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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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Chapitre II. La redistribution contre le travail.

On peut en effet choisir de penser que des transferts trop généreux ou que des prélèvements trop lourds démotivent l'activité économique. On considère alors que la redistribution est coûteuse et réduit l'offre de travail des inactifs. Cette conception d'une redistribution source de désincitation au travail s'accompagne souvent d'un discours plus général visant à promouvoir les contreparties en travail et en efforts des allocataires de transferts sociaux, et visant à délégitimer les inactifs subventionnés. Dès lors, l'objectif est d'accroître les gains au retour à l'emploi, et supprimer la trappe à inactivité.

Nous verrons en premier lieu que si la théorie de l'impôt optimal préconisait au départ la convexité de la courbe des TMEI, une de ses ré-interprétations récentes permet de démontrer l'optimalité de réduire les TMEI pesant sur les inactifs bénéficiaires de transferts sociaux. Nous verrons en deuxième et troisième parties les réformes mises an place dans cette optique, dans les pays anglo-saxons tout d'abord, et en France ensuite.

I. Incidence fiscale et distorsions : comment redistribuer ?

La théorie économique a produit des modèles qui décrivent ce que devrait être une redistribution optimale. Le modèle canonique est ici celui proposé par Mirrlees en 1971 et repris ensuite par Diammond. La principale conclusion que l'on en retiendra ici est que, nonobstant les effets désincitatifs pouvant être générés par des taux marginaux importants imposés aux bas revenus, une courbe en « U » des TMEI est optimale. En effet, il convient de faire peser sur les personnes les moins productives et les moins nombreuses les taux d'impositions les plus élevés, si l'on se fixe comme objectif de maximiser les recettes fiscales. Nous montrerons ensuite que les prolongements de ce modèle permettent de mettre en évidence l'importance du choix qui est réalisé : si, au lieu de maximiser les recettes c'est l'emploi qui est au centre des préoccupations, lisser la courbe des TMEI notamment en bas de la distribution peut s'avérer efficace.

A. La courbe en « U » des TMEI: imposition optimale des revenus.

Mirrlees fût le premier a proposer un modèle de taxation optimale qui prenne en compte la possible désincitation au travail pouvant être générée. Il pose un certain nombre d'hypothèses pour construire son modèle. Tout d'abord il considère des agents rationnels calculateurs qui réalisent donc un arbitrage entre travail et loisir en fonction du coût et des avantages de chacune de ces options : le loisir devient de plus en plus coûteux au fur et à mesure que la salaire augmente36(*). L'offre individuelle de travail comme l'offre de marché sont donc croissantes avec le salaire. De plus Mirrlees suppose l'existence d'un marché du travail parfaitement concurrentiel, où le salaire est exogène et les salariés sont price-taker : il n'y a pas de fixation de salaire résultant de rapports de force ou de négociations collectives. Comme dans le modèle classique du marché du travail c'est la productivité marginale du travail qui détermine le salaire, à ceci près que pour Mirrlees c'est la productivité de chaque salarié qui détermine son niveau de salaire individuel : des bas salaires sont versés aux travailleurs peu efficaces, et des hauts salaires aux travailleurs très productifs. Mirrlees intègre dans le modèle un impôt sur le revenu au taux uniforme pour tous les agents, et qui répond au programme de la puissance publique qui est de maximiser le rendement de l'impôt pour maximiser le transfert versé aux individus ayant une productivité nulle, donc un salaire nul. On ne prend en compte que l'impôt sur le revenu puisqu'un impôt sur le revenu déterminé de façon optimal est suffisant et doit constituer l'intégralité des prélèvements

Le modèle vise à fixer la valeur du taux d'imposition qui soit optimale. Pour chaque augmentation du taux, la désincitiation au travail est plus forte, ce qui implique que certains travailleurs renoncent au travail et au salaire et ne payent donc plus l'impôt : le rendement de l'impôt diminue. D'un autre côté, les préférences individuelles en terme de travail et de loisir ne sont pas homogènes : d'autres individus ne changerons pas leur offre de travail suite à la hausse d'impôt afin de ne pas perdre trop de revenu, et certains iront même jusqu'à faire croître leur offre de travail afin de compenser la diminution du taux de salaire net. En conséquence de ce second effet, le rendement de l'impôt augmente avec l'augmentation du taux d'imposition.

On suppose que l'effet revenu domine au départ : des taux d'imposition encore faibles nécessitent des efforts de faible importance pour être compensés ; mais au bout d'un certain moment, l'effet substitution domine : la diminution de salaire net devient trop importante pour être compensée, et le coût d'opportunité du loisir devient extrêmement faible. L'offre de travail diminue donc à partir d'un certain niveau du taux d'imposition. L'État a donc intérêt à augmenter l'impôt jusqu'au moment où le gain supplémentaire de recette fiscale est exactement compensé par la parte de recettes induite par la désincitation au travail ainsi engendré. En égalisant ces deux effets, on obtient (pour un détail de la formalisation, cf.Annexe 7):

Le taux optimal (t*) est donc décroissant de l'élasticité de l'offre de travail (e). Plus l'élasticité est importante, plus l'effet substitution dominera l'effet revenu pour des niveaux faibles d'imposition, donc moins la hausse du taux sera efficace. Si l'élasticité de l'offre de travail est de 0,5, c'est-à-dire si pour une baisse de 20% du salaire net, l'offre de travail diminue de 10%, le taux d'impôt optimal est donc égal à 66%. Si l'élasticité est égale à 1 le taux d'imposition sera de 50%. Si l'élasticité est égale à 0, c'est-à-dire si l'offre de travail ne dépend pas de la contrepartie en salaire, alors le taux d'imposition sera de 100%, c'est-à-dire confisquant l'intégralité des revenus. On note que le taux optimal correspond au sommet de la « Courbe de Laffer 37(*)»: c'est le taux maximal à partir duquel le rendement de l'impôt diminue. En effet, l'économiste A. Laffer imaginait en 1974 que les États-Unis avaient dépassé ce taux optimal: il préconisait donc de diminuer le taux d'imposition pour augmenter le rendement de l'impôt.

En reprenant ce modèle élaboré par Mirrlees, Diamond a démontré l'optimalité d'une courbe en « U » des taux marginaux effectifs d'imposition. Il faut introduire ici l'existence d'une pluralité de taux d'imposition : on note t(y) le taux d'imposition pour chaque niveau (y) de revenu avant redistribution.

Le taux marginal d'imposition optimal t'*(y) pour chaque niveau de revenu brut correspond au même programme de maximisation de la part de la puissance publique que précédemment. Lorsque le taux marginal d'imposition augmente, et passe de t'(y) à [t'(y) + dt'] pour les revenus compris entre (y) et [y + dy], l'effet est double, comme dans le modèle de Mirrlees. Cette augmentation du taux marginal correspond nécessairement à une augmentation des taux d'imposition sur tous les revenus supérieurs à (y), et à une augmentation du différentiel de taux d'imposition entre tous les niveaux de revenus compris sur l'espace [y + dy]. Dès lors, le produit de l'impôt va croître, puisque le taux d'imposition va croître lui aussi pour les revenus supérieurs à (y). Mais, un second effet intervient : pour les individus ayant un revenu compris entre (y) et (y + dy), l'incitation à travailler plus est réduite en raison de la hausse du taux marginal, de même que pour tous les revenus supérieurs à (y) le salaire net diminue suite à la hausse de t', pouvant ainsi générer une désincitation au travail. On a donc un effet ambiguë sur l'évolution des recettes de l'impôt compte tenu de ces deux effets contradictoires. Comme précédemment, l'État doit augmenter t' jusqu'au moment où l'effet positif sera intégralement compensé par l'effet négatif : le taux marginal optimal t'* égalise donc ces deux effets. Pour tous niveaux de revenu (y) on a , après égalisation (cf.Annexe 7):

Le rapport compare le poids des agents dont le revenu est égal à y*38(*) au poids des agents dont le revenu est supérieur à y*39(*). Ce qui signifie que lorsque le rapport est faible, le poids des agents dont le revenu est supérieur à y* est très important par rapport au poids des agents ayant un revenu de y*. Plus le rapport diminue, plus le poids relatif des agents plus aisés est important. Du point de vue des finances publiques, il est donc souhaitable d'imposer un taux marginal important lorsque le rapport est faible : les agents pour lesquels le taux marginal va augmenter, qui vont donc connaître une forte désincitation au travail, sont relativement peu nombreux comparativement au nombre de gens qui vont voir leur niveau d'imposition augmenter (sans que les incitations soient changées). De plus, on observe que le taux marginal prend en compte l'élasticité de l'offre de travail de l'ensemble des travailleurs, comme précédemment. Le taux marginal d'imposition optimal évolue aussi en fonction du niveau de salaire w, c'est-à-dire en fonction du niveau de productivité des individus : plus w est élevé, donc plus les individus sont supposés être productifs, plus le taux marginal doit être bas, car plus la désincitation au travail est coûteuse.

Au final, le taux marginal d'imposition optimal pour tout niveau de revenu (y) décroît avec la hausse du nombre d'agents auxquels il est imposé ainsi qu'avec la hausse de la productivité des agents auxquels il est imposé et décroît avec l'élasticité de l'offre de travail pour ce groupe de revenus, mais croît avec le nombre d'agents ayant un revenu supérieur à (y).

Ainsi, la courbe des taux marginaux effectifs d'imposition doit avoir une forme convexe, avec des taux élevés aux deux extrémités de la distribution des revenus (hauts et bas revenus) en raison du faible nombre d'agents présents à ces extrémités. Mais le taux marginal doit être plus élevé pour les bas revenus que pour les hauts revenus car plus le revenu est bas, plus le nombre d'individus plus riches est élevé40(*)(cf.Annexe 6). Cette différence entre hauts et bas revenus est accentuée si on suppose que les bas revenus ont une élasticité de l'offre de travail plus faible que les hauts revenus41(*). Enfin, les bas revenus sont les moins productifs par hypothèse donc sont ceux qu'il est le moins gênant de désinciter au travail. On justifie donc la forme en « U » des taux marginaux mais aussi le fait que les taux marginaux soient plus faibles en haut de la distribution qu'en bas.

La redistribution telle qu'elle est mise en place aujourd'hui en France semble donc correspondre aux canons de l'optimalité déterminés par le modèle standard de la redistribution, la désincitation au travail pesant sur certains individus étant compensée par la hausse des recettes sur d'autres catégories d'agents. On peut en conclure ceci : si l'objectif est de maximiser le niveau du transfert versé, alors il faut accroître le taux marginal d'imposition pour les bas revenus c'est-à-dire ne pas les inciter à travailler plus, donc favoriser leur dépendance aux transferts sociaux.

* 36 Dans ce modèle les agents prennent en compte le salaire net, c'est-à-dire le taux de salaire net d'impôt.

* 37 Piketty T., « La redistribution fiscale face au chômage », op.cit.

* 38 f(y) désignant la densité des individus ayant un revenu de y (cf.Annexe 7)

* 39 1-F(y) désignant le nombre d'agent ayant un revenu supérieur à y (cf.Annexe 7)

* 40 En se rappelant l'hypothèse faite par Mirrlees d'une équivalence entre niveau de salaire et productivité du travailleur, imposer un taux marginal important aux bas revenus permet de faire peser le financement du budget de l'État sur les individus les moins productifs. Il est moins coûteux de décourager le travail faiblement productif que le travail très productif.

* 41 Piketty T., « La redistribution fiscale face au chômage », op.cit.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery