I.2.2 Théorie
générale d'une identité entre l'investissement et
l'épargne
L'expansion se caractérise par un excès de
l'investissement sur l'épargne et la récession se
caractérise par un excès de l'épargne sur
l'investissement.
Dans une série de conférence donnée
en 1931 à l'Université de Chicago, JM Keynes donne son analyse de
la crise économique et les remèdes possibles pour en sortir. Une
abondance d'épargne peut avoir des effets néfastes sur
l'économie et sur l'emploi en particulier. Avant de s'intéresser
aux différences et aux fluctuations entre l'épargne et
l'investissement, Keynes analyse les deux notions et trouve une identité
entre les deux.
L'épargne est la part du revenu non
consommé immédiatement. L'investissement permet de créer
ou d'acheter des biens de production. L'investissement peut être
matériel, c'est par exemple, l'achat de nouvelles machines de
production, mais aussi immatériel, comme dans les services.
Deux grands courants de la théorie
économique ont analysé les relations entre l'épargne et
l'investissement. Dans les années trente, l'école autrichienne et
F. Hayek en particulier, estiment que l'épargne doit être
préalable à l'investissement, si non l'entrepreneur doit avoir
fait recours au crédit, ce qui augmente son endettement.
Keynes a une vision complètement
différente : pour lui trop d'épargne peut être
nuisible à l'économie et c'est l'investissement qui
détermine l'épargne notamment avec le processus du
multiplicateur.
L'épargne peut-elle être identique à
l'investissement ? L'identité étant une notion plus large
que la notion d'égalité, comment Keynes peut-il affirmer cette
identité ? Nous analysons d'abord l'ensemble des points de vue sur
la question en essayant de voir leur évolution dans le temps:
-Pour les classiques (A. Smith, D. Ricardo, TR, Malthus)
et aussi K. Marx, l'épargne de l'un permet à l'autre d'investir.
Il y a identité entre l'épargne et l'investissement.
L'épargne précède l'investissement.
- Quand aux néo-classiques, ils s'opposent à
la pensée Keynésienne et reprennent la loi des
débouchés de J.B Say « L'offre crée sa propre
demande ». Pour Say, une augmentation de la production permet de
distribuer un supplément de revenu. L'individu, plus riche,
achètera plus de biens ou services, et facilite ainsi
l'écoulement des nouveaux débouchés. C'est une
économie basée sur l'offre qui servira de base aux
néo-classiques. Pour eux, il y a égalité a priori entre
l'épargne et l'investissement. L'Epargne est faite pour être
investie.
Le revenu est égal à la somme de la
consommation et de l'épargne et la demande est égale à la
somme de la consommation et de l'investissement. Les néo-classiques en
déduisent que le revenu est égal à la demande. C'est le
taux d'intérêt qui permet de réaliser l'équilibre.
L'augmentation du revenu permet de transmettre l'accroissement de l'offre
à la demande.
Keynes réfute ces analyses où
l'épargne égale l'investissement à priori et surtout
où c'est l'épargne qui détermine
l'investissement.
L'investissement peut-il conduire à
l'épargne ? Keynes s'oppose à la logique de
l'équilibre de marché, il préfère une approche par
le circuit (demande-revenu-dépense). Pour lui, l'épargne est la
différence entre le produit global et la consommation, et
l'investissement est la différence entre le produit global et la
consommation.
La condition d'équilibre I=S est-elle toujours
vérifiée ? L'analyse faite par le Suédois G. Myrdal
sur la distinction des valeurs ex ante et post permet de séparer les
variables entre celles qui sont possibles ou souhaitables (ex ante) et celles
qui seront effectivement réalisées (ex post).
Si nous nous situons ex ante, nous avons donc I ex ante=S
ex ante (notés I*=S*) uniquement à l'équilibre, dans les
autres cas, l'épargne des ménages n'est pas forcement
égale à l'investissement des entrepreneurs. Cette notion doit
être comprise en termes d'équilibre stable. Comme l'écrit,
M. Herland, l'équilibre stable est une situation où les agents
n'ont pas de raison de modifier leur comportement pour faire changer le
système économique. Dans ce cas, l'épargne et
l'investissement s'égalisent. Et comme l'équilibre est stable, on
doit avoir égalisation des valeurs réalisées. Ce sont
alors les variations du revenu qui permettent l'équilibre.
Dans le traité de la monnaie, Keynes
définit autrement le revenu et l'épargne. Pour le revenu, Keynes
n'inclut pas dans sa valeur le montant des pertes ou des profits anormaux.
L'épargne est égale à la différence entre le revenu
normal et la consommation.
S=I si le montant des profits ou des pertes est nul.
« L'épargne des ménages a été
compensée par les pertes des entrepreneurs ». Pour Keynes, la
variable d'ajustement est le revenu et non le taux d'intérêt comme
le prétend Hayek.
- Les classiques analysent l'épargne et
l'investissement comme la même dose. L'épargne
thésaurisée par un individu doit être utilisée par
un entrepreneur. A chaque moment, il y a identité entre l'épargne
et l'investissement. Les néo-classiques ne reprennent pas
l'identité entre les deux notions mais font une analyse en termes
d'égalité entre l'épargne et l'investissement. La variable
clé des néo-classiques est le taux d'intérêt qui
permet d'ajuster les deux niveaux. Comme dans le cas de l'équilibre
général Warlasien une situation de concurrence pure et parfaite
l'équilibre se fait spontanément sur tous les marchés. La
relation causale qui s'établit entre l'épargne et
l'investissement, va de l'épargne vers l'investissement. C'est
l'épargne qui détermine le montant de l'investissement. Keynes
s'oppose à cette égalité et reprend l'identité des
classiques. Pour lui, la relation causale est inverse, c'est l'investissement
qui détermine le revenu, et celui-ci permet, en fonction du partage que
font les ménages entre la consommation et l'épargne, de
déterminer le niveau de l'épargne.
G. Myrdal reprend le schéma Keynésien en
l'enrichissant avec la distinction ex ante - ex post. Nous pouvons avoir une
égalité entre les deux notions ex ante. Ce qui ex post n'est pas
forcement réalisable.
Lorsque la valeur de l'investissement est
supérieure à l'épargne des ménages, les recettes
des entrepreneurs sont plus importantes que leurs coûts, et ils font donc
un profit. Au contraire, lorsque la valeur de l'investissement courant est
moindre que l'épargne des ménages, les recettes des entrepreneurs
seront moindres que leurs coûts, et ils feront une perte.
Keynes dans la deuxième conférence des
Harris, propose son analyse de la crise économique. Pour lui, les
coûts de production des entrepreneurs qu'il définit comme
étant les salaires, traitements, rentes et intérêts sont la
contre partie des revenus des agents. A un coût de production correspond
un revenu, Keynes établit une partie du revenu entre la consommation des
ménages et l'épargne.
Cette même épargne sera utilisée par
les établissements financiers qui peuvent la distribuer à
d'autres ménages sous formes de crédit.
On reconnaît le processus causal Keynésien,
le revenu permet de créer l'épargne qui entraîne un autre
revenu qui est lui-même devisé en consommation et épargne.
Keynes introduit la notion de déséquilibre après avoir
réfuté l'égalité entre l'investissement et
l'épargne. Il expose deux cas ; si le taux d'épargne est
trop important, de fortes pressions peuvent diminuer le montant de
l'épargne. Il prend l'exemple des chômeurs qui veulent continuer
à consommer. L'Etat peut aussi désépargner et la
production peut ainsi s'accroître.
En concluant, Keynes affirme que ce qu'il appelle
l'équilibre de prospérité ne peut avoir lieu que si
l'investissement est à niveau égal à celui de
l'épargne nationale pendant la prospérité. Pour les
classiques, l'épargne devient investissement au cours du temps. Pour les
néo-classiques, c'est l'épargne qui détermine
l'investissement, et la variable d'ajustement qui permet d'avoir une
égalité entre les deux, est le taux d'intérêt. Pour
Keynes, c'est l'inverse, c'est l'investissement qui détermine
l'épargne et la variable d'ajustement et le revenu.
La distinction faite par G. Myrdal sur les variables ex
ante et ex post, permet de clarifier l'identité ou
l'égalité entre les deux notions.
Dans la théorie générale, et en
fonction des définitions données par Keynes, il y a forcement
identité entre l'épargne. L'investissement supplémentaire
augmente le revenu qui lui-même permet un accroissement de
l'épargne qu'équivalent à l'investissement initial. Pour
les valeurs ex ante, la relation d'égalité entre épargne
et investissement n'est vraie qu'à l'équilibre.
Dans les autres cas l'investissement des entreprises n'est
pas automatiquement égal à l'épargne et l'investissement,
c'est un point crucial dans la théorie Keynésienne surtout si on
prend en compte la distinction faite par G. Myrdal sur les valeurs ex ante - ex
post.
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