I.4.1.3 La corruption
Dans son roman, Sony Labou Tansi retrace une
société complètement corrompue. Tous les secteurs de la
vie communautaire de la Katalamanasie sont touchés par ce méfait
qui est devenu monnaie courante.
Le premier secteur touché par la corruption est celui
de l'enseignement. Les enfants des parents riches montent de classe sans
difficultés quel que soit leur niveau. Les bonnes notes ne sont pas le
critère de réussite pour ces enfants. Dès leur
scolarité primaire, ils ont l'assurance d'obtenir leur diplôme
sans fournir aucun effort. A cause de cela, la médiocrité
s'installe dans les écoles où la consommation des boissons
alcoolisées se pratique pendant les heures de cours. Les professeurs
sont alors tenus à respecter cette consigne qui veut que les enfants des
hauts placés aient toujours la meilleure note. Ceux qui veulent faire
régner la justice et l'équité dans leurs classes sont
punis sérieusement. Ils sont envoyés dans des écoles de
brousse où des conditions de travail sont désastreuses.
« Elle se rappela cette année où
Bébé-Hollandais avait donné un zéro à
l'enfant du maire de Yourma ; l'affaire s'était gâtée
et Bébé avait été envoyé avec sa philosophie
dans la forêt du Darmelia comme professeur de français au
collège, dans un centre d'attraction pour les
pygmées » (V.D. : 31).
La corruption est un droit de chacun et ceux qui
évitent ce défaut sont considérés comme anormaux.
Dans cette société où toute personne est corrompue, le
modèle de réussite sociale, c'est la vie des
« V.V.V.F. » pour signifier « Villa, Voiture, Vin
et Femmes ». Les plus corrompus apprennent aux non-initiés la
voie malhonnête du succès. La corruption est conseillée
pour devenir riche sans difficulté.
Le secteur de l'éducation n'est pas le seul à
être corrompu. La santé est aussi touchée. Le
Ministère de la santé, le docteur Tchi parvient à
s'enrichir illicitement. Il vend les médicaments, falsifie les chiffres
parce qu'un ministre est formé de 20% des dépenses de son
ministère. Au bout de 4 ans, après avoir suivi scrupuleusement
les conseils de son ami CHAVOUALA, ministre de l'Education, le docteur Tchi
commence à chercher des maîtresses pour lesquelles il construit
des villas et mène une vie « digne » d'un
ministre.
« Le Docteur Tchi, comme on l'appelait à
cette époque, mena la vie des VVVF qu'on appelait la vie avec trois V.
Il construisit quatre villas, acheta une voiture à huit belles filles.
Il construisit la maison pour deux maîtresses »
(V.D. : 36).
L'administration n'est pas non plus épargnée de
ce fléau de corruption. Les chefs usent du pouvoir comme ils veulent
suivant leurs intérêts. Obramoussando Mbi, le chef suprême
de l'Etat, change son identité la veille de son mariage avec
Chaïdana. Celle-ci devient mademoiselle Ayele née en Katalamanasie
maritime d'un riche commerçant de poissons et d'une institutrice, alors
que nous savons très bien qu'elle est fille de Martial, ancien
prêtre du prophète Mouzediba :
« Le lendemain soir, la voix de la
République démocratique Katalamanasienne annonçait le
mariage prochain du Guide Providentiel [...] avec la plus belle fille de la
Katalamanasie et donna les informations biographiques des deux fiancés.
Le curriculum vitae de Mlle Ayele la faisait naître en Katalamanasie
maritime d'un riche commerçant en poissons et d'une institutrice [...]
et tout le monde savait par coeur où était né le guide
providentiel [...], mais le commentateur refit les éloges de Samafou
Ndolo Petar qui leur avait rempli de meilleurs dons du monde »
(V.D. : 52).
Un autre abus qui vient se greffer à la corruption et
qui paralyse le pouvoir politique est le détournement des fonds
publics.
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