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Les français face au changement climatique : paradoxe entre sensibilité avouée et pratiques

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par Chloé Zambeaux
Institut Universitaire d'Etude du Développement - Master en Etudes du Developpement 2006
  

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2.2 Question de recherche

Cette réflexion générale nous amène donc à nous poser la question suivante qui sera à la base de ce mémoire :

1 Jean Paul Bozonnet a notamment écrit un article sur cet écart entre la conscience écologique des français et leurs pratiques (« De la conscience écologique aux pratiques. Pratiques domestiques et politiques environnementales à la lumière des théories du choix rationnel et des valeurs », Toulouse, Actes du colloque Environnement et Politiques, CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 279-287).

Comment peut-on expliquer l'écart entre la sensibilité et les pratiques des Français face au changement climatique ?

2.3 Cadre d'analyse

En réponse provisoire à cette question nous émettons l'hypothèse suivante : il existe un ensemble complexe de facteurs qui influencent les pratiques individuelles face au changement climatique. Ces facteurs peuvent provoquer des résistances face au changement de pratiques, et donc constituer des obstacles à la lutte contre le changement climatique.

Quelles sont les contraintes qui expliquent que la préoccupation vis-à-vis du changement climatique ne se traduise pas dans les pratiques individuelles? Quelles sont ces rigidités qui empêchent l'émergence de nouveaux types d'action ? Qu'est ce qui, au contraire, peut motiver les individus à s'engager dans la lutte contre l'effet de serre ?

2.3.1 Plan de travail

Il est nécessaire pour répondre à ces questions que nous rappelions dans un premier temps des éléments qui nous semblent importants pour comprendre dans quel contexte physique, et institutionnel, le problème du changement climatique évolue en France (Chapitre 1). Nous pourrons voir ensuite, comment dans ce contexte les Français réagissent au problème qui est soulevé. L'analyse de plusieurs études quantitatives1 nous permettra de mettre en évidence quelles sont leurs sensibilités et leurs pratiques face au changement climatique (Chapitre 2). Cette analyse nous amènera à nous demander comment on peut expliquer l'absence de changements profond dans les pratiques des Français, malgré le fait que les médias se saisissent du problème et permettent donc, au plus grand nombre, d'avoir accès à des informations à ce sujet (Chapitre 3). Nous tenterons ainsi d'expliquer en quoi l'absence d'une vision complexe du problème entrave la compréhension des individus du phénomène. Nous verrons aussi que la connaissance est un facteur nécessaire mais non suffisant pour l'action. Nous ferons donc appel aux théories du comportement et de la motivation afin de mettre en évidence les autres facteurs, internes ou externes à l'individu qui influent sur son comportements (Chapitre 4). Ces théories constitueront la base de la « grille de lecture » grâce à laquelle nous procèderons à l'analyse de la série d'entretiens que nous avons réalisés (Chapitre 5). C'est à partir de cette analyse que nous pourrons mettre en évidence les facteurs

1

qui, selon nous, constituent autant de contraintes empêchant le changement de certaines pratiques quotidiennes. Nous avions identifié au début de notre analyse (après quelques lectures et la réalisation des premiers entretiens), différents types de facteurs, internes où externes aux individus qui avaient une influence sur leurs comportements face au changement climatique : les valeurs et perception des normes sociales, la perception de l'efficacité de l'action, les « contextes » (institutionnel, législatif, économique, physique), les habitudes, la perception du risque et la connaissance. Nous expliquerons donc en quoi ces facteurs constituent, selon nous, des obstacles dans la lutte contre le changement climatique au niveau individuel. Le schéma suivant propose une représentation synthétique de ces facteurs.

Connaissance

Valeurs/ perception des normes sociales

Perception du risque

Type de pratiques face au
changement climatique

SOCIETE

Perception de l'efficacité de l'action

Habitudes

Variables situationnelles/ Cadre
institutionnel/Contextes

2.3.2 Cadre théorique et conceptuel :

Nous allons maintenant expliquer dans quel cadre théorique s'inscrit notre travail, quelle sera notre approche pour le réaliser.

2.3.2.1 L'environnement un objet nouveau pour les sciences sociales

L'écologie et les questions environnementales sont traditionnellement l'affaire des spécialistes en sciences naturelles. C'est seulement depuis quelques décennies, que les sciences sociales ont commencé à s'emparer de cette thématique. Si la sociologie n'était jusque là pas considérée comme discipline fondamentale pour l'étude des questions environnementales, la prise de conscience de l'origine anthropique de bon nombre de problèmes environnementaux a légitimé l'importance des analyses de type sociologique dans la compréhension de ces problèmes. Le sociologue Jean Guy Vaillancourt (Vaillancourt, 2007) nous propose de distinguer trois grandes étapes dans la constitution de la sociologie de l'environnement dans le contexte Nord Américain. C'est avec l'écologie humaine qui se développe dans les années 20 à l'université de Chicago que l'environnement commence à faire l'objet d'une approche humaine et sociale. Les chercheurs étant à l'origine de cette nouvelle discipline (Robert Park, Roderick MacKenzie et Ernest Burgess) appliquent les principes de l'écologie végétale et animale aux communautés humaines vivant en milieu urbain. Ce courant sera critiqué pour son déterminisme du milieu urbain sur les milieux sociaux, ce qui favorisera dans les années 30 l'apparition de l'écologie sociale dont l'objet sera à l'inverse : l'influence des phénomènes sociaux sur l'environnement. Il faudra attendre le tournant des années 70 pour qu'un groupe de sociologues qui étaient particulièrement sensible aux problématique environnementales (Catton, Dunlap, Schnaiberg et Buttel) créent, aux Etat-Unis, une nouvelle branche de la sociologie : la sociologie de l'environnement. Il s'agit alors de remettre en cause le paradigme de l'exceptionnalisme humain qui dominait jusque là les sciences sociales, et de montrer la dépendance des sociétés humaines vis-à-vis des écosystèmes. La troisième étape que distingue Jean-Guy Vaillancourt, l'« écosociologie », naît à la fin des années 80 (dans le sillage du rapport Bruntland) suite à la prise de conscience internationale de problèmes environnementaux globaux tels que le trou de la couche d'ozone, le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité. Cependant, la sociologie de l'environnement à tendance à rester principalement une affaire des chercheurs Nord Américain, elle a du mal à se diffuser notamment en Europe et en France. La connaissance des « valeurs » et des représentations mais aussi des pratiques environnementales et des attitudes écologiques est encore très marginales en France ce qui n'est pas sans rapport avec

une certaine défiance de la sociologie à l'égard des domaines de la psychologie sociale, dont semblent plutôt relever ces objets. (Dobré, 2002, p.1 70).

C'est donc dans ce courant de l' « écosociologie » qui étudie les problèmes globaux que s'inscrira notre recherche, tout en apportant certains éléments de réflexion dans des domaines tels que les représentations, la sensibilité et les pratiques.

2.3.2.2 Un problème qui nécessite une approche interdisciplinaire et systémique

Les problèmes environnementaux sont, par nature, des problèmes qui font appel à des approches interdisciplinaires. Par leurs problématiques souvent complexes, ils convoquent à la fois les sciences naturelles et physiques (biologie, écologie, chimie, physique...) pour l'explication à proprement dit des phénomènes, mais aussi les sciences sociales (sociologie, psychologie sociale, économie...) pour l'explication des interactions entre les activités humaines et ces phénomènes. Le recours à des disciplines complémentaires permet donc d'expliquer les différentes facettes des problèmes (théories et méthodes différentes. Etant donné le caractère interdisciplinaire de ce sujet nous ferons donc appel, tout au long de notre travail à des théories et concepts développés pas des sociologues, psychologues sociaux et économistes.

Le changement climatique constitue un bel exemple de cette nécessité d'interdisciplinarité. Il s'agit de comprendre la complexité des interactions entre les acteurs, et les contraintes d'origines naturelles ou anthropiques qui contrôlent la dynamique des anthroposystèmes (Lévêque, 2003). Une approche systémique étudiant les principales composantes du problème et leurs interactions apparaît donc indispensable. Sur ce point, il nous semble intéressant pour la suite de l'analyse de rappeler les trois principes généraux fondant les propriétés d'un système (Lévêque, 2003, p.1 16):

- le principe de dépendance interactive : un système est composé par un ensemble d'éléments qui interagissent de telle sorte que le fonctionnement de chacun d'entre eux, voir leur existence, sont conditionnés par les autres5.

