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Fêtes de village et nouvelles appartenances. Les fêtes rurales en Hainaut occidental (Belgique)

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par Etienne Doyen
Université Catholique de Louvain - Licence en Sociologie 2007
  

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Une fonction sociale toujours exercée

Les remarques précédentes ne doivent pas faire perdre de vue qu'« Art's Thimougies » est avant tout une fête de la coexistence. Au milieu de cette foule qui déambule en quête de culture et qui développe un rapport relativement distancié au village et au rural, un groupe se forme et se reforme toujours à l'occasion de la fête, comme l'épisode suivant va l'illustrer.

Compte rendu d'observation : l'intronisation à la confrérie

de la « planteuse à patates »

Lors du dimanche après-midi, troisième et dernière journée d'Art's Thimougies, quand la fête battait son plein, tant au point de vue du nombre d'animations proposées simultanément que de l'affluence massive sur la place du village, un « rituel » singulier s'est déroulé. Parmi les outils exposés sur la place du village, une mécanique est l'objet de toutes les attentions. Il s'agit d'une ancienne planteuse à pommes de terres, sur lequel le paysan de l'époque s'asseyait pour planter les tubercules, tracté par un cheval. Est-il utile de préciser qu'il y a bien longtemps que cette manière de faire est révolue ? L'ASBL, soucieuse de la beauté de la place du village, a décidé de rénover les vieux outils agricoles rouillés qui l'ornent, et cette planteuse a été la première bénéficiaire de ce traitement. Il y a quelques années, un groupe de jeunes adultes proches du village et de l'ASBL s'est « pris un délire » autour de cet outil, qui est devenu un prétexte à se retrouver et à boire.

Progressivement, un cri s'est mis en place : la personne qui le lance d'hurler : « À NOTRE PLANTEUSE À PATATES... », les personnes connaisseuses de s'égosiller en retour : «...À UN RANG !!! » (en référence à la particularité de cet outil, qui plante un rang de pommes de terre à la fois). Ce cri a émaillé les trois jours de fêtes, au sein des membres de l'ASBL et des bénévoles ; à intervalles réguliers, une personne lançait cet appel auquel une quinzaine d'initiés s'empressait de répondre. En quelques années, ce qui n'était qu'un « délire » entre jeunes a pris de l'ampleur, et désormais, une « intronisation à la confrérie de la planteuse à patates » est organisée lors de chaque édition de la fête. La « cérémonie » est relativement simple : les personnes intronisées lors des éditions précédentes sont membres de la confrérie et vont accueillir les nouveaux, généralement des gens du village ou des acteurs de la fête. Pour cela, deux ingrédients indispensables : le dit cri et la bière du village, « la Thimougienne »158. L'absorption de plusieurs gorgées de ce breuvage entrecoupées du lancement et de la réponse à ce leitmotiv constituaient la manière d'accueillir les nouveaux, qui poussaient alors leur premier cri, repris en choeur par la confrérie : « ... À UN RANG !!! ».

158(*)

Cette cérémonie, précisons-le, s'est déroulée sur un mode burlesque. Les villageois intronisés la considèrent avant tout comme une « bêtise » des jeunes, qui les fait néanmoins sourire et à laquelle ils se plient de bonne grâce. Cette intronisation n'est pourtant pas une scène de théâtre : elle se fait réellement et nomme chaque année de nouveaux membres, même si cela n'engage que peu. Tout ce moment particulier est marqué par cette ambiguïté, où l'on crie « ... À UN RANG !!! » d'un air amusé, mais où on le crie quand même.

À travers cette intronisation sont visibles, à notre sens, les dynamiques d'appartenance présentes dans la fête. L'organisation d'un évènement d'une telle ampleur constitue un moment privilégié pour un groupe villageois de ressentir partager quelque chose. Cela est possible car la fête est cet espace-temps où l'on travaille ensemble, ce qui permet l'émergence progressive d'un « nous ». Et parmi les nombreuses manières que la fête offre d'affirmer son appartenance, cette intronisation semble la plus directe, puisqu'elle permet aux Thimougiens de proclamer oralement leur appartenance, exactement comme les Baséclois le font lorsqu'ils chantent leur hymne de village. Tout cela se passe sous les yeux de la foule qui défile et qui, au pire, n'y comprend rien, au mieux, considère cette intronisation comme une animation « pittoresque » de plus parmi toutes celles qui ponctuent cet après-midi.

* 158 En fait de « bière de village », il s'agit simplement d'une bière produite par un brasseur de la région dont la bouteille a été ornée d'une étiquette lui attribuant le nom de « Thimougienne » et représentant le symbole du village, le moulin.

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