De nombreuses études s'intéressent au syndrome
de dépression en co-morbidité avec une maladie somatique grave et
chronique en l'occurrence le cancer. Sans entrer dans les interrelations
causales entre maladies psychiques et maladies somatiques, nous pouvons
déjà mettre en évidence l'état des lieux de ces
recherches du point de vue épidémiologique.
La dépression clinique est relativement commune parmi
les malades atteints de cancer. En effet, tous les malades qui font face
à un diagnostic mortel doivent surmonter une réaction
émotionnelle douloureuse et une minorité substantielle
développera une dépression. (Brown, 1986). Concernant le syndrome
dépressif, la plupart des études montrent un taux très
élevé de dépression chez les malades atteints de cancer
avec une prévalence allant jusqu'à 80% (Nezelof et Vandel, 1998).
Une étude de 100 patients hospitalisés pour un cancer a
montré une prévalence de 56% d'état dépressifs et
de 40% de maladie neurologique. (Levine et al., 1978)
Néanmoins, les symptômes de la dépression
se présentent sur un large spectre, depuis la tristesse jusqu'au trouble
affectif majeur. De plus, ils sont difficilement évalués car
l'humeur des patients confrontés à des menaces pour la vie
répétées est fluctuante, les traitements induisent de la
fatigue physique et la maladie de la douleur. Les prévalences varient
considérablement selon les études, de 0 à 58%. Les cancers
du pancréas, des voies orales, des poumons et de la poitrine sont les
cancers les plus corrélés avec la dépression. (Massie,
2004).
Si l'on consid»re uniquement certains signes du syndrome
dépressif, on trouve que 47% des patients montrent une adaptation
difficile au stress avec des troubles psychiatriques, dont la 2/3 est des
troubles anxio-dépressifs, et 13% présentent une
dépression majeure, en réaction au traitement ou à la
maladie. (Grassi et al., 1996)
Pour tous les types de cancer, le risque dépressif est
lié à plusieurs facteurs (Chochinov et al., 1995):
· une dépression dans la période qui
précède la maladie avec 2 épisodes ou plus,
· des antécédents familiaux,
· la douleur mal contrôlée,
· des antécédents d'addiction à la
drogue ou à l'alcool,
· des troubles métaboliques,
· et certains traitements,
· certains types particuliers de cancer. (tumeur du
pancréas, tumeur au cerveau, cancer de la tête et du cou, les
cancer des voies orales associés à l'alcool et au tabac),
· l'%oge avancé,
· et la phase terminale du cancer.
Plus particuli»rement, et concernant la maladie qui
touche la patiente présentée en partie B, les études ont
tenté de relever les facteurs prédictifs d'une dépression
chez les patients atteints de myélome (Grassi et al., 1996):
· greffe de cellule souche,
· des troubles anxio-dépressifs au moment de
l'admission à l'hôpital.,
· des troubles anxio-dépressifs pendant les jours
d'isolement.
De plus, la dépression est associée à la
mortalité de ces patients à la suite de la transplantation.
(Loberiza et al., 2002)
Afin de pouvoir mieux prédire et donc anticiper le
risque dépressif, qui aggravera le risque de mortalité, un outil
diagnostic pour les malades atteints de cancer a été
utilisé. Il a été trouvé que certains crit»res
du Ham-D sont associés de mani»re significative à une
dépression majeure (Guo et al., 2006):
· insomnie tardive,
· agitation, anxiété,
· symptômes génitaux et
· variation diurne.
Certains critéres du Ham-D se retrouvent plus
frequemment chez des malades souffrant de cancer que la population
générale :
· humeur depressive,
· insomnie moyenne,
· diminution du travail et des activités,
· ralentissement,
· symptômes gastro-intestinaux,
· symptômes somatiques divers,
· symptômes génitaux,
· perte de poids
· et troubles obsessionnels compulsifs.
Concernant le risque suicidaire, en tant que symptTMme de la
depression, plusieurs etudes s'intéressent à la prevalence des
conduites suicidaires chez les malades atteints de cancer. On a tout d'abord
constaté que le risque suicidaire est deux fois plus
élevé chez les personnes atteintes de cancer par rapport
à la population générale. (Allebeck & Bolund, 1991)
Parmi une population de personnes atteintes de cancer, 32,2%
des patients présentent des idéations suicidaires et 22,6% ont
effectué une tentative de suicide. (DRUSS et al., 2000)
De plus, l'état psychologique de ces malades est
perturbé, puisque 20% des patients atteints de cancer et
décédés par suicide sont confus. (Walter & Zemer,
2004)
Etant donnée la prevalence importante d'état
dépressif chez les malades atteints de cancer et son aggravation par des
risques suicidaires, il est nécessaire d'étudier la
particularité des crises suicidaires en cancerologie afin de savoir les
gérer et éventuellement les prévenir.