WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'utilité d'une coopération technique au sud du Sahara: Le cas des relations Cameroun-Unesco

( Télécharger le fichier original )
par Gérard Martial AMOUGOU
Université de Yaoundé II SOA - DEA en Science politique 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARTIE II:

L'UTILITÉ DES RELATIONS CAMEROUN-UNESCO : UNE
FONCTIONNALITÉ DISCUTABLE

CHAPITRE III :

LA DYNAMIQUE OPÉRATIONNELLE DE L'ÉDUCATION
POUR TOUS (EPT) AU CAMEROUN : UNE ÉVALUATION
DU PROCESSUS DE SCOLARISATION PRIMAIRE
UNIVERSELLE (SPU)

Le forum de Dakar sur l'Éducation pour tous (EPT) constitue, en n'en point douter, une opportunité essentielle pour les pays en développement, de remodeler leurs systèmes éducatifs, afin de les remettre sur les standards internationaux, sur les rouages du temps mondial, pour une meilleure insertion de ceux-ci dans la donne internationale dont le tableau ne cesse de présenter une Afrique continuellement à la marge dudit processus. C'est que dans un contexte international et/ou transnational de valorisation stratégique des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les formations sociales étatiques au sud du Sahara sont également tenues de régenter leurs capitaux humains dans des stratégies de développement inclusif, endogène et participatif, le tout greffer « aux politiques de renforcement de leurs dotations dans la géopolitique globale de la formation » (Owona Nguini) En effet, l'éducation reste la clé de développement de toute nation et constitue de ce fait un enjeu important en ceci que l'ouverture et la formation des esprits s'effectue par elle.

Si la dynamique opérationnelle du processus d'EPT au Cameroun facilite un regard prospectif pour l'horizon 2015, ceci à travers une meilleure appréciation des contours et réalités actuelles, il n'en demeure pas moins qu'une autre logique toute aussi essentielle nous permet d'appréhender l'environnement éducationnel du Cameroun dans une perspective historique. Plus précisément, il nous sied de présenter la dynamique historique et processuelle de l'environnement éducatif camerounais dans son ensemble. Il conviendra par la suite de considérer le processus de Scolarisation Primaire Universelle comme analyseur principal de l'opérationnalisation de l'EPT au Cameroun.

SECTION PREMIERE : LA LOGIQUE SITUATIONNELLE DES RELATIONS CAMEROUN-UNESCO : VERS L'ÉDUCATION POUR TOUS

«DAKAR» représente sûrement un tournant décisif de renforcement et d'intensification des rapports entre le Cameroun et l'institution spécialisée des Nations unies, chargée principalement de la promotion de l'éducation. Il reste tout de même que ce secteur essentiel de la coopération est une priorité constante des relations Cameroun-UNESCO qui préexiste au forum. Mieux l'éducation est une donnée constante des sociétés africaines qui fait sens bien avant leur rentrée dans le concert des souverainetés internationales.

PARAGRAPHE I : HISTORIQUE DE L'ÉDUCATION AU CAMEROUN37 : QUEL BILAN AVANT LES PROGRAMMES D'EPT ?

Le renseignement sur l'environnement éducationnel ambiant au sein de la société camerounaise avant le forum de Dakar commande une approche diachronique distinguée en deux temporalités, qui elles-mêmes sont synchronisées par une date charnière : 1960

A. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE AVANT LA FORMATION DE L'ÉTAT

Depuis son accession à l'indépendance le premier janvier 1960 jusqu'à nos jours en passant par le Renouveau38, l'éducation a toujours été une préoccupation gouvernementale significative au Cameroun. Si l'éducation reste une activité essentiellement perfectible, l'on

37 Plusieurs notes rédigées dans ce titre sont tirées du Rapport portant sur les états généraux de l'éducation camerounaise en 1995.

38 Période datant de 1982 jusqu'à nos jours, et qui désigne le (s) mandat (s) de Paul Biya à la magistrature suprême de l'État camerounais.

remarque que les différentes réformes amorcées au sein des pouvoirs publics (IPAR, création d'établissements, bilinguisme, office du Bac etc.), bien que louables sont tout de même demeurées d'une adaptation parcellaire pour l'essentiel. C'est dire qu'une dynamique s'est toujours avérer indispensable, « compte tenu du déphasage de plus en plus décrié du système éducatif par rapport à la société », ainsi que le remarque les rédacteurs des états généraux de l'éducation camerounaise, en 1995.

1. L'ÉDUCATION TRADITIONNELLE DE L'ÉPOQUE PRÉCOLONIALE.

De manière générale, l'éducation traditionnelle africaine à l'époque précoloniale était essentiellement pragmatique et utilitaire. Définie par la littérature sur l'histoire de l'éducation en Afrique comme le processus de transmission des connaissances, aptitudes et valeurs culturelles de la société traditionnelle, d'une génération plus âgée à une autre plus jeune, l'éducation en effet assure une préparation à la vie adulte de l'enfant, par le biais d'une insertion sociale progressive.

Cellule de base et lieu par excellence de socialisation, la famille est toujours restée le point de départ de l'éducation traditionnelle, même si par la suite elle devait se poursuivre par des classes d'âge, avant de se terminer par des rites spécifiques en fonctions des groupes ethniques.

Ce système éducationnel qui va être perturbé par l'imposition d'un système scolaire autrement structuré du fait de la colonisation, subsistera tout de même à l'organisation scolaire hérité des différentes occupations étrangères vécues par le Cameroun. Ainsi en est-il de la culture de l'oralité qui continue à influencer l'environnement éducationnel camerounais à travers une utilisation enrichissante de la mémoire.

Et aujourd'hui encore, compte tenu des difficultés que rencontre le système scolaire camerounais, certaines voix militent en faveur d'une refonte de l'école primaire avec l'introduction de certaines langues locales en qualités de « langues de démarrage »39

Malheureusement pour un certain nombre d'auteurs, l'éducation séculaire africaine comporte des aspects négatifs qui en freinent l'efficacité, car disent-ils, du type de société rurale, hiérarchisée et immuable, subsiste profondément dans la culture scolaire cette

39 Tout un dossier est réservé à l'éducation en Afrique Centrale dans la Revue `Enjeux' publiée par la Fondation Ango Ela

philosophie de l'imitation, de la reproduction, de la conservation, qui inhibe l'initiative, la mobilité, l'invention40.

Pour pertinente que puisse être une telle assertion, une évaluation sincère du bilan de l'éducation coloniale laisse percevoir un tableau sombre des systèmes ayant connu « l'assimilation », comparativement à ceux qui pratiquaient l'indirect rule. Ce constat est d'autant plus vrai dans le cas du Cameroun où le système éducatif anglophone, en dépit de certains dysfonctionnements, se porte relativement mieux que celui de la partie du territoire ayant subi la colonisation française. Qui plus est, l'on note également qu'à l'époque précoloniale, l'Éducation Pour Tous était bel et bien une réalité en Afrique, compte tenu de la grande emprise de la société sur les individus. Cette donne va changer avec la pénétration coloniale.

2. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE DE L'ÉPOQUE COLONIALE.

En dépit des techniques propres liées aux pesanteurs socioculturelles de chaque nation, les importations des systèmes étrangers41 vont de manière identique imposer deux types d'éducation au Cameroun : l'éducation des administrateurs métropolitains et celle des missionnaires chrétiens.

Bien que l'objectif d'évangélisation ait été prioritaire, le bilan des écoles chrétiennes au Cameroun nous révèle qu'une bonne partie des élèves formés en leur enceinte se retrouve dans les différents secteurs de l'activité nationale, du bas en haut de l'échelle sociale, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Aussi dans le système scolaire en particulier, on note au milieu des années 1990 que 40% des élèves camerounais fréquentaient les établissements confessionnels.

Les administrateurs métropolitains ont quant à eux apporté des différences énormes avec ce qui existait chez eux depuis le dernier quart du XIXème siècle. En effet, il n'y avait pas une politique visant à universaliser l'enseignement primaire au Cameroun avant 1960. Bien plus, l'enseignement secondaire qui depuis fort longtemps en occident débouche sur des secteurs privés autant que publics de l'économie, si ce n'est sur l'université nationale, n'était destiné en Afrique qu'à une faible élite de la population. De fait, il était orienté sur des

40 L'allocution du Président de la République française, Nicolas Sarkozy, prononcée devant l'estrade de l'Université Cheik Anta Diop au Sénégal en 2007, est révélatrice de l'opinion publique occidentale à cet égard. Ce discours où l'auteur affirme que `l'Afrique n'est pas encore rentré dans l'Histoire' a d'ailleurs été violemment critiqué par certains chefs d'Etats africains, à l'instar de Thabo Mbeki.

41 Colonisation allemande, `Tutelle' et `Mandat' des systèmes française et britannique, et l'éducation confessionnelle

créneaux précis et étroits du marché du travail, celui des postes subalternes de l'administration. D'où le fait que, pendant la colonisation, l'université ne pouvait être accessible qu'à des individus plus ou moins assimilés, et en métropole uniquement.

S'il ne fait aucun doute que les colonisations française et britannique s'étaient attelées à effacer toute trace allemande, il reste tout de même évident que les deux systèmes éducatifs visaient prioritairement la satisfaction des intérêts de la colonisation en fournissant des auxiliaires de l'administration et des agents d'exploitation économique à la métropole. Ce qui précède est « normal » lorsque l'on sait depuis Georges Washington qu « aucune nation ne doit être crue au-delà de ses intérêts ». « Normal » également que l'enseignement dispensé à cette époque, pragmatique en zone britannique et surtout théorique en zone française, ne prenne nullement en compte les problèmes et les besoins nationaux, et favorise davantage le mimétisme poussé face aux valeurs occidentales, le déracinement total et l'assimilation. « Normal » enfin que l'enseignement technique ait été négligé par les deux systèmes. Ces différentes conséquences vont, en dépit de l'indépendance, peser lourdement sur le système éducatif du nouvel État.

B. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE ENTRE L'INDÉPENDANCE ET LE FORUM DE DAKAR

1. L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE AU LENDEMAIN DE L'INDÉPENDANCE.

Jean-François Bayart pour qui il ne fait l'ombre d'aucun doute que l'État fait sens au Cameroun, avance l'hypothèse selon laquelle « la pénétration du mode de production capitaliste, la construction nationale acquièrent leur signification première par rapport au devenir des systèmes d'inégalité et de domination autochtones, et leurs enjeux sont avant tout africains » (Bayart, 1985 :14). C'est dire pour l'auteur de L'État au Cameroun que la colonisation n'a pas réussi à effacer les systèmes d'inégalité et de domination qui lui étaient antérieurs (idem). L'impact d'un tel constat, dans la mesure où il est validé, au niveau de l'éducation camerounaise à la période post-coloniale n'est pas aisé à déterminer.

Ce qui reste certain après 1960, c'est le fait que malgré une nette démultiplication des chiffres de fréquentation du fait de l'éveil aux « bienfaits » de l'école moderne des indigènes persuadés qu'ils allaient enfin remplacer leurs anciens maîtres, la tendance élitiste du système éducatif camerounais ne s'est pour autant pas stoppée. Nous voulons prendre pour exemple le fait que l'entrée au lycée, en plus d'être l'unique voie de sortie du primaire, soit restée conditionnée par un concours dont la sélectivité éliminait d'office bon nombre de candidats.

Une telle procédure, qui ne tenait compte ni de tout enfant tel qu'il se présente, ni de son milieu et encore moins sur l'orientation de chaque individu, mais qui beaucoup plus était centrée sur ses aptitudes à continuer, était la cause du très faible rendement interne, ainsi que de nombreuses déperditions : pour 1000 enfants/élèves, 522 atteignent le Cours Moyen deuxième année (CM2), 190 entre dans le secondaire, 52 la fin du cycle, 23 obtiennent le Baccalauréat et 11 seulement entrent à l'université, dans l'enseignement francophone !

Il s'établissait alors une relation clientéliste entre le système dans son ensemble et le lycée qui devenait son principal pourvoyeur en emploi. Clientélisme incarné au sein de l'appareil administratif du fait de l'émergence de la fonction publique comme force sociale. Dans un tel environnement où le « néo-patrimonialisme » se chargeait « de personnaliser les relations politiques et de transformer les ressources politiques en ressources économiques », la bureaucratie s'érigeait en véritable « classe dominante » dans la mesure où elle exploite pour son compte propre, et du fait de la tutelle exercée sur la société (Médard, in Bayart, 1985 : 304). Dans un pareil contexte également, le système éducatif ne pouvait qu'en être touché, d'autant plus que les contenus des programmes sont demeurés à faible teneur pratique et fort peu orientés vers le secteur de production de l'économie : « il aura fallu attendre l'avènement de la crise économique pour que le secteur public, grand pourvoyeur d'emplois d'hier, cède progressivement la place à l'entreprise privée de circonstance » (Etats généraux de l'éducation, 1995 : 10).

Pourtant, l'EPT taraudait déjà l'esprit des dirigeants africains de la « post-colonie » dans la mesure où la tenue de la Conférence des Ministres de l'Éducation d'Afrique à Addis- Abeba en 1961 institutionnalisait la scolarisation primaire universelle (SPU). Cette conférence qui s'était achevée sur la Déclaration de la politique de démocratisation de l'enseignement primaire, devait dans les faits se traduire par la multiplication des écoles et le recrutement massif d'enseignants. Malheureusement, un certain nombre de facteurs internes (démographie galopante, patrimonialisme, ingérence et manque de volonté politique réelle) et externes (crise économique, dévaluation, mondialisation) vont progressivement provoquer les déficits énormes en ce qui concerne les ressources éducationnelles : effectifs pléthorique, pratique des classes à mi-temps, insuffisance du personnel enseignant etc.) En dépit de quelques velléités de réformes somme toute infructueuses, cette situation va s'aggraver du fait des programmes et méthodes qui n'ont toujours pas suffisamment tenu compte des réalités de la société camerounaise. D'où l'environnement éducationnel camerounais présentera un tableau assez sombre à la veille du forum de Dakar.

2) L'ÉTAT DE L'ÉDUCATION CAMEROUNAISE A LA VEILLE DE « DAKAR ».

2-1. DE L'ACTIVITÉ PÉDAGODIQUE

L'enseignement secondaire régi par la loi fédérale n° 63/13 du 19 juin 1963 portant organisation de l'enseignement public secondaire et technique prévoyait un cycle d'observation et un cycle moyen d'une durée globale de cinq ans et sanctionné par un diplôme et un cycle terminal d'une durée de deux ans également sanctionné par un diplôme de fin d'études secondaires donnant accès à des études supérieures. Or il y a lieu de noter la non application des dispositions de cette loi dans la partie francophone qui a maintenu le système hérité de la colonisation française42.

Théoriquement fixée à neuf mois, la durée de l'année scolaire, dont le découpage des périodes d'interruption de classes est hérité de la colonisation, est de manière concrète limitée entre 24 et 27 semaines d'activités pédagogiques effectives.

De façon générale, surtout dans l'enseignement secondaire, l'on note un assez important nombre de redoublement, les renvois ou exclusions ne respectant pas toujours les dispositions réglementaires en vigueur, d'où les déperditions importantes observées. Situation aggravée par l'absence d'autres perspectives offertes aux élèves exclus. Et même si les conditions d'âge et de promotion, de redoublement et de renvoi, dans la pratique, étaient plus souples dans les zones rurales et sous-scolarisées, il reste qu'au cours des années 1990, « il n'existe pas encore d'études claires ni d'amorce de solution » véritables pour ces différents déficits.

En dépit de quelques tentatives de reformulation tout au long de la période suivant son indépendance, les autorités constatent dans la fin des années 1990 que les programmes d'enseignement primaire et normal restent « dépassés », que les programmes d'enseignement secondaire général sont denses par rapport à l'année scolaire en certains disciplines, la plupart n'étant pas définis en terme de « volume horaire », enfin que « la philosophie générale qui sous-tend les programmes n'est ni apparente ni sensible ». Or un peu plus de deux décennies auparavant, un ancien étudiant de l'IRIC parvenait déjà à la même conclusion43. C'est croire que sa voix avait eu moins d'échos que celle du fameux prophète criant dans le désert.

42 Remarque faite par les rédacteurs des états généraux de l'éducation camerounaise en 1995

43 Raymond Epote, op.cit

S'agissant des méthodes d'enseignement, l'on note la difficile péréquation entre les normes prescrites et l'application concrète, compte tenu des mauvaises conditions de travail associées aux effectifs pléthoriques. Y a-t-il enfin lieu de déplorer l'absence d'évaluation des programmes, des méthodes et des activités de l'éducation en général, tandis que le matériel didactique continue à présenter un tableau assez sombre44.

L'insuffisance des moyens matériels et logistiques dans l'enseignement secondaire et technique constituait une entrave sérieuse à l'action pédagogique, les conditions de travail ne permettant très souvent pas une évaluation efficace des élèves. Le fait est que le nombre de ces derniers croit disproportionnellement à celui des enseignants qui, de façon progressive ont vu leur situation se dégrader :

Dès 1988, l'enseignement primaire et maternel verra la suspension du recrutement des auxiliaires et contractuels. L'effet direct de cet arrêt des recrutements, conjugué à la suspension de la formation des personnels depuis 1991, et le départ en retraite de 3680 enseignants pour la seule année de 1994, sont autant de causes ayant provoqué la baisse des effectifs des personnels éducatifs du niveau primaire. Et lorsqu'on ajoute à cela de nombreuses disparités entre les villes et les zones rurales, le déficit dans le système primaire des années 1990 tournait autours de 10 000 maîtres. Or techniquement, le ratio élèves/maîtres est de 27 à la maternelle, 52 dans le primaire.

Le même ratio dans le secondaire général est de 30, et il est de 16 dans le secondaire technique. Pourtant la réalité sur le terrain présente un tableau plutôt sombre, quand bien même les formations à l'École Normale Supérieure (ENS) et à l'École Supérieure de l'Enseignement Technique (ENSET) suivent leur cours. A titre d'exemple, les besoins de l'enseignement technique pour 1994-1995 se chiffraient à près de 600 professeurs. Ce déficit, il faut le reconnaître, était également dû à la suspension de la formation dans les ENIAETENIET.45

Enfin, du point de vue de la qualité, la formation civique et morale, la formation à la démocratie, aux idéaux de paix, de la tolérance et la formation artistique sont autant de domaines importants de formation négligés. Bien plus, les écoles de formation pour la maternelle sont quasi inexistantes, et les recrutements dans l'enseignement secondaire général et technique ne tiennent pas toujours compte des besoins du Ministère utilisateur, surtout dans les filières scientifiques.

44 Le fait est que seul 28,6% de manuels d'élèves francophones du cycle primaire sont publiés par les camerounais. Le système anglophone présentera néanmoins un tableau plutôt satisfaisant, soit 71% de manuels ici sont le produit d'auteurs camerounais

45 Désignent les écoles de formation des instituteurs.

Pour 3901 élèves au cours de l'année scolaire 1993-1994, il existait un conseiller. Nous avons de bonnes raisons de croire que cette situation n'a pas beaucoup évolué en l'an 2000. Car en effet, l'on note toujours l'absence d'un statut et d'un plan de carrière pour les cadres de planification et d'orientation. Aussi, la persistance des structures d'orientations qualitativement et quantitativement insuffisantes, l'absence de centres d'application et la mise à l'écart des professionnels sont autant de faits qui font montre d'une formation plus théorique que pratique. Qui plus est les principales structures de recherches existantes, (IPAR de Yaoundé et de Buéa, INE et les IGP), présentent un diagnostique très limité au niveau de la diffusion et de la publication des résultats.

Il va sans dire qu'un tel état de choses influe inexorablement sur le rendement externe et interne du système éducatif camerounais. Ainsi l'on enregistre de nombreuses déperditions, matérialisées par la démultiplication de redoublements et d'abandons. Comme causes principales, nous pouvons mentionner les obstacles linguistiques, l'inadaptation des méthodes et programmes, l'inadéquation des infrastructures et équipements, et les effectifs pléthoriques. Le rendement externe quant à lui est obstrué du fait de l'inexistence d'aucune donnée permettant d'appréhender l'accès des diplômes dans le circuit de production économique.

2-2. BILAN DE LA GESTION DES RESSOURCES ADMINISTRATIVES ET HUMAINES.

Le bilan du système éducatif camerounais des années 1990 présente un excès de centralisation dans la quasi-totalité des domaines, en particulier ceux relatifs à la création et à l'extension des établissements, la gestion du personnel et la gestion du temps scolaire. Dans les faits, cela se traduit par une absence relative de délégation des pouvoirs et attributions, l'amorce timide d'une décentralisation effective en ce qui concerne certains examens à l'instar du CEPE, et une velléité de déconcentration administrative non accompagnée d'une déconcentration conséquente des pouvoirs de décision, notamment au niveau des Délégations et Inspections.

