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La protection juridique des populations civiles dans les conflits armés internes

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par Jean Paul Malick Faye
Université Gaston Berger de Saint- Louis - Maitrise  2009
  

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B/ La distinction entre biens à caractère civil et objectifs militaires

Les parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre les biens à caractère civil et les objectifs militaires. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des objectifs militaires. Les attaques ne doivent pas être dirigées contre des biens à caractère civil. Il convient toutefois de préciser ce qui constitue un bien civil et un objectif militaire.

L'obligation de distinguer entre les biens civils et les objectifs militaires n'est pas mentionnée dans le P.2. Néanmoins l'article 14 protége « les biens indispensables à la survie de la population », en interdisant d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation.

L'article 15 protége « les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses ». Il dispose à cet effet que « les ouvrages d'art ou les installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergie électrique, ne seront pas l'objet d'attaques, même s'ils constituent des objectifs militaires, lorsque ces attaques peuvent entraîner la libération de ces forces et causer, en conséquence, des pertes sévères dans la population civile.

Et enfin l'article 16 protége les biens culturels et les lieux de culte : « sous réserve des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, il est interdit de commettre tout acte d'hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et de les utiliser à l'appui de l'effort militaire ».

Cet article s'inscrit dans les dispositions spécifiques de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels, qui protégent les biens (...) qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples et qui introduit un signe distinctif spécifique pour identifier ces biens39(*). L'article premier de la convention donne une définition plus large des biens culturels.

Le droit coutumier actuel exige que ces objets ne soient pas attaqués, ni employés à des fins qui pourraient les exposer à la destruction ou à des dommages, sauf en cas de « nécessite militaire impérieuse ». Elle interdit aussi toute forme de vol, de pillage ou de détournement ainsi que tout acte de vandalisme à l'égard de ces biens.

Le deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels utilise le principe de la distinction entre biens de caractère civil et objectifs militaires comme base pour définir la protection due aux biens culturels dans les conflits armés non internationaux. Il établit à cet effet les conditions dans lesquelles une dérogation sur le fondement d'une « nécessite militaire impérative » peut être invoquée. Ainsi aux termes de l'article 6 :

 a) une dérogation sur le fondement d'une nécessité militaire impérative ne peut être invoquée pour diriger un acte d'hostilité contre un bien culturel que lorsque et aussi longtemps que : ce bien culturel, par sa fonction, a été transformé en objectif militaire, et il n'existe pas d'autre solution pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire équivalant à celui qui est offert par le fait de diriger un acte d'hostilité contre cet objectif ;

b) une dérogation sur le fondement d'une nécessité militaire impérative ne peut être invoquée pour utiliser des biens culturels à des fins qui sont susceptibles de les exposer à la destruction ou à la détérioration que lorsque et aussi longtemps qu'aucun choix n'est possible entre une telle utilisation des biens culturels et une autre méthode pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire équivalent ;

c) la décision d'invoquer une nécessité militaire impérative n'est prise que par le chef d'une formation égale ou supérieure en importance à un bataillon, ou par une formation de taille plus petite, lorsque les circonstances ne permettent pas de procéder autrement ;

d) en cas d'attaque fondée sur une décision prise conformément à l'alinéa a), un avertissement doit être donné en temps utile et par des moyens efficaces, lorsque les circonstances le permettent.

Le statut de la CPI ne définit pas explicitement les attaques contre des biens de caractère civil comme un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux. Il définit cependant la destruction des biens d'un adversaire comme un crime de guerre, sauf si ces destructions sont «impérieusement commandées par les nécessités du conflit»40(*). Par conséquent, une attaque contre un bien de caractère civil constitue un crime de guerre au regard du Statut dans la mesure où elle n'est pas impérieusement commandée par les nécessités du conflit. Autre point pertinent : le Statut définit les attaques contre les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix comme un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux, pour autant que ces objets «aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux (...) biens de caractère civil»41(*).

Selon la pratique des États, les zones civiles, villages, villes, zones résidentielles, habitations, bâtiments et maisons et écoles, les moyens de transport civil, les hôpitaux, établissements sanitaires et formations sanitaires, monuments historiques, lieux de culte et biens culturels ainsi que le milieu naturel sont à priori considérés comme des biens de caractère civil, à condition, en dernière analyse, qu'ils ne soient pas devenus des objectifs militaires. Les attaques signalées contre de tels biens ont généralement été condamnées.

La distinction entre biens civils et objectifs militaires, n'interdit que les attaques directes contre les biens de caractère civils et ne traite pas de la question des dommages, causés incidemment par des attaques dirigées contre des objectifs militaires. Une attaque qui porte atteinte à des biens de caractère civil, n'est pas illégale dans la mesure où elle est dirigée contre un objectif militaire, et où les dommages causés incidemment aux biens civils ne sont pas excessifs. Cette idée est reflétée par les mots «attaques dirigées contre». Néanmoins la distinction entre biens civils et objectifs militaires implique nécessairement le respect du principe des précautions dans l'attaque, de l'interdiction des attaques sans discrimination, à l'instar de la distinction entre civils et combattants.

Il convient de préciser que les biens de caractère civil sont protégés contre les attaques, sauf s'ils constituent des objectifs militaires et aussi longtemps qu'ils le demeurent. La perte de protection des biens de caractère civil doit être lue conjointement avec la règle fondamentale qui stipule que seuls les objectifs militaires peuvent faire l'objet d'attaques. Il s'ensuit que lorsqu'un bien de caractère civil est employé de manière telle qu'il perd son caractère civil et acquiert le statut d'objectif militaire, il peut être l'objet d'une attaque. On retrouve ce raisonnement dans le Statut de la CPI, qui définit comme crime de guerre le fait de lancer des attaques délibérées contre des biens civils, à condition qu'ils «ne soient pas des objectifs militaires»42(*).

En ce qui concerne les objectifs militaires, ils sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis.

Bien que cette définition des objectifs militaires n'ait pas été incluse dans le P.2, elle a été incorporée par la suite dans des traités applicables dans des conflits armés internes, à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié et le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels43(*). Elle figure aussi dans le Protocole III à la Convention sur les armes classiques, qui a été rendu applicable aux conflits armés non internationaux par un amendement à l'article premier de la Convention, adopté par consensus en 200144(*).

Comme exemples d'objectifs militaires on peut citer les établissements, bâtiments et positions dans lesquels sont stationnés des combattants ennemis, leur matériel et leurs armes, ainsi que les moyens de transport et de communication militaires. Pour ce qui est des installations à usage militaire et civil - comme les moyens de transport et de communication civils qui peuvent être utilisés à des fins militaires -, la pratique considère que leur classification dépend en dernière analyse de l'application qui est faite de la définition de l'objectif militaire. Les objectifs économiques qui soutiennent effectivement des opérations militaires sont aussi des objectifs militaires, à condition que leur attaque apporte un avantage militaire indéniable.

Le principe de la distinction en général pose d'énormes difficultés dans les conflits internes en ce qui concerne notamment la définition des objectifs militaires, surtout quand il s'agit d'une guerre urbaine. Les opérations militaires au sol en milieu urbain sont particulièrement complexes : ceux qui se défendent contre une attaque bénéficient d'innombrables positions de tir et peuvent lancer une attaque n'importe où et à tout moment. La peur d'une attaque surprise est susceptible d'entraver la capacité des forces armées de l'attaquant à identifier correctement les forces ennemies et les objectifs militaires, et à évaluer les pertes civiles et les dommages contre des biens civils qui pourraient incidemment résulter de ses opérations. De même, les tirs d'artillerie et les bombardements aériens contre des objectifs militaires situés dans des villes sont compliqués, car ces objectifs se trouvent à proximité de la population civile et des biens de caractère civil.

Ces difficultés s'aggravent davantage encore quand les acteurs armés ne se distinguent pas de la population civile, comme c'est le cas lors de la conduite d'opérations militaires clandestines ou secrètes ou quand des personnes agissent comme « paysans le jour et combattants la nuit ». Par conséquent, les civils pacifiques sont plus susceptibles d'être pris pour cible par erreur, gratuitement ou de façon arbitraire, alors que les membres des forces armées, incapables d'identifier correctement leurs adversaires, courent un risque croissant d'être attaqués par des personnes qu'ils ne peuvent pas distinguer des civils pacifiques - tout en ayant l'obligation (ils on dû être formés à cet effet) de protéger les civils.

Ces difficultés font peser de sérieuses menaces sur les règles découlant du principe de la distinction, c'est pourquoi les méthodes et moyens de combat doivent être limités pour une meilleure protection des populations civiles (paragraphe 2).

* 39 Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels, art.4.

* 40 Statut de la CPI, art.8 par.2, al. e) xii).

* 41 Statut de la CPI, art.8, par.2, al. e) iii).

* 42 Statut de la CPI, art. 8, par. 2 al. e) iv).

* 43 Protocole II à la convention sur les armes classiques, tel qu'il a modifié (1996), art. 2, par.6 ; deuxième protocole relatif à la convention de la Haye pour la protection des biens culturels (1999), art. premier, par. 6.

* 44 Protocole III à la convention sur les armes classiques (1980), art. premier, par. 3.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault