1.2.2. Les allègements fiscaux spécialement
conçus pour les clubs
a. La diminution du poids des charges sociales grâce
au droit à l'image collectif
> La reconnaissance d'une demande récurrente
Dès 1996, l'union professionnelle des clubs de football
professionnel français a fait réaliser une étude faisant
apparaître << qu'outre une différence de puissance
économique qui permettait aux clubs étrangers de mieux
rémunérer leurs joueurs, il existait, au détriment de la
France, d'importantes disparités de régimes fiscaux et sociaux,
touchant notamment les charges patronales. >>166
Dès lors, l'UCPF a proposé de << faire échapper
à la législation du travail et de la sécurité
sociale une fraction de la rémunération perçue par le
sportif professionnel, représentative de l'exploitation de son image par
son employeur >>.
166 Le droit à l'image des sportifs professionnels,
service des affaires européennes, septembre 1997.
En fait, cela aboutissait à suivre l'exemple de nos
voisins européens (Allemagne, RoyaumeUni, Italie et Espagne) dans
lesquels l'exploitation des droits à l'image se faisait
déjà hors du contrat de travail, l'Espagne permettant même
aux joueurs de percevoir une participation aux bénéfices obtenus
en contrepartie de l'exploitation commerciale de leur image alors que l'Italie
envisageait d'exonérer de charges sociales la fraction supérieure
à 650 000 euros.167
> La loi corrige l'utilisation imparfaite et parfois abusive
du droit à l'image
Lors de débats parlementaires, la commission aux
affaires culturelles fit remarquer que paradoxalement, le droit à
l'image ne profitait qu'à une dizaine d'individus alors que le football
est par essence un sport collectif. Or, la valorisation de l'image s'est
nettement développée sous l'influence du choix des clubs de
diversifier leurs recettes grâce notamment aux produits
dérivés de leurs marques et au sponsoring.
De ce point de vue, l'adoption d'une loi permettant de
rémunérer les joueurs grâce à l'image collective,
celle de l'équipe, paraissait en totale harmonie avec la vision
française du sport : le mot d'ordre étant en effet la
solidarité.
En outre, les clubs voient depuis longtemps dans le droit
à l'image le moyen de soustraire une fraction de la
rémunération du joueur aux charges sociales. Des montages
sociétaires ont ainsi été créés en vue de
reverser indirectement au joueur un surplus de rémunération via
une société au titre de son droit à l'image. Etonnamment,
l'administration a autorisé cette pratique dans une circulaire du 28
juillet 1994 prévoyant que « certains clubs [pouvaient] assurer
une partie de la rémunération au joueur, sous forme d'un
versement à une société domiciliée en France ou
à l'étranger, chargée d'exploiter le droit à
l'image de celui-ci ».
Cependant, cette pratique n'était permise qu'autant que
les clubs versaient les charges sociales relatives à ce que
l'administration considérait comme des rémunérations
découlant du salaire des joueurs.
167 Le droit à l'image des sportifs professionnels,
service des affaires européennes, septembre 1997
> Le droit à l'image fait échapper 30% du
salaire brut total aux charges sociales
La loi du 15 décembre 2004 portant diverses
dispositions relatives au sport professionnel permet désormais aux
sociétés sportives de verser une partie de la
rémunération du joueur sans être soumises au paiement de
charges sociales.168 Le nouvel article L 785-1 du code du travail
précise en effet que « n'est pas considérée comme
salaire la part de la rémunération versée à un
sportif professionnel par une société [sportive], et qui
correspond à la commercialisation par ladite société de
l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient.
»
En principe, les modalités de fixation de la part de
cette rémunération doivent être fixées au moyen
d'une convention collective en fonction des recettes commerciales
générées par l'exploitation de l'image collective de
l'équipe sportive. La charte du football professionnel, qui a valeur de
convention collective a récemment été modifiée pour
permettre l'application rapide de ce texte.169
Depuis février 2005, les recettes de parrainage, de
publicité et de merchandising ainsi que celles provenant de la cession
des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions peuvent
servir à rémunérer les joueurs, dans la limité
toutefois de 30% de la rémunération brute totale y compris les
primes de toute nature.
Il convient toutefois d'apporter quelques précisions :
l'article L 785-1 du code du travail prévoit que la part de
rémunération correspondant à la commercialisation de
l'image collective de l'équipe ne s'applique pas « à la
part de rémunération inférieure à un seuil
fixé par les convention collectives », désormais
fixé à 120.000 euros par le nouvel article 750 bis de la charte
du football professionnel.
Prenons l'exemple d'un joueur qui perçoit
habituellement 150.000 euros par an. La part de son salaire versée sous
forme de droits à l'image collective ne peut pas aller au-delà
des limites fixées par la loi, soit 30%, donc 45.000 euros. Si la
société souhaite réaliser une économie de charges
sociales en remplaçant une partie de son salaire par cette
rémunération, elle pourra lui verser un salaire de 105.000 euros
et une rémunération liée à son droit à
168 Loi n°2004-1366 du 15 décembre 2004.
169 Dossier : « droit à l'image collectif : les
questions dans les vestiaires », Denis Provost et
Frédéric Chatzle, sur le site de l'Union Financière de
France.
l'image de 45.000 euros. Mais le seuil fixé par la LFP
ne permet aux clubs de reverser les produits de la commercialisation des droits
à l'image collective que lorsque le montant du salaire excède
120.000 euros. En l'espèce, la somme ainsi distribuée au joueur
au titre de ces droits à l'image ne pourra être que de 30.000
euros (150.000 - 120.000), et le salaire devra donc d'élever à
120.000 euros.
> La rémunération moyenne devrait augmenter
L'opportunité ainsi offerte aux clubs aura certainement
deux effets distincts : d'une part, les joueurs déjà liés
au clubs devraient voir leur contrat de travail modifié pour que 30% de
leur rémunération annuelle soit désormais issue de la
commercialisation des droits télévisés. Denis Provost
pense que l'introduction de ce nouveau système « conduira
à une augmentation des rémunérations globales des
sportifs, dans la mesure où ceux-ci et leurs agents pourront faire
pression sur les clubs (sociétés sportives) afin qu'ils
redistribuent sous forme de suppléments de salaires une partie de
l'économie de charges sociales réalisée sur la part du
droit à l'image collective. »170 On peut imaginer
que cette hausse se situera autour de 15% selon l'importance du joueur. D'autre
part, lorsqu'un club français tente d'attirer un joueur dont les revenus
sont déjà élevés, cela pourrait conduire à
garder une base salariale élevée et à y ajouter ces fameux
30%.
> La majorité des joueurs serait perdante
Selon la notoriété d'un joueur, les
négociations avec le club seront distinctes : quand l'un verra son
salaire actuel augmenter de 20 à 25%, l'autre ne
bénéficiera peut-être que d'une augmentation de 5%.
Par ailleurs, cette part dans la rémunération du
joueur n'est pas à son avantage. Il ne pourra plus
bénéficier des abattements de 10 et 20% sur les salaires et la
diminution de la base des cotisations pourra « entraîner une
réduction des droits sociaux tel qu'allocations de chômage, de
retraite complémentaire, indemnités journalières en cas
d'accident du travail ». Ces différentes modifications dans la
situation du joueur devront être compensées par une augmentation
de sa rémunération sans quoi il se trouvera
lésé.
170 Dossier : « droit à l'image collectif : les
questions dans les vestiaires », Denis Provost et
Frédéric Chatzle, sur le site de l'Union Financière de
France.
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