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Ethique déontologie et régulation de la presse écrite au Sénégal

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par Moussa MBOW
Université Bordeaux 3 - Sciences de l'Information et de la Communication 2004
  

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II Walfadjri et Le Quotidien : deux cultures d'autorégulation différentes

Paradoxalement, les plus grands journaux n'ont, pour la plupart, pas de code de déontologie interne. On aurait pu penser que, vu le sérieux et l'importance de diffusion qui les caractérisent, des journaux comme Le Soleil, Walfadjri, ou l'Info 7 en disposent. Mais à notre connaissance, aucun de ces grands quotidiens sénégalais n'a institué ni un code, ni une charte pour rappeler à leurs journalistes les règles de base du « bon journalisme ». En réalité, le nombre de journaux à en posséder est très faible, sinon leur existence est parfois complètement ignorée par les principaux concernés.

Ancien journaliste au Cafard Libéré, Seydou SALL223(*) du Populaire se rappelle d'une feuille accrochée à un mur de la rédaction où sont vaguement rappelées les règles de base d'un journalisme de qualité. Ainsi, au détour d'un regard, l'on pouvait lire un résumé d'un certain nombre de principes tels que la vérification de l'information, la distinction entre les faits des commentaires, le respect de la vérité, l'interdiction d'accepter des cadeaux etc. Sur ce point, il convient de tirer le chapeau au journal Le Quotidien qui est, à notre connaissance le seul journal à avoir institué dès sa création un code de déontologie (voir annexe 2). Adaptée des « Règles et usages » du quotidien Le Monde, « La charte de la rédaction », est signée par chaque journaliste de « la maison » et constitue l'un des gages « pour éviter des dérapages »224(*) selon le directeur de publication du journal Madiambal DIAGNE. Ce texte préconise des principes tels que le refus de la corruption : « le journaliste de `Le Quotidien' doit veiller à éviter tout ce qui peut entacher sa crédibilité...Tout cadeau, dont la valeur atteint 5 000 FCFA ne saurait être accepté par un journaliste ». Une autre recommandation concerne le respect de la vérité des faits : « les sources doivent être identifiées. Le journaliste devra rapporter ses propos avec exactitude, mais doit veiller à éliminer tout propos susceptible de froisser, de blesser des tiers ou, après coup, l'auteur même des propos ». La liberté du commentaire et de l'analyse, mais en dehors de l'article : « la règle impose de ne pas faire passer son point de vue dans les articles d'information ». La rectification de toute information fausse est aussi une exigence que se fixe les journalistes du Quotidien : « toute information publiée par « Le Quotidien » doit être rectifiée le plus rapidement possible, dès l'instant que la vérité est établie à ce sujet. ». D'autres recommandations portant sur le traitement des dépêches en provenance des agences, la relecture de certaines interviews par les concernés, la publication du courrier des lecteurs...sont imposées aux journalistes du Quotidien. L'éditorial qui engage la responsabilité du journal doit être signé par la personne qui répondra des éventuelles poursuites judiciaires en cas de dérapage, c'est-à-dire le directeur de publication. Toutefois, la charte du Quotidien précise que le rédacteur en chef aussi peut se prêter à cet exercice. Après, le directeur de publication a la latitude de le relire et de le modifier éventuellement, avec ou sans l'accord de l'auteur qui, en revanche peut refuser sa signature ou sa publication. Les autres journalistes aussi peuvent refuser la signature d'un article dont le lecteur/correcteur aurait modifié ou tronqué certains passages qu'ils considèrent importants.

Des journaux comme Walfadjri ne se sont pas dotés d'un texte de ce genre. Ancien rédacteur en chef du journal, Mohamadou Tidiane KASSE affirme que sa rédaction n'a pas jugé nécessaire de disposer d'un code. A son avis : « la nécessité d'un code écrit se justifie dans les grandes entreprises de communication où l'organisation du travail impose des cloisonnements. Sinon dans une maison modeste comme la nôtre où la rédaction, avec une vingtaine de personnes tient autour d'une table, on a adopté une forme de thérapie collective qui consiste à toujours poser le débat quand un problème de respect de l'éthique et de la déontologie surgit. »225(*) « Le linge sale se lave en famille », tel pourrait être la devise de Walfadjri en matière d'éthique et de déontologie. M. KASSE estime qu'un tel « code » est « moins froid » qu'une fiche d'engagement annexée au contrat que l'on tend au nouveau venu. Au lieu de « rester figé autour de dix ou quinze `vérités' à respecter », Walfadjri à choisi un « exercice permanent » de remise en question. Autour d'une table, sans aucun formalisme, « sans avoir l'air de monter un tribunal inquisitorial », le journaliste qui a eu à refuser des pots de vins en fait part à ses collègues : « cela à toujours valeur d'exemple et de rappel des principes en vigueur » pense M. KASSE. A ce propos, le responsable de Walfadjri se demande s'il faut vraiment que le journaliste refuse systématiquement toujours les cadeaux étant entendu que « dans nos sociétés, donner n'est pas toujours un acte de corruption. Tout comme refuser peut apparaître comme un geste offensant». Quant aux « voyages pris en charge » qui, dans certains cas peuvent se solder par des papiers élogieux, M. KASSE pense que « quand une forme de collaboration aliène votre liberté de jugement, en rester prisonnier devient un acte de compromission assumée ».226(*)Le journal Walfadjri fait appel à la conscience et à la rigueur professionnelle des journalistes.

Pour ce faire, rien de telle que la référence que peuvent constituer les responsables de la rédaction (directeur de publication, rédacteur en chef). Tant qu'ils sont irréprochables, un journal n'a pas besoin de codifier les bonnes vertus à son avis. Dans le cas d'un manquement professionnel avéré, le concerné est rappelé à l'ordre en comité de rédaction. Le journal n'hésite pas à recourir à des sanctions en cas de fautes graves. À en croire le responsable de la rédaction, Walfadjri s'est débarrassé de la plupart de ce genre de collaborateurs indignes. « En cela, il n'y a même pas de seconde chance, parce que nous savons qu'une fois que le pli est pris, il est presque impossible de le rectifier »227(*) martèle-t-il. Ce fut le cas le 30 mars 2001 lorsque le quotidien décida de se séparer de l'un de ces correspondants. Il était reproché au reporter d'avoir, sans aucune preuve, « évoqué la condamnation de Johnny Spencer DIOP (gérant d'une salle de cinéma à Louga) par le tribunal de Louga dans la semaine du 11 au 18 décembre 2000 »228(*). Dans une correspondance adressée au CRED, M. DIOP avait exigé du correspondant de Walfadjri la preuve d'un arrêt du tribunal de Louga le condamnant. Et lorsqu'il avait été saisi, Abdourahmane CAMARA, le directeur de publication du quotidien, avait demandé à son collaborateur « d'étayer la véracité de son affirmation par la production de l'arrêté du tribunal ». Ce qu'il fut incapable de faire.

Parallèlement aux codes écrits ou informels, d'autres pratiques qui ont cours au sein de certaines rédactions peuvent participer de l'autorégulation. Il en est du courrier des lecteurs qui change de dénomination en fonction des journaux : Contributions pour Walfadjri, Opinions pour Sud Quotidien... Dans ces rubriques, les lecteurs ont le loisir de donner leur point de vue sur l'actualité et réagir aux articles des journalistes. La floraison de médiateurs et de coordonnateurs de la rédaction au sein des journaux est une autre avancée remarquable du paysage médiatique sénégalais. Ceux-ci sont sensés être les maillons entre les journaux et le lectorat. Aux journalistes, ils transmettent, les reproches, critiques et suggestions des lecteurs à qui ils expliquent les exigences du métier. L'idéal voudrait qu'une personnalité sensée occupée cette fonction soit une personne ressource, aussi respectable qu'expérimentée, qui n'a de compte à rendre à personne et ne rechigne pas à rappeler à l'ordre le journaliste qui serait tenté de déraper. Mais rien ne garantit que cela soit le cas dans les rédactions parce que la quasi-totalité de ceux qu'on appelle médiateurs sont en même temps des journalistes dont les papiers peuvent parfois être l'objet de critique.

Les mécanismes de régulation qu'ils soient mis en place par l'Etat ou par la profession doivent avoir un dénominateur commun : garantir la liberté des journalistes tout en l'accompagnant d'un certain nombre de principes pour éviter d'éventuels dérives. Nous venons de montrer que l'Etat sénégalais et les professionnels de l'information se sont souciés de ces deux aspects du métier conformément aux exigences du régime libéral de responsabilité adopté par le pays. Ainsi, l'évolution de la législation pourrait être considérée comme une volonté manifeste de l'Etat d'accompagner la jeune démocratie sénégalaise dans sa quête de médias libres mais responsables. D'un autre côté, l'existence d'un syndicat national (SYNPICS) qui regroupe des journalistes de tout bord et surtout la mise sur pied d'un tribunal interne comme le CRED sont autant d'éléments qui, à priori, montrent la détermination des professionnels à mettre eux-mêmes de l'ordre au sein de la corporation. Toutefois, ces efforts si louables soient-ils, ne sont pas exempts de reproches. Ces moyens de régulation présentent quelques limites que nous allons évoquer dans le chapitre suivant.

Chapitre 3

* 223 Entretiens effectués de manière informelle tout le long de l'année 2004 -2005

* 224 Cité par Kankoué NOUWODJRO, Ethique et déontologie : la presse universitaire francophone à l'école sénégalaise, site Internet AUF, www.refer.sn

* 225 Institut PANOS, Ne tirez pas sur les médias : éthique et déontologie de l'information en Afrique occidentale, Harmattan, Paris, 1996, p. 203

* 226 Idem, p.205

* 227 Idem, p.204

* 228 Le Soleil du 21 avril 2001 « Diffamation : Walfadjri se sépare de son correspondant à Louga »

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