Plusieurs recherches ont abouti à la conclusion selon
laquelle la famille est un élément essentiel dans la
réussite scolaire (Coleman, 1961; Jencks, 1972). Elle fait partie des
principaux prédicteurs de l'abandon scolaire. La réussite ou la
rétention des enfants à l'école peuvent s'expliquer par le
niveau d'instruction des parents, leur profession, leur niveau de revenu, les
conditions de logement, la disponibilité des moyens d'information ou de
communication, les attitudes et comportements des parents, etc. Les variables
familiales peuvent se regrouper en trois catégories : les
caractéristiques familiales, la participation parentale au
suivi scolaire et le style parental.
II.2.1.1 Le niveau d'instruction des
parents
Les études menées par Kakpo (2009), Glasman et
Besson (2004), Thin (1998), Lahire8 (1995) ont abouti à la
conclusion que le niveau d'éducation des parents influence toujours la
réussite scolaire de leurs enfants. C'est ainsi que, l'enquête de
l'Union européenne sur les revenus et les conditions de vie (EU-SILC,
2005) indique que la majorité des jeunes âgés de
8 Ces auteurs ont été cités par
Ousmane Sokhna.
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au
Cameroun
25 à 34 ans dont les parents ont un faible niveau
d'éducation ont eux-mêmes atteint un niveau d'études
inférieur à la moyenne.
Bélanger(1961) a abouti à l'issue de ses
travaux à la conclusion selon laquelle il existe une forte relation
entre la réussite, le maintien scolaire et la scolarité des
autres membres du ménage (parents, frères et soeurs
ainés). Son analyse montre que l'influence de la scolarité des
parents sur la réussite, en particulier celle de la mère est
très élevée.
Selon une étude de Langevin 9(1992), les
enfants dont les pères possèdent huit ans et moins de
scolarité ont un risque trois fois plus élevé d'abandonner
que ceux dont les pères ont la scolarité plus
élevée. La conclusion selon laquelle le niveau d'études
des parents a une influence significative sur la probabilité pour les
enfants de rester plus longtemps à l'école est également
ressortie des travaux réalisés par Masson et Khandler3
pour la Tanzanie en 1996. Ces derniers ressortent par ailleurs la liaison
très forte existante entre le niveau d'instruction de la mère et
la probabilité de rétention des filles à l'école.
Il ressort d'une étude réalisée pour le Ghana par
Montgomery, Kouamé et Olivier (1995) que les enfants en milieu rural qui
ont au moins neufs ans de scolarisation sont ceux dont les mères ont
atteint le niveau secondaire. Tandis que ceux qui abandonnent les études
à l'issue de cinq années de scolarisation sont ceux dont les
mères n'ont aucun niveau d'instruction.
II.2.1.2 La composition du
ménage
D'autres recherches ont abouti au fait que la structure ou la
composition du ménage affecterait les résultats scolaires. Jean
Wakam (1999) lors d'une étude sur le thème «
Relations de genre, structures démographiques des ménages
et scolarisation des jeunes au Cameroun » a évalué
l'impact de la structure démographique des ménages sur la
fréquentation et le maintien des jeunes de 15-24 ans à
l'école. Il a abouti aux résultats selon lesquels : (1) la
présence et le nombre d'enfants en bas âge affectent
essentiellement la scolarisation des filles et davantage dans les
ménages dirigés par les femmes (MDF) ; (2) la présence et
le nombre de femmes adultes et âgées tendent à favoriser
systématiquement la scolarisation tant féminine que masculine et
témoigne de la "substituabilité" des femmes et des enfants, et
notamment des filles, dans l'accomplissement des tâches domestiques
tandis que la présence et le nombre d'hommes ne favorisent tout au plus
que la scolarisation masculine et réduisent systématiquement
celle des filles, sauf dans les MDF. Par ailleurs
9 Cité par Ousmane Soknha
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au Cameroun
provenir d'une famille nombreuse ou d'un foyer désuni
apparaissent également être des facteurs de risque (Rumberger et
al., 1990; Violette, 1991 ; Astone et McLanahan, 1991; Ekstrom et al., 1986;
King, 1989).
II.2.1.3 La discipline dans le
ménage
Des études longitudinales sur le fonctionnement
familial ont pu démontrer le risque élevé de
décrochage pour les enfants vivant dans un environnement familial
où les parents ne prennent pas assez d'attention à
l'éducation de leurs enfants. Baumrind (1978) a élaboré
trois styles parentaux différant sur le plan des valeurs et des
comportements : les styles autoritaire, démocratique et permissif.
Rumberger et Al. (1990) ont démontré lors de leur étude
sur le décrochage scolaire la responsabilité importante des
parents dans la réussite scolaire de leurs enfants. Pour ces auteurs,
les décrocheurs proviennent en majorité de familles où le
contrôle parental est laxiste. Un style parental permissif
caractérise ces familles. Les parents ne sont pas assez rigoureux, ils
ne manifestent pas assez d'intérêt à la scolarité de
leurs enfants, ne réprimandent pas les échecs scolaires ou
à contrario ne gratifient pas les réussites. Ces parents
n'assistent pas leurs enfants dans l'accomplissement de leurs devoirs
scolaires. La persévérance et la motivation de l'enfant se voient
ainsi durement affectées de façon négative. Leurs
résultats démontrent également que les familles des
élèves identifiés comme n'étant pas à risque
de décrocher ont plus tendance à être
démocratiques.
II.2.1.4 Le décès d'un
parent
Le décès d'un parent peut avoir aussi des
répercussions importantes sur les résultats scolaires d'un
enfant. Manvire (1997) lors d'une étude menée en Ouganda trouve
que : « la majorité des filles ayant abandonné leurs
études avaient leurs deux parents en vie, tandis que les garçons
ayant abandonné avaient plus fréquemment leurs parents
décédés. Ce qui signifie que la mort du père est
plus susceptible de précipiter la fin prématurée de la
scolarisation des garçons que celle des filles. Alors que la
longévité du père n'empêche pas
nécessairement les filles d'abandonner les études ».
II.2.1.5 Le niveau de vie du
ménage
Une autre variable familiale importante à prendre en
compte demeure le revenu des parents ou le niveau de
vie de ceux-ci. En effet, il serait absurde de parler de famille sans en
mentionner les conditions d'existence. Des études menées dans des
pays industrialisées attribuent à la famille et au milieu
socio-économique une grande influence sur la persévérance
et la réussite scolaire. La plus fameuse d'entre elles a
été l'enquête de Coleman (1966) aux
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au Cameroun
Etats-Unis. Le Canada a été le siège d'une
étude publiée dans le rapport The Canadian Fact Book on
Poverty» (1989) qui a révélé que les taux d'abandons
dans le secondaire parmi les enfants de famille pauvre était 2.2 fois
plus grand que le taux parmi les élèves issues de familles non
pauvres. Dans de telles familles (pauvres) en Afrique, lorsque les parents ne
parviennent plus à assurer financièrement l'éducation de
leurs enfants, ces derniers s'engagent dans des activités lucratives,
généralement le petit commerce, pour payer eux-mêmes leurs
frais de scolarité. Ce qui soulève alors le fameux
problème de « travail des enfants » pour ceux parmi ces
enfants n'ayant pas encore atteint l'âge d'entrer en activité (qui
est de 15 ans selon le BIT).
Toutefois d'autres facteurs entrent en jeu dans l'analyse des
déterminants des abandons ou de la réussite scolaire(s). Ainsi
comme le souligne Charlot :
«Il existe un ensemble de processus qui s'articulent
les uns des autres. Les uns sont construits dans la famille, les autres dans
l'école, et le résultat dépend de l'articulation de
l'ensemble....il y a des choses qui se passent au sein des familles qui
n'empêcheront jamais certains enfants de réussir à
l'école. Et, à l'inverse, il y a des choses qui se passent
à l'école qui n'empêcheront jamais certains enfants de
réussir, compte tenu de ce qui se passe dans leurs familles»
(Bernard Charlot dans Dubet, 1997: 76).