- le principe d'émergence : Les éléments en interaction qui composent le système forment une entité de laquelle « émergent » des propriétés nouvelles par rapport à celles de chacun des éléments. C'est le principe aristotélicien selon lequel « le tout est plus que la somme des parties ».

5 Il est important de noter que cette dépendance interactive ne se limite pas aux éléments d'un même système. En effet la plupart des systèmes sont des systèmes ouverts, qui dépendent de leur milieu et exerce une pression sur celui-ci. Un système n'est donc pas isolé de son environnement.

- le principe de rétroaction (feed back) = principe d'effet en retour du tout vers les parties. Boucles permanentes d'interaction. Le comportement et l'évolution d'un élément inséré dans un système dépendent du système.

La nécessité de considérer les interactions entre plusieurs éléments d'un même système ou bien entre plusieurs systèmes, nous amène donc à réfléchir sur la relation que l'individu peut entretenir avec les autres éléments de la société. Comment faire pour tenir compte dans notre analyse de l'ensemble des ces interaction ?

2.3.2.3 La nécessité d'un nouveau paradigme pour l'analyse des pratiques individuelles face au changement climatique : le paradigme de la théorie de l'individualisme méthodologique complexe (IMC)

Quelle est la relation entre individus et structures collectives ? Quelle est la part du social dans la constitution de l'individu ? Quelle est l'influence de l'individu sur les structures collectives ? Dans quel sens et dans quelle mesure sommes-nous influencés à travers les liens sociaux que nous entretenons dans les décisions que nous prenons envers nous-mêmes et envers les autres ? Ayant conscience des limites respectives du holisme et de l'individualisme méthodologique6 pour répondre à ces grandes questions sur la place de l'homme dans la société nous avons choisi un positionnement intermédiaire celui du paradigme de l'individualisme méthodologique complexe :

« Dire que l'évolution de cette société artificielle est le produit des interactions d'individus déjà constitués hors de la société n'a aucun sens car nous voyons ici que l'identité des individus change au cours du jeu social et que leurs téléologies individuelles se constituent précisément au cours de leur évolution dans un contexte social. Mais dire que l'évolution de cette société est dirigée par des régularités qui préexistent aux interactions des agents n'a pas non plus de sens. [...] L'adoption de nouveaux principes, de nouvelles valeurs, de nouveaux traits sociaux sont conditionnées par la métadynamique définie par l'arrangement des entités sociales existantes, mais chaque individu porte en lui la possibilité d'introduire l'innovation qui un jour modifiera de manière significative cette métadynamique .»

Ainsi, si nous empruntons aux approches de M. Weber et R. Boudon d'une part, une
représentation de la société basée sur l'idée que les phénomènes collectifs doivent être décrits

6 Nous entendons ici les terme « holisme » et « individualisme » dans le sens que la tradition sociologique leur à donné. Ainsi nous pouvons définir le holisme comme un « déterminisme social » (les comportements sont socialement déterminés). A l'opposé le courant de l'individualisme méthodologique part du principe qu'il faut analyser les effets sociaux comme une agrégation d'actions individuelles.

et expliqués à partir des propriétés et des actions des individus et de leurs interactions mutuelles, et d'autre part une méthode basée sur la compréhension et l'explication du sens donné par les individus à leurs action, nous devons faire attention de ne pas tomber dans un excès de relativisme. « La vie quotidienne ne peut pas émerger comme champ autonome, car elle est enfermée dans la rigidité de l'institution qui tend à reproduire les conditions de l'action, l'application des normes étant garante de l'ordre social » (Juan, 2002, p.1 31).

Appliquer cette perspective à notre cas d'étude revient tout d'abord à reconnaître que les émissions individuelles de gaz à effet de serre, par leur agrégation, sont responsables du changement climatique (on ne crée pas ainsi une « société » supérieure aux individus qui seraient responsables des émissions, comme c'est bien souvent le cas dans les discours des individus). Il s'agit donc de reconnaître la responsabilité de chaque individu dans le phénomène du changement climatique. Mais adopter le paradigme de l'IMC revient aussi à reconnaître l'existence d'inerties, de contraintes qui pèsent sur l'individu et oriente sa sensibilité et ses pratiques face au changement climatique.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon