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Lee Konitz, l'art de l'improvisation

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par Yvonnick PRENE
Université Paris IV Sorbonne - Master 2 Musique et Musicologie  2011
  

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1.1.1 Un swing contagieux

On peut d'abord s'intéresser à la mise en évidence des aspects rythmiques

caractéristiques du style de Lester Young.

Aux dires de Lee Konitz, Lester Young est l'exemple parfait de l'improvisateur accompli.

« C'était de la musique magnifique, il ne sonnait jamais de manière frénétique, ni de manière forcée. Il jouait plutôt de manière décontractée en mettant chaque phrase en place dans un bon groove. C'était très joli et à la fois très intense. »24 Dans ces propos, Konitz oppose le caractère «forcé» et «frénétique» de certains improvisateurs à la fluidité de Prez qui reste quant à lui «décontracté» et maître de son improvisation. Il confirme également ses qualités rythmiques.

On pourrait dire ainsi qu'il swinguait sans effort. À première vue, il est juste de rappeler que Young commence la pratique instrumentale à la batterie avec l'orchestre de sa famille The Blue Devils. Selon l'illustre Jo Jones, un des principaux batteurs de Young après 1942, ce dernier serait le meilleur batteur qu'il ait entendu. Sa mise en place précise et son aisance à interagir avec le batteur, quel que soit le tempo, suggéraient une fondation rythmique solide. On note la fluidité rythmique du jeu de Lester à travers la diversité des figures rythmiques employées, et ce dans les tempos lents, moyens et élevés. Là où Coleman Hawkins et Don Byas, jouent la plupart des solos en croches parfois agrémentées de triolets, Lester Young semble rechercher sans cesse de nouvelles combinaisons rythmiques dans ses phrases comme on peut l'observer dans son solo sur « When You're Smiling » avec Billie Holiday et l'orchestre de Teddy Wilson25.

24 HAMILTON, Andy, Conversations on the Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, page 10 «He never sounded frantic nor did he sound as if it was an effort to play. He sounded as if he was sitting back and putting everything right. It was very pretty and at the same time very intense»

25 WILSON, Teddy, Teddy Wilson & His Orchestra featuring Billie Holiday, New York, Columbia, 1938.

Exemple musical 1 : « When You're Smiling », Teddy Wilson & His Orchestra featuring

Billie Holiday, 1938. Dix mesures d'improvisation de Lester Young.

Son passé de batteur lui aurait permis de développer au cours de son adolescence cet atout important de son jeu. Le pianiste Oscar Peterson et accompagnateur de Young se souvient de son expérience avec ce dernier: « Lester avait cette remarquable habilité à transmettre la beauté depuis lui-même à la section rythmique. Il avait coutume de jouer des lignes qui étaient si

relaxe, même à un tempo rapide, que la section rythmique se relaxait elle aussi. »26

On pourrait affirmer que son style est la combinaison d'un swing à la fois «intense», c'est-à-dire une façon de Young d'ajuster ses notes juste sur le temps comme on peut le constater sur les enregistrements au cote de Basie, et d'autre part laid- back27, tel que l'on peut s'en apercevoir un peu plus tard dans sa carrière, quand son jeu devint langoureux et derrière le temps. Selon Young, « Je pense qu'ils finiront tous par revenir au swing et à la musique de

danse une fois de plus. Aujourd'hui beaucoup de choses sont juste de passage. Pour moi la

26 CAPONI Gena Dagel, Signifyin(g), sanctifyin', and slam dunking, Amherst University of Massachusetts Press,1999, p 256"Lester had this remarkable ability to transmit beauty from within himself to the rhythm section.[He would] play some lines that were so relaxed that, even at a swift tempo, the rhythm section would relax."

27 « Laid back » pourrait être traduit par « en retenant ».

musique doit swinguer en premier. »28 Soliste dans l'orchestre de Count Basie, Young faisait danser le public avec un swing énorme. Il façonna un style énergique, funky et inventif. Ses deux solos légendaires sur « Lady Be Good » 29 et « Shoe Shine Boy » 30 dévoilent Young, 27 ans, surfant sur les registres du ténor, usant des techniques de honk31 et du crooning32 avec un flot d'idées toujours renouvelées. Une caractéristique de son style qui apparaît alors est l'accentuation des temps faibles. On remarque que Young commence ou termine ses phrases

souvent sur les deuxième et quatrième temps de la mesure comme on le constate sur l'exemple

suivant :

Exemple musical 2 : « Lady Be Good », Count Basie, Chicago, 1936. Cinq mesures de

l'improvisation de Lester Young.

28in HENTOFF, Nat, «Pres: One Of Jazzdom's Greats Reminisces», Down Beat, mars 1956. «I think they'll all be finally coming back to swinging and to dancing to music again. A lot of the things now are just novelties. For me, the music has to swing first.»

29 BASIE, Count, The Essential Count Basie, Vol. 1, Sony, Chicago, 1936.

30BASIE, Count, The Lester Young Story (Proper Box 8), Decca, Chicago, 1936.

31 Le honk est un effet expressif de saxophone qui consiste à «surjouer», une note et à la répéter en l'accentuant. L'initiateur de cette technique est Illinois Jacquet. On peut l'entendre pour la premiere dans son célèbre solo sur «Flying Home» en 1942 avec l'orchestre de Lionel Hampton.

32 «Crooning» ce terme le plus souvent applique au chanteur tel que Sinatra ou Tony Bennett designe une

manière de jouer doucement, presque en murmurant une melodie.

À l'écoute, Young flottait au-dessus des barres de mesures et semblait communiquer directement aux auditeurs à travers son ténor avec une voix calme et sage. Selon Konitz « c'est tout coordonné et très joliment façonné [...]». Complexe dans sa simplicité [...] polyrythmique.

» 33 Complexe car le jeu de Young était imprévisible. Ses phrases pouvaient chevaucher la

carrure de telle façon que ses idées mélodiques n'étaient pas soumises au joug de la barre de

mesure.

L'accentuation du quatrième temps est un procédé rythmique efficace qui produit une impression d'instabilité et d'asymétrie. On peut le remarquer dans le pont de « Shoe Shine Boy » lors de la première grille du solo de Young. Ce procédé sera largement employé par les musiciens bop, notamment Charlie Parker au cours de la version en concert de « Cheryl »34.

Exemple musical 3 : «Shoe Shine Boy», Count Basie, 9 novembre 1936, Mosaic Records. Improvisation de Lester Young sur Shoe Shine Boy (A7; Dm7; G7 ; Gm7 ; C7)

Young utilisait des motifs rythmiques qui se prolongeaient sur les mesures suivantes. Relaxe même sur des tempos rapides, son tempérament était plutôt cool que hot. Ses lignes mélodiques enjambaient les mesures et narguaient la carrure. De cette manière il créait un effet de déplacement tout en restant dans la carrure. En conséquence, on peut affirmer que son style

était linéaire, axé sur le riff plutôt que sur une conception élaborée de l'harmonie. Toujours

33 «Communication personnelle» Octobre 2010.

34 PARKER, Charlie, Complete Savoy live performances from the Royal Roost, Savoy, 1947.

d'après Konitz « swinguer reste la chose la plus dure, vraiment. Je suis encore en train d'y travailler! C'était sans problème pour Lester. » 35 Aussi, la façon de Young tout à fait nouvelle de phraser en croches sur des tempos moyens influencera les instrumentistes de l'ère swing et du be-bop.

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