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Comment réussir sa transmission/reprise de petite entreprise de façon pérenne ?

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par Jean-Louis Mourot
Université Catholique de Lille (Iéseg Lille) - Master  2009
  

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Section 2 : La période d'accompagnement du repreneur, une démarche gagnant/gagnant.

La phase d'accompagnement mérite que l'on recentre notre attention sur la relation cédant/repreneur. Filion (1991) déclare "qu'être entrepreneur s'apprend plus facilement au contact d'un autre entrepreneur". Le repreneur a donc intérêt à privilégier cette période d'accompagnement au contact de son prédécesseur, même si cela constitue un coût et provoque des risques liés à l'évolution de l'attitude de l'ancien dirigeant. De son côté, ce dernier n'a aucune obligation légale d'accepter cette mission, mais il s'agit d'un devoir moral, et respectueux de l'avenir de l'entreprise et de ses salariés.

De même que pour les étapes précédentes, une analyse des risques va être réalisée, avec les facteurs de tensions dans l'entreprise (1). Les solutions permettant de lisser la période de transition seront ensuite exposées (2).

1. Les risques encourus par les deux principaux acteurs.

Nous proposons maintenant de cerner les points d'incertitude du cédant et du repreneur pendant cette période d'instabilité de l'entreprise

1.1 Les risques concernant le cédant.

Le risque majeur du cédant est de se sentir mal à l'aise dans son nouveau rôle au sein de l'entreprise. Il peut se considérer comme un membre inutile, voire ignoré. Cette période lui permet souvent de faire un bilan de son action au sein de son ancienne entreprise. Mais la confrontation est rude avec un nouveau dirigeant entièrement tourné vers le futur.

Les risques vis-à-vis des partenaires de confiance du cédant se révèlent identiques aux risques vis-à-vis des salariés lors de l'arrivée du repreneur. Ceux-ci peuvent être surpris d'apprendre la nouvelle seulement après cet évènement. La relation cédant/partenaires peut donc être fragilisée. Les cédants interrogés considèrent qu'ils auraient du faire l'effort de tenir au courant plus en amont leurs partenaires de confiance.

Il faut en effet qu'ils devancent l'idée qu'ils peuvent se faire du client ou du fournisseur en train de se demander si son entreprise connaît des problèmes à l'annonce de la réalisation de la transmission.

Un autre risque pour le vendeur est que le repreneur découvre assez rapidement un point sur lequel il s'estime floué. Il se verra alors demander une indemnisation. Même justifiée et concernant un point qui a involontairement échappé au cédant et à ses conseils, cette démarche peut nettement refroidir la relation entre les deux protagonistes.

Le repreneur est susceptible d'afficher un excès de confiance, et d'imposer une rupture trop rapide, ce qui pourrait choquer le cédant, et éventuellement les collaborateurs en fonction de leurs attentes et désirs. Il peut au contraire ne pas s'intégrer assez rapidement et perdre en crédibilité lors de prises de décision.

Il est aussi possible qu'il désapprouve certaines décisions de son successeur. Il devra prendre sur lui-même, et ne pas afficher son opinion devant les salariés, ce qui aurait le tort de lancer un débat dans l'entreprise. Cette démarche serait donc préjudiciable au bon déroulement de la période d'accompagnement.

1.2 Les risques concernant le repreneur :

Le repreneur peut rapidement concrétiser un sentiment de sur-confiance en lui en prenant des décisions hâtives ou mal appropriées. Il peut sentir le besoin d'imposer certains éléments clés dans l'organisation, notamment au niveau des objectifs de l'entreprise, des valeurs, de la mission ou du management. En effet, il arrive dans l'organisation avec une personnalité et une expérience antérieure qui le pousse à voir la réalité qui l'entoure différemment. Même porteur d'un projet réfléchi et cohérent, le repreneur doit garder l'esprit que les salariés peuvent rester très liés à leur ancien patron.

Il peut faire face à différents types de résistances au changement. Certaines personnes
s'opposent ouvertement à certaines démarches les éloignant de leurs méthodes habituelles de
travail. Les risques associés se déclarent par des hostilités, pouvant débouchant sur le départ

(fuite de compétences) ou le licenciement de salariés (fautes graves telles que le sabordage). D'autres semblent accepter cette politique de changement, mais adoptent une attitude passive, basée sur l'attente et l'immobilisme.

Dans le cas où les partenaires de l'entreprise sont mis au courant de l'opération par une personne autre que le cédant (ou le repreneur), le risque qu'ils perdent confiance est maximisé. Il faut à tout prix éviter les on-dit ! Les fournisseurs émettent quant à eux des inquiétudes sur la prolongation des contrats existants, et il s'avère qu'une fréquente remise en cause de ces partenariats a été constatée par les entreprises dont les anciens dirigeants possédaient un fournisseur identique depuis la création de leur firme. Les créanciers et actionnaires minoritaires tiennent plus compte des faits concrets, en particulier des résultats de l'entreprise, et donnent leur confiance au cédant et au repreneur afin de gérer cette période de transition.

Nous pouvons ajouter que le dirigeant est la voix et la tête de l'entreprise, et peut ne pas satisfaire certains partenaires réguliers de l'entreprise. Les contacts entre les dirigeants de petites entreprises (comme de l'ensemble des TPE et PME) et leur banque, fournisseurs et clients demeurent professionnels, mais comme toujours liés au côté interpersonnel : la prise de contact, l'approche, les méthodes de travail proposées et les affinités personnelles développées sont autant de facteurs dont dépend une relation de travail. Le risque qu'il encourt est, pendant un rendez-vous, de refroidir une relation d'entière confiance que le cédant était parvenu à installer grâce à partenariat de plusieurs années.

Les incertitudes du repreneur sont aussi liées aux conséquences des premiers changements orchestrés dans l'organisation de l'entreprise et à la perception de ces actes de la part des stakeholders, mais aussi de l'ancien dirigeant, encore présent dans l'entreprise. Il peut mettre en danger les fondations de ses relations encore fragiles avec certains membres du personnel en cas de désaccords ou de décisions finalement inadéquates.

La plupart des cédants redoutent la remise en cause des pratiques au sein de l'entreprise : l'enjeu est la reconnaissance du bien-fondé de leurs pratiques et des savoir-faire. Ils risquent donc d'émettre des réticences lorsqu'ils devront lâcher les rênes de l'entreprise et changer de fauteuil dans le bureau de la direction, ce qui peut devenir une source de désagréments pour un nouveau dirigeant. Après une période de patience, de compréhension et d'écoute afin d'apporter son soutien, celui-ci peut entamer une première rupture choisie. Cela signifie tout simplement se comporter en tant que seul et unique dirigeant et faire appliquer une décision prise, dans le cas présent, un changement physique de place dans son bureau entre l'ancien et le nouveau dirigeant. Le changement doit être clair et tranché. Dans le cas d'une incompatibilité croissante, les deux hommes doivent trouver un compromis entre l'impatience du cédant à être libre et autonome, seul aux commandes, et la volonté du dirigeant à rester dans l'entreprise. Il est préférable de respecter les termes du contrat concernant la période

d'accompagnement, mais la priorité des deux personnes demeure de montrer aux stakeholders la qualité de leur relation. Rester unis dans le processus permet de réduire sensiblement les risques de défaillance de l'entreprise. Mais les raisons d'un quelconque différend pendant cette phase sont nombreux, notamment au niveau stratégique, commercial, organisationnel, mais aussi de l'évolution des méthodes de travail utilisées.

La volonté du dirigeant d'être autonome est potentiellement source d'un stress supplémentaire, car les décisions prises engendrent des changements, donc une attente de résultats positifs, tout particulièrement de la part des collaborateurs.

En outre, il est donc possible qu'il se sente très seul dans un premier temps s'il n'est pas apte à se confier à son prédécesseur. Ce ressenti est particulièrement fréquent chez les anciens managers provenant de grands groupes, qui avaient l'habitude de suivre une stratégie fixée par la direction générale et recevoir des objectifs précis.

Le repreneur peut être fortement handicapé par la présence du cédant dans sa prise de décision. Posséder des responsabilités limitées est pour le cédant une contrainte nouvelle, qui n'est pas toujours respectée, surtout dans un cadre qu'il connaît parfaitement. Il risque de s'impliquer, en tant que collaborateur, à un niveau qui n'est plus le sien. Il demeure le référent, la mémoire, celui qui résout les situations complexes. Cette attitude part parfois de bons sentiments mais ne permet pas au repreneur de prendre réellement en main l'entreprise et d'asseoir son autorité. Une seconde réunion en compagnie du nouveau chef d'entreprise pourra avoir lieu afin de lutter contre la confusion des rôles et définir à nouveau la mission de chacun, ce qui peut constituer un avertissement du repreneur à destination de son prédécesseur.

Tant qu'il est présent dans l'entreprise, il est possible que les salariés le considèrent toujours comme "le" dirigeant et voient le repreneur comme son successeur après son départ. Dans ce cas, le cédant doit insister auprès de ses collaborateurs réticents sur le fait que sa mission est maintenant réduite à un accompagnement. En parallèle, le nouveau chef d'entreprise doit s'attacher à développer davantage son leadership, et acquérir une légitimité pour favoriser ses prises de décisions. Le leadership, la légitimité, ainsi que la relation de confiance, sont en effet les trois principaux facteurs qui permettent à un dirigeant d'être reconnu par ses salariés. D'après notre étude, l'alchimie développée entre le dirigeant et un salarié, qui impacte sur la relation de confiance, n'est par contre pas liée à la reconnaissance ou non du dirigeant et de son autorité. Dans une petite entreprise, la construction du lien affectif avec chaque membre de l'entreprise est en effet indépendante de leur reconnaissance du statut de dirigeant du repreneur.

Le cédant doit en parallèle se trouver de moins en moins présent sur le terrain, son effacement progressif permettant de concrétiser l'évolution du transfert de compétences. Pour réaliser cette démarche, il devra détacher sa propre identité de celle de son entreprise, notamment en formulant un nouveau projet de vie.

Même si le chef d'entreprise est disposé à accompagner son remplaçant, il ne joue pas toujours le jeu de la continuité. Certains vendeurs ne s'impliquent pas suffisamment pour convaincre le personnel, garder la confiance des clients ou rassurer les fournisseurs. Maintenir l'ancien dirigeant dans l'entreprise, quel que soit sa fonction, peut aussi engendrer des conflits d'autorité et des rivalités, qui peuvent entraver le bon déroulement de l'intégration du repreneur. Bien que la transition soit utile, les deux protagonistes rencontrent des difficultés pas toujours surmontables, qui peuvent mettre un terme immédiat et définitif à la collaboration pour des raisons diverses (difficultés du cédant à se détacher de son entreprise, forte personnalité de l'ancien dirigeant pouvant écraser la légitimité du nouveau, désaccords au niveau stratégique...).

D'autre part, un risque possible plane sur le climat social est une baisse de l'activité due à une pression exercée de la part des concurrents. Ceux-ci modifient leur offre afin de profiter de l'instabilité qui règne au sein de l'entreprise pendant cette période de transition, et d'affaiblir davantage un concurrent. Dans ce même objectif, ils souhaitent parfois recruter des salariés de l'entreprise et obtenir ainsi un savoir-faire supérieur.

2. Réaliser une période d'accompagnement productive, en anticipant l'étape du départ du cédant.

La période d'accompagnement est la phase du processus pendant laquelle le cédant doit transférer, en plus du savoir, les pouvoirs. La meilleure façon de déterminer sa durée est d'en définir les principales étapes. Le savoir concerne le savoir-faire et le savoir-être, qui sont deux éléments facilitateurs indispensables de son intégration. Il disposera d'éléments de base afin de bien comprendre la situation et la personnalité de chaque employé. Après la phase d'écoute et de la compréhension de la mission du salarié, le fait d'échanger régulièrement sur des sujets liés à son champ de compétences lui sera bénéfique. Cela lui permettra d'émettre des hypothèses et des propositions, mais aussi de vérifier si son interlocuteur est d'accord avec l'opinion qu'il s'est faite à partir des données qu'il a consultées. Il sera ainsi en mesure de recroiser les informations obtenues avec la personne compétente. Il montrera de ce fait son niveau d'avancement dans l'obtention des informations et obtiendra en parallèle des feedbacks, ce qui lui permettra d'entrer dans un cercle vertueux concernant les relations qu'il entretient avec les salariés. Mais il doit être conscient que ses efforts quotidiens peuvent être réduits à néant par une maladresse dans ses propos, une susceptibilité froissée ou une trop grande intransigeance, qui peuvent mener à une rupture subie avec un salarié, et éventuellement rapidement avec un groupe de salariés.

Au début de cette période d'accompagnement, le dirigeant se trouve dans une position privilégiée afin d'acquérir les éléments nécessaires pour préciser son plan stratégique sans désorganiser l'entreprise ni bousculer ses salariés. L'enjeu se situe au niveau de la compréhension de cette vision du point de vue des salariés, et donc d'obtenir leur adhésion. Il doit en tout état de cause rester ouvert aux questions et propositions de tous, dans un esprit d'ouverture et de transparence, les qualités qu'il attendait de la part du cédant au cours du processus de reprise.

En outre, le cédant officialise rapidement l'arrivée du nouveau dirigeant auprès de ses partenaires commerciaux dont la relation est proche et de confiance. Il peut à cette occasion proposer un rendez-vous afin d'établir un premier contact entre son successeur et les meilleurs clients et fournisseurs. Ils feront connaissance dans le but de fonder les bases d'une relation dans la continuité de celle entretenue entre le cédant et ses partenaires. L'objectif du nouveau dirigeant est de les rassurer sur ses projets, et éventuellement de leur démontrer le potentiel futur de leur partenariat.

Il est en effet primordial, pour assurer la pérennité de l'entreprise, de continuer à bénéficier de prestations aux conditions avantageuses de la part des fournisseurs (qualité, coûts, délais) et des clients (tarifs, délais de paiement). Bénéficier du soutien du cédant auprès des partenaires commerciaux permet donc au repreneur de préserver l'équilibre de l'entreprise, et donc de rassurer les salariés.

Le repreneur se rendra compte des responsabilités qui lui incombent, devenant maître de l'avenir de la relation cédant/partenaire commercial. Le cédant aura en effet confié au nouveau dirigeant son "bébé", mais aussi la qualité de ses relations futures avec son entourage professionnel. Une défaillance de l'entreprise, avec à l'origine des erreurs répétées du repreneur, déconstruirait son réseau professionnel.

Le cédant est donc à l'origine de la relation repreneur/partenaires, facteur clé du potentiel de développement de l'entreprise.

On peut de même citer le banquier, grâce à qui l'entreprise bénéficie de conditions particulières en cas de découverts ou de retards de paiement. Préserver en toute confiance la collaboration avec une personne qui connaît parfaitement la situation de l'entreprise est vivement conseillé.

Un rendez-vous sera idéalement organisé avec chaque acteur faisant partie de l'environnement de l'entreprise, et qui joue un rôle dans la situation économique actuelle de l'entreprise. Le repreneur décidera d'une éventuelle remise en cause du contrat, mais disposera en tout cas d'une entière légitimité, grâce aux déclarations du cédant.

Après la découverte de l'entreprise et de son environnement, ainsi que de ses salariés, le repreneur peut aborder la seconde phase, qui consiste à prendre les premières mesures (phase d'activation du changement). Les conséquences de leur mise en place auront un impact plus ou moins fort sur le rythme de vie l'entreprise, caractérisé par les habitudes prises par les employés dans l'organisation et leurs méthodes de travail. La remise en cause de l'organisation de l'entreprise n'est pas évidente, car accepter ces changements de la part des salariés signifie en quelque sorte oublier le cédant, donc le trahir, surtout si il est encore présent dans l'entreprise. Le repreneur doit montrer une direction en conservant les éléments primordiaux et constitutifs de la société. Il respecte ainsi son prédécesseur, et l'ensemble de son oeuvre, qui a mené l'entreprise à la situation économique et sociale telle qu'il l'a découverte pendant les premières semaines à sa tête.

L'objectif pour le repreneur est de faire de la préservation de certaines habitudes une force, un socle sur lequel il s'appuie pour mener les changements nécessaires. Symboliquement, il reconnaît le bien-fondé de certaines méthodes et habitudes des salariés et de son prédécesseur. Basé sur une relation de confiance, il explique l'aspect gagnant/gagnant de l'application de nouvelles méthodes, mises en place en complément de celles préservées, et donc solidifiées. Ce type de management doit permettre de réduire, voire éliminer, les facteurs de blocage et de résistances aux changements.

Le nouveau dirigeant doit avoir cerné, avant la fin de cette phase, la réalité de l'organisation de l'entreprise et acquis la connaissance du métier afin d'exercer pleinement sa fonction, dans un champ de réflexion et d'action bien défini. Il aura compris la culture et les valeurs défendues par les salariés, tout comme aux fondements d'éventuels contre-pouvoirs, liés aux fonctions et personnalité de chacun des salariés. Il aura aussi mesuré les résistances au changement, identifié les salariés qui peuvent constituer ses relais, sur qui il pourra s'appuyer, mais aussi ce qui n'adhéreront pas à son projet.

Il sera donc apte, à terme, à faire évoluer la façon de travailler et les champs de compétences de chacun, en apportant les outils indispensables de contrôle et de suivi tels que les tableaux de bords (souvent inexistants dans les petites entreprises dont le cédant gérait l'entreprise depuis plusieurs décennies). L'amélioration continue des pratiques grâce à un suivi régulier est synonyme d'une consolidation du changement.

Le repreneur devra, pendant cette période d'accompagnement, assurer une gestion de continuité et attendre le départ du cédant afin de mettre en place certaines décisions qui auraient pu le choquer (licenciements, changement de stratégie), quitte à avancer ce départ si les changements à effectuer sont urgents. Il sera définitivement patron lorsqu'il se sera

approprié la culture de l'entreprise et aura apporté son coup de pinceau. Il doit donc faire ses preuves, en montrant aux salariés qu'il est des leurs, tout en établissant un nouveau leadership et, si besoin est, développer un nouvel état d'esprit. Ouvrir des perspectives nouvelles à destination des salariés aide à la réalisation d'avancées dans le domaine de la socialisation du repreneur, notamment en relançant leur confiance dans l'avenir de l'entreprise, et donc leur motivation dans l'accomplissement de leur mission.

Dans un souci d'accompagnement réciproque, et donc de proximité, le besoin d'informations précises et régulières est nécessaire dans les deux sens. Le repreneur doit accepter les contraintes qu'il fixe à d'autres. Il devra donc tenir régulièrement informé le personnel, et dans une moindre mesure l'ancien dirigeant, de l'avancement du plan de reprise et de développement de la petite entreprise, ainsi que sur les résultats par rapport aux objectifs.

Il doit en parallèle tenir compte du travail de deuil du cédant dès le début de la période de transition. Mais il n'est pas toujours aisé pour lui de donner du sens à ce qui lui apparaît dans un premier temps comme des débordements émotionnels et des résistances au changement, alors qu'il attend enthousiasme et performance immédiate.

Il doit donc faire preuve d'imagination, tout en respectant les symboliques traditionnelles. En évitant de revenir sur le passé, les deux acteurs doivent s'isoler des problèmes de l'entreprise et recentrer leur attention sur leur situation personnelle.

Ils doivent aborder les sujets pour lesquels ils ont des affinités et des points de convergence, mais aussi échanger sur :

· les plans futurs et les sentiments profonds du cédant par rapport à l'évolution de ses
relations personnelles vis-à-vis des membres de son réseau, y compris les salariés.

· L'évolution de l'adaptation du repreneur dans la nouvelle vie qu'il mène.

Ils doivent se rassurer mutuellement et préparent ainsi le départ futur du cédant.

En parallèle de l'effacement du cédant, le nouveau chef d'entreprise devra faire face aux attentes des stakeholders, et sera sollicité pour résoudre tous les problèmes car la prise de responsabilités de chacun est limitée au sein de la petite entreprise dirigée par le fondateur. Un dirigeant rencontré a confié être demandeur de solutions, et non de problèmes. Il est disponible afin de décider entre deux solutions dans la résolution de problèmes et de justifier cette décision, mais il estimait négatif le fait de centraliser la détermination des solutions envisageables. Il s'agit d'une part de multiplier les échanges et débattre davantage au sein de l'entreprise, mais aussi de développer une organisation basée sur la délégation et la responsabilisation. Le nouveau dirigeant doit, quelque soit le contexte de la reprise, prendre les décisions rapidement, en tenant compte du point de vue du cédant.

Le sentiment de solitude et/ou d'absence d'avancées se réduira dès les premiers résultats des actions mises en place. La prise de leadership se développera et le nouveau dirigeant reprendra confiance en lui, grâce à un sentiment de compétence et de pouvoir de décision, qu'il utilisera à bon escient. Il pourra en outre mesurer ses progrès en termes d'intégration et de légitimité, en fonction de l'éventail des sujets abordés avec les salariés, et à leurs réactions lors du lancement de différentes actions.

Cet élan doit le pousser à prendre les premières décisions importantes, dans le cadre de la stratégie définie, portée à la connaissance des employés. La condition nécessaire est que son prédécesseur soit ouvert à ces manoeuvres et à assister à l'évolution de son entreprise sous les ordres d'un autre individu. Le nouveau dirigeant sera en mesure de prendre des décisions portant sur des domaines de compétences de plus en plus pointus, et impactant sur la vie quotidienne de l'entreprise et sur ses résultats. Le système d'information est dans la plupart des cas à revoir, dans un objectif de rentabilité et de contrôle. Le repreneur devra aussi travailler sur la mise à jour les bases de données de l'entreprise.

Il n'empêche que ce processus fonctionne lorsque la relation de confiance est totale entre les deux hommes, qui ont contribué à une préparation soigneuse de chaque étape. Mais la situation rencontrée mène fréquemment à un conflit de rôle entre les deux dirigeants. La direction à deux têtes doit donc durer le moins de temps possible à partir du moment où le repreneur détient le leadership, donc est reconnu apte par ses collaborateurs à diriger l'entreprise et montrer la direction à suivre.

Notons enfin les ajustements identitaires qui vont avoir lieu au sein de l'entreprise (Bouchikhi). Le repreneur a du, à la suite de son arrivée, se fondre dans le paysage et observer, avant d'être légitime dans le but de fixer une ligne de conduite et la mise en place des premières actions. Il a avant toute chose ajusté son identité à celle de l'entreprise, tout du moins en apparence. Les employés seront dans un second temps enclins à faire ce même effort envers le nouveau dirigeant, qui va faire évoluer peu à peu l'identité de l'entreprise. Comme nous l'avons vu précédemment, l'identité de l'entreprise est fortement corrélée à la personnalité de son dirigeant. La qualité de la relation repreneur/collaborateurs règlera le rythme d'évolution des pratiques et de l'organisation, en parallèle du développement économique de l'entreprise.

Ces ajustements sont lents car ils doivent s'inscrire dans la durée, mais aussi incertains, car l'identité d'un individu ou d'un groupe ne dépend pas que de lui-même. Une nouvelle identité n'est viable que si elle est acceptée par le milieu social dont elle a besoin pour fonctionner. Mignon (2001) affirme d'ailleurs que "la pérennité organisationnelle est préservée lorsque l'entreprise a su au cours de son histoire, résister à l'épreuve des bouleversements profonds de son environnement et préserver l'essentiel de son identité".

Nous pouvons conclure par les quatre principales étapes du processus de reprise, vécues par le nouveau dirigeant suite à son arrivée dans la petite entreprise, que Debouloy résume parfaitement:

· Le refus de la part des salariés, pendant laquelle la rationalité du repreneur est prise en défaut. Ils sont en désaccord avec toutes les initiatives qu'il prend, dont ils mettent en avant les aspects négatifs. Ils critiquent plus généralement l'opération de reprise, dont ils sont victimes.

· La réalité de la disparition, ou "décharge émotionnelle", pendant laquelle le passé est idéalisé, et le présent rejeté. Il est très difficile pour le repreneur de remettre de l'ordre dans les propos de ses collaborateurs, même si ils semblent inexacts ou injustifiés. Il ne doit pas opposer une rationalité rigoureuse face à la démesure des émotions, ce qui mènerait à la confrontation. Il doit favoriser les échanges au sein des équipes, afin de faire réapparaitre le passé réel.

· La dépression, pendant laquelle le repreneur fait face à un manque de motivation et d'énergie des salariés, qui ne distinguent encore que vaguement la nouvelle identité de l'entreprise. De même, le dirigeant prend du recul sur les décisions qu'il a prises et les remet en question.

· Le rétablissement, lorsque le repreneur est à même de gérer les équipes seul, et que les premiers résultats positifs apparaissent pour l'entreprise et les salariés, qui partageront à nouveau leurs idées et sentiments.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984