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Lee Konitz, l'art de l'improvisation

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par Yvonnick PRENE
Université Paris IV Sorbonne - Master 2 Musique et Musicologie  2011
  

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Chapitre 2

Analyse de deux improvisations sur « All the Things You Are »

« Analyser c'est découvrir la méthode »164 Laurent Cugny

Au cours de la seconde partie je m'emploierai à analyser deux solos de Lee Konitz sur le célèbre standard de Broadway « All the Things You Are ». Chaque improvisation a été choisie au cours de différentes époques de sa carrière et révélera l'évolution de son jeu en tant qu'improvisateur. Nous pourrons constater les éléments de maturation de son style au fur et à mesure de l'étude. La réflexion sera donc chronologique. Les éléments relevés permettront de se faire une idée concrète du jeu de Konitz, mais pourront, une fois connus, aider également à confirmer les influences des musiciens cités précédemment. Nous commencerons avec sa performance au Confucius Restaurant dans le quartette de Lennie Tristano en 1954, ensuite j'analyserai une récente interprétation de ce standard en quartette au Village Vanguard en 2009, issu d'un enregistrement officieux.

Konitz est totalement dévoué à improviser de manière pure. Ses improvisations sont supposées ne pas contenir de phrases préparées ou de clichés. Il choisit pour cela de se concentrer sur la mélodie, l'instant présent et, de ne pas travailler des passages qui pourraient s'insérer dans un solo. Son éthique se veut irréprochable. Il dit au cours d'une interview avec

Mike Zwerin : « dès que je m'entends jouer une mélodie familière je retire le saxophone de ma

164 CUGNY, Laurent, Analyser le Jazz, Outre Mesure, 2009, p. 394

bouche. Je laisse passer quelques mesures. Improviser signifie se présenter avec une ardoise complètement nouvelle dès la première note. C'est le procédé auquel je m'intéresse. Vous pouvez transformer le standard le plus familier en quelque chose d'entièrement frais. Le plus important est de s'éloigner des fonctions fixées. »165 En effet, il distingue les improvisateurs réels, spontanés et intuitifs de ceux qui choisissent délibérément de « préparer » leurs solos avant d'entrer sur scène. Il existe également une troisième approche qu'auraient adoptée Charlie Parker et John Coltrane, laquelle joint des éléments préparés a priori à un discours improvisé sur

le moment. Pour Konitz, « ceux qui travaillent en amont leurs solos, beaucoup le font en pensant qu'il est naïf d'improviser devant des auditeurs qui ont payé une entrée. Ils ont la sécurité de savoir ce qu'ils sont en train de jouer et ont juste à se consacrer à le délivrer très bien, ce qui est un emploi à plein temps. Je ne suis pas en train de dire que l'un soit meilleur que l'autre. J'essaie juste de différencier. »166

Ainsi, nous tenterons d'établir au cours de l'analyse de deux versions d'« All the Things You Are » l'évolution du style de Konitz. Comment l'improvisateur procède-il? Quelle est sa méthode d'improvisation? Ces interrogations détermineront la stratégie mise en oeuvre afin de mettre au jour les facettes multiples du jeu de Konitz. Nous tenterons ainsi de cerner pour chaque période la méthode d'improvisation utilisée.

165 «consulté en juillet» http://www.culturekiosque.com/jazz/miles/rhemile21.htm"As soon as I hear myself playing a familiar melody I take the saxophone out of my mouth. I let some measures go by. Improvising means coming in with a completely clean slate from the first note. The process is what I'm interested in. You can turn the most familiar standard into something totally fresh. The most important thing is to get away from fixed functions.»165

166 «consulté en juillet 2010» http://www.sawf.org/newedit/edit09182000/musicarts.asp «The one who work out their solos, many of the people do that thinking that it's naive to improvise in front of paying customers. They have the security of knowing what they're playing and just work on playing it very well which is a full time job also. I'm not saying one way is better than another. Just trying to differentiate»

2.1 Origine de « All the Things You Are »

Entendu pour la première fois à Broadway lors de la première en 1939 de la comédie musicale Very Warm for May, le célèbre morceau est le fruit de la collaboration du compositeur Jerome Kern et du parolier Oscar Hammerstein. Malgré le fiasco du spectacle, l'enregistrement de « All the Things You Are » par l'orchestre de Tommy Dorsey atteint la première place dans les classements de musique pop. Les versions de la formation d'Artie Shaw et de Frankie Masters en 1940 connurent elles aussi un large succès. C'est l'un des standards les plus populaires avec « Body and Soul » parmi les musiciens de jazz. En dépit de sa complexité harmonique et mélodique et, associé à des paroles à la mesure d'une poésie respectable, « All the Things You Are » a rencontré un vif succès public. D'après Alec Wilder, auteur de American Popular Song, « peut-être nous devrions retourner à cette ancienne théorie selon laquelle si les premières mesures d'une chanson sont chantables, la complexité du reste n'a alors plus

d'importance. »167 Cette chanson est bâtie sur une structure non conventionnelle de trente-six

mesures. C'est une forme-song ABAC plus exactement A1-A2 -B1 -B2- A1-C, qui est une variante de la forme en AA'BA''. Le morceau module à plusieurs reprises. Il commence en la bémol majeur aux mesures 1 à 5 puis module en do Majeur, mesures 6 à 8, en mi bémol Majeur des mesures 9 à 13, ensuite il passe en sol Majeur au cours de la section B aux mesures 14 à 20. Il continu en mi Majeur, mesures 21 à 23. Il retourne à la tonalité fa mineure au retour de la partie A1, module au relatif majeur, mesures 26 à 29. Ensuite, l'harmonie descend chromatiquement aux mesures 30 à 33. La chanson résout en La bémol majeur. La mélodie

167 WILDER, Alec, American Popular Song, The Great Innovators, 1900-1950, New York, Oxford Press,

1972.P79 «I am surprised as Kern is alleged to have been that it became a hit. Perhaps one should hark back to that old theory that if the opening measures of a song are singable, it doesn't matter how complex the rest of it is.»

entière de la section se compose d'intervalles ascendants de quartes et de quintes descendantes. Dans la section C de nouveaux intervalles plus grands apparaissent comme la sixte.

« All the Things You Are » est un des standards favori de Konitz qui le joue presque à chaque concert. Il figure en outre dans de multiples enregistrements réalisés aussi bien en tant que sidemen et leader. Au milieu des années 1990, il écrivit une démarcation de la mélodie originelle qu'il intitula « Thingin » dans laquelle il conserva les sections AB et modifia la grille harmonique des sections B et A''. C'est un thème qu'il avait l'habitude de jouer au côté de Tristano et de Warne Marsh. D'ailleurs, Marsh composa lui aussi une démarcation intitulée

« Dixies Dilemna », fruit d'un assignement au cours des leçons hebdomadaire avec Tristano. La première version fut enregistrée sur l'album Tale of the Two Cities. On la retrouve plus tard sur l'album Dig it de Lee Konitz en quintette cette fois, avec le saxophoniste ténor Ted Brown.

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