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Agents géographiques et société libertaire

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par Gérard Gonet-Boisson
Université de Pau et des Pays de l'Adour - DEA de Géographie 2000
  

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2.2.3 La création d'espaces " émancipatoires "

La mise en pratique de processus démocratiques radicalement nouveaux (le municipalisme libertaire, l'organisation fédérale anarchiste...), intégrant l'agent géographique au coeur de la collectivité multiculturelle moderne implique la recherche et la création d'espaces adéquats d'expression continue. Ceux-ci doivent constituer l'articulation vitale de fonctionnement ; des lieux spatio-temporels de mise en synergie des optima individuel et collectif afin que les systèmes libertaires d'organisation de la société (le fédéralisme, le municipalisme tels qu'ils ont été précédemment définis) puissent être opérationnels.

Dans un premier temps l'utilisation d'une sémantique précise doit nous permettre une meilleure compréhension du concept utilisé. Ensuite, les domaines d'application vont traduire dans l'organisation de la société l'opérationnalité de ce même concept.

1 - Des vocables significatifs

Les finalités des espaces " émancipatoires " sont doubles :

- 1° répondre aux sollicitations diverses et permanentes de chaque agent géographique,

- 2° constituer les lieux de débats et de médiation de toutes sortes que la collectivité ne peut manquer de nécessiter pour le plein épanouissement "démocratique" de son fonctionnement.

La mise entre parenthèse du mot démocratie dans la phrase précédente n'est pas fortuite. Elle va nous servir de prétexte à expliciter la signification du concept d'espace " émancipatoire " et de préciser la qualification de la démocratie que nous voulons utiliser dans ce présent mémoire, et tel que nous l'envisageons dans une logique libertaire de gestion de l'espace sociétal inspiré par un raisonnement anarchiste. La conception philosophique anarchiste telle qu'elle a été dévoilée au cours de ce mémoire implique, l'utilisation d'une série lexicale précise qui caractérise au mieux la rupture radicale de l'anarchisme vis-à-vis du capitalisme et de l'État.

Se basant sur l'étymologie grecque cratos qui signifie pouvoir, il convient, face à la hantise d'excès de pouvoir de la part des anarchistes, d'envisager de proposer un terme plus approprié. Nous suggérons le terme acratie où le suffixe cratie est associé au préfixe a exprimant la négation. Si ce vocable n'est pas mentionné dans les dictionnaires français, il est néanmoins couramment utilisé par les libertaires espagnols pour se définir. De surcroît, elle semble résoudre les interrogations sur le principe de la démocratie, le problème des excès et des limites du pouvoir et la capacité de modification d'une construction politique. Roger Dadoun201(*) propose un autre élément en faveur de l'utilisation de ce mot. Selon lui, Charles Péguy en 1904, dans une conférence méconnue et intitulée De l'anarchisme politique202(*) :

" prend soin de distinguer, en tenant compte de l'étymologie et de la production consécutive des notions, entre anarchie, au sens classique du terme : à savoir rejet des autorités de commandement telles que l'exercent des régimes comme la " monarchie " ou l' "oligarchie ", et acratie, vocable neuf servant à exprimer une donnée nouvelle : la récusation de l'autorité de commandement telle qu'elle se manifeste dans une " démocratie ". "

La notion d'espace public qui est au coeur du fonctionnement démocratique mérite, elle aussi nous semble-t-il, d'être précisée dans une optique libertaire. Habermas203(*) l'a repris à Kant qui en est probablement l'auteur et en a popularisé l'usage dans l'analyse politique depuis les années 1970. Il le définit comme :

" ... la sphère intermédiaire qui s'est constituée historiquement, au moment des Lumières, entre la société civile et l'État. C'est le lieu accessible à tous les citoyens, où un public s'assemble pour formuler une opinion publique. Cette " publicité " est un moyen de pression à la disposition des citoyens pour contrer le pouvoir de l'État." 204(*)

Toujours selon Habermas et Wolton, c'est l'apparition de l'État-providence qui a perverti ce mécanisme de concertation démocratique en le transformant en :

" (...) un espace symbolique où s'opposent et se répondent les discours, la plupart contradictoires, tenus par les différents acteurs politiques, sociaux, religieux, culturels, intellectuels, composant une société. " 205(*)

La notion d'espace " émancipatoire " que nous proposons, veut valoriser la liberté individuelle dans une continuité d' auto-formation de l'identité et du raisonnement individuel. Ce n'est plus l'aboutissement d'un certain niveau d'émancipation politique produite par la démocratie en vue de constituer un contre pouvoir à des excès plausibles, mais plutôt le lien organique entre trois éléments fondamentaux d'une véritable acratie : le besoin de dialogue et d'échange, l'accès à l'éducation politique permanente, le droit au jugement et à l'action. Si nous faisons un parallèle avec les caractéristiques politiques des démocraties grecques, il apparaît, dans la conception que nous faisons des espaces " émancipatoires ", que le droit pour tous de parler à l'Assemblée (ou Ecclésia) est valorisé par la présence de l'aspect éducatif (ou paidéia) dans le sens où ils forment, aussi le développement des vertus morales, du sens de la responsabilité civique, de l'identification consciente avec la communauté tout en proposant des instances décisionnelles (ou graphé paranomon) et surtout, en n'excluant aucune catégorie sociale ou ethnique, au contraire des démocraties antiques. C'est une donnée fondatrice de l'idéal anarchiste et non plus un espace de médiation rendu indispensable pour la survie de la démocratie.

2 - Des niveaux imbriqués.

L'espace " émancipatoire " des anarchistes, témoin d'une acratie en mouvement perpétuel, se doit d'être une réalité spatio-temporelle souple et évolutive, où l'expression publique et contradictoire des informations, des opinions, des intérêts et des idéologies puisse déboucher sur des programmes d'actions concrets et contrôlables par ceux-là qui les ont élaborés. Par réalité spatio-temporelle nous entendons le caractère non permanent de ces espaces. Ils se doivent d'être présents et opérationnels lorsque la demande ou le besoin s'en fait sentir et ceci à tous les niveaux scalaires de l'organisation humaine.

Qu'ils se situent à l'échelle de la commune, du quartier, de la ville, de la région comme du ponctuel, du permanent, de l'urgent ; qu'ils se nomment "athénées", "associations", "conférence de citoyens", "assemblées", "réseaux Internet", "référendums", "forums" ces espaces " émancipatoires " doivent être opérationnels et constituer le rets organique de la société anarchiste future.

Notre volonté de construire la compréhension de l'anarchisme par l'incorporation théorique du concept d'espace " émancipatoire " repose sur le paradigme du fondement idéaliste rousseauiste de l'harmonie de la nature et de la bonté humaine. Fondement inspirateur de la pensée d'Élisée Reclus. En effet, le géographe et l'anarchiste qu'il est simultanément, reste persuadé que l'éducation renforcera le potentiel de " progrès " de chaque homme et que l'égalité économique (car pour lui, et les libertaires, il ne peut exister d'égalité politique sans égalité économique) corrigera les phases de " régrès " encore perceptibles.

* 201 Dadoun Roger. L'acratie européenne, un avenir possible paru dans l'ouvrage Etat, politique, anarchie. Op. cit., pp. 31-36.

* 202 Texte que nous n'avons pu retrouver.

* 203 Selon Wolton Dominique. Penser la communication. Paris : Flammarion, 1997, pp. 379-380.

* 204 Ibid.

205 Ibid.

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