En ce qui concerne l'administration des services d'aides aux élèves, l'on note l'inadéquation des services de santé scolaires et une nette rareté du service des bourses. Dans le même sillage, le service des activités post et périscolaires est insuffisamment étoffé sur le plan structurel et en personnel. Ce qui est assez curieux lorsque l'on sait qu'il couvre une pluralité de domaines allant de l'assurance, la co-opérative scolaire, le travail manuel et sport, aux Associations des Parents d'Élèves (APE), colonies et camps de vacances, en passant par la cantine et l'animation culturelle, pour ne citer que ceux-là. C'est qu'en réalité, il existe une

forte immixtion des autorités administratives dans la gestion de ces activités. C'est le cas des APE qui souffrent jusqu'aujourd'hui d'un dysfonctionnement dû au non respect de la réglementation en vigueur en matière d'association. Le travail manuel quant à lui n'est ni suffisamment diversifié, ni valorisé, ni orienté vers les activités de production.

L'administration des ressources scolaires fait état d'une absence de code de déontologie des personnes éducatives considérée aussi comme outil de l'administration. De fait, il s'agit de : l'absence d'un statut suffisamment attrayant et départ précoce en retraite ; l'absence de suivi médical des personnels éducatifs atteints de maladies professionnelles graves ; mauvaise politique de recrutement qui ne tient pas toujours compte des besoins du Ministère de l'éducation ; absence de véritable liste d'aptitude à certaines fonctions et de préparation des responsables d'établissements ; excès de centralisation en matière de gestion d'affectation, de mutation et de nomination.

La gestion des infrastructures et des équipements scolaires par ailleurs fait montre d'un gisement de conflits de compétence entre les services de construction relevant du Ministère de l'éducation et implantés dans les délégations provinciales et ceux relevant du MINUH, du Ministère des Travaux Publics et de la Délégation Générale des Grands Travaux. Autant de conflits qui génèrent une panoplie de dysfonctionnements dont l'impact négatif va bien au-delà de l'imagination profane. Aussi pourrions-nous citer entre autres : les chevauchements et doubles emplois ; les retards dans le montage des dossiers financiers ; l'abandon des chantiers et le non respect des normes de construction des infrastructures et des équipements du fait de l'absence et/ou l'insuffisance de contrôle par les autorités compétentes pendant les constructions ; manque d'aire de jeux dans beaucoup d'établissements et absence d'études sur l'environnement préalable à l'implantation des infrastructures ; intervention anarchique des partenaires de l'éducation dans la réalisation des infrastructures et l'acquisition des équipements.

La planification de l'éducation est l'application d'une analyse systématique et rationnelle au processus de développement de l'éducation. Son but est de mettre l'éducation à la disposition des élèves et de la société. Or jusqu'en 2000, les structures de planification au Cameroun sont restées peu opérationnelles et ne participaient pas à l'aide à la prise de décision dans les domaines de l'élaboration de la carte scolaire, des coûts, financements et élaboration des projets éducatifs, ainsi qu'au niveau des rendements internes et externes du système. Ce faisant, les données statistiques sont restées non actualisées à cause des difficultés d'ordre logistique, humaines, matériel (traitement manuel des données statistiques) et financier. L'on note également à cette période les absences : d'une structure de formation

pour les cadres de la planification, de la carte scolaire, et des études pilotes sur le coût et le financement de l'éducation.

L'évaluation qui est la vérification du degré de réalisation d'objectifs précis sur la base de critères bien définis et connus, reste le « parent pauvre » des politiques publiques camerounaises. Or en tant que phase finale du contrôle d'apprentissage, l'évaluation reste l'indicateur de l'état de santé du système éducatif. Dans la même optique mais dans un tout autre plan, l'on pourrait aller jusqu'à affirmer que son rôle est salutaire dans la gestion des coûts et financements de l'éducation au Cameroun.

2-3. COÛTS ET FINANCEMENT DE L'ÉDUCATION AU CAMEROUN.

Le secteur éducatif ayant progressivement perdu le caractère prioritaire à lui jadis accordé. Et « lorsqu'à cette baisse s'ajoute l'exécution partielle dudit budget à cause des tensions de trésorerie, cette situation paralyse pratiquement le fonctionnement du système éducatif » camerounais. C'est ainsi que lors de l'année budgétaire 1992/1993, le taux d'exécution du budget de l'éducation était de 60%. Alors que l'on pensait que les autorités compétentes devaient tirer des leçons de cet état de choses et prendre des mesures appropriées, il n'en fût rien. Car l'année suivante, le budget voté à 83,70 Milliards de francs CFA n'avait connu un taux de réalisation à l'ordre de 37%, soit 83,70 milliard de francs CFA, seulement ! C'est croire que l'intérêt de la société est sacrifié ici sur l'autel des calculs individuels et individualistes. C'est croire également que dans une atmosphère marquée par la dévaluation de la monnaie et les Plan d'Ajustement Structurel ou PAS (avec tout ce que cela comportait comme impact sur la société), la situation des « cadets sociaux » est restée le « cadet des soucis » d'un bon nombre d'élites camerounaises. Et l'on s'interroge enfin sur la définition et la place réservée à l'intérêt national ici.

Cette situation, c'est une lapalissade, oblige les familles à contribuer de manière significative au fonctionnement de l'enseignement public.

En outre, suivant certaines études menées sur « la Déclaration de politique nationale du secteur de l'éducation et de la formation au Cameroun », le budget de l'État alloué à l'éducation formelle en 1991/1992 était de l'ordre de 106 milliards : l'enseignement maternel et primaire qui compte 80% des effectifs du secteur public va recevoir 45% des ressources ; l'enseignement post-primaire, secondaire général et technique (18% des effectifs) recevra 25%, et l'enseignement supérieur avec ses 1% des effectifs va s'en sortir avec 30% du budget de l'éducation (bourses y compris). Cette mauvaise répartition du budget par niveau

d'enseignement constitue en soit un obstacle considérable à l'atteinte de l'objectif de la scolarisation primaire universelle, tel que projeté un an plus tôt à Jomtien. Car comme on peut le remarquer, les dépenses de l'éducation ici sont plus orientées vers l'enseignement secondaire et supérieur. Pourtant, l'éducation de base devrait préserver sa place de choix.

Tout en restant dans le financement mais dans un tout autre angle, il est indiqué de noter la conception irréaliste du budget, matérialisée par l'absence d'une politique de maintenance des équipements et des infrastructures : il s'agit d'un déséquilibre dans la structuration du budget de l'éducation. Car en gardant les chiffres susmentionnés, l'on relève également que 94% dudit budget était alloué aux dépenses de personnel, tandis que 3% restait prévu pour la maintenance, le remplacement du mobilier scolaire, l'achat du matériel didactique, des livres et la formation du personnel enseignant. Tout ceci fait montre de l'absence d'une politique confirmée de production de matériels didactiques locaux. Le matériel importé quant à lui étant généralement très élevé en coût.

Un mot sur l'enseignement privé. Il est financé en grande partie par les frais d'écolage payés par les parents d'élèves et les subventions de l'État qui, en fixe les taux sur proposition des fondateurs.46 Au cours des années 1990, l'on observe des accumulations d'impayées de la part de l'État. Ce dernier en 1994 devait encore la totalité (4 milliards) de la subvention accordée pour l'année 1994, tandis qu'il n'avait payé que 33% de celle de 1992/1993. De manière globale, l'environnement du système éducationnel camerounais, comme partout ailleurs au sud du Sahara, présente des dysfonctionnements considérables à la veille du forum de Dakar ; d'où ce dernier va susciter des réactions conséquentes.

PARAGRAPHE II : LA RÉACTION DES DIFFÉRENTS ACTEURS AU LENDEMAIN DU FORUM : DES MESURES INSTITUTIONNELLES CERTAINES.

Après le bilan mitigé de la Conférence de Jomtien en 1990, le forum de Dakar renforcé par l'accord sur les OMD, a fortement relancé la cause de la scolarisation dans le monde et initié de réels changements au plan institutionnel. Ces changements au niveau du Cameroun se situent tout d'abord dans la mise en place d'un ensemble de mécanismes de promotion et de suivi des objectifs de l'Éducation pour tous. Ils se trouvent ensuite dans l'insertion des objectifs EPT dans un cadre de développement global du secteur éducatif,

46 Confère loi N° 87/022 du 17/12/1 987, fixant les règles relatives aux activités scolaires et de formation privée au Cameroun

lequel est lui-même une composante d'une stratégie nationale de croissance et de lutte contre la pauvreté.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein