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Le politique et l'écriture a travers La vie et demie de Sony Labou Tansi sous la supervision de prof. Josias Semujanga

( Télécharger le fichier original )
par Emmanuel NDUNGUTSE
Université Nationale du Rwanda - Licence en Langue et Litterature francaise 2001
  

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CHAP. II DE L'HISTOIRE POLITIQUE AUX STRUCTURES NARRATIVES

II.0. Introduction

Nous connaissons jusque maintenant que Sony Labou Tansi, à travers La Vie et demie, comme les autres romanciers negro-africains d'expression française de son temps, se révolte contre les nouveaux maîtres qui ont remplacé le colonisateur. Il veut dénoncer les abus perpétrés par ceux-ci qui se soucient peu du peuple et de sa misère. Cette révolte contre le pouvoir en place de ce temps, oblige à Sony Labou Tansi de se révolter contre beaucoup de pratiques sociales, jusqu'à rompre avec les anciennes règles de la composition. SEWANOU Dabla nous résume clairement cette rupture avec une tradition scripturale dans ces mots :

« L'enchaînement, le refus d'asseoir les personnages sur l'opposition manichéenne, le rôle du voyage qui ne sert plus à avancer le récit mais qui prend plutôt l'allure d'une errance circulaire, le manque de dénouement au récit, les prolepses sont reléguées dans le passé précédent tout discours ; les analepses évoquent juste un souvenir ; elles ne décrivent pas les faits. Les inclusions de l'auteur se chargent des prises de position proprement dite ; le recours de l'oralité par l'exploitation des mythes, le merveilleux traditionnel prend les dimensions qui situent le récit en marge de la perspective réaliste ; le gigantisme des personnages et de leur action relèvent d'un monde d'un autre ordre ; le temps n'est plus qu'une durée vague sans contours apparents malgré les apparences qu'il présente par des annotations évoquant une durée objective ; il évoque un cercle mythique de temps héroïques relaté dans les récits traditionnels »29(*).

Cette rupture de Sony Labou Tansi avec les règles classiques, à travers cette oeuvre se justifie par le fait qu'elle se classe parmi les romans dits « nouveaux romans30(*) africains ». Et les romans rangés sous cette rubrique naissent pour dénoncer vigoureusement les crimes des régimes dictatoriaux, l'oppression du peuple, celle de la femme, ... Leur objectif est de rompre avec le passé.

Illustrons encore cette rupture avec les propos de Désiré NKIZAMACUMU selon qui :

« La violence à exprimer, ainsi que le souci de libération et de changement qui anime l'écrivain, entraînent une rupture avec la tradition et le passé qui se manifeste d'une manière distinctive au niveau structural des catégories discursives. On aboutit à une écriture souvent non conforme aux usages courant du genre romanesque de la langue française »31(*).

A cet effet, pour mieux saisir l'histoire de La Vie et demie ayant des aspects politiques que nous avons mentionnés et la rupture en matière discursive et narrative qui en découle, nous allons présenter au cours de ce chapitre, les parcours narratifs et les différents personnages qui s'y greffent. Ensuite, nous dégagerons l'intrigue générale. Ensuite, nous analyserons les structures narratives proprement dites de La Vie et demie en commençant par l'univers temporel et l'espace narratif dans lequel l'histoire politique est livrée au lecteur. Et pour terminer, une étude sur le narrateur sera indispensable pour voir comment cette histoire est transmise au lecteur.

II.1 L'histoire dans La Vie et demie

II.1.1 Les parcours narratifs

Quand l'histoire commence dans La Vie et demie, deux parcours narratifs se construisent à partir d'une même quête bien précisée à savoir le pouvoir politique, domine la vie politique et économique. Le premier parcours est celui de Ramoussa et son groupe, tandis que le second est celui de Marbiana ABENDOTI dit Martial, lui aussi avec son groupe.

Le parcours de Ramoussa, sans être trop large, est suivi dès l'abord par Ramousa lui-même qui est le guide providentiel, puis par ses successeurs au trône ayant un même objet comme nous l'avons montré, c'est-à-dire conquérir la vie politique et économique de la République fictive de la Katalamanasie. Dans cette entreprise, Ramoussa et ses successeurs sont soutenus par la puissance étrangère qui vient souvent pour régler les conflits entre les prétendants au trône présidentiel en Katalamanasie.

Pour se maintenir au pouvoir, Ramoussa et son groupe usent de la dictature et de la violence pour freiner quiconque tenterait d'entrer dans son circuit. C'est pour cette raison d'ailleurs que le roman s'ouvre sur un meurtre ignoble c'est-à-dire l'exécution barbare de Martial et s'enchaîne sur d'autres meurtres sans fin :

« Voici, l'homme, dit le lieutenant [...] le guide providentiel lui ordonna d'attendre un instant [...] s'approchant des neuf loques humaines que le lieutenant avait poussées devant lui en criant son amer « voici l'homme », le Guide Providentiel eut un sourire très simple avant de venir enfoncer le couteau de table qui lui servait à déchirer un gros morceau de la viande vendu aux quatre saisons [...] Le Guide Providentiel enfonça le couteau de table dans l'un puis dans l'autre oeil, il en sortit une gelée noirâtre, qui coula sur les joues et dont les deux larmes se rejoignirent dans la plaie de la gorge. La loque-père continuait à respirer comme un homme qui vient de finir l'acte [...] Le Guide providentiel fit chercher son propre PM où pendait un petit paquet fleuri de peau de tigre et de trois plumes de colibri. Il planta le canon de l'armée au milieu de front de la logue-père [...] Il tira un chargeur. Il tira un deuxième chargeur à l'endroit exact où il devinait le coeur de la loque-père » (V.D. : 11-14).

A côté de ce parcours dictatorial de Ramoussa et son groupe se greffe un autre qui complète, mais différent du premier. Il s'agit, en fait, de celui d'un groupe de personnages représenté par MARBIANA ABENDOTI dit Martial. Ce groupe de Martial, comme nous l'observons dans La Vie et demie, veut opposer une justice sociale à la dictature du Guide. Dans cette entreprise, il s'appuie sur la volonté du peuple. Ce dernier se mobilise pour soutenir Martial afin d'assiéger le pouvoir politique des guides.

Tout au début, Martial réagit contre le pouvoir établi en Katalamanasie. Il est déclaré ennemi national par Obramousando Mbi. Ce guide se réserve le droit de le tuer comme il le fait toujours, mais Martial refuse de mourir, car il continue à exister après sa mort physique. Il revient souvent pour déranger le guide et lui rappeler que le peuple est assez rassasié de son pouvoir oppressif.

Par la suite, Martial sera aidé dans son projet par sa fille Chaïdana qui va se prostituer afin de pouvoir trouver l'occasion d'empoisonner les hauts dirigeants de la Katalamanasie et les éliminer tous. Quand celle-ci est tuée, elle se transforma en une femme rebelle « Chaïdana-aux-gros-cheveux. Celle-ci se transforme à son tour en une petite tigresse qui se dit petite fille de Chaïdana la première. Et plus tard, le combat va se poursuivre et il sera repris par les groupes de Jean de la Série C.

Ce combat de Martial qui continue sans relâche même après sa mort, n'est pas un fait de hasard, mais une action symbolique et significative pour les pays où règne la dictature, car Martial selon Josias SEMUJANGA :

« en refusant de mourir par le couteau ou par l'une des armes à feu que lui présente le guide providentiel [...] symbolise la Rébellion à laquelle aucune dictature ne peut venir à bout, car toute la descendance de Martial continuera à lutter contre la dictature, de Chaïdana (sa fille) à Chaïdana aux-gros-cheveux (sa petite fille) jusqu'aux Trente Jean de la série C (ses arrière-petits-fils) »32(*).

Il est bien clair que ce parcours narratif de Martial s'inscrit dans le cadre d'établir une équité entre le peuple comme nous le remarquons toujours avec SEMUJANGA qui affirme que :

« Derrière le programme narratif de Martial se lit en filigrane l'idéologie marxiste d'une société sans classe. Martial et plus tard sa fille Chaïdana luttent pour leur survie pour assurer le respect de la vie du peuple et pour faire face à la bestialité causée par le pouvoir coercitif du Guide providentiel »33(*).

Ainsi, retenons pour clore ce point que nous remarquons deux parcours narratif dans La Vie et demie, qui se complètent et ont une même quête à savoir le pouvoir politique ; ces deux parcours sont suivis de différents personnages dans le même récit. Nous comptons alors éclaircir et compléter cette démonstration par une autre étude des personnages qui va permettre de mieux saisir la portée du récit au niveau de l'histoire narrée. Les personnages régissent l'univers de l'action dans la mesure où ils créent et conduisent l'histoire du récit jusqu'au dénouement.

* 29 SEWANOU, Dabla, cité par DROCELLA, M. RWANIKA, L'inscription féminine : le roman de Sony Labou Tansi, Kinshasa, éd. Anthologie, 1997, p. 6.

* 30 Signalons que ce terme « nouveau roman » est déjà connu en France depuis les années cinquante. Ceci apparaît comme la résonance littéraire à la décadence sociale des années trente et quarante-cinq en France. Les romanciers de cette lignée visent le renouvellement du genre romanesque. Notons aussi que les grands représentants de cette tendance en France sont Robbe-Grillet, Michel Butor, Nathali Sarraute, Claude Simon et Robert Pinget.

* 31 NKIZAMACUMU, D., cité par BIZIMUNGU, C., Op. cit., p. 55.

* 32 SEMUJANGA, J., Dynamiques des genres dans le roman africain : Eléments de poétique transculturelle, Paris, l'Harmattan, 1999, p. 143.

* 33 Idem, p. 133.

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