Les facteurs individuels sont des facteurs inhérents
à l'individu. Ils varient donc d'un individu à un autre. Ils
peuvent être regroupés en trois groupes à savoir : la
qualité de l'expérience scolaire, les habitudes de vie de
l'individu ainsi que sa personnalité.
II.2.2.1 La qualité de l'expérience
scolaire
La qualité de l'expérience scolaire
s'avère est un des plus puissants prédicteurs du
décrochage scolaire (Janosz et al., 1997 ; Rumberger, 1995).
Parmi les facteurs de risque les plus importants on note : des habiletés
intellectuelles et verbales faibles, l'échec et le retard scolaire, une
motivation et un sentiment de compétence affaiblies, des aspirations
scolaires moins élevées, des problèmes
d'agressivité et d'indiscipline, de l'absentéisme, ainsi qu'un
faible investissement dans les activités scolaires et parascolaires
(Bachman et al., 1971 ; Cairns et al., 1989 ; Ekstrom et
al., 1986 ; Elliot et Voss, 1974 ; Ensminger et Slusarcick, 1992 ; Howell
et Frese, 1982 ; Janosz et al., 1997 ; Rumberger, 1995 ; Wehlage et
Rutter, 1986). Barrington et Hendricks(1989) ont mené une étude
longitudinale sur 651 jeunes du secondaire. Ils ont effectué une
comparaison des décrocheurs avec ceux qui ont obtenu leur
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au
Cameroun
diplôme à temps plein. Les résultats
stipulent que les décrocheurs présentent des taux
élevés d'absentéisme (taux qui augmentent au fil des
années), les enfants sous-performants, i.e ceux qui ont des
résultats inférieurs à ceux recommandés sont plus
susceptibles d'abandonner leurs études.
II.2.2.2 Les habitudes de vie
En ce qui concerne les habitudes de vie, les études
longitudinales ont identifié les facteurs de risque suivants : fumer du
tabac ou faire usage de psychotropes, flâner, avoir des conduites
délinquantes, fréquenter beaucoup les membres du sexe
opposé et avoir un enfant (Cairns et al., 1989 ; Ekstrom et
al., 1986 ; Fagan et Pabon, 1990 ; Newcomb et Bentler, 1986 ; Rumberger,
1983 ; Weng et al., 1988).
II.2.2.3 La personnalitéSur
le plan de la personnalité enfin, les futurs décrocheurs semblent
afficher une faible
estime de soi, des états affectifs négatifs,
manifestent des troubles psychiques et ont le sentiment que ce sont des
facteurs externes qui régissent leur destinée (Bachman et
al., 1971; Ekstrom et al., 1986 ; Horwhich, 1980 ; Janosz et
al., 1997). Finn (1989) dans son modèle frustration-estime de soi
montre que l'échec scolaire n'est rien d'autre que le point de
départ d'un cycle pouvant aboutir au rejet de l'école par
l'enfant ou à l'inverse, le rejet de l'enfant par l'école. Ses
analyses démontrent que l'échec scolaire peut conduire à
une perte d'estime de soi et éventuellement au rejet du
système.
II.2.3 Impact des facteurs scolaires sur l'abandon
scolaire
L'école de par sa structure, son organisation, son
cursus, son climat influence l'expérience scolaire des
élèves. Plusieurs auteurs ont pu le démontrer (Bos,
Ruijters et Visscher, 1990 ; Brookover, Beady, Flood, Schweitzer et Wisenbaker,
1979 ; Entwisle, 1990 ; Gottfredson, 1986 ; Hallinan, 1987 ; Lindström,
1993 ; Purkey et Smith, 1983 ; Rutter, Maughan, Mortimore, Ouston et Smith,
1979). Rudolph H. Moos4 reste un pionnier en matière
d'évaluation des environnements éducatifs (1979). Les quelques
grands principes sur lesquels repose sa pensée sont :
· Une conception dualiste de la relation
individu-environnement (Murray, 1938). L'individu éprouve des besoins
spécifiques (affiliation, sécurité, accomplissement,
reconnaissance) auxquels l'environnement répond ou non.
4 Les auteurs précédents ainsi que Moos
ont été Cités par Janosz.
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au
Cameroun
· En tant que composante de l'environnement, le climat
social représente la personnalité singulière d'un
environnement en ce qu'il traduit la façon dont celui-ci répond
aux besoins individuels. Moos (1979) souligne que outre le climat social,
l'environnement éducatif comporte également une composante
physique (architecture, arrangement spatial, localisation dans le quartier,
etc.), une composante organisationnelle (nombre d'élèves, ratio
élèves-enseignants, ressources financières) et une
composante d'agrégation sociale entendu comme l'ensemble des
caractéristiques du corpus d'élèves
· Le comportement humain est davantage tributaire de
l'interaction entre les caractéristiques individuelles et
environnementales que de la contribution séparée de ces deux
facteurs. Ce comportement est mieux prédictible lorsqu'on
considère l'interaction de l'individu avec son contexte social que
lorsqu'on prend séparément l'effet des caractéristiques
individuelles ou l'effet de l'environnement sur le comportement.
La notion d'environnement scolaire fait appel à deux
entités structurelles : la classe et l'école qui l'inclut. Moos
et Trickett (1974) ont mis en place un instrument qui évalue le climat
de la classe plutôt que l'école. Il se pose alors la question de
savoir laquelle des entités est à privilégier. Dans le
cycle primaire, la classe représente un environnement assez stable aussi
bien sur le plan physique (la plupart des cours sont donnés dans le
même local, l'élève est assis sur le même table banc
tout au long de l'année scolaire) que sur le plan social (un seul
enseignant pour un seul groupe d'élèves). Dans le secondaire par
contre, un groupe d'élèves doit s'adapter à plusieurs
enseignants (de sept à huit) et l'enseignant à plusieurs groupes
d'élèves.
La classe régulière de l'enseignement primaire
présente des attributs quantitatifs (stabilité, fréquence)
et qualitatifs (relations sociales et éducatives
privilégiées) différentes de celle du secondaire. C'est
pourquoi Janosz pense que l'impact de l'environnement éducatif de la
classe sur l'adaptation scolaire (apprentissage et comportements) des
élèves sera beaucoup plus important pour les classes du primaire
que pour les classes régulières du secondaire. Les études
théoriques privilégient l'ensemble de l'école plutôt
que la classe à titre d'environnement éducatif.
Janosz et Al (1997) lors de leurs travaux sur les
déterminants de l'abandon scolaire ont utilisé deux sources de
données issues d'enquêtes longitudinales pour examiner les
prédicteurs les plus puissants de l'abandon scolaire et évaluer
leur stabilité au fil du temps. La première source de
données recueillie en 1974 ciblait 791 enfants francophones
âgés de 12 à 16 ans et
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au Cameroun
sélectionnés de façon aléatoire dans
la région de Montréal. La deuxième source de
données recueillie en 1985 ciblait 791 enfants de Montréal. La
particularité de ce deuxième échantillon réside
dans le fait que ces enfants proviennent de familles de statut
socio-économique faible ou moyen. Ils sont parvenus au terme de leurs
travaux que le redoublement est la variable explicative la plus
déterminante de l'abandon scolaire.
Le plus souvent les difficultés scolaires apparaissent
comme la principale raison évoquée pour justifier l'abandon des
études. Ces difficultés prennent différentes formes selon
l'ordre ci-après : difficultés d'apprentissage, mauvaises notes,
retard scolaire. Le résultat pouvant être le découragement
qui à son tour conduit à l'abandon. Ainsi donc ressort la
relation étroite existante entre le redoublement scolaire et l'abandon.
C'est ainsi par exemple que Martin et Al. (1988) Observent après analyse
des statistiques nationales de la France que 10,7% des élèves
redoublants (entendu comme ceux ayant déjà repris une classe)
terminent le primaire contre 55,1% parmi les non redoublants.
Rumberger (1995) s'est servi d'un modèle multi niveau
pour analyser l'abandon scolaire au niveau intermédiaire. Pour cela il a
utilisé des données relatives à environ 25000
élèves de 1000 écoles, données recueillies dans le
cadre de la « National Education Longitudinal Survey of 1988
». La collecte de ces données s'est effectuée en deux
temps, en 1988 et en 1999. Rumberger a effectué une classification de
ses variables de prédiction du décrochage scolaire en
différentes catégories parmi lesquelles les
caractéristiques familiales, les antécédents scolaires et
les mesures de l'attitude de l'élève. D'autres indicateurs ont
également été introduits à savoir la taille de
l'école, le milieu de résidence de l'école (milieu urbain
ou rural), la composition de la population des élèves et le ratio
élèves-enseignant. Les résultats ont
révélé que le redoublement est la variable explicative la
plus pertinente ou significative de l'abandon scolaire.
II.3 Hypothèses de l'étude et
schéma conceptuel
L'objectif principal que poursuivent les analyses
statistiques dans l'étude d'un phénomène est d'expliquer
les variations de ce phénomène dans ses niveaux soit dans le
temps, soit au sein des différents groupes d'une population. Cette
explication suggère un processus d'identification des facteurs causals
responsables des changements dans les niveaux observés du
phénomène. Ces facteurs causals peuvent prendre très
souvent la forme d'hypothèses qui feront l'objet de
vérifications.
Analyse des déterminants de
l'achèvement du cycle d'enseignement primaire au Cameroun II.3.1
Hypothèses
Le contexte de la scolarité au Cameroun, ne nous
permet pas de nous limiter dans le cadre de cette étude aux seuls
facteurs explicatifs retenus dans la littérature. En effet, au Cameroun
la scolarisation varie fortement en fonction des régions et du milieu de
résidence, ce qui entraine également une variation des abandons
en fonction de la région et du milieu de résidence. De même
la religion pourrait également influencer la décision
d'abandonner. En effet dans les ménages musulmans par exemple les
risques d'abandons sont généralement élevés en
particulier pour les filles. De même le lien de parenté de
l'enfant avec le chef de ménage peut largement influencer la
décision d'abandonner. On remarque en effet que les enfants entretenant
des relations différentes de celle de père-enfant ou
mère-enfant avec le chef du ménage dans lequel ils vivent tendent
le plus souvent à vite décrocher.
Sur la base de toutes ces observations nous formulons les
hypothèses suivantes :
H1 : L'achèvement scolaire des enfants
varie en fonction des régions de résidence et du milieu de
résidence ;
H2 : Le lien de parenté de l'enfant avec
le chef de ménage influence l'achèvement ;
H3 : La religion du chef de ménage
influence l'achèvement ;
H4 : La situation d'activité de l'enfant
influence l'achèvement ;
Ces hypothèses trouvent leur justification des
résultats des précédentes enquêtes
déjà menées sur le territoire national notamment
l'enquête ECAM 2 réalisée en 2001. En effet, les
répartitions des individus ayant abandonné leurs études au
primaire en 2001 selon tour à tour la région de résidence,
le milieu de résidence, la religion du chef de ménage et la
situation d'activité de l'individu nous permettent de penser que le
phénomène d'achèvement varierait selon les
différents susmentionnés en hypothèses (pour les
répartitions, voir Tableaux A1, A2, A3 et A4 en annexe).