent les critères de Copenhague100(*), et exigent :

- La pleine coopération de l'État avec le TPIY

- Le respect des Droits de l'homme et des minorités

- Une pleine coopération régionale.

Ces nouveaux critères s'insèrent donc parfaitement dans une logique de résolution des conflits et de pacification de la région des Balkans, et est transposable directement aux États de l'ex-RFY.

Ce sont ces mêmes critères qui, s'ils ne sont pas respectés (nous le verrons plus tard), autorisent la Communauté européenne à suspendre toute négociation avec l'État défaillant.

La base et l'essentiel du soutien de l'UE à la Serbie et Monténégro, comme pour les quatre autres pays des Balkans occidentaux, réside dès novembre 2000 (un mois après la chute de Milosevic) dans ce même PSA (précité) renforcé lors du sommet de Thessalonique (juin 2003) par les enseignements tirés de l'élargissement de 2004, de façon à pouvoir mieux répondre aux nouveaux défis.

Ce PSA est spécifique pour cette région du Monde ; on le nomme le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, et il a pour vocation de renforcer, à travers la coopération régionale, les efforts en matière de paix, démocratie, droits de l'homme et prospérité économique.

Une répartition des taches se dessine :

- L'OTAN : a une responsabilité militaire

- L'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) : supervise les élections

- Le Conseil de l'Europe : met en place un mécanisme de protection des droits de l'homme.

- L'Union Européenne : est un pourvoyeur de fonds.

Les pays des Balkans occidentaux sont engagés dans un partenariat progressif ayant pour but la stabilisation de la région et l'établissement à terme d'une zone de libre-échange.

Des instruments contractuels (accord de stabilisation et d'association ASA), économiques (mesures commerciales exceptionnelles) et financiers (CARDS) supportent sa réalisation par l'appui aux réformes et au processus de transition. La coopération régionale en constitue un élément fondamental.

Ainsi, ce processus fournit toute une série d'avantages, comme un programme d'assistance (Community assistance for reconstruction, development and stabilisation, «CARDS» de 2001101(*)), des conseils techniques relatifs aux questions juridiques et institutionnelles, des conditions favorables pour les échanges commerciaux, une coopération dans les domaines tels que la justice et les affaires intérieures, et des discussions régulières au niveau politique.

Ces dernières sont spécifiquement conçues pour aider la Serbie et Monténégro à mener les réformes politiques et économiques nécessaires pour conclure un accord de stabilisation et d'association avec l'UE. L'accord, pour sa part, instaurerait une nouvelle relation, voire une association plus étroite avec l'UE.

En octobre 2005, les négociations avec la Serbie et Monténégro relatives à un ASA sont ouvertes. Mais le 3 mai 2006, les négociations sont interrompues en raison du non-respect de l'engagement pris par le pays de coopérer pleinement avec le TPIY.

Pour autant, les aides financières et techniques liées à ce processus ne sont pas interrompues, et continuent à favoriser les réformes dans ce pays. Mais étant donné la conditionnalité explicitée plus tôt, les montants en sont diminués : « L'assistance communautaire dont bénéficient les pays des Balkans occidentaux au titre du processus de stabilisation et d'association est subordonnée à de nouvelles avancées dans le respect des critères de Copenhague et des conditions définies par le Conseil dans ses conclusions du 29 avril 1997 et des 21 et 22 juin 1999, en particulier en ce qui concerne l'engagement des bénéficiaires à procéder à des réformes démocratiques, économiques et institutionnelles. (...) Le non-respect de ces conditions pourrait amener le Conseil à prendre des mesures appropriée », avait précisé le Conseil Européen dans sa décision102(*) du 30 janvier 2006.

Parmi la liste des priorités essentielles, le Conseil a retenu « - Garantir une coopération sans réserve avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). »

Mais par contre, l'intensification des échanges avec l'Union Européenne est suspendue.

L'UE a confirmé son opposition à la suite de la nouvelle constitution serbe consacrant l'indépendance du Monténégro (en septembre 2006), lors de son sommet des 14 et 15 décembre 2006, où il a encouragé « les autorités serbes à accélérer les efforts engagés pour remplir les conditions nécessaires, dont la pleine coopération avec le TPIY. » Il précise ensuite qu' « ayant vue les importantes capacités internationales de la Serbie, le Conseil européen est convaincu que ce pays sera capable d'accélérer son processus de rapprochement avec l'UE, dès la reprise des négociations sur l'Accord de stabilisation et d'association ».

Le 12 février 2007103(*), l'Union Européenne re-confirme que les discussions de rapprochement européen (ie de reprise des discussions sur l'ASA) reprendront quand le nouveau Gouvernement donnera des preuves de sa coopération complète avec le TPIY : « Le Conseil a salué la volonté de la Commission Européenne de conclure les négociations sur la signature d'un Accord de stabilisation et d'association avec le nouveau Gouvernement serbe, dès que ce dernier aura prouvé son évidente implication dans la mise en place de mesures concrètes et effectives d'une complète coopération avec le TPIY »

Depuis, les négociations ont été reprises. Cette pression politique et économique a donc efficacement pesé sur la Serbie, qui a déjà montré à quelques reprises sa bonne volonté à transférer les accusés qui se trouveraient sur son territoire, à La Haye.

La perspective à long terme de l'adhésion de la Serbie, du Monténégro et du Kosovo à l'Union européenne est, à l'heure actuelle, un moteur-clé pour la mise en place de réformes et pour la stabilisation de toute la région.

« L'état de la coopération de la Serbie avec le TPIY

§ La coopération entre juridictions

Pour ce qui concerne la Serbie, le TPIY a, par deux résolutions du Conseil de sécurité n° 1503 (en août 2003) et n° 1534 (en mars 2004), décidé qu'il se concentrerait sur la poursuite et le jugement des responsables de haut rang, et renverrait un nombre restreint d'affaires impliquant des accusés de rang intermédiaire ou subalterne à des juridictions nationales.

Parmi ces affaires, on en distingue 2 types :

- Celles dans lesquelles le bureau du Procureur du TPIY a effectué des enquêtes à différents niveaux qui n'ont pas donné lieu à l'établissement d'actes d'accusation par le TPIY.

- Celles dans lesquelles le bureau du Procureur du Tribunal a effectué des enquêtes à différents niveaux qui ont donné lieu à des mises en accusation par le TPIY sous la forme d'actes d'accusation dressés contre des suspects cités nommément.

Dans les deux cas, l'État sur le territoire duquel le crime a été commis, doit avoir un tribunal/ une cour apte à juger de tels crimes.

Pour l'instant, seules la Bosnie-Herzégovine104(*) et la Croatie ont des cours adéquates, la Serbie n'en a pas, et donc seul le TPIY peut juger les criminels serbes, ou qui ont agi en Serbie.

Pourtant, une évolution est à prévoir en ce que la Serbie a annoncé jeudi 31 mai la création d'un Conseil de Sécurité Nationale et un Conseil de coopération avec le TPIY.

.

§ La coopération entre autorités exécutives.

Le 28 juin 2001, l'ancien président Milosevic est remis (extradé) au TPIY à La Haye par les autorités serbes. Il avait été arrêté à Belgrade le 1er avril 2001, et le 6 avril, le TPIY déposa un mandat d'extradition auprès des autorités fédérales yougoslaves.

Le 24 mai 1999, Slobodan Milosevic avait été - alors qu'il était encore président de la RFY- pour la première fois accusé de Crime de Guerre et Crime contre l'Humanité au Kosovo par la Procureur (à l'époque, Louise Arbour).

Développons un peu ce 1er acte d'accusation, pour mieux comprendre : Selon l'acte d'accusation rendu public 22 mai 1999 à La Haye, « la conception, la préparation et l'exécution de la campagne entreprise par les forces de la Yougoslavie et de la Serbie au Kosovo ont été inspirées, ordonnées, commises, soutenues et permises par Slobodan Milosevic, président de la République fédérale Yougoslave ... (et 3 autres prévenus) ». En conséquence, ces quatre personnes ont été accusées de Crimes contre l'Humanité et de Violation des Lois et Coutumes de la Guerre.

L'acte d'accusation précisait que, entre le 1er janvier 1999 et la fin mai 1999, les militaires et des unités de la police de la République fédérale de Yougoslavie, les forces de police de la Serbie et des unités paramilitaires associée avaient engagé une série d'offensives étendues et systématiques contre des villages majoritairement habités par des Albanais. Des centaines de milliers d'Albanais avaient été chassés du Kosovo. En route, beaucoup avaient été tués, abusés et dépossédés de leurs papiers d'identité et de leurs biens. L'acte d'accusation visait également plusieurs massacres dans des villages kosovars nommément cités.

Puis, le 9 octobre 2001, il a été accusé pendant la guerre en Croatie (1991-1995) de violations des lois ou coutumes de la guerre, infractions graves aux conventions de Genève et crimes contre l'humanité.

Enfin, le 23 novembre, il a été accusé durant la guerre en Bosnie (1992-1995) de Crime de Guerre, Génocide et complicité de Génocide, Crimes contre l'Humanité et Violation Grave des Conventions de Genève et des Lois et Coutumes de la Guerre.

Son procès pu alors s'ouvrir le 12 février 2002, et il fut inculpé et incarcéré à la prison du TPIY de La Haye. Il était le premier chef d'État à comparaître devant la justice internationale pour des crimes de guerre commis durant l'exercice de ses fonctions. Il est mort en prison, le 11 mars 2006 à l'age de 64 ans, alors qu'il souffrait de problèmes cardiaques et d'hypertension artérielle.

Puis, grâce à la coopération des autorités Croates, c'est le général croate Ante Gotovina qui fut arrêté en Espagne et transféré au Tribunal le 10 décembre 2005.

En décembre 2005105(*), le TPIY a jugé que « La coopération de la Serbie-et-Monténegro s'est considérablement améliorée si l'on en juge d'après le nombre d'accusés et de fugitifs arrivés à La Haye. Depuis le dernier rapport106(*), 14 fugitifs sont arrivés à La Haye, soit qu'ils se soient volontairement rendus soit grâce à l'aide des autorités. Parmi eux se trouvent des membres hauts placés de l'ex-armée yougoslave ou de la RFY ».

Pourtant, il précise ensuite que « son incapacité de mettre les autres fugitifs à disposition du Tribunal demeure préoccupante. ». Et Carla del Ponte a également déploré que les efforts des autorités serbes à donner accès aux documents et aux témoins, même s'ils existent, restent lents et que le processus demeure lourd107(*).

Au 5 février 2007108(*), 161 personnes avaient été mises en accusation pour violations graves du Droit International Humanitaire commises sur le Territoire de l'Ex-Yougoslavie. L'importance de ce nombre montre bien l'ampleur du travail effectué par le TPIY.

Pourtant, six personnes étaient encore en fuite : Vladimir Ðorðeviæ, Goran Hadúiæ, Radovan Karadúiæ, Ratko Mladiæ, Zdravko Tolimir, Stojan éupljanin. (cf. mandat d'arrêt en annexe page suivante)

Les plus importantes (celles que le TPIY considère comme des responsables de haut rang sont le général Ratko Mladic et Radovan Karadzic. Ces deux Serbes avaient été accusés de Génocide et Crimes contre l'humanité dès le 25 juillet 1995, pour le génocide perpétré à Srebrenica contre 7900 musulmans du 7 au 11 juillet 1995 (Srebrenica était une zone de sécurité de l'ONU). La chambre d'appel a affirmé dans son arrêt du 19 avril 2004 qu'il s'agissait d'un génocide.

En 2005, Mme Carla del Ponte, Procureur du TPIY estimait que ces deux personnes en fuite l'étaient plus ou moins grâce au silence de la Serbie ; en effet, elle disait que « jusqu'à récemment, il n'y avait eu aucune volonté politique (...) de poursuivre agressivement MM. Karadzic et Mladic », et que « Cela fait dix ans que la communauté internationale joue au chat et à la souris avec MM. Karadzic et Mladic (...), et qu'il est temps que (...) la Serbie et Monténégro et la Bosnie-herzégovine, agissent de concert afin de trouver ces fugitifs, de les arrêter et de les transférer au TPIY. ».

Elle concluait que la Serbie et Monténégro devait rendre des comptes pour avoir manqué de traduire en justice MM. Karadzic et Mladic.

Fin 2006, rien n'a changé. En effet, Mme Carla Del Ponte a affirmé que « si le gouvernement serbe le souhaitait réellement, il pourrait parfaitement faire arrêter Ratko Mladic, qui n'a jamais cessé de bénéficier de la protection de l'armée109(*). » Il s'agit simplement d'une question de volonté politique, a-t-elle insisté, soulignant que le refus de coopérer de la Serbie avec son Bureau témoignait du mépris de la part des autorités serbes pour les victimes, principalement musulmanes, mais également croates et non serbes, de Bosnie-Herzégovine.

En février 2007, Carla del Ponte avait durci le ton, s'effrayant de constater « la totale non-coopération avec le TPIY ».En effet, elle affirma lors d'une Conférence de presse110(*) que « Belgrade ne coopère plus du tout (avec le TPIY) depuis le mois d'octobre dernier », accusant la Serbie de continuer à cacher l'ancien général bosno-serbe, chef militaire des Serbes de Bosnie durant la guerre de 1992-1995 (elle parle de Ratko Mladic).

Mais le 31 mai 2007, un revirement eut lieu : l'ex-général bosno-serbe Zdravko Tolimir, l'un des six suspects recherchés et indiqués dans le mandat d'arrêt, a été arrêté par les polices serbes et bosniaques dans les Balkans et transféré de Bosnie au TPIY à La Haye. Il était le vice-commandant de l'état-major de Ratko Mladic, soupçonné d'avoir pris part au nettoyage ethnique durant la guerre de 1992-1995 et d'avoir diriger la logistique du réseau de partisans de Mladic. Il est accusé de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

À partir de ce jour, l'Union Européenne a pris en compte des questions d'ordre politique dans son appréciation du respect des conditions juridiques d'adhésion, compliquant ainsi la situation.

* 94 « Les mutations et les imbroglios de la justice post-conflit » dans l'ouvrage collectif « Europe et sortie de conflit » sous la direction de Maximos aligisakis, publication Europya de l'institut européen de l'université de Genève, 2005.

* 95 Voir par exemple « Les vains efforts de médiation de la Communauté européenne » par Pierre GERBET

* 96 Par la Déclaration de l'UEO sur la crise yougoslave (Bonn, 19 juin 1992)

* 97 La ville croate de Vukovar est entièrement détruite en novembre 1991 après trois mois de siège par l'armée serbe.

* 98 « Un entretien avec le ministre des affaires étrangères de Serbie », par Florence HARTMANN dans Le Monde 15/01/1992, n° 14.608. 49e année, p.5.

* 99 FORrce de PROtection des Nations Unies

* 100 Afin de préparer le grand élargissement à l'Est qui se précisait depuis la chute du bloc communiste et depuis que les Pays d'Europe Centrale et Orientale exprimaient leur volonté de rejoindre l'Union Européenne, le Conseil Européen réuni à Copenhague en juin 1993 a redéfini les conditions d'adhésion (les « critères de Copenhague »). Elles comprennent des critères politiques (des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection) et économiques (l'existence d'une économie de marché viable et la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces de marché à l'intérieur de l'Union Européenne).

* 101 Ce programme, qui a fourni 4,6 milliards d'euros dans la période de programmation 2000 et 2007, est géré par l'Agence européenne pour la reconstruction, à Thessalonique. CARDS a fourni 160 millions d'€ en 2006 uniquement à la Serbie.

* 102 32006D0056

* 103 Conseil « affaires générales et relations extérieures » de l'Union Européenne, « 2780th Council Meeting » du 12/02/2007. 6039/07 (presse 18).

* 104 La Bosnie possède une Cour d'État dans laquelle il existe une section des Crimes de Guerre, qui date de 2004.

* 105 Bilan des travaux du Tribunal pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) au Conseil de sécurité des Nations unies, le 15 décembre 2005, à New York

* 106 Selon la Résolution 1534 du Conseil de Sécurité, le TPIY doit indiquer tous les 6 mois les progrès accomplis et les mesures qui devraient encore être prises. Donc la dernière communication auquelle le TPI se réfère, a eu lieu 6 mois plus tôt.

* 107 Bilan des travaux du Tribunal pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) au Conseil de sécurité des Nations unies, le 13 juin 2005, à New York.

* 108 Date de la dernière mise à jour du TPIY sur son site Internet

* 109 Elle considère que l'autre accusé, Radovan Karadzic, est « couvert » par les Institutions centrales de Bosnie-Herzégovine « remplies de fonctionnaires qui sont, ou ont été, en contact étroit avec Radovan Karadzic et son réseau » Selon son Compte rendu au Conseil de Sécurité de décembre 2006.

* 110 Article de la revue de presse 7sur7 du 15 février 2007.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault