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Le modèle américain d'accord de protection et d'encouragement des investissements 2004

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par Mohamed ABIDA
Faculté de droit et des sciences politiques de tunis - Mastère en droit 2005
  

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Paragraphe deuxième : Les innovations de la définition analytique

L'élément analytique de la définition de l'investissement procède par illustration. Tout comme la méthode utilisée par les accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements conclus à travers le monde, le modèle américain donne une liste énumérative non exhaustive,62(*) de caractère non limitatif, des opérations qui sont réputées constituer des investissements(A). Cependant, cette définition énonciative reste limitée à l'investissement (B).

A- La liste énumérative:

Même si la liste énumérative ne diffère pas substantiellement de celle qu'on rencontrait dans le modèle précédent de 1994, celle-ci présente des spécificités qui méritent qu'on s'y attarde.

En effet, l'article premier inclut toutes sortes d'investissements imaginables à savoir l'entreprise, droits de propriété intellectuelle, en passant par le prêt à une entreprise et les actifs tangibles et intangibles. La liste reste ouverte également à de nouveaux types d'investissements.63(*)

Dans cette optique M. P.Juillard regroupait les avoirs pouvant constituer un investissement en trois catégories:

La première est relative aux biens corporels, qu'il s'agisse de biens meubles ou immeubles. La seconde catégorie est celle des propriétés incorporelles. On y trouve les propriétés intellectuelles- telles que propriétés littéraires et industrielles- et les propriétés commerciales- telles que les éléments de fonds de commerce. La troisième catégorie est celle des concessions et plus particulièrement, « des concessions accordées pour la prospection et l'exploitation des ressources naturelles ».64(*)

On voit bien donc, que la liste énumérative prévue au sein de l'article premier du nouveau prototype d'accord englobe les trois catégories d'avoirs qui sont réputés constituer des investissements protégés.

De même, la liste vise tous les droits contractuels tels que les contrats clé en main, les contrats produits en main et les contrats à terme. Cependant, la disposition prévue au sein du paragraphe (e) (article premier) laisse la porte ouverte à tous les droits contractuels imaginables dans la définition de l'investissement. L'article ajoute que «( ...) and other similar contracts ». Cela dit, on peut affirmer que la protection conventionnelle de ce nouveau modèle vise les contrats de droit public. On assiste dans cette hypothèse à une dérogation conventionnelle à l'interdiction de recourir à l'arbitrage en matière administrative.65(*)

Dans ce même contexte, il est important de signaler que les travaux du sous- comité chargé de la mise à jour du modèle actuel ont amené à une divergence de point de vue entre ses membres. En effet, au moment où les représentants des sociétés de service financier recommandaient l'inclusion des contrats à terme dans la liste énumérative des avoirs pouvant constituer un investissement, les lobbies des travailleurs et de l'environnement ont refusé que ces contrats soient énumérés.66(*)

Par ailleurs, le paragraphe (f) relatif à la propriété intellectuelle nous amène à dégager au moins deux remarques:

La première remarque est d'ordre formel. En effet, les rédacteurs de ce nouveau modèle ont préféré insister sur la propriété intellectuelle en une disposition de portée très générale. Contrairement au modèle précèdent de 1994 ainsi que le modèle conventionnel européen, le nouveau modèle se réfère à la propriété intellectuelle sans pour autant préciser ses composantes à savoir la propriété littéraire ainsi que la propriété industrielle.

La disposition peut paraître d'une très grande généralité, mais il faudrait chercher son explication dans un souci d'intégrer dans son champ d'application les nouvelles formes de propriété intellectuelle telles que la brevetabilité des logiciels.

La deuxième remarque est relative au projet de l'AMI. En effet, ce projet a repris « de façon malencontreuse »67(*) la définition de l'investissement prévue dans les instruments bilatéraux. Or, la transposition de cette définition analytique y compris les droits de propriété intellectuelle dans l'instrument multilatéral a eu pour effet une divergence d'opinion entre les Etats-Unis et la France concernant la production de l'oeuvre audiovisuelle. Le débat s'est poursuivi entre deux possibilités: « une solution consistait à exclure, purement et simplement, les droits de propriété intellectuelle de la définition multilatérale de l'investissement ».68(*) L'autre solution consistait à maintenir les droits de propriété intellectuelle en excluant la création audiovisuelle du champ d'application de l'accord. Par conséquent, le projet a échoué tout en laissant aux gouvernements des Etats membres de l'OCDE la possibilité de reprendre des négociations conformément à leur opinion publique.

Quoi qu'il en soit, la liste énumérative consolide l'extension de la notion d'investissement et renforce l'idée selon laquelle le modèle américain n'est pas un modèle de convention d'investissement mais plutôt de convention de biens. M. F.Horchani notait à ce propos « qu'il est à craindre que cette extension ne banalise trop la notion juridique d'investissement qui risque d'être diluée dans celle, très générale, de droit économique, à telle enseigne que tout devient investissement et que, désormais, la question qui mérite d'être posée est: Qu'est ce qui n'est pas investissement? ».69(*)

Les rédacteurs de ce modèle répondent semble-t-il, à cette problématique en écartant certaines opérations du domaine de l'investissement et par conséquent, en limitant cette liste énonciative à l'investissement seulement.

B- Les limites:

Le modèle américain de 2004 apporte des nouveautés destinées à préciser la définition de l'investissement. Or, les rédacteurs du prototype conventionnel ont préféré insister sur ces précisions dans des notes explicatives et non dans le corps du texte dans le but de clarifier et restreindre la définition large de l'investissement. Or, force est de s'interroger sur la question de la valeur juridique de ces notes de bas de page ? Et même si ces notes ont la même valeur juridique que le corps du texte, on peut dire que ces notes ne peuvent que rendre la tâche des négociateurs plus lourde.

Quoi qu'il en soit, le nouveau modèle américain exclut systématiquement les jugements de la notion d'investissements (a). Il exclut également certaines opérations ponctuelles (b). Enfin, les droits relatifs à une concession doivent être conforme au droit interne (c).

a- Exclusion automatique des jugements :

D'abord, le modèle américain exclut expressément les jugements et les ordonnances issus d'une procédure intentée devant une instance judiciaire ou administrative de la notion d'investissement. La note de bas de page 3 dispose que: « the term investment does not include an order or judgment entered in an judicial or administrative action ».

Ce choix s'explique par la volonté des Etats-Unis de mettre fin à une jurisprudence récente dans le cadre de l'ALENA appliquant le mécanisme supplémentaire du CIRDI. Il s'agit en effet, d'une réaction contre le développement du contentieux relatif à des décisions judiciaires dans le cadre de l'ALENA.

Il en est ainsi de l'affaire Loewen contre les Etats-Unis,70(*) dans laquelle une société canadienne a contesté un jugement rendu par un tribunal américain. Ce jugement reflète en réalité le système de la responsabilité civile aux Etats-Unis qui repose sur des sommes extravagantes qui ont double fonction : la réparation du dommage et la punition.

Les faits de l'espèce relèvent que Loewen Group Inc. (« TLGI »), société canadienne active dans l'industrie des pompes funèbres, et Raymond L. Loewen, président et chef de la direction de l'entreprise au moment des faits en litige, ont, en juillet 1998, déposé une plainte, soutenant que la conduite d'une affaire civile au Mississipi et la réduction du cautionnement requis pour le droit d'appel enfreignaient les obligations des États-Unis au titre du Chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain. Le 26 juin 2003, le Tribunal saisi de l'affaire Loewen rejetait toutes les allégations contre les États-Unis.

Egalement, on peut citer l'affaire Mondev contre les Etats-Unis71(*) où la société Mondev International Ltd.(Mondev), société canadienne d'aménagement immobilier, qui possède et contrôle une société de commandite du Massachusetts, Lafayette Place Associates, a déposé en septembre 1999 une plainte soutenant qu'une décision de la Supreme Judicial Court du Massachusetts et les lois de l'État du Massachusetts enfreignaient les obligations des Etats-Unis au titre du Chapitre 11 de l'ALENA. Le 11 octobre 2002, le Tribunal saisi de l'affaire Mondev rejetait également toutes les allégations contre les États-Unis.72(*)

La disposition de ce nouveau modèle remet en question donc le système de droit civil où les jugements internes créent au profit des bénéficiaires un nouveau droit de créance susceptible de fonder une nouvelle demande d'arbitrage.73(*) Dans ce contexte, le doyen Carbonnier a affirmé que « le jugement (...) crée toujours un droit nouveau, même quand il semble se contenter de déclarer un droit préexistant ».74(*)

b- Exclusion de certaines opérations ponctuelles :

Comme on l'a déjà signalé, la note de bas de page n°1 dispose que: «Some forms of debt, such as bonds, debentures, and long-term notes, are more likely to have the characteristics of an investment, while other forms of debt, such as claims to payment that are immediately due and result from the sale of goods or services, are less likely to have such characteristics ».

L'origine de cette disposition s'explique par le fait qu'il existe un certain accord renforcé par une doctrine unanime et alimentée par une jurisprudence quasiment constante, qui estime que certaines opérations à court terme et en particulier les opérations pûrement commerciales et banales sont ipso facto exclues du domaine de l'investissement.75(*)

La récente affaire opposant la société britannique Joy Mining Machinery contre la République Arabe d'Egypte du 6 août 2004 a esquissé une évolution qualifiée de revirement jurisprudentiel par rapport à l'affaire Fedax contre Venezuela dans la mesure où le tribunal arbitral constitué sous les auspices du CIRDI a jugé que la garantie bancaire est un simple engagement conditionnel « contingent liability » ce qui excluait toute possibilité de l'inclure dans la catégorie des avoirs contenus dans la définition du TBI entre le Royaume-Uni et le république arabe d'Egypte de 1976.76(*)

Face à cette tendance récente, on s'attendait à une disposition similaire au sein du nouveau modèle américain de 2004. Toutefois, les rédacteurs se sont contentés simplement de rappeler que certaines formes d'endettement telles que les obligations de société, obligations non-garanties et effets à long terme sont plus susceptibles de présenter les caractéristiques d'un investissement que d'autres, telles que des factures immédiatement exigibles résultant de la vente de biens ou de services. En effet, la note de bas de page n°1 stipule que : « Some forms of debt, such as bonds, debentures, and long-term notes, are more likely to have the characteristics of an investment, while other forms of debt, such as claims to payment that are immediately due and result from the sale of goods or services, are less likely to have such characteristics ».77(*)

Il est clair que la nouveauté de la règle s'explique par la volonté des Etats-Unis de favoriser la protection des instruments financiers à long terme. Toutefois, la référence demeure vague et imprécise dans la mesure où l'exclusion des opérations ponctuelles à court terme de la catégorie des investissements protégés n'est pas automatique78(*) et explicite. L'exclusion de ces opérations n'est pas systématique et risque d'aller à l'encontre de la définition générale de l'investissement qui insiste sur la durée et le risque. Déjà, cette note comprend des termes qui renforce l'imprécision de cette disposition tels que « more » ou « less » (plus ou moins) qui signifie l'incertitude.

c- Le renvoi au droit interne en matière de concession :

La troisième note de bas de page porte sur la catégorie des droits conférés par le droit national concernant une licence, une autorisation, un permis ou un droit similaire relatif à une concession. Celle-ci dispose que: « Whether a particular type of license, authorization, permit, or similar instrument (including a concession, to the extent that it has the nature of such an instrument) has the characteristics of an investment depends on such factors as the nature and extent of the rights that the holder has under the law of the Party. Among the licenses, authorizations, permits, and similar instruments that do not have the characteristics of an investment are those that do not create any rights protected under domestic law. For greater certainty, the foregoing is without prejudice to whether any asset associated with the license, authorization, permit, or similar instrument has the characteristics of an investment. » En effet, cette note déroge à la politique américaine qui tend dans la mesure du possible à exclure l'intervention de la législation nationale dans la définition de l'opération de l'investissement. Cela dit, tout droit à une concession ne peut avoir les caractéristiques d'un investissement protégé qu'à condition de sa conformité au droit national du pays hôte.

La nouvelle disposition concerne essentiellement les biens incorporels. En effet, il est intéressant de noter que les concessions posent un problème d'interprétation. Par concession est ce qu'on vise un bien incorporel déterminé qui est le droit de concession, octroyé par l'Etat de territorialité de l'investissement ou tous les biens détenus par l'investisseur ?

Tout comme les accords de libre-échange conclus récemment par les Etats-Unis, la note de bas de page n°2 prévoit que le fait de savoir si un type donné de licence, d'autorisation, de permis ou d'instrument similaire présente les caractéristiques d'un investissement dépend de facteurs tels que la nature et l'étendue des droits conférés à son détenteur en vertu du droit national de la partie.

Cependant, cette nouveauté n'est pas susceptible de diminuer, voire de limiter les opérations d'investissements protégés. En effet, même si l'actif est acquis en violation du droit interne, il peut toutefois rentrer dans le champ d'application trop vaste de la catégorie « bien meuble ou immeuble » prévue au sein du paragraphe (H) de la liste énonciative.79(*) Une telle stipulation est considérée par M. P.Juillard comme étant une clause baleine.

