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Etude d'impact environnemental en droit français et camerounais

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par Faustine Villannaeau FOTSO CHEBOU KAMDEM
Université de Limoges - Master II en Droit International Comparé de l'Environnement (DICE) 2009
  

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Section II. Les divers régimes de responsabilité applicables.

Dans les deux systèmes juridiques, les responsabilités civile et administrative peuvent être envisagées selon qu'on souhaiterait mettre en cause la personne publique ou la personne privée. De manière assez singulière, le droit camerounais a institué des sanctions pénales à l'encontre des promoteurs qui n'observeraient pas des exigences en matière d'étude d'impact consacrant par là ce qu'il conviendrait d'appeler le droit pénal de l'environnement.

Nous commencerons par l'administration et terminerons par les personnes privées.

ParagrapheI. La responsabilité administrative

En principe, la responsabilité de l'administration est une responsabilité pour faute. Pour l`établir, il faudrait d'abord prouver l'existence d'une faute, d'un préjudice et du lien de causalité entre la faute et le préjudice comme dans le droit commun de la responsabilité civile

A. La faute de l'administration en matière d'étude d'impact

La faute de l'administration peut résulter de l'illégalité de la décision ou d'un fait matériel. En effet, l'irrégularité de la décision administrative est une condition nécessaire à l'existence d'une faute. Ainsi, une décision entachée d'illégalité est toujours une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration. Ce faisant, l'administration commet une faute dans l'exercice du contrôle de l'étude d'impact si la décision d'approbation de l'étude d'impact est par la suite annulée pour insuffisance ou absence de l'étude d'impact. A contrario, en l'absence d'illégalité, il ne saurait y avoir de responsabilité. Dès lors, le rejet du recours principal tendant à l'annulation de la décision incriminée dispense la cour de l'examen de la demande en indemnisation148(*). Faute et illégalité se trouvent donc intimement liées dans certains cas149(*). Cependant, il faut souligner que la doctrine et certains arrêts refusent d'accorder une réparation lors que l'illégalité est fondée sur des vices de forme ou de procédure. Cela peut se comprendre puisqu'il est toujours possible de reprendre l'acte incriminé. La faute peut également être consécutive à un fait matériel, lorsque l'ouvrage public cause un dommage à un tiers.

En droit camerounais, la faute de l'administration peut survenir de l'appréciation des modalités d'octroi de l'agrément. Plus précisément, l'administration peut accorder l'agrément à un bureau d'étude qui ne remplissait pas les conditions requises. Le pétitionnaire qui voit donc l'annulation de la décision pour insuffisance de l'étude d'impact peut rechercher la faute de l'administration qui a délivré un agrément fantaisiste alors et surtout que toute étude d'impact doit être réalisée par un bureau d'étude agrée.

Il ne suffit pas seulement d'une faute, mais encore faut il justifier d'un préjudice réparable.

B. Le préjudice indemnisable de l'administration.

La mise en jeu de la responsabilité pour excès de pouvoir est subordonnée à l'existence d'un dommage. La faute bien qu'elle soit établie peut n'avoir engendré aucun préjudice. Pour la juridiction administrative, la demande des dommages et intérêts n'est fondée que s'il y'a justification du préjudice subi et son étendu150(*). L'idée maîtresse de la nécessité d'un préjudice est que l'indemnité corresponde à la réparation d'un dommage et non à la sanction de l'illégalité. En matière d'étude d'impact, le pétitionnaire et le tiers peuvent justifier d'un préjudice indemnisable. Par exemple, le pétitionnaire peut justifier d'un préjudice économique résultant des frais exposés si la décision de rejet de son étude d'impact est annulée. Par contre, le tiers peut subir un dommage si les travaux engagés sur la base de la décision d'approbation annulée ont produit des pollutions que l'étude d'impact n'avait pas prévues.

Le lien de causalité entre le préjudice et la faute est la dernière modalité qui permet au juge de se prononcer sur la réparation.

C. Le lien de causalité entre le préjudice et la faute.

La responsabilité de la personne à qui réparation est demandée ne peut être engagée que si le fait qu'on lui impute a été la cause « directe » du préjudice subi. Dans la mise en oeuvre de la responsabilité de la puissance publique, le juge doit établir que le préjudice résulte de l'irrégularité de la décision administrative pour accorder la réparation. Ainsi, il faut rechercher si la détérioration de l'environnement est consécutive à l'autorisation ou à la délivrance du certificat de conformité permettant au pétitionnaire d'engager les travaux. Pour ce faire, le juge dispose de plusieurs méthodes d'appréciation de la cause du préjudice, notamment l'équivalence des conditions et de la causalité adéquate. C'est cette dernière méthode qui est la plus usitée par le juge administratif151(*). Selon cette méthode, la réalisation d'un dommage est attribuée à celui des faits dont on peut estimer, d'après l'expérience que l'on a du « cours normal des choses », qu'il avait une vocation particulière à provoquer ce dommage. Alors la question peut se poser par exemple de savoir si c'est la décision d'approbation ou l'ouvrage construit qui est à l'origine des nuisances. Question qui sera embarrassante pour le juge. A la recherche de la cause adéquate, le juge pourrait considérer que si l'administration n'avait pas autorisé les travaux, il n'y aurait jamais eu des nuisances et ordonner la réparation. Comme déjà relevé plus haut, l'analyse insuffisante des effets du projet sur l'environnement à travers l'étude d'impact peut entraîner un dommage permanent de l'ouvrage public sur le site. C'est le cas des nuisances provoquées par le bruit du trafic sur une autoroute. Dans cette hypothèse, le préjudice est toujours réparable, en l'absence même de la preuve d'une faute152(*).

La responsabilité administrative ne sera pas recherchée lorsqu'il s'agira d'une personne privée, mais plutôt la responsabilité civile.

ParagrapheII. La responsabilité pénale en matière d'étude d'impact : une originalité du droit camerounais.

Contrairement au droit français qui a été vivement critiquée par la doctrine153(*), le législateur camerounais s'est doté d'un arsenal convaincant pour tous ceux qui contreviendraient aux dispositions impératives des études d'impact. Il a, à cet effet, donner des prérogatives aux agents de l'administration de déclencher les poursuites et de déférer les infracteurs devant le juge pénal pour entendre prononcer les sanctions pénales.

A. Le déclenchement des poursuites

Sans remettre en cause les prérogatives du ministère public, de la police judiciaire à compétence générale dans le déclenchement des poursuites, la loi cadre du 05 août 1996 donne la compétence aux agents assermentés de l'administration chargée de l'environnement154(*) et certaines administrations concernées155(*) de rechercher, de constater et de poursuivre en répression les infractions sur l'étude d'impact. Les recherches et constat des infractions sont effectuées par deux agents qui dressent un procès verbal de constat qu'ils cosignent. Ledit procès verbal est transmis à l'administration compétente qui se charge de le notifier au contrevenant. Ce dernier a un délai de vingt jours à compter de cette notification pour contester le procès verbal. Passé ce délai, toute contestation devient irrecevable. En cas de contestation, la réclamation est examinée par l'administration qui peut classer le procès verbal sans suite si la réclamation est fondée. Dans le cas contraire, et à défaut de transaction ou d'arbitrage définitif, les poursuites judiciaires sont déclenchées conformément à la procédure pénale en vigueur156(*).

B. Les sanctions encourues par le contrevenant.

La loi a prévu des peines d'amendes et des peines d'emprisonnement. En effet, il ressort de l'article 79 de ladite loi qu': « Est punie d'une amende de deux millions (2.000.000) à cinq millions (5.000.000) FCFA et d'une peine d'emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui :

réalise, sans étude d'impact, un projet nécessitant une étude d'impact ;

réalise un projet non-conforme aux critères, normes et mesures énoncés pour l'étude ;

empêche l'accomplissement des contrôles et analyses prévus par la présente loi et ou par ses textes d'application »

Il ressort de l'économie de ce texte que sont sanctionnés : le défaut de l'étude d'impact, la non-conformité du projet réalisé au contenu de l'étude d'impact et l'entrave de l'administration aux missions de contrôle de l'étude d'impact. La loi ne sanctionne pas l'insuffisance de l'étude d'impact. La loi ne distingue pas entre l'étude d'impact détaillée et l'étude d'impact sommaire. Les sanctions telles qu'énoncées sont suffisamment persuasives pour les contrevenants. 

Il reste quand même pour que la sanction soit prononcée que tous les éléments constitutifs de l'infraction soient réunis, notamment l'élément intentionnel157(*). Pour la détermination de l'élément matériel, le juge pénal camerounais va rechercher s'il y'a étude d'impact ou non, si le projet réalisé a été conforme aux critère, norme, mesure prescrits pour l'étude d'impact. Le juge pénal va ainsi connaître de ces questions qui relèveraient a priori du juge administratif en raison de sa plénitude de juridiction158(*).

ParagrapheIII. La responsabilité civile

Elle est fondée sur l'article 1382 du code civil159(*) tant camerounais que français. Ainsi, le pétitionnaire et le rédacteur peuvent respectivement entendre leur responsabilité engagé l'un par les tiers et par l'administration et l'autre par le pétitionnaire. Cependant, nous n'envisagerons pas les conditions d'engagement de la responsabilité civile qui relève du droit des obligations pur. Mais nous soulignerons simplement la question de la responsabilité in solidum qui peut naître en droit camerounais compte tenu du fait que contrairement en droit français, le rédacteur de l'étude d'impact, tiers par rapport au promoteur, n'étant pas lié au promoteur camerounais par un contrat de recherche, les tiers peuvent également rechercher sa responsabilité solidairement avec le promoteur.

Conclusion :

En matière d'EIE, le promoteur du projet est toujours le responsable de l'EIE. Ainsi, les textes français et camerounais ne distingue pas selon que le promoteur est une personne privée ou publique. Dès lors, il apparaît que la responsabilité de l'administration peut être engagée sous une double casquette, à savoir en qualité de promoteur du projet et en qualité de décideur. Les personnes privées seront responsables devant le juge judiciaire sur le fondement de la responsabilité civile de l'article 1382 du code civil. Mais à côté de la responsabilité civile, le droit camerounais a également prévu la responsabilité pénale des contrevenants. L'administration, pour sa part, sera justiciable devant le juge administratif dans les conditions classiques de la mise en oeuvre de sa responsabilité.

Par l'institution de la responsabilité pénale, le droit camerounais se démarque ainsi du droit français et présente un dispositif plus persuasif.

PARTIE III. LES INSUFFISANCES ET LEUR AMELIORATION

On peut aujourd'hui affirmer sans crainte d'être repris que la procédure d'étude d'impact est entrée dans les moeurs tant en France qu'au Cameroun. Pour la France, il s'agit d'une pratique expérimentée depuis plus de trente (30) ans. Le bilan dans l'ensemble est positif dans cette partie du continent. En effet, cette procédure a permis de diffuser parmi les aménageurs la culture de l'environnement aussi bien dans la conception que dans la réalisation de leurs projets. Elle a également contribué à éclairer l'autorité administrative compétente qui doit approuver le projet avant le prononcé de sa décision. Enfin, elle a aidé à recueillir les avis du public sur les projets qui le concernent. Au Cameroun, s'il est vrai que la loi instituant l'étude d'impact est vieille de treize (13) ans, il ne faut pas perdre de vue que la procédure n'est véritablement expérimentée que depuis quatre (4) ans. Cependant, ce retard a été bonifié puisqu'il a permis de prendre des dispositions réglementaires en s'appuyant sur l'expérience française à un point tel qu'il ne serait pas très incongru de dire que le retard au niveau de la réglementation a été rattrapé. En tout état de cause, la procédure d'étude d'impact est ancrée dans les esprits de tous les acteurs dans les deux pays.

Pour autant, de nombreuses limites ont été remarquées dans la pratique de cette nouvelle procédure ce qui est à l'origine de plusieurs réformes. On observe alors que malgré ces réformes, la procédure n'a pas encore atteint la perfection souhaitée par la doctrine160(*). Même l'expérience acquise du droit français n'a pas suffit pour gommer toutes les lacunes des études d'impact en droit camerounais. Ce faisant, il est indispensable de pousser la réflexion un peu plus loin pour trouver des solutions qui permettraient de taire toutes critiques ou du moins les critiques substantielles et notoires.

Pour ce faire, il est obligatoire de passer en revue les insuffisances des études d'impact avant de faire des propositions qui conduiraient à leur amélioration.

* 148 C.S.C.A, 19 juillet 1984, ABODO Martin C/ Etat du Cameroun ; C.S.C.A, 25 juin 1992, ATANGANA MEKONGO J.M C/ Etat du Cameroun

* 149 R.CHAPUS, op.cit, N°1454, P.1295

* 150 CSCA, 31 décembre 1992, Société Intercontinentale Business c/ Etat du Cameroun.

* 151 R.Chapus, op.cit, n°1413, P.1244-1245

* 152 Martine Lombard, Cours Droit Administratif, 4ème édition, Dalloz, n°531, P.512

* 153 M. Prieur, op.cit, n°110, P.97

* 154 Ils n'acquièrent pas ce texte la qualité d'officier de police judiciaire, lire dans ce sens Spener Yawaga, La police judiciaire au Cameroun, collection VADEMECUM, Presses Universitaires d'Afrique, P.45

* 155 Lire l'article 88 de la loi du 05 août 1996.

* 156 A ce propos, il y'a lieu d'indiquer que le Cameroun s'est doté de son premier code de procédure pénale qui est entré en vigueur le 1er janvier 2007. Avant cette date, c'était le code d'instruction criminelle hérité de l'administration coloniale française qui était applicable.

* 157 Lire l'article 74 du code pénal au Cameroun ;

* 158 Ce principe a été consacré par le célèbre arrêt Avranches et Desmarets. Lire également le débat sur les questions préjudicielles devant le juge administratif R. Chapus, op.cit, n°1136, P.926 à 930

* 159 Il faut souligner que c'est le code napoléonien qui continue à être applicable, ce malgré l'indépendance.

* 160 A ce titre, lire Langlais Angélique, Bilan critique des études d'impact relatives aux champs d'éoliennes en Bretagne, Direction Régionale de l'environnement in www.écologie.gouv.fr/développement/. Lire également Discours du 18 novembre 1997 de la ministre de l'environnement, colloque sur le 20ème anniversaire des études d'impact in http//www.écologie.gouv.fr/article.php3 ? id article-4515

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo