A.5.2 Legislation de l'euthanasie en France
L'euthanasie, quelque soit le type, a toujours
été considérée comme un acte criminel en France. La
mort est toujours percue comme une sorte de maladie incurable et socialement
l'agonie reste cachée, non acceptée. En 1975, c'est Larcher qui
définit l'euthanasie comme un «bien mourir «, sans
souffrances excessives, et « mourir à son heure «,
par opposition à la dysthanasie qui est une mort avancée, ou bien
retardée par acharnement thérapeutique, ou encore qui se produit
dans la souffrance.
En 2000, un sondage du CCNE (Comité Consultatif
d'Ethique) met en évidence que 45% des médecins
généralistes seraient plutôt favorables à une
législation de l'exception d'euthanasie.
En 2002, la Loi Kouchner, prévoie un évitement de
l'acharnement thérapeutique.
Enfin, la Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des
malades en fin de vie assure la qualité de fin de vie au malade en
dispensant les soins palliatifs et reconna»t le devoir de respecter la
dignité du mourant dont la volonté est reconnue à travers
la rédaction de sa déclaration anticipée et la
désignation d'une personne de confiance. La primauté
donnée aux soins palliatifs y est réaffirmée et
l'euthanasie passive est tolérée et encadrée.
L'euthanasie active demeure officiellement interdite, considérée
comme un assassinat ou un empoisonnement prémédité
punissable de la réclusion criminelle à
perpétuité.
A.5.3 Comparaison avec les Pays-Bas
Au niveau philosophique, l'autonomie du sujet est plus
importante dans la tradition protestante que catholique. De plus les Pays-Bas
prévoient une notion d'engagement solidaire qui répartit la
responsabilité de la mort du demandeur sur la société
toute enti»re et qui s'appuie sur des crit»res bien
spécifiques.
Dans la pratique, en Hollande, la fin de vie se produit au
domicile pour 30% des déc»s. Elle est gérée par le
médecin généraliste, qui n'est jamais seul face à
la décision d'arrêt de soins à laquelle participe la
famille, l'équipe soignante et la Loi.
A.5.4 Un risque de derive : la confusion entre la demande
d'euthanasie et une ideation suicidaire
Nous venons de voir que la distinction entre des idées
suicidaires et une demande d'euthanasie n'était pas si aisée,
puisque qu'un malade peut faire une demande de mort assistée dans le
cadre d'une dépression majeure, tout en étant en fin de vie. Nous
allons approfondir la mani»re d'éviter toute confusion.
Tout d'abord, si nous considérons qu'il y a plusieurs
sortes de morts d'un point de vue anthropologique, il est alors possible de
différenc ier différentes morts à différents
moments. Lors de la demande d'euthanasie, la mort physique tarde alors que les
autres morts sont déjà faites (mort psychologique, mort sociale,
mort
anthropologique). La «mort
appropriée» serait alors une mort qui permet de conserver un
corps int»gre, de choisir le moment de la mort, et de mourir
«comme on a vécu «. Ce moment propice serait le seul
oü l'on puisse distinguer entre la demande d'un sujet conscient et celle
d'un sujet dépressif.
Or, les crit»res subjectifs d'état de survie
comme la déchéance morale, la dégradation, le
délabrement physique impliquent une échelle personnelle à
haute variabilité d'un sujet à l'autre et pour un même
sujet, d'un moment à l'autre. La douleur morale est parfois un
symptôme de la depression qui appelle souvent la tentation du suicide et
risque d'être confondue avec une demande d'euthanasie.
La demande d'euthanasie vient parfois permettre au sujet
d'éviter un travail de deuil de soi. Et elle peut aussi empêcher
le sujet d'atteindre le moment de l'agonie, et de faire ses adieux à ses
proches. Il a d'ailleurs été constaté que le proche d'un
défunt par demande d'euthanasie était plus exposé à
un deuil pathologique, voire traumatique. De plus, le regard des autres est un
facteur important de la demande d'euthanasie et de l'ordre du non-dit dans une
famille, avec des phénom»nes de projection oü la famille voit
le malade souffrir alors que la douleur est ma»trisée. C'est
souvent plus insupportable pour la famille que pour le malade lui-même.
D'autre part, on constate que la longueur de l'agonie est liée à
la complication du deuil pour les familles (Sanders, 1983). Le groupe de
familles qui se remet le mieux est celui pour lequel le malade meurt dans les 6
mois après le début de la maladie . En cas de mort subite, il y a
plus de culpabilité et de symptômes somatiques, en cas de longue
agonie, il y a plus de dépression, de sentiments d'aliénation et
d'isolement. On peut donc se demander si l'euthanasie ne risque pas de
réunir les conditions de souffrance maximale pour les familles : longue
agonie et mort rapide.
Un lien entre la fréquence de demande d'euthanasie et
les types de cancer a été mis en évidence. En effet, des
souffrances physiques comme les vomissements, l'insuffisance respiratoire et
l'anxiété sont associés aux types de cancer pour lesquels
les patients demandent relativement fréquemment l'euthanasie. Il y a un
processus commun, incluant des préoccupations existentielles, qui est
important dans les dernières phases de la vie. (Abarshi, 2008)
Néanmoins, l'age avancé favorise la
tolérance aux symptômes et le fait d'être
une femme augmente la fréquence de demande d'euthanasie.
Avec une meilleure communication sur le diagnostic et des
options de traitements plus larges, en Italie, on a constaté une
diminution du suicide chez les malades, par rapport au taux de suicide de la
population générale. (Miccinesi, 2004)
Nous pouvons donc constater que la fait de considérer
la demande d'euthanasie en tant qu'un comportement
révélateur d'une détresse morale, voire d'un syndrome
dépressif a pour conséquence de focaliser le regard de
l'équipe soignante sur l'amélioration de la qualité de vie
du malade et de son confort psychologique et physique, et par
conséquence, diminue la fréquence de demande d'euthanasie.
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