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Le caractère illicite des charges face à  la notion d'acte anormal de gestion étude comparée entre la France et le Canada

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par Jamie-Ann Martin
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires 2008
  

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c) La réalité des versements et des prestations

Bien entendu, les honoraires ou les commissions versées à des intermédiaires ne sont déductibles que si la réalité des versements et des prestations peut être établit dans la mesure où l'entreprise justifie l'état de circonstances, de documents et qu'elle se fonde sur le résultat apparent de l'intervention de l'intermédiaire en démontrant, par exemple, une hausse du chiffre d'affaire ou l'obtention de nouveaux contrats. De telle sorte que le juge va s'attacher à l'identité du bénéficiaire, ses fonctions, ses pouvoirs de conclusion en matière de contrat et de donneur d'ordre. Dans une affaire du Conseil d'État datant du 5 décembre 200155(*), il est apparût que le paiement de la commission, à supposer même qu'il soit constitutif d'un acte anormal de gestion, ne pouvait être regardé comme un avantage occulte au sens des dispositions du c de l'article 111 du code dès lors que la commission litigieuse avait été comptabilisée par la société Bernard Tapie Finance selon un libellé permettant d'identifier l'objet de la dépense et son bénéficiaire, la société Bernard Tapie Finance GMBH. C'est dans ce sens que l'on peut dire que le caractère illicite des dépenses supportées par les entreprises n'est pas de nature à influencer leur déductibilité car lorsque la déductibilité est permise, la dépense ne rencontre plus les attributs qui la rendent illicite. Et non en raison de la jurisprudence constante du Conseil d'État au terme de laquelle les dépenses illicites ne sont pas par essence non déductibles dès lors qu'elles sont conformes à l'intérêt social. Ainsi, ne pouvait être admis en déduction les honoraires versés par une société de travaux publics à un bureau d'étude dès lors que la seule convention conclue entre les deux parties de quelques correspondances échangées entre elles et de factures faisant état de mission d'assistance commerciale ne permet pas d'établir la matérialité des prestations effectuées par le bureau en contrepartie des honoraires en cause56(*). Par ailleurs, dans cette affaire, la société versante n'a pas établit que la conclusion des marchés publics qu'elle aurait obtenu résulterait de l'intervention du bureau d'étude.

La jurisprudence considère que l'article 39-1 du Code général des impôts vise toutes les dépenses exposées ou tout manque à gagner supporté dans l'intérêt de l'exploitation. Effectivement, il ne suffit pas que la dépense exposée ou le manque à gagner subi soit la conséquence d'un engagement en bonne et due forme pour que le montant puisse être déduit du bénéfice imposable. Si l'engagement est contracté sans contrepartie utile à l'exploitation, auquel cas il relève d'un acte de gestion anormal, les charges susceptibles d'en résulter ne sont pas déductibles. À cet égard, l'arrêt Sodame du 31 juillet 1992 donne une bonne illustration, il énonce que : « la déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils constituent une charge effective, qu'ils ont été effectués dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés de justifications suffisantes »57(*). De plus, un autre arrêt rendu le même jour vient apporter une autre précision, en abordant l'idée de contrepartie : « les voyages ainsi offerts constituaient la contrepartie de l'activité et des efforts déployés par ceux qui les avaient gagnés »58(*). C'est en quelque sorte un contrôle de proportionnalité auquel se livre le juge de l'impôt avec cette idée de contrepartie omniprésente.

En somme, la déductibilité des pots-de-vin n'est pas tant une question qui relève de la notion de l'intérêt social mais plutôt de la capacité à faire la preuve que les versements sont la contrepartie de services effectivement rendus. L'intérêt social ne devrait pas entrer en compte pour établir la déductibilité des dépenses illicites. Bien sûr, les juges ne peuvent faire fit de l'intérêt social lorsqu'ils jugent les faits, ils utilisent cette notion comme faisant partie d'un faisceau d'indices. Toutefois, la notion est trop large est fait en sorte de scinder l'état du droit. En effet, comment expliquer que le droit fiscal autorise ce que le droit pénal interdit ? Si pour certains cela ne découle pas d'une mauvaise logique, il semble que cet état des chose puisse avoir des effets pervers comme celui d'encourager la corruption. Cependant, l'interdiction de la déductibilité des charges illicites par l'ajout à la loi d'un article spécifique en la matière, comme c'est le cas au Canada, ne semble pas pour autant régler la question.

Effectivement, l'article 67.5 (1) L.I.R. s'applique uniquement à une catégorie limitée de paiements illégaux. Par exemple, certains paiements effectués par une entreprise dans le cadre d'activités illégales (paiement pour les fournitures, services, salaires, etc.) ne sont pas en tant que telles touchées et semblent continuer à être déductibles selon la jurisprudence en place. Ainsi, les dépenses d'un organisme de prostitution qui peuvent être confirmées par des pièces justificatives sont admises comme ayant été engagées dans le but de produire un revenu et sont déductibles59(*). De la même façon, les paiements illégaux effectués dans le cadre d'activités, qui sont elles légales (achat d'inventaires illégaux, services etc.) continueront à être déductibles à condition de ne pas être constitutifs d'une infraction spécifique mentionnée à l'article 67.5 (1) L.I.R. ou représenter un montant devant servir à un complot au Canada ou à l'étranger60(*). Donc, selon la jurisprudence, est déductible la dépense illégale facilitant une activité légale61(*).

Par conséquent, la France et le Canada se trouvent dans une position diamétralement opposée au regard de la déductibilité des dépenses illicites effectuées par les entreprises : en France la règle générale est la déductibilité des dépenses illicites tandis qu'au Canada elle semble être l'exception. Cette divergence semble se renforcée lorsque l'on aborde la question du traitement fiscal des amendes et pénalités.

* 55 CE 5 déc. 2001, n° 224350 publié au recueil Lebon.

* 56 CAA Douai 10-4-2001 n° 98-422 BIC-IX-18092.

* 57 CE 31 juill. 1992, n° 82802, Plén., Sodame, RJF 8/9 92.

* 58 CE 31 juill. 1992, n° 114895, Plén., Austin Rover France, RJF 8/9 92.

* 59 MNR v Olva Diana Eldridge, [1964] C.T.C. 545.

* 60Taxnet Pro. Non-Deductibility of Certain Illegal Payments [En ligne]. Consulté sur Internet : http://www.taxnetprofr.com (16.02.2008).

* 61 Gouin Lumber Co Ltd v MNR, 1964 37 Tax A.B.C 11 : Gouin Lumber Company Limited, établie à Trois-Rivières depuis de nombreuses années, vendait du bois d'arrimage dont se servent les navires pour l'installation de leurs cargaisons. Ses deux principaux clients étaient Three Rivers Shipping et J. C. Malone Limited, deux arrimeurs importants à Trois-Rivières. Au cours de ses transactions avec ces deux compagnies, il s'est exercé pendant des années une manigance ou ni plus ni moins une fraude constituant en la remise d'une certaine somme d'argent aux commandants des différents navires aux fins de rester dans les bonnes grâces de ceux-ci et de conserver ses deux clients. Cette fraude se pratiquait ainsi : lorsqu'un capitaine de navire achetait du bois d'arrimage, il faisait en même temps la demande d'une somme quelconque d'argent que l'appelante lui remettait par l'intermédiaire de ses employés ; cet argent était pris à même la réserve d'une petite caisse, garnie des montants des ventes au comptant.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe