I.4 LA NOTION DE
SOUFFLE VITAL
I.4.a Origines des théories du
vivant
C'est à partir d'une brève synthèse des
études en anthropologie de la religion que l'on peut retrouver les
théories sous-jacentes aux concepts étymologiques. (DUBUISSON,
2004)
Tout d'abord, les théories sur la vie sont en rapport
avec les théories sur la mort, car la vie ne prend sens que lorsque la
mort peut être représentée. Les premiers témoignages
de l'existence de théories sur la vie et la mort sont les traces
laissées par les rites funéraires se trouvent chez l'homme de
Neandertal, et remontent à 200 000 ans, à l'époque du
paléolithique moyen, puis se sont surtout développés, il y
a 50 000 ans avec l'Homo Sapiens. La vie est représentée comme
étant liée aux rites de chasse et l'esprit vital est souvent
relié à l'animal, d'où l'étymologie d'animal
à partir de anima. C'est la partie
« vitalité » du concept de « souffle
vital ». (LENOIR et MASQUELIER, 1997)
Dans les sociétés traditionnelles, on trouve
l'association de l'air et du feu dans la notion de souffle vital remontant
à la préhistoire car elle est présente très
tôt dans le langage. Dans toutes les cultures traditionnelles, l'air
symbolise la vie. L'énergie vitale circule sous forme d'air à
l'intérieur du corps, mais doit être recherchée à
l'extérieur pour respirer. C'est la partie
« souffle » du concept de « souffle
vital ».
A chaque époque de l'histoire de l'humanité,
ainsi que dans chaque continent, on peut retrouver la notion de
« souffle vital » dans les rites religieux et les
théories sur la vie et la mort.
I.4.b Conception des
sociétés traditionnelles
Afrique noire
On y retrouve des traits généraux avec une
conception générale de l'Univers, de la vie et de l'homme ainsi
qu'une Sagesse postulant qu'une harmonie est préétablie dans
l'Univers mais qu'elle est sans cesse troublée et
réordonnée, et que chaque partie de l'Univers est une partie d'un
tout. La pensée se transmet par tradition orale, sous la forme de mythes
narrant la vie de héros ancêtres, mi-hommes, mi-animaux. Ces
traditions comportent aussi le totémisme, qui est le culte d'une
espèce animal ou végétale. L'ensemble de ces principes
permet de relier l'homme à la nature et les vivants aux morts. Par
exemple, chez les Bambara du Mali, on pense que le souffle vital passe par le
nez. On désigne celui qui vient de mourir comme celui qui a
« perdu son nez ». La maladie est causée par un
mauvais vent, sec et chaud, souffle des êtres nuisibles, sorciers et
djinns. Les guérisseurs Sereers de Sénégal utilisent la
fumigation comme remède. L'extraction du vent chaud du corps du malade
se fait à condition de rétablir la paix et l'entente familiale.
Le guérisseur utilise aussi son souffle dans l'oreille du malade pour
chasser les esprits nuisibles. L'oreille est un réceptacle car il
reçoit les paroles mauvaises qui peuvent perturber le rythme de la
respiration. Les maladies sont dues soit à des morts-vivants (xon-faaf),
trépassés sans sépulture, qui viennent perturber les
vivants, à des mauvais enfants (ciit a paaxeer), morts dès leur
naissance, à des pangols qui sont des génies ou des dieux
protecteurs. La frontière est ténue entre vie et mort,
équilibre et déséquilibre. (LAFFON, 2002)
Religions et
médecines traditionnelles d'Asie (VALLET, 1999 ; ELIADE, 1958)
Que ce soit en Inde ou en Chine, les religions et
médecines traditionnelles ont survécu à la modernisation
et l'introduction de l'Islam et du christianisme. Les patients consultent
toujours les guérisseurs, divinateurs et médecins traditionnels,
qui cohabitent avec la médecine moderne.
La notion de « souffle vital » est un
élément essentiel de ces traditions dans toute l'Asie, puisque
les techniques sont reliées à la notion de respiration et de
circulation d'énergie.
Le Taoïsme chinois utilise le terme
chi qui signifie souffle vital et est relié à la
respiration. Le Chi est au centre de tous les arts traditionnels
chinois : peinture, poésie, arts martiaux, médecine,
architecture, calligraphie, etc... Son apprentissage se transmet de
maître à élève par la pratique quotidienne. Une
mauvaise respiration entraîne le déséquilibre
énergétique de l'organisme. L'éveil de la conscience est
lié à une bonne respiration en aspirant les énergies du
ciel et expirant les énergies impures.
L'hindouisme est une tradition qui mêle philosophie et
religion, ainsi que science et magie. Il est à l'origine du Yoga, qui a
influencé le taoïsme chinois.
Le Yoga (union) est une technique de contrôle
de la respiration et de pratique de règles psychologiques et morales.
Elle s'emploie comme thérapie, mesure d'hygiène et permet obtenir
des pouvoirs supra normaux. L'état de concentration ultime est un
état de fusion entre la pensée et les objets. Le Yoga s'appuie
sur la théorie du souffle, considéré comme le mode de
l'âme universelle.
De même, la vie humaine est conçue en 4
parties impliquant le souffle :
· âtman ou « souffle
vital » qui correspond à la connaissance de Soi et aux
sensations, à l'âme,
· Le manas qui correspond aux
facultés mentales,
· Le corps grossier qui est lié à
l'âme par le souffle (prana)
· Le corps subtil comprenant les sens de la perception,
le sens interne et les souffles animant les fonctions organiques.
A la mort, le corps subtil suit l'âme, alors que le
corps grossier est détruit. Le souffle, principe de la vie, est
présent à la fois dans le matériel et le spirituel, et est
relié à l'air ainsi qu'à la respiration. Il peut survivre
sans le corps grossier. La délivrance de l'âme peut se faire aussi
tout en préservant la vie du corps grossier, par la pratique du Yoga.
Avec le tantrisme, le Yoga se développe au centre de
cette religion, où la méthode de délivrance est
considérée comme accessible à tous et ne
nécessitant pas de préparation spéciale. L'état de
délivrance est caractérisé par l'annulation des
désirs et donc des souffrances, l'impression que plus rien n'a de
réalité. C'est un état d'union à Dieu. La mort
produit le même état que la délivrance. Cette vision de la
mort comme délivrance comporte un effet rassurant sur le mourant.
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