Finalement, il est certain que les rédacteurs de ce modèle ont subi l'influence des négociations de l'accord AMI. Parmi les points de discussion qui ont été soulevés lors de la négociation de l'accord, ce sont les problèmes de définitions qui ne doivent pas être traités à la légère. Ainsi, le projet du texte prévoyait que dans un souci de sécurité juridique, l'accord devrait s'accompagner d'une note explicative déterminant la notion d'investissement et celle de l'investisseur.80(*)

* 62 Contrairement au chapitre 11 de l'ALENA qui dresse une liste exhaustive complétée par une définition négative pour exclure certains types de biens de la définition de l'investissement protégé.

* 63 La liste prévue dans l'article premier comprend huit paragraphes, celui-ci stipule que l'investissement peut prendre la forme de : « (a) an enterprise;

(b) shares, stock, and other forms of equity participation in an enterprise;

(c) bonds, debentures, other debt instruments, and loans;1

(d) futures, options, and other derivatives;

(e) turnkey, construction, management, production, concession, revenue-sharing, and

other similar contracts;

(f) intellectual property rights;

(g) licenses, authorizations, permits, and similar rights conferred pursuant to domestic

law;2, 3 and

(h) other tangible or intangible, movable or immovable property, and related property. »

rights, such as leases, mortgages, liens, and pledges. 

* 64 Juillard. P, « Les conventions bilatérales d'investissements conclues par la France » , in JDI, 1979, p.317.

* 65 Ben Hamida.W, thèse précit. p. 313.

* 66 Report of the advisory committee on international economic policy, précit. p. 1.

* 67 Carreau D, Juillard P, « Droit international économique », ibid. p. 383.

* 68 Ibidem.

* 69 Horchani. F, «  Le droit international des investissements à l'heure de la mondialisation », précit. p.381.

* 70 The Loewen Group Inc. Et Ray Loewen c/ Etats-Unis, affaire CIRDI, ARB (AF)/98/3, sentence finale du 26 juin 2003, publiée dans 4 J. WORLD INVESTMENT 675 (2003). V. également, JDI, 2004.1, p. 219 et s, avec les observations de Gaillard.

* 71 Mondev Intenational LTD contre les Etats-Unis d'Amérique, CIRDI, Affaire ARB(AF)/99/2 (décision) du 11 octobre 2002.

* 72 Egalement, on peut citer l'affaire Azinian contre le Mexique où le tribunal arbitral a tranché un litige concernant un jugement rendu par une juridiction interne du Mexique à l'encontre des investisseurs américains. Les faits de l'espèce montrent que M. Azinian et d'autres actionnaires d'une société américaine, Desona, ont déposé en mars 1997 une plainte, soutenant que la résiliation sans motif, par la Ville de Naucalpan, d'un accord de concession adjugé à la Desona pour exploiter une décharge et un système de gestion des déchets pour la municipalité enfreignait les obligations du Mexique au titre du Chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Dans sa décision du 1er novembre 1999, le Tribunal constatait que l'annulation du contrat de concession n'enfreignait pas les obligations du Mexique en application de l'ALENA et, en conséquence, a rejeté toutes les allégations contre le gouvernement du Mexique.

* 73 Ben Hamida.W, «L'arbitrage Etat-investisseur étranger : Regards sur les traités et projets récents », J.D.I.2, 2004, p. 425.

* 74 Carbonnier.J, Droit civil, Introduction, 27eme édition, 2002, p. 378.

* 75 Il en est ainsi de l'article 1139 de l'ALENA qui exclut expressément les créances découlant uniquement de contrats commerciaux pour la vente de produits ou de services ainsi que les créances provenant de l'octroi de crédits pour une opération purement commerciale.

* 76 Yala.F, « La notion d'investissement », in Gazette du Palais, précit. p. 17

* 77 On retrouve la même disposition dans les récents accords de libre-échange conclus récemment par les Etats-Unis. La note de bas de page 10 du FTA avec le Chili, la note de bas de page 15.2 de l'accord avec Singapour ainsi que la note 7 de l'article 10.27 de l'accord avec le Maroc.

* 78 Ben Hamida.W, « L'arbitrage Etat-investisseur étranger : regards sur les traités et projets récents », précit. p. 426.

* 79 Ben Hamida.W, « L'arbitrage Etat-investisseur étranger.. », précit. p. 426.

* 80 Carreau D, Juillard P, « Droit international économique », ibid. p. 384.

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