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Lee Konitz, l'art de l'improvisation

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par Yvonnick PRENE
Université Paris IV Sorbonne - Master 2 Musique et Musicologie  2011
  

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1.4.1 Claude Thornhill

Pianiste classique, compositeur et chef d'orchestre, Claude Thornhill fonda en 1939 un orchestre singulier mêlant diverses influences. En effet, les musiques impressionnistes européennes de Ravel, Debussy, de Falla et Albéniz, le be-bop et les chansons populaires de Tin Pan Alley formaient une part importante de la palette musicale de la formation. L'arrangeur Gil Evans et, quelque temps après, le saxophoniste baryton Gerry Mulligan, écrivirent pour Thornhill. Ils trouvèrent une terre fertile pour leurs expérimentations et le développement de leur vocabulaire musical. Incorporé en 1942 à 1945 dans la Navy pour aller combattre dans le Pacifique sud, Thornhill fut finalement contraint de dissoudre l'orchestre.

C'est au cours de cette période qu'il rencontra Lester Young et écouta du be-bop pour la première fois. À la fin de la guerre, il retourna à ses affaires et assembla une nouvelle formation au début de l'année 1946, qui intégrait la plupart des anciens membres dont Gil Evans. À la différence des orchestres `'swing'', de Duke Ellington ou de Count Basie par exemple, la formation de Thornhill était classée dans la catégorie des sweet bands 131 . Ceci était dû premièrement à la place modeste réservée à l'improvisation et aux sonorités d'orchestre de

chambre de la formation. Celle-ci attira néanmoins l'attention de la critique et des mélomanes.

131 Sweet band : nom donné aux grands orchestres de danse, le plus souvent composés de musiciens blancs, durant la période swing.

L'originalité de l'orchestre reposait essentiellement sur la vision unique de Thornhill. Avec lui, l'arrangeur et pianiste, Gil Evans Il furent parmi les premiers à moderniser le son des ensembles de taille moyenne et large en ajoutant des climats modaux ainsi que des lignes mélodiques issues du be-bop. Entre 1947 et 1948 Claude Thornhill donna carte blanche à Evans pour créer, selon ses propres termes, « quelque chose de nouveau qui attire l'attention, un

orchestre différent des autres... »132 Alors que les orchestres de Stan Kenton, Woody Herman et

autres privilégiaient des sonorités lourdes de cuivres et des dynamiques fortes, Thornhill favorisa une approche plus subtile et parfois complexe de l'orchestration. Il affectionnait les textures sonores élaborées. Pour ce faire, il modifia le rôle des instruments traditionnels dans l'orchestre. Il ajouta un tuba à l'orchestre qui associé au cor, engendra une unique combinaison de timbre. Evans s'en servira ensuite au côté de Miles Davis. Ainsi l'addition d'instruments comme le cor - habituellement inexistant dans le domaine du jazz - contribua, en leur attribuant des rôles de premier plan, à la logique d'un son original et axé sur un registre plus grave. Comme l'emploi novateur du tuba au sein d'une formation be-bop. Durant les années 1946 et 1948, Evans tira son inspiration du be bop « J'arrangeai les thèmes de Parker comme Claude aurait eu plaisir à les entendre. Par exemple, cette unisson sur « Anthropology »133, avec les trompettes en «cup

mute134» et deux saxophones alto plus cinq clarinettes. En outre, je voulais que le tuba joue de façon plus flexible, des passages de jazz, mais il aimait le son statique du tuba dans les accords. »135 Depuis 1941 Thornhill utilisait principalement cors, tuba, flute, clarinette basse en plus des instruments traditionnels du jazz. Ainsi la mélodie n'était plus attribuée aux saxophones

ou aux trompettes, mais à des instruments aux registres plus graves comme le saxophone baryton.

132TERCINET, Alain, West Coast Jazz, Marseille, Parenthèse, 1986, Page 357

133 Morceau bop composé par Charlie Parker basé sur la grille de « I Got Rhythm » qui fut enregistré en

Septembre 1947 par Claude Thornhill.

134 Une variété de sourdine produisant un son plus étouffé que la sourdine dites «straight».

135 «consulté en juillet 2010» http://www.bigbandlibrary.com/claudethornhill.html

«I arranged those Parker things the way I figured Claude would like to hear them. For example, that unison thing on Anthropology, with the trumpets in cup-mutes and two altos and five clarinets. And I wanted the tuba to play flexible, moving jazz passages, but he liked the static sound of the tuba on chords.»

En outre, l'accompagnement traditionnel fut finalement légué aux chaudes sonorités de trois trombones. Le son se voulait pur et donc sans recours au vibrato qui altérait sensiblement la qualité et la hauteur de celui-ci. D'après Thornhill, « À l'exception de certains passages dans nos arrangements, l'orchestre jouait sans vibrato. Le vibrato était seulement utilisé pour grossir

l'expressivité. »136 Le but de telles expérimentations était de trouver un équilibre dans la sonorité

globale des morceaux.

Evans arrangea un répertoire composé de pièces provenant des petites formations du be- bop telles que « Donna Lee »137, « Anthropology », « Yardbird Suite » de Charlie Parker, de la musique populaire comme « Early Autumn » qui était propice aux improvisations instrumentales ainsi que des thèmes de la musique classique, « The Troubadour » de Moussorgski et « Arab Dance » de Tchaïkovsky par exemple. Le passage du jeune musicien dans les orchestres était une étape naturelle dans l'apprentissage du jazzman. Konitz connu sa première expérience dans une grande formation sur les bancs de l'orchestre de Claude Thornhill. Bien que Konitz de référait à sa pratique au côté de Tristano comme la plus bénéfique à son développement, il déclarait aussi :

« chaque situation de jeu avait des éléments qui étaient satisfaisants... D'autres situations

amenèrent un aspect de mon jeu qui ne serait pas forcement sorti. »138

Ainsi, la prestation de Konitz dans la formation de Thornhill fut formatrice. Elle semblait être une école pratique du be-bop qui complétait sa formation avec Tristano. Le trompettiste Ed Zandy se souvient « Gil devait nous apprendre comment jouer cette nouvelle conception de la musique, mais finalement nous nous sommes mis à aimer des morceaux comme

« Anthropology », « Donna Lee » et « Yardbird Suite ». Claude embaucha des gars tels que Bill

Barber, un des meilleurs tubistes, le saxophoniste alto Lee Konitz, qui nous fit très peur au début,

136 «consulté en juillet»2010» /www.bigbandlibrary.com/claudethornhill.html http «With the exception of certain places in our arrangements, the orchestra played without vibrato. Vibrato was used to heighten expressiveness."

138 HAMILTON, Andy, Conversations on the Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page 181 «Each of the playing situations had elements that were satisfying...The others situation brought , out an aspect of playing that didn't necessarily come out»

et le jeune Red Rodney, un des premiers disciples blancs de Dizzy. »139 Konitz enregistra pour la première fois de sa carrière avec l'orchestre de Thornhill. Sur le morceau « I May Be Wrong » enregistré en 1947, nous entendons le jeune Konitz improviser quelques lignes derrière le chanteur Gene Williams. Il est rare d'entendre Konitz accompagner un ou une vocaliste. Sa sonorité droite et ses phrases courtes et rapides dénotaient déjà un style original et tranchant qui contrastait avec l'interprétation broadwayesque de Williams. En le comparant au jeu de Charlie Parker figurant sur les plages « Romance Without Finance » tirées de l'album du guitariste et vocaliste, Tiny Grimes, le jeu d'alto de Konitz semblait plus rigide et ne possédait pas cette fluidité d'exécution. Son jeu était original mais encore immature. Son regard rétrospectif sur cette période confirme notre analyse. « J'aurais aimé avoir été un peu plus apte à jouer confortablement à cette époque, mais j'étais toujours en train d'apprendre et un peu... le mot

est impétueux. »140 Robert Aubert et Jean-François Quievreux quant à eux accusèrent la section

rythmique qui n'aurait pas favorisée la créativité du soliste. En revanchent, ils relevèrent les interventions plus réussies de Konitz au sein du nonette de Miles Davis : « mais nous préférons, et de loin, Konitz dans le grand orchestre de Miles Davis ou, stimulé par une grande merveilleuse section rythmique, il peut se laisser aller et swinguer sans effort. De plus, son jeu «cool» convient parfaitement au jeu de Miles Davis et le complète heureusement. Ils ont

également une certaine parenté dans la conception de la sonorité. »141 Il semble nécessaire de

rappeler ici que la moitié de la section rythmique de Claude Thornhill participera au nonette de Miles Davis ou sera associée à divers projets de Gil Evans. On comptait le batteur, Billy Exner, le bassiste Joseph "Joe" Shulman et le guitariste Joseph Barry Galbraith. N'oublions pas ici que la formation de Claude Thornhill était un orchestre de danse. Il jouait dans les bals devant un public venu pour danser en premier lieu et non forcement écouter les solistes de l'orchestre. En

139 PRRIESTLAY, Brian, liner note 1948 Transcription Performance «Gil had to teach us how to play this new conception, but eventually we got to enjoy playing things like Anthropology, Donna Lee and Yardbird Suite. And Claude hired guys like Bill Barber, one of the finest tuba players in the business, alto saxist Lee Konitz, who scared the hell out of us at first, and little Red Rodney, one of Dizzy's first white disciples»

140 BAAGGANEAS, Roland , Jazz Greats Speak, Interviews with Master Musicians, Scarecrow Press, Avril 2008 «I wish that I had been a little more able to play comfortably during that period, but I was still learning and still a little bit... the word is impetuous»

141 AUBERT, Robert, QUIEVREUX, Jean-Francois, Lee Konitz, Jazz Hot, juillet-aout 1950.

conséquence, les parties improvisées n'étaient pas spécialement mises en relief et les solos durant la performance se faisaient rares. En 1949, Lee Konitz décida de quitter l'orchestre et laissa sa place au saxophoniste Hal McKusick.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand