Bien souvent, les idéations suicidaires et passages
à l'acte surviennent dans la phase d'aggravation d'un cancer. Pourtant,
dans le cas de malades qui en sont encore au début du traitement et avec
un bon pronostic, la crise suicidaire peut arriver à la suite de
l'annonce du diagnostic (Lefetz et Reich, 2006).
En cancérologie, les actes suicidaires prennent des
formes déguisées :
· conduites para-suicidaires comme refus de soins et refus
d'alimentation,
· ou demandes d'euthanasie ou de suicide assisté.
Tout comme dans d'autre contexte, en cancérologie, la
crise suicidaire est un état de détresse psychique intense dont
le risque majeur est le passage à l'acte suicidaire. Elle prend
plusieurs niveaux (Moron, 2000) :
· une idée ou une ideation suicidaire comme simple
représentation mentale de l'acte suicidaire que tout un chacun peut
éprouver.
· La conduite suicidaire touche des personnes qui
« sans réaliser directement un geste auto-agressif, (les
personnes) multiplient par leurs comportements les situations de risque oil
parfois leur vie, ou en tout cas leur santé peut etre mise en jeu .
« (Debout, 1996). L'idée de mort n'est pas totalement
rejetée ou bien clairement souhaitée.
· La tentative de suicide : acte incomplet se soldant
par un échec et traduisant une psychopathologie sous -jacente
lorsqu'elle se répete. D'après la National Library of
Medecine, « tentative non réussie de se donner la mort
«.
· Le suicide (sui caedere, se tuer
soi-même) : acte de se donner délibérément la mort,
survenant souvent de maniere soudaine, brutale, inattendue et impulsive.
D'apres l'OMS c'est un « acte délibéré accompli
par une personne qui en conna»t parfaitement, ou en espére l'issue
fatale «.
Nous nous limit erons dans ce mémoire aux conduites
suicidaires en cancérologie. Lorsqu'un malade est atteint de cancer, une
crise suicidaire possede certaines particularités propres au contexte de
la maladie grave :
· Le para-suicide ou equivalent suicidaire est un acte
extreme par lequel on adopte des conduites à risque pouvant conduire
à la mort : refus ou arrest et
abandon des traitements, usage excessif d'alcool ou autres
toxiques, conduite automobile dangereuse, etc...
· La demande d'euthanasie à une tierce personne par
administration de médicaments ou par conseils.
· La demande de suicide médicalement assisté
oü le patient se donne la mort lui-même mais le moyen est
conseillé ou donné par une tierce personne.
Il existe des facteurs susceptibles de favoriser les conduites
suicidaires des malades:
· Douleurs peu ou non contrôlées,
symptômes incontrôlables (nausées, dyspnée,
etc...),
· première année qui suit l'annonce du
diagnostic,
· maladie avancée ou à pronostic
péjoratif,
· localisation tumorale : poumon, ORL, pancréas,
SNC,
· dépression, sentiment de désespoir, peur
d'être une charge pour autrui, perte de dignité, pensées
irrationnelles,
· confusion mentale, désinhibition,
· sentiment d'impuissance, perte de contrôle, perte
d'autonomie, dépendance,
· antécédents psychiatriques personnes et
familiaux : toxicomanie, trouble de la personnalité, dépression,
TS, suicide familial., deuil récent,
· fatigue, épuisement, diminution des
capacités,
· isolement social et familial.,
· sexe masculin et %oge avancé.
De plus l'usage des cortico
·des augmente de nombreux
symptômes qui font partie des troubles anxio-dépressifs:
l'anxiété, l'euphorie, l'excitation, le délire, la
confusion et l'agitation.
Il a été constaté que les sentiments de
désespoir et d'impuissance, ainsi que la perte de contrôle de la
situation sont corrélés avec les idéations suicidaires.
Dans les cas les plus graves, des troubles tels que les
états confusionnels, la désinhibition psychomotrice avec
hallucinations, les pensées irrationnelles et l'absence d'objet
libidinal sont fréquemment observés.
Certains auteurs proposent de décrire la souffrance
psychologique de ces malades comme syndrome de démoralisation
(Kissane, 2004) qui se caractérise par l'existence
d'idéations suicidaires fluctuantes qui ne font que traduire la
détresse existentielle caractérisée par le
désespoir, la perte de sens, de valeurs et de buts accordés
à la vie et aux activités quotidiennes.
Paradoxalement, la rémission, voire la
guérison, peuvent aussi être vécues avec de la souffrance.
Des auteurs parlent alors de syndromes spécifiques:
· le syndrome de Damocl»s (Koocher & O' Malley,
1981) qui s'accompagne d'un vécu d'abandon et de la crainte d'une
rechute, au moment de quitter l'hôpital.,
· le syndrome de Lazare (Dhomont, 1988) touche les patients
qui se sentent
rescapés d'une mort certaine et n'arrivent pas
à se sentir tout à fait en vie,
· le syndrome dépressif de patient en voie de
guérison. Celui-ci touche 20% des patients d'après Pucheu
(1988).
Lors du soutien auprès du patient touché par un
cancer, il est important de situer le cancer dans l'histoire du patient, tel
que celui-ci l'interpr»te, et il a été constaté
plusieurs situations assez courantes:
· la maladie est interprétée comme la
conséquence d'une faute passée qu'il faut expier,
· ou le revécu de la maladie d'un proche avec une
identification à celui-ci.
Dans les différentes approches
psychothérapeutiques possibles, il a été constaté
qu'il était important d'aider le patient à faire le deuil de son
corps sain, d'exprimer son désir de mort et exprimer sa souffrance.
Sur le plan somatique ou chimiothérapeutique, la
relaxation permet d'apprendre à gérer son anxiété
et son stress, les anxiolytiques et antidépresseurs sont
également préconisés, ainsi qu'une hospitalisation en
situation de crise, sous contrainte si nécessaire.