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Le caractère illicite des charges face à  la notion d'acte anormal de gestion étude comparée entre la France et le Canada

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par Jamie-Ann Martin
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires 2008
  

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b) Le principe de non immixtion

Assurément, le pouvoir de vérification de l'Administration fiscale française ne fait pas d'elle un contrôleur de gestion. De telle sorte que l'Administration fiscale ne peut se substituer aux dirigeants pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à leur entreprise, « elle n'a pas à s'immiscer dans la gestion interne des entreprises »35(*). Ainsi, l'exploitant est seul juge de l'opportunité de sa gestion. Ce principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises a été affirmé à plusieurs reprises par le Conseil d'État36(*). En conséquence, ni l'Administration, ni les tribunaux ne sont juges de l'opportunité des décisions de gestion des entreprises, sauf à y déceler des fraudes ou des irrégularités, puisqu'ils n'assument pas les risques de l'exploitation37(*). De la même manière, au Canada, l'article 67 L.I.R. applique ce principe et se base sur une notion intéressante : celle de l'homme d'affaire raisonnable : « Il ne s'agit pas, pour le ministre ou cette cour, de substituer leur jugement à ce qui constitue une somme raisonnable à payer mais plutôt, d'en arriver à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé à payer une telle somme en ayant seulement le facteur commercial de l'appelant à l'esprit »38(*). Dans Ankrah (2003), la déduction des dépenses Amway a été accordée, la Cour précisant que l'article 67 ne devrait pas être appliqué pour refuser la déduction de dépenses sur la base d'un mauvais jugement commercial lorsque les dépenses ont été engagées alors que le contribuable croyait honnêtement qu'elles finiraient par produire des bénéfices. Dans les circonstances, il est convenable de se poser la question de savoir si un homme d'affaire raisonnable verserait un pot-de-vin afin que son entreprise obtienne un contrat lui assurant des bénéfices. Le terme « raisonnable » dans l'expression « homme d'affaire raisonnable » semble d'emblée supprimer toutes activités qui pourraient représenter un risque pour la pérennité de l'entreprise. De façon opposée et même paradoxale, en France, la notion de l'intérêt social semble permettre de telles activités représentant un risque pour l'entreprise car dans un premier temps, le pot-de-vin est versé dans le but d'octroyer à l'entreprise un avantage donc il est théoriquement justifié. Néanmoins, à l'égard de l'entreprise, quelles seront les conséquences à court et à long terme de ce genre de pratiques ? Ce genre de risque semble déraisonnable.

Ainsi, au Canada, pour que la dépense soit déductible, celle-ci doit avoir été effectuée dans le but de produire un revenu. Or, pour déterminer si une dépense a été encourue dans le but de gagner un revenu, il faut que les dépenses aient été engagées légitimement dans le cours ordinaire des affaires et dans le but qu'il découle ultérieurement un revenu imposable pour l'entreprise39(*). Il en ressort que, le fait que la dépense doive être engagée légitimement dans le cours ordinaire des affaires semble indiquer, dès lors, que la déductibilité de dépenses illicites ne soit pas envisageable. L'article 67 L.I.R. établit qu'une dépense n'est déductible que dans la mesure où elle est raisonnable eu égard aux circonstances. Le mot « raisonnable » semble référer au montant et à l'importance de la déduction réclamée. Le but de cet article étant d'empêcher les occasions d'évitement fiscal qui se présenteraient le plus souvent lorsqu'une société octroie des salaires, commissions ou frais ou autres formes de paiement à ses employés ou à ses actionnaires. Ainsi, l'application de l'article 67 L.I.R. ne sanctionne pas une fraude fiscale mais le manque de jugement du contribuable en ce qui a trait au montant versé. De même, la complexité qui réside dans l'acte anormal de gestion est que le contribuable ne viole directement aucune prescription de nature fiscale ; il ne commet donc pas une fraude fiscale : le critère n'étant pas fiscal, mais le critère juridique de l'intérêt social40(*).

À cette fin, la définition de l'acte anormal de gestion a notamment été rappelée par M. Fouquet, Commissaire du gouvernement à l'occasion d'un arrêt du Conseil d'État du 27 janvier 1989 ; « (...) il va au-delà de la simple erreur de gestion et implique une intention consciente (donc subjective) dont l'existence est présumée »41(*). De ce fait, il faut préciser que l'acte anormal de gestion n'est pas le dépassement de l'objet social, ni un acte effectué en violation d'une clause statutaire limitative de pouvoir ni l'erreur comptable délibérée mais un acte accomplit en méconnaissance de l'intérêt social. Au Canada, l'intérêt social transposé au droit des sociétés est un sujet peu exploré42(*), contrairement à la France où l'on retrouve plusieurs thèses portant sur cette notion, essayant d'en cerner le contour et d'en définir l'objet. Ceci dit, la notion de l'intérêt social ne produit pas, à elle seule, d'effets juridiques. Aussi, l'acte contraire à l'intérêt social cause un préjudice à la société et il ne procure aucun avantage à la société. De ce fait, les éléments constitutifs de l'acte anormal de gestion doivent être recherchés dans la jurisprudence et la doctrine.

Alors, le juge se trouve partagé entre deux impératifs contradictoires : celui de la neutralité d'une part, celui du contrôle qu'il doit exercer d'autre part, pour s'assurer de la contribution sincère des entreprises à l'effort fiscal national. Dans cette optique, par une construction totalement prétorienne, le Conseil d'État a apporté une exception au principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises : la théorie des actes anormaux. Si l'administration ne peut s'immiscer dans la gestion commerciale de l'entreprise, il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que l'appréciation par cette Administration du caractère normal ou anormal des actes de gestion n'excède pas les pouvoirs habituels de contrôle qui lui sont reconnus. Lorsqu'il répond à des buts fiscaux, l'acte anormal de gestion peut être écarté par l'Administration fiscale. Encore faut-il savoir à partir de quand un acte est anormal. Conséquemment, les juges français se retrouvent donc confronté à la question de savoir ce qui est normal et ce qui ne l'est pas.

* 35 CE 20 déc. 1963, n° 52308, DF 1964, n° 13. Concl. Marcel Martin.

* 36 CE 7 juill. 1958, n° 35.977, 7· s.-s., DF 1958, n° 44, com. 938, Dupont 1958, p. 575; CE 22 mai 1963, n° 51.394.

* 37 CE 8 mars 1963, n° 59168, 9· s.-s. Concl. de M. Poussière.

* 38Gabco Ltd., [1968] C.T.C.313(C. de l'É.), approuvé dans Pétro-Canada, [2004] 3 C.T.C. 156 (C.A.F.) (demande d'appel rejetée, 2004 CarswellNat 4109 (C.S.C.)).

* 39 Mattabi Mines Ltd. C. Ontario, 1984 1 R.C.S. 536.

* 40 COZIAN (M.). Les grands principes de la fiscalité des entreprises. Litec, 1983, p. 43.

* 41 CE 27 janvier 1989, n° 61422, Plén.

* 42 ROUSSEAU (S.) et TCHOTOURIAN (I..). L'intérêt social en droit des sociétés : Regards canadiens, Revue des Sociétés (à paraître).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault