INTRODUCTION
Au Mali, la problématique de la scolarisation des
enfants en général et de celle des filles en particulier, est une
question prioritaire, car se trouvant être un des axes
stratégiques du développement social, économique et
culturel du pays. La mise en oeuvre des programmes de développement d'un
pays dépend dans une large mesure, non seulement de la capacité
de ses populations à les exécuter, mais également de la
possibilité de tirer profit de leur utilisation. C'est pourquoi, le
processus de mise en cuvre et l'avantage tiré des programmes en
matière de santé, d'éducation, d'environnement,
d'économie, d'agriculture et de bien d'autres secteurs de
développement nécessitent de connaitre et de comprendre ces
besoins d'une part et de maîtriser les processus de ces programmes
d'autre part. Baudelot et Establet13 en 1992
écrivaient ceci : « Dis-moi le nombre d'Etudiants que tu as
et je te dirai la richesse de ton pays ». C'est dire que la
richesse d'un pays est la résultante de la richesse en quantité
et en qualité de ses ressources humaines en général et en
particulier de sa jeunesse.
Le Mali, à l'instar des autres pays Africains au sud du
Sahara, n'arrive pas à inscrire à l'école tous les enfants
d'âge scolarisable, bien que la plupart de ces pays ont souscrit aux
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
Les raisons de cette situation sont multiples, nous pouvons citer
principalement l'inadéquation entre l'accroissement de la population et
l'évolution des infrastructures scolaires et l'insuffisance des
ressources financières de l'Etat. Cet engagement en faveur des OMD,
invite ces pays à inscrire 100% des enfants en âge d'aller
à l'école d'ici 2015. Au regard des taux actuels de
scolarisation, l'atteinte de cette vision risque d'être un voeu pieux. Au
Mali, le taux de scolarisation reste faible, malgré une évolution
timide durant ces quatre dernières années (confer tableau
ci-dessous).
Tableau 1 : Taux Brut de Scolarisation en
%
|
Garçons
|
Filles
|
Moyenne
|
Ecart
|
2000-2001
|
72,7
|
52,1
|
62,4
|
20,6
|
2001-2002
|
75,3
|
53,7
|
64,3
|
15,3
|
2002-2003
|
77,9
|
56
|
67
|
21,9
|
2003-2004
|
81,3
|
59,9
|
70,5
|
21,4
|
Source : Essor n° 15406 du
07/03/05, p. 3
Selon une autre source, celle de la Cellule de Planification et
de Statistique du Ministère de l'Education Nationale, le taux brut de
scolarisation au premier cycle
13 HKI/MEN, Campagne radio
sur la promotion de la scolarisation des filles 2004-2005, Cahier du
participant , Page 4
était de 70,5% pour les garçons et de 59,9% pour
les filles, avec un écart de 10,6% en
2003/2000414. Selon la même source, ces taux
ont évolué pour atteindre 74,0% pour les garçons et 63,4%
pour les filles en 2004-200515, avec un
écart stationnaire de 10,6%. Les différents taux de scolarisation
ci-dessus mentionnés, indiquent que les taux de scolarisation des
enfants évoluent positivement d'année en année. Les
écarts entre ces taux de scolarisation garçons et filles ne
bénéficient pas de ces évolutions favorables.
Le tableau ci-dessous donne les taux de scolarisation par
régions et les écarts en filles et garçons.
Tableau 2 : Taux Brut de Scolarisation en % par
région 2004-2005
Régions
|
Garçons
|
Filles
|
Moyenne
|
Ecart
|
Bamako
|
87,6
|
84,2
|
85,5
|
3,4
|
Gao
|
69,3
|
63,5
|
66,3
|
5,8
|
Kayes
|
63,1
|
43,8
|
53,2
|
19,3
|
Kidal
|
69,4
|
46
|
58,2
|
23,4
|
Koulikoro
|
73,2
|
51,7
|
62,3
|
21,5
|
Mopti
|
39,8
|
38,3
|
39
|
1,5
|
Ségou
|
58,9
|
44,5
|
51,6
|
14,4
|
Sikasso
|
61,3
|
44,1
|
52,6
|
17,2
|
Tombouctou
|
54,9
|
47,7
|
51
|
7,2
|
Source : ME, CPS, Annuaire Statistique
2004-2005, Pages 112 à 120
Cependant l'arbre ne doit pas cacher la forêt, car,
l'évolution constante des taux de scolarisation laisse entrevoir de
grandes disparités entre les régions, cercles et communes d'une
part mais aussi entre villes et villages d'autre part. Ces taux sont plus
élevés dans les villes que dans les villages. C'est le cas dans
la zone d'étude, à savoir la commune rurale de Dio-gare, cercle
de Kati, région de Koulikoro. Le taux brut de scolarisation en 2004-2005
était le suivant (Cf tableau ci-dessous).
Tableau 3 : Taux Brut de Scolarisation en %
Koulikoro ville, Kati ville et dans le village de Dio-gare en
2004-2005
Régions
|
Garçons
|
Filles
|
Moyenne
|
Ecart
|
Koulikoro Ville
|
86,8
|
61,5
|
74,2
|
25,3
|
Kati Ville
|
137,6
|
106,7
|
122,2
|
30,9
|
Dio-gare
|
83,2
|
63,3
|
73,3
|
19,9
|
14 MEN/CPS, Annuaire
statistique 2004-2005, Page 3
15 MEN/CPS, Annuaire
statistique 2004-2005, Page 3
Source : ME, CPS, Annuaire Statistique
2004-2005, Page 137
Cet écart entre filles et garçons laisse voir
qu'une frange importante de la population malienne, notamment la composante
féminine n'a pas accès à l'éducation. Le fait que
nous avons des pourcentages de plus de cent pour cent, dans la ville de Kati,
renseigne sur la présence de frange importante de population flottante
non enregistrée.
Il est important d'avoir à l'esprit que la
scolarisation des enfants en général et celle des filles en
particulier est un sujet complexe, lié au comportement humain dans sa
diversité socioculturelle. Face à cette situation, des tentatives
de résolution ont été initiées par des partenaires
au développement, qui accompagnent le Gouvernement du Mali. Parmi
ceux-ci, il faut citer l'USAID qui, dans le cadre de la coopération
s'est engagée à accompagner le Mali pour l'atteinte de l'OMD en
matière d'éducation pour tous d'ici l'an 2015 auquel il a
souscrit.
Le projet de Communication pour le Développement
"Nièta Kunafoni" en langue nationale Bamanan, financé par l'USAID
sur une période de quatre ans (Janvier 2004-Mars 2008) et
exécuté par Helen Keller International (HKI), initiateur de la
campagne radio en question, fait partie des projets mis en oeuvre dans le pays
pour la concrétisation de cette stratégie. L'objectif principal
du Projet Nièta Kunafoni est de renforcer le capital social comme un
élément clé du développement national par la
promotion d'un changement positif de comportement, conduisant à un
niveau de vie amélioré de la population malienne. Le choix des
radios comme centre d'intérêt de ce projet, part du fait qu'au
Mali, les radios de proximité constituent la première source
d'information des populations. Selon L'Enquête Démographique et de
Santé de 2001, << au Mali, la radio est le moyen d'information
privilégié, puisque 62% de la population l'écoute au moins
une fois par semaine>>. L'aspect communautaire de ces stations radios,
leur permet d'atteindre la communauté en termes de programmation et la
formulation dans leur langue maternelle des messages ciblant leurs
problèmes spécifiques.
Dans sa stratégie d'appui à l'éducation,
l'USAID soutient fortement la promotion de l'éducation de base à
travers trois composantes clés que sont : l'accès, la
qualité/performance et le maintien.
- l'accbs : il s'agit de soutenir toutes les
initiatives en faveur d'une scolarisation de masse, permettre à un plus
grand nombre d'enfants (filles et garçons) d'avoir accès à
l'école,
- la qualité/performance : elle a
trait à l'amélioration des curricula16 d'enseignement,
mais aussi à des approches novatrices ciblant la formation des
enseignants, le mode d'enseignement et l'amélioration de
l'apprentissage,
16 Les modules d'enseignement
élaborés par niveaux d'enseignement
- le maintien : c'est l'initiation et la
promotion d'approches également novatrices (les cantines scolaires, le
soutien pédagogique aux filles, les bourses scolaires, etc....), pouvant
réduire les échecs scolaires des enfants en général
mais particulièrement les filles.
La campagne radiophonique s'inscrit dans la composante
accès, qui se veut être un outil de changement de
comportement à travers une information de qualité des populations
qui n'inscrivent pas leurs filles à l'école, afin de les amener
à les inscrire toutes, à les suivre et à les y maintenir
aussi longtemps que possible. A travers tout le pays, 110 radios de
proximité, parmi lesquelles la radio Belekan de Kati, ont
participé à la diffusion des messages de sensibilisation des
parents d'enfants (notamment des filles) afin qu'ils les inscrivent toutes
à l'école. La diffusion de ces messages a duré deux mois,
de mi-septembre, à mi-novembre 2005. Les différents messages
étaient traduits en 11 langues nationales17,
afin de mieux cibler les populations à travers leurs langues
maternelles.
C'est ainsi qu'au regard des problèmes cités
plus haut, la question fondamentale est la suivante: les messages de
promotion de la scolarisation de filles diffusés par la radio Belekan de
Kati ont-ils contribué à réduire l'écart entre les
taux de scolarisation des filles et des garçons dans la commune rurale
de Dio-gare durant l'année scolaire 2005-2006?
Le choix de la commune rurale de Dio-gare comme site
d'étude repose sur un certain nombre de considérations :
- la commune de Dio-gare est couverte à 100% par les
émissions de la radio Belekan, qui a un très grand rayon de
couverture (40 à 65 Km selon le relief du terrain),
- les habitants de la commune de Dio-gare sont membres des
clubs de fidélité de la radio Belekan,
- dans la commune de Dio-gare dans les villages de Sotoly et
de Zambougou, l'Organisation Non Gouvernementale Helen Keller International
(HKI) dispose de trois Clubs d'Ecoute, les plus performants dans l'organisation
des séances d'écoute collective,
- l'accès facile de la zone pour les besoins
d'étude,
- le taux faible de scolarisation des filles, par rapport
à celui des garçons au niveau local (2004-2005, 83,2% pour les
garçons contre 63,3 chez les filles)18
La commune a été au centre de la campagne
radiophonique de promotion de la scolarisation des filles. Elle est couverte
dans sa totalité par les ondes la radio Belekan de Kati, une des
stations de proximité la plus écoutée dans la commune.
17 Le Bambara, le Peulh, le
Sonrhaï, le Tamasheq, le Senoufo, le Minianka, le Dogon, le Bozo, le
Soninké, le Kashonké, le Bowa
18Annuaire Statistique
CPS/MEN, 2004-2005, Page 137
Elle fait partie de la centaine de radios de proximité
qui ont été impliquées dans la diffusion des messages de
sensibilisation de la campagne à travers le Mali. Il existe
également dans la commune de Dio-gare des groupes d'écoute de
femmes, d'hommes, de jeunes et des groupes mixtes (hommes et femmes). Ils sont
également appelés Clubs d'Ecoute19
(CE). Ces CE ont été au coeur de la campagne radiophonique car
formés aux techniques d'animation de groupe et de prise de son et
dotés de matériels audio (radio cassettes et radio
freeplay20) pour des séances d'écoute
efficaces des messages traitant des thèmes de développement, dont
ceux de promotion de la scolarisation des jeunes filles. Les raisons du choix
de l'année, 2005-2006, sont dues au fait que la campagne radiophonique
de promotion de la scolarisation des filles a eu lieu en 2005 durant les mois
de Septembre, Octobre et Novembre. Les premiers signes d'une éventuelle
amélioration des taux de scolarisation des filles devraient se sentir
durant l'année scolaire 2005-2006.
L'objectif général de cette étude est de
:
mesurer l'impact des messages de promotion de la
scolarisation des enfants en général et de celle des filles en
particulier, diffusés par la radio Belekan en termes de réduction
de l'écart entre les taux bruts de scolarisation des filles et des
garçons dans la commune rurale de Dio-gare au cours de l'année
scolaire 2005-2006.
Les objectifs spécifiques sont les suivants :
o évaluer l'impact des messages de promotion de la
scolarisation des enfants en général et de celle des filles en
particulier en termes d'amélioration des connaissances des populations
de la commune de Dio-gare sur la problématique de la scolarisation des
filles,
o comparer sur une période de cinq ans (2001 - 2006) les
taux bruts de scolarisation filles et garçons dans la commune de
Dio-gare,
o comparer sur une période de cinq ans (2001 - 2006)
les écarts entre les taux bruts de scolarisation des filles et des
garçons dans la commune rurale de Dio-gare.
Pour mener à bien cette étude, les
hypothèses (fil conducteur de la recherche) suivantes ont
été retenues :
9 Les CE sont des groupes qui se sont constitués
spontanément pour soutenir la radio. Ils sont organisés et
fonctionnent sur des principes convenus entre eux. En général,
chaque CE a 1 ou 2 leaders qui sont formés en techniques d'animation de
groupe. Ils sont appuyés dans l'écoute des émissions par
un animateur de la radio qui vient leur donner les cassettes et les supervise
une fois par mois. Les CE organisent souvent des émissions sur la radio
de proximité. Les membres des CE prennent des cartes de
fidélité de la radio qui cite leurs noms au cours de certaines
émissions. Ceci est très apprécié par les
villageois.
20 Une radio Freeplay est une
radio qui renferme une petite batterie, une dynamo et une manivelle qui permet
à la dynamo de charger la batterie. Ainsi pour l'écouter, on n'a
pas besoin de payer des piles.
o les populations de la commune rurale de Dio-gare
écoutent les émissions de la radio Belekan,
o la problématique de la scolarisation des filles
contenue dans les messages diffusés par la radio Belekan est comprise
par les populations de Dio-gare,
o les messages de promotion de la scolarisation des filles
diffusés par la radio Belekan de Kati ont contribué à
réduire l'écart entre les taux bruts de scolarisation filles et
garçons dans la commune rurale de Dio-gare durant l'année
scolaire 2005 - 2006.
La méthodologie utilisée a été la
suivante :
o la recherche documentaire à différents niveaux
:
- Ministère de l'Education Nationale (MEN), notamment
des Cellules de Panification et de Statistique (CPS) et de Scolarisation des
Filles (SCOFI),
- AE et CAP de Kati,
- Maire de Kati et de Dio-gare,
- CCC de Kati,
- école fondamentale de Dio-gare,
o l'utilisation de questionnaire sur un échantillon de
la population de cent (100) individus (50 hommes et 50 femmes), dont 76 sont
des adultes et 24 des jeunes dans les villages de Dio-gare et de Sotoly,
distants respectivement de la ville de Kati d'environ 20 et 25km. Les 100
personnes sont constituées de parents des enfants d'âges
scolaires. Leur choix et la façon dont ils ont été
recrutés pour administrer les questionnaires sont purement
aléatoires,
o les entretiens individuels, suivis du dépouillement,
l'analyse et l'interprétation des données,
o avec :
- les autorités scolaires de Kati au niveau du CAP et de
l'AE,
- le directeur et quelques enseignants de l'école
fondamentale de Dio-gare),
- le sous-préfet de Kati,
- le Président du Conseil de Cercle de Kati,
- le Maire de Dio-gare,
- l'agent CCC de Kati en charge de la commune rurale de
Dio-gare,
- la directrice de la radio Belekan et l'animateur charge du
suivi des Clubs d'Ecoute (CE) de Sotoly,
Toujours dans le souci de mieux comprendre la place de la
radio dans l'information et la sensibilisation des populations, mais aussi la
problématique de la scolarisation des filles dans le milieu, des
discussions de groupe dirigées ont été tenues avec les
membres des Clubs d'Ecoute (CE) de Sotoly. Ces CE constituent des relais
communautaires, ils appuient fortement la radio dans la diffusion des
informations de développement. Ils créent un cadre de
communication interpersonnelle entre les populations et la radio en permettant
à ces dernières de pouvoir poser des questions à propos
des messages diffusés et
d'avoir des explications. Ceci renforce considérablement
leur compréhension et leur confiance à la radio.
Ce travail ne s'est pas passé sans difficultés,
dont certaines constituent des limites de l'étude. Les principales
difficultés rencontrées sont :
o l'accès très difficile aux à des
données au niveau des services de l'Etat en général et
au niveau du MEN et de ses services déconcentrés en
particulier,
o l'existence de multiples statistiques sur les mêmes
matières (exemple :TBS) de la même période et de la
même localité, avec des niveaux différents au niveau de
différents services concernés par la même question.
Exemple, concernant le TBS, il existe différentes statistiques de la
commune de Diogare au niveau du MEN (CPS, DNEB, cellule SCOFI) et au niveau de
ses structures déconcentrées (AE, CAP, Ecoles) de même
qu'au niveau de la Mairie, et au niveau de la direction de l'école,
o l'obtention de données vieilles de plus de deux ans
est très difficile. Elles sont souvent liées à la
présence d'un individu ou de quelques personnes en poste. En cas de
mutation, beaucoup de ces données restent inaccessibles.
La présente étude abordera successivement les
points essentiels suivants :
- la présentation de la commune rurale de Dio-gare
(Chapitre préliminaire), - la présentation de la radio Belekan
(Première partie),
- la campagne radiophonique de promotion de la scolarisation des
filles et son évaluation (Deuxième partie),
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