2- Les deux projets de déclarations de
l'Organisation de la Conférence islamique et la Déclaration
du Caire de 1990
Les Etats musulmans, regroupés dans une
organisation internationale régionale (l'Organisation de la
conférence islamique, appelée O.C.I, créée depuis
1970) n'ont pas été insensibles à la valorisation des
droits de l'Homme sur le plan international.
C'est pourquoi l'Organisation de la Conférence
Islamique (O.C.I) a entrepris aux cours des années 1980 des efforts pour
élaborer une déclaration sur les droits de l'Homme, d'autant plus
"qu'une Déclaration Islamique Universelle des Droits de l'Homme" a
été adoptée par une organisation non gouvernementale le 19
septembre 1981 ; en l'occurrence le Conseil islamique pour l'Europe. Afin
d'éviter de laisser le terrain des droits de l'Homme inoccupé par
les Etats musulmans, l'O.C.I a procédé à
l'élaboration de deux projets de déclarations avant d'adopter,
lors de la réunion de Caire, la Déclaration des droits de l'Homme
en Islam.
Le premier projet est dénommé
"Déclaration des droits et des obligations fondamentaux de l'Homme en
Islam " publiée en 1979. Sa caractéristique fondamentale est
son attachement à la Loi islamique. En effet dès le
préambule, il est écrit :
" Au nom de Dieu..., reconnaissant que les droits et les
obligations de l'homme en Islam sont régis par des textes
impératifs qu'à fournis le créateur, lui qui est le
législateur suprême, si bien que l'homme ne saurait jamais y
porter atteinte, ni feindre de les oublier, ni même d'y renoncer,
... "
Le deuxième projet est dénommé
" Déclaration sur les droits de l'Homme en Islam "
publié à Taif en janvier 1981. Ce projet proclame la
spécificité de la Loi islamique et insiste sur le rôle
essentiel de la communauté musulmane ou la " Nation est
qualifiée pour guider l'humanité perplexe entre les courants
et les idéologies compétitifs et pour proposer les solutions
islamiques aptes à résoudre les problèmes anachroniques de
la civilisation matérielle ".
Ces deux projets ont donc précédé la
Déclaration du Caire adoptée le 5 août 1990 par la
conférence des ministres des affaires étrangères de
l'O.C.I. La Déclaration comporte un préambule et vingt-cinq
articles. Elle est essentiellement basée sur des convictions
religieuses. Elle reconnaît les droits civils et politiques, des droits
sociaux, économiques et culturels. Elle établit des règles
relatives au droit humanitaire, effleure le problème du droit au
développement et proclame des devoirs à la charge de certaines
personnes physiques et morales. On remarque que la dénomination
donnée à la Déclaration est moins ambitieuse que celle
formulée par le Conseil islamique pour l'Europe, puisque l'on a
évité de qualifier cette déclaration d'universelle. En
omettant volontairement la qualification d'universelle, les Etats membres de
l'O.C.I n'ont pas voulu réaliser "une relecture de l'islam ".
Certains islamologues pensent que l'Islam est
parfaitement capable d'intégrer la théorie moderne des droits de
l'Homme à condition d'être interprétée à la
lumière de la société actuelle. Mais rien de tel dans la
Déclaration du Caire ; elle s'est limitée à rappeler le
cadre inviolable de la Loi islamique pour la plupart des droits
énoncés.
Il est important de signaler que ces documents se
réfèrent rarement aux documents des Nations Unies. La 2ème
déclaration de l'O.C.I dit qu'elle vise à "accompagner les
efforts déployés par l'humanité pour faire valoir les
droits de l'Homme dans les temps modernes, notamment la proclamation et les
conventions adoptées par l`Assemblé générale des
Nations Unies, aux fins de protéger l'homme contre les forces brutales
et d'affirmer sa liberté et ses droits dans la vie ". La
référence aux textes des Nations Unies a disparu dans la
3ème Déclaration ; celle-ci vise à "contribuer aux
efforts de l'humanité visant à garantir les droits de l'Homme,
à le protéger de l'exploitation et de la persécution,
à affirmer sa liberté et son droit à la vie digne en
accord avec la Loi islamique ". Ce désintéressement à
l'égard des textes onusiens découle de l'idée que l'Islam
se suffit à lui-même et n'a pas besoin de s'appuyer sur d'autres
systèmes pour protéger les droits de l'Homme.
A travers l'étude de ces documents, c'est la
même idée qui est ressortie de l'étude des autres documents
propres aux Etats musulmans ; le musulman n'a pas à chercher en dehors
de l'Islam des solutions à ses problèmes puisque l'Islam offre
des solutions éternelles et bonnes dans l'absolu. Les droits dont il
jouit et les restrictions qui lui sont imposées trouvent leur source
dans le Coran et, subsidiairement dans la Sunnah.
La conformité avec la Loi islamique n'est pas
une tâche facile. Les controverses et les divergences sont courantes. Le
document du Caire est une simple déclaration. Cela signifie que les
Etats musulmans n'ont pas réussi à adopter un instrument
conventionnel ayant un caractère obligatoire. La Déclaration de
Caire mérite une lecture attentive pour tenter d'identifier les
contradictions dans les textes car elle constitue l'une des manifestations les
plus marquée de l'irruption de l'Islam sur la scène
internationale.
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