-II- Le football français en passe de devenir un
modèle dans un marché en pleine mutation
1. Une santé financière bientôt retrouvée
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Le football professionnel est un monde à part dans
lequel un homme d'affaires connu pour sa gestion prudente peut se mettre
à dépenser des sommes folles pour acquérir des joueurs de
renom puis se rendre compte qu'il a plongé son club dans une situation
désastreuse car les résultats n'avaient pas suivi, faute à
la « glorieuse incertitude du sport ».
Le football est aussi un univers original parce que certains
actionnaires sont prêts à investir « à fonds
perdus » pour bâtir une équipe digne de rivaliser avec
les meilleures équipes européennes.
Enfin, le football est spécifique parce que parfois,
l'ensemble des acteurs commet la même erreur et apparaît alors une
perte en un seul exercice de près de 150 millions d'euros pour les clubs
français de Ligue 1...
1.1. Les instances du football participent au redressement
financier des clubs
Heureusement, il semble que cette «
spécificité du sport » s'amenuise pour laisser place
à plus de rationalité.
1.1.1. Les clubs français se rapprochent de
l'équilibre financier
a. Les étapes d'un parcours mouvementé
> Les errements du passé
Au regard de l'activité financière des clubs de
football professionnels, il semble que l'on puisse << dater
>> leur entrée dans l'ère primaire du << foot
business >> aux alentours des années 1995. C'est en effet
à partir de cette période que le budget des clubs a
explosé et que les dirigeants ont dû prendre des décisions
stratégiques quant à la répartition de ces
sommes.114 Leur choix s'est porté massivement sur le court
terme par l'acquisition de joueurs, d'où la création d'une
<< bulle >> qui s'est traduite par une augmentation significative
des salaires et
114 Entre la saison 96/97 et la saison 00/01, le budget global
pour l'ensemble des clubs est passé de 300 à 600 millions
d'euros.
des indemnités de transfert sans justification
réelle,115 ce qui n'a profité en fait qu'aux joueurs
et à leurs agents mais n'a pas permis d'améliorer la
compétitivité des clubs.
Au contraire, l'effet a été désastreux sur
les comptes.
A l'issue de la saison 1996/1997, le bilan cumulé de
l'ensemble des clubs de division 1 (Ligue 1 actuelle) faisait apparaître
un résultat net comptable positif de 6 millions d'Euros tandis qu'en
2001 le résultat était déficitaire à hauteur de 53
millions d'euros (dont 435 millions d'euros de charges à
répartir), puis de 151 millions d'euros en 2003.
Mais heureusement pour le football français, les
dirigeants ont su se ressaisir et assainir leurs comptes.
> « Les clubs professionnels vont mieux
»116
Les institutions encadrantes sont unanimes : tant en Ligue 1
qu'en Ligue 2, les progrès réalisés depuis la saison
2000/2001 sont très encourageants et le redressement économique
du football français est en cours.
Selon un rapport effectué par la DNCG à propos
des comptes de l'exercice 2003/2004 de la Ligue 1, il existait
déjà plusieurs points positifs : le résultat net restait
négatif mais se rapprochait de l'équilibre,117 les
capitaux propres progressaient 118 et les charges à
répartir ainsi que les dettes diminuaient (grâce notamment
à une baisse des investissements joueurs depuis quelques
années).119 Parallèlement, le solde de la contribution
mutation était redevenu bénéficiaire pour la
première fois depuis la saison 1999/2000,120 notamment
grâce à la balance des transferts positive à hauteur de
91,8 millions d'Euros (différence entre joueurs vendus et joueurs
achetés).
115 Entre les saisons 96/97 et 00/01, la
rémunération des joueurs des clubs de Ligue 1 est passée
de 130 à 300 millions d'Euros et l'investissement dans les transferts a
lui été multiplié par dix ! (Passant de 44 à 400
millions d'Euros).
116 « Situation du football français, saison
2003/2004 », introduction, Gervais Martel, Président de
l'UCPF.
117 38,9 contre 151,2 millions d'Euros la saison
passée.
118 139 contre 93 millions d'Euros la saison passée.
119 Mais les charges à répartir représentent
toujours 167 millions d'Euros et les dettes financières 66 millions
d'Euros.
120 18 contre (100,2) la saison précédente.
Lors de la publication du même rapport à propos des
comptes des 20 clubs de Ligue 1 lors de
l'exercice 2004/2005, la DNCG a confirmé l'embellie
constatée l'année précédente :
- # Les comptes de résultats cumulés font
apparaître une augmentation des produits liés à
l'exploitation,121 alors que les charges liées à
l'exploitation ont baissé.122 Le résultat
d'exploitation n'est plus négatif qu'à hauteur de 12 millions
d'euros contre 85 millions lors de la saison 2003/2004.
- # Cependant, cela ne s'est pas traduit par une
amélioration significative du résultat d'exercice en 2004/2005,
123 qui reste négatif à hauteur de 32 millions
d'euros, à cause d'un résultat exceptionnel très
négatif.124
Cette meilleure gestion de l'activité des clubs s'est
aussi traduite au niveau du bilan :
- # Les capitaux propres restent élevés à
hauteur de 112 millions d'euros même s'ils ont diminué de 20%.
- # Les capitaux permanents (capitaux propres + comptes
courants d'actionnaires) ont légèrement diminué à
164 millions d'euros, ce qui ne permet de couvrir que 85% du capital
joueurs.
- # Les dettes financières ont une nouvelle fois
baissé (5%) et n'atteignent plus que 63 millions d'euros.
- # La trésorerie des clubs de Ligue 1 était
positive lors de la clôture de l'exercice.125
Ces résultats sont encourageants mais pas autant qu'en
Ligue 2 où le résultat d'exploitation est redevenu positif
à hauteur de 640.000 alors que le résultat exceptionnel (+ 5,6
millions) a dopé le résultat net qui atteignait près de 6
millions d'euros !
On peut donc conclure qu'après l'euphorie produite par
le doublement des droits TV au cours de la saison 1999/2000, les dirigeants ont
pris en compte leurs erreurs et mènent à présent une
gestion moins hasardeuse, basée sur une meilleure maîtrise de
leurs charges d'exploitation. Cela venant se coupler à une augmentation
des produits d'exploitation (voir l'accord avec Canal + pour le championnat
français), la DNCG envisage que la Ligue 1 enregistre aussi un
résultat positif lors de la saison 2005/2006.
121 + 40 millions d'euros au titre des droits TV et + 11 millions
au titre des recettes guichet ;
122 - 10 millions de charges de personnel et - 30 millions
d'autres charges ;
123 Progression de 10% de - 35 millions à - 32 millions
d'euros ;
124 - 50 millions d'euros contre un solde positif de 10 millions
l'exercice précédent ;
125 109 millions d'euros avec une progression de 18% par rapport
à l'exercice 2003/2004 ;
Pour information, voici les résultats publiés en
juin 2005 de chaque club professionnel au cours de la saison 2004/2005 (en
milliers d'euros) :
Pour la ligue 2 :
Pour la Ligue 1 :
- # A.C. Ajaccio : 802
- # A.J. Auxerre : 5.200
- # S.C. Bastiais : (1.900)
- # F.C. Girondins de Bordeaux : (1.200) - # Stade Malherbes de
Caen : 460
- # F.C. Istres Ouest Provence : 392 - # Racing Club de Lens :
(5.500)
- # LOSC Lille Métropole : (2.000) - # Olympique Lyonnais
: 3.600
- # Olympique de Marseille : (10.600) - # Football Club de Metz :
610
- # A.S. Monaco F.C. : 140
- # F.C. Nantes Atlantique : (9.600) - # OGC Côte d'Azur :
1.900
- # Paris Saint-Germain : (17.800) - # Stade Rennais F.C.
(6.700)
- # A.S. Saint Etienne : 4.400
- # F.C. Sochaux Montbéliard : 1.100 - # R.C. Strasbourg :
2.200
- # Toulouse F.C. : 1.300
- Amiens S.C. : 61
- Angers S.C.O. : 285
- Stade Brestois 29 : 550
- La Berrichonne de Châteauroux : 640 - Clermont Foot
Auvergne : (175)
- U.S. Créteil Lusitanos Football : 200
- Dijon F.C.O. : 125
- Grenoble Foot 38 : (1.850) - F.C. Gueugnon : 350
- E.A. de Guingamp : 500
- Stade Levallois Mayenne F.C. : 909
- Le Havre A.C. : 150
- Le Mans U.C. 72 : 1.300
- F.C. Lorient Bretagne Sud : 1.250
- Montpellier Hérault S.C. : (33) - A.S. Nancy Lorraine :
24
- Chamois Niortais F.C. : 50 - Stade de Reims : 330
- C.S. Sedan Ardennes : 130
- E.S. Troyes Aube Champagne : 700
Les résultats cumulés de Ligue 1 font
apparaître que 60% des clubs y ont enregistrés un
bénéfice. C'est donc un résultat semble-t-il encourageant,
d'autant que trois clubs ont réalisé des gains records à
plus de 3,5 millions d'euros (AJA, OL et ASSE). En revanche, les 8 clubs dont
le résultat a été négatif enregistrent des pertes
d'au moins 1 million d'euros, voire même plus de 9,5 millions d'euros
pour les mauvais élèves (FCNA, OM et PSG). Le bilan pour la Ligue
1 lors de la saison 2004/2005 est donc contrasté mais encourageant.
En ce qui concerne la Ligue 2, seul un club a
enregistré une perte dépassant 200.000 euros et 85 % des clubs
ont réalisé un bénéfice lors de cette même
saison (en moyenne de 400.000 euros). Cependant, deux clubs tiraient leur
épingle du jeu avec un bénéfice supérieur à
1,2 millions d'euros (Le Mans et le F.C. Lorient).
> Les perspectives d'avenir
Ce constat d'entrée des clubs dans une nouvelle
ère de croissance et de prospérité qui les mènera
peut-être au sommet européen est conforté par
l'évolution juridique et fiscale, ainsi que par la nouvelle augmentation
des droits TV.126
Le budget des clubs devrait ainsi augmenter notablement, alors
que dans le même temps le législateur a mis en place un nouveau
système « tax free >> concernant 30% de la
rémunération des joueurs, ce qui devrait permettre de diminuer
l'écart financier entre les clubs français et leurs voisins, et
attirer de nouvelles stars sans pour autant plomber les comptes des clubs
pendant 5 ans.
Il faut toutefois rester lucide, le monde du football est
particulier : les investissements déraisonnés des années
1999/2000 ont été réalisés par des dirigeants qui,
avant d'être Présidents de club, étaient reconnus dans leur
domaine pour être de bons gestionnaires. Prenons l'exemple de Robert Luis
Dreyfus, l'actionnaire principal de l'OM, qui a redressé successivement
Saatchi puis Adidas, ou de François Pinault, l'actionnaire du Stade
rennais, ou encore Yves de Chaisemartin, patron de la Socpresse et
propriétaire du FC Nantes. Un dirigeant d'un grand club affirmait :
« On n'a pas idée de ce que représente le fait de
présider un club de football qui réussit. Il n'y a que la
politique qui soit aussi forte. Quand vous êtes nommé, vous
êtes un parfait inconnu. Quelques mois plus tard, vous faites l'ouverture
du JT de TF1. Cela vous donne l'illusion que, comme au casino, vous allez
gagner beaucoup d'argent. >>127
Les inquiétudes quant à l'utilisation des
produits issus des droits TV sont donc toujours d'actualité et
même au sein de la DNCG, on craint un retour aux années de
dépenses inutiles et néfastes. En outre, force est de constater
que la masse salariale stagne à hauteur de 46% du budget des clubs (soit
59% charges sociales comprises).
126 Canal + versera aux clubs 600 millions d'Euros par an pour
bénéficier de l'exclusivité des droits sur le championnat
français.
127 « Ces patrons qui ruinent le football »,
L'expansion du 1er juin 2002